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03/11/2006 | SUISSE | N°6P.162/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 novembre 2006, 6P.162/2006


{T 0/2}6P.162/20066S.328/2006 /rod Arrêt du 3 novembre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffier: M. Vallat. X. ________,recourant, représenté par Me Jérôme Campart, avocat, contre Y.________,intimé, représenté par Me Charles Munoz, avocat,Ministère public du canton de Vaud, case postale, 1014 Lausanne,Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, rte du Signal8, 1014 Lausanne. 6P.162/2006Procédure pénale; arbitraire, principe "in dubio pro reo", présomptiond'innocence 6S.328/2006Fixation de la peine (lésions corpor

elles graves), recours de droit public (6P.162/2006) et pourvoi ...

{T 0/2}6P.162/20066S.328/2006 /rod Arrêt du 3 novembre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffier: M. Vallat. X. ________,recourant, représenté par Me Jérôme Campart, avocat, contre Y.________,intimé, représenté par Me Charles Munoz, avocat,Ministère public du canton de Vaud, case postale, 1014 Lausanne,Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, rte du Signal8, 1014 Lausanne. 6P.162/2006Procédure pénale; arbitraire, principe "in dubio pro reo", présomptiond'innocence 6S.328/2006Fixation de la peine (lésions corporelles graves), recours de droit public (6P.162/2006) et pourvoi en nullité (6S.328/2006)contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassationpénale, du 8 mars 2006. Faits: A.Par jugement du 28 octobre 2005, le Tribunal correctionnel de l'Est vaudois àVevey a reconnu X.________, citoyen portugais né en 1980 au Mozambique,coupable de lésions corporelles graves (art. 122 ch.1 CP). Il l'a condamné àdeux ans d'emprisonnement ainsi qu'à six ans d'expulsion du territoire suisseavec sursis; il a en outre révoqué le sursis pour une peine de quinze joursd'emprisonnement. Enfin, il a condamné X.________ à payer, solidairement avecle coaccusé Z.________, 10'000 francs à titre d'indemnité pour tort moral et360francs à titre de dommages-intérêts à la victime Y.________, auquel il apour le surplus donné acte de ses réserves civiles. B.L'état de fait sur lequel est fondé la condamnation est en résumé le suivant: Le 7 septembre 2002, X.________, Z.________ et le mineur B.________ ont prisavec deux chiens de races Bull Terrier et Pit Bull le train pour Payerne. AMoudon, Y.________, âgé de 28 ans, est monté dans le train pour y rejoindreson amie C.________, installée dans le même wagon que X.________ et ses deuxacolytes. B.________ s'est mis à importuner C.________ de manière grossière.Y.________ et C.________ ont alors changé de wagon. Toutes ces personnes ont quitté le train à Payerne. Dans le passagesous-voie, B.________ a recommencé à importuner C.________. Y.________ s'estfâché et est intervenu pour mettre un terme à ces agissements. X.________ etZ.________ se sont alors mêlés à la dispute. Un échange de coups s'en estsuivi. X.________ a sorti un couteau suisse, a ouvert la plus grande lame eta donné plusieurs coups à Y.________. Un coup de couteau a touché Y.________ au flanc droit; la lame a traversé laparoi abdominale, passé à proximité de la rate et perforé la paroi gastriqueet l'estomac, provoquant un saignement important et un début d'irritationpéritonéale. Un second coup a atteint Y.________ à la face interne du brasdroit. Trois ans après les faits, il en subsiste des séquelles physiquesempêchant Y.________ d'exercer les travaux de force nécessaires dans saprofession de maçon, ainsi que des séquelles psychologiques importantes. MaisY.________ souffre aussi de séquelles dues à son passé de toxicomane. Il aété provisoirement reconnu invalide à 57% dès le 1erseptembre 2003. C.Par arrêt du 8 mars 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonalvaudois a rejeté le recours en nullité et en réforme interjeté par X.________et a confirmé le jugement rendu contre lui. D.X.________ a interjeté un recours de droit public et un pourvoi en nullité.Il a requis l'assistance judiciaire. Le Ministère public et Y.________ ont été invités à se déterminer sur lerecours de droit public. Ils ont conclu au rejet. Le Tribunal fédéral considère en droit: I. Recours de droit public 1.Deux avis médicaux sur les blessures subies par la victime figurent audossier: un rapport de l'Institut de médecine légale de Lausanne (IUML),établi le 12 septembre 2002 à la demande du juge d'instruction, et un rapportdu 27 février 2003 également établi à la demande du juge d'instruction parl'Hôpital intercantonal de la Broye où la victime a été soignée. Le premierretient que la vie de la victime a été mise en danger par le coup de couteaudans le flanc, le second que la vie de la victime n'a pas été menacée. La condamnation du recourant est fondée sur le premier rapport. Le recourantcritique ce choix sous divers aspects. Il se plaint notamment d'une violationde la garantie d'être traité sans arbitraire par les organes étatiques (art.9 Cst.).1.1 Le Tribunal correctionnel a relevé les divergences entre les deuxrapports, mais a retenu sans autre explication qu'il fallait privilégierl'avis des experts de l'IUML à celui des médecins payernois. Dans son recours en nullité, le recourant n'a, comme l'a relevé le Tribunalcantonal, pas soulevé de grief portant sur cette question. Se prononçantensuite sur le recours en réforme, le Tribunal cantonal a précisé quel'appréciation d'avis médicaux est une question de fait qui ne pouvait pasêtre mise en cause dans ce cadre et qu'il fallait donc considérer en l'espèceque la vie de la victime avait été mise en danger. S'il en était resté là,cela aurait signifié que la question de l'appréciation des expertises n'avaitpas été soumise à l'autorité cantonale de dernière instance; il en eûtdécoulé qu'elle ne pouvait pas être soulevée devant le Tribunal fédéral fauted'épuisement des instances cantonales (cf. TF, 6P.70/2003 c. 1 et 2, in JT2003 III 81). Toutefois, le Tribunal cantonal s'est ensuite malgré tout demandé si lerecourant n'entendait quand même pas faire valoir un moyen de nullité surcette question. Sans trancher formellement, il s'en est saisi et a jugé qu'iln'y avait pas eu arbitraire à privilégier l'avis des experts puisque,précisément, ils étaient experts, contrairement aux autres médecins. Il a enoutre relevé que les experts avaient eu connaissance de l'avis des médecinspayernois et que leur rapport était nettement plus documenté. Le Tribunal cantonal s'est ainsi finalement prononcé sur la question del'appréciation arbitraire des avis médicaux. Le recourant est partanthabilité à soulever ce grief devant le Tribunal fédéral. 1.2 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., nerésulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer enconsidération ou même qu'elle serait préférable. Une décision n'est annuléepour cause d'arbitraire que lorsque elle est manifestement insoutenable,qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elleviole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encorelorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et del'équité. Il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, ilfaut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. Lorsque la partie recourante s'en prend à l'appréciation des preuves et àl'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que si le juge n'amanifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si, surla base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables, ouencore s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyenimportant propre à modifier la décision attaquée (ATF 129 I 8 c. 2.1).Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une expertise,lorsque l'autorité cantonale juge celle-ci concluante et en fait sien lerésultat, le Tribunal fédéral n'admet le grief d'appréciation arbitraire quesi l'expert n'a pas répondu aux questions posées, si ses conclusions sontcontradictoires ou si, d'une quelconque autre façon, l'expertise est entachéede défauts à ce point évidents et reconnaissables, même sans connaissancesspécifiques, que le juge ne pouvait tout simplement pas les ignorer. Iln'appartient pas au Tribunal fédéral de vérifier si toutes les affirmationsde l'expert sont exemptes d'arbitraire; sa tâche se limite bien plutôt àexaminer si l'autorité intimée pouvait, sans arbitraire, se rallier aurésultat de l'expertise. 1.3 Une lésion corporelle est grave notamment lorsque la victime a étéblessée de façon à mettre sa vie en danger (art. 122 al. 1 CP). Cela supposeune blessure créant un danger immédiat de mort; la blessure subie doit êtretelle qu'à un certain moment, une issue fatale ait pu survenir, qu'elle acréé un état dans lequel la possibilité de la mort s'impose de manière tellequ'elle est vraisemblable, sérieuse et proche (ATF 131 IV 1 c. 1.1, 125 IV242 c. 2b/dd, 124 IV 53 c. 2, 109 IV 18 c. 2c). Pour trancher la question, ilne faut pas analyser le comportement dangereux adopté par l'auteur de lablessure, comme en cas de mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP),mais bien la nature de la blessure effectivement causée (ATF 124 IV 53 c. 2). 1.4 Il n'y a pas d'arbitraire à se fonder sur l'avis de l'expert judiciaireplutôt que sur celui d'une autre personne, fut-elle compétente en la matière.Cela ne vaut toutefois que pour autant qu'il n'existe pas de motifs sérieuxde douter du bien-fondé de l'avis de l'expert judiciaire. Le juge n'est doncpas dispensé d'examiner celui-ci et de prendre, le cas échéant, enconsidération l'avis divergent. Les deux avis figurant au dossier décrivent la blessure causée par le coup decouteau dans le flanc. Dans l'avis de l'Hôpital intercantonal de la Broyesigné par le médecin chef de service, il est notamment précisé qu'àl'admission, la victime ne présentait pas de signe d'hémorragie massive,qu'aucun organe vital n'avait été touché, que la musculature de la paroiabdominale avait subi une lésion et l'estomac une entaille avec perforationlégère. L'IUML pour sa part, sous la signature du chef de clinique, anotamment relevé une perforation de la paroi abdominale dont la trajectoirepasse à proximité de la rate, avec comme seule lésion notable un orifice dela paroi gastrique mesurant environ un demi-centimètre. Il ne semble pas yavoir de différences notables entre les deux descriptions. Les réponses à la question de la mise en danger de la vie de la victime parcontre divergent. Le médecin de l'Hôpital intercantonal de la Broye a retenu,sans autre démonstration, que la vie de la victime n'avait pas été menacée.L'IUML a, en revanche, estimé que la vie de la victime avait été mise endanger. Il donne deux motifs: l'arme blanche utilisée a failli toucher desstructures importantes, notamment la rate, et il y avait risque d'unepéritonite qui est mortelle sans traitement. L'IUML se fonde d'une part sur le fait que la rate aurait pu être touchée parla lame. Mais ce fait ne se rapporte pas à la blessure effectivement subie.L'expert décrit une blessure qui aurait pu être causée en l'espèce, mais quine l'a pas été; cet élément est uniquement pertinent pour juger ducomportement de l'auteur et donc d'une éventuelle mise en danger de la vie ausens de l'art. 129 CP. L'IUML relève d'autre part le risque de péritoniteentraînant la mort si elle n'est pas traitée; mais il ne dit pas que cedanger de mort était imminent dans le cas d'espèce. Ces éléments font sérieusement douter du fait que l'IUML se soit, dans sonrapport, fondé sur une notion correcte du danger de mort au sens de l'art.122 CP. L'autorité cantonale ne pouvait en conséquence suivre son avis sansle discuter. Que le cas échéant, à défaut de lésion corporelle grave, lerecourant pourrait être poursuivi pour mise en danger de la vie d'autrui,comme le relève à bon escient l'intimé, n'y change rien. 2.Il s'ensuit l'admission du recours de droit public et l'annulation de l'arrêtattaqué. Il se justifie de ne pas prélever de frais (art. 156 al. 1 OJ). Le canton deVaud versera au recourant une indemnité adéquate à titre de dépens (art. 159al. 2 OJ). La requête d'assistance judiciaire du recourant est sans objet. II. Pourvoi en nullité 3.Le pourvoi est sans objet ensuite de l'annulation de l'arrêt attaqué. Iln'est pas prélevé de frais, ni alloué d'indemnité. Le recourant a soulevé, dans son pourvoi, deux griefs. Le premier, qui atrait à la fausse application de l'art. 122 al. 1 CP, repose sur la prémisseque la vie de la victime n'a pas été mise en danger et s'écarte, partant, del'état de fait retenu par la cour cantonale. Le second tend à démontrer quela quotité de la peine a été fixée arbitrairement, principalement en ce quela cour cantonale n'aurait pas examiné la possibilité de prononcer une peinecompatible avec le sursis. Le pourvoi apparaissait ainsi d'emblée dépourvu dechances de succès (art. 105 al. 2 OJ; ATF 127 IV 97 consid. 3 p. 100 s.), sibien que la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 152 al.1et 2 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: I. Recours de droit public 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.Le canton de Vaud est astreint à verser une indemnité de 2000 francs aurecourant. 3.Il n'est pas perçu de frais. 4.La requête d'assistance judiciaire est sans objet. II. Pourvoi en nullité 5.Le pourvoi est sans objet 6.La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 7.Il n'est pas perçu de frais ni alloué d'indemnité. 8.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, auMinistère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour decassation pénale. Lausanne, le 3 novembre 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.162/2006
Date de la décision : 03/11/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-11-03;6p.162.2006 ?
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