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27/10/2006 | SUISSE | N°4C.247/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 octobre 2006, 4C.247/2006


{T 0/2}4C.247/2006 /ech Arrêt du 27 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffière: Mme Aubry Girardin. X. ________ S.A.,défenderesse et recourante, représentée par Me Eric Hess, contre Y.________,demanderesse et intimée, représentée par Me Florian Baier, Caisse Z.________,intervenante et intimée. contrat de travail; licenciement immédiat (recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction desprud'hommes genevoise du 6 juin 2006). Faits: A.Née en 1976, Y.________ a été engagée pour une durée indéterminée en qu

alitéde femme de chambre à l'hôtel A.________ dès le 1er février 20...

{T 0/2}4C.247/2006 /ech Arrêt du 27 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffière: Mme Aubry Girardin. X. ________ S.A.,défenderesse et recourante, représentée par Me Eric Hess, contre Y.________,demanderesse et intimée, représentée par Me Florian Baier, Caisse Z.________,intervenante et intimée. contrat de travail; licenciement immédiat (recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction desprud'hommes genevoise du 6 juin 2006). Faits: A.Née en 1976, Y.________ a été engagée pour une durée indéterminée en qualitéde femme de chambre à l'hôtel A.________ dès le 1er février 2002 par lasociété B.________ S.A. Son salaire mensuel brut s'élevait à 3'300fr. pourun emploi à plein temps. Y. ________ était une excellente travailleuse, mais avait un caractère bientrempé. Au début du mois de février 2004, B.________ S.A. a décidé de sous-traiter leservice des chambres et de portier de l'hôtel A.________ en confiant cettetâche à X.________ S.A. Un transfert portant sur 12 employés de B.________S.A., dont faisait partie Y.________, a été convenu, sans perte de droitspour le personnel transféré. Les employés repris ont continué à être occupésdans les étages de l'hôtel A.________. Après le transfert de ses rapports de travail, Y.________ a exercé sonactivité sous les ordres de C.________, gouvernante générale. A partir du 9 mars 2004, Y.________ s'est trouvée en incapacité de travail à100 %, puis à 50 % dès le 30 mars 2004. Le 31 mars 2004, elle s'est plainte auprès de son syndicat du fait que laveille, alors qu'elle était au bénéfice d'un certificat d'arrêt maladie à 50%, il lui avait été demandé d'effectuer pour un mi-temps non pas 9chambrescomme convenu, mais 10. Le 1er avril 2004, le syndicat a fait part de cettedoléance à X.________ S.A. et, le même jour, Y.________ a été mise aubénéfice d'un arrêt de maladie à 100 % jusqu'au 19 avril 2004, puis à 50 %jusqu'au 26 avril 2004. Entre la fin du mois d'avril et le début du mois de mai 2004, Y.________ estdevenue enceinte. Elle a été totalement incapable de travailler du 7 au 9 mai 2004. Le 19 mai 2004, elle a appris sa grossesse et en a parlé à ses collègues detravail, ainsi qu'à C.________, mais elle n'en a pas informé la direction deX.________ S.A.Y. ________ a été incapable de travailler à 100 % du 3 au 9 juin 2004. Ellen'a toutefois recommencé son activité que le 11 juin, bien que, depuis laveille, elle eut recouvré sa pleine capacité de travail. Le 15 juin 2006 (recte: 2004), une réunion de la commission chargée d'assurerle suivi des transferts des rapports de travail s'est tenue dans les locauxde l'hôtel A.________. Y.________, qui avait été désignée comme membre decette commission par le personnel, ne s'est pas rendue à la réunion. Lors decelle-ci, l'administrateur de X.________ S.A. a parlé des absences àrépétition de cette employée et de ses difficultés d'intégration dans lanouvelle équipe. Il a appris à cette occasion, par une collègue deY.________, que celle-ci était enceinte. Le 16 juin 2004, l'administrateur de X.________ S.A. a notifié à Y.________la résiliation de ses rapports de travail pour la fin du mois de juillet2004, sans la libérer de son obligation de travailler. Le congé était motivépar les absences de l'employée et des raisons d'organisation. Du 22 juin au 26 (recte: 25) juillet 2004, Y.________ a été incapable detravailler à 100 %. A la suite de la protestation du syndicat et de l'attestation de grossesseremise par Y.________ à son employeur, X.________ S.A. a admis, le 16 juillet2004, la nullité du congé, tout en annonçant son intention de licencierl'intéressée au terme de la période de protection. Depuis le 26 juin (recte: juillet) 2004, Y.________ a été mise au bénéficed'un arrêt de travail à 50 % et n'a travaillé en principe que les matins. Le 12 août 2004, Y.________ a eu une altercation avec une collègue qui venaitd'être engagée et a également fait l'objet d'un contrôle inopiné quant à laqualité de son travail. Le même jour, l'employeur a adressé à Y.________ une lettre d'avertissement,lui reprochant d'avoir mal fait les lits et la poussière et d'avoir manqué derespect envers une collègue de travail. Ce courrier comprenait la menace d'unlicenciement immédiat en cas de récidive. Le 17 août 2004, D.________, cheffe du département hôtellerie de X.________S.A., a convoqué le personnel travaillant à l'hôtel A.________ à une réunionde service prévue à 11 h.45. Comme Y.________ avait fait remarquer qu'elleavait rendez-vous chez son gynécologue à midi, D.________ a avancé l'heure dela réunion, la fixant à 10 h. A l'heure convenue, D.________ est venue chercher Y.________, qui était entrain de faire les chambres. Cette dernière lui a expliqué que, si elledevait participer à la réunion, elle aurait des difficultés à terminer sontravail avant de partir chez le médecin. Face à l'insistance de sa supérieurequi tentait de la prendre au bras, Y.________, irritée, a indiqué qu'ellen'était pas une esclave. Le ton est alors monté de part et d'autre et unevive altercation a suivi. Finalement, Y.________ a respecté l'injonctionreçue et elle s'est rendue avec D.________ au lieu de la réunion où setrouvaient déjà les autres femmes de chambre. La dispute y a continué. A unmoment donné, Y.________, excédée, a levé sa chaussure et a tenté de frapperD.________. Elle en a été empêchée par ses collègues. L'une d'entre elles, nesupportant pas les disputes, a fait un malaise. Y. ________ ne s'est pas sentie bien et une employée ayant assisté àl'altercation a tenté de la calmer, en lui donnant un verre d'eau et en lafaisant s'asseoir sur l'escalier. D.________ a téléphoné à l'assistant dudirecteur de l'hôtel pour qu'il intervienne. Y. ________ s'est rendue dans un petit local de rangement où elle a étérejointe par D.________. La dispute a repris de plus belle, en présence dedeux témoins. La cheffe a sommé Y.________ de partir et lui a précisé qu'iln'était plus nécessaire qu'elle revienne le lendemain. C'est alors queY.________ a jeté le contenu du verre d'eau qu'elle tenait encore à la main àla figure de sa supérieure. Mouillée de la tête à la jupe, D.________ a fondu en larmes et s'estimmédiatement rendue au siège de X.________ S.A., exposant à l'administrateurce qui lui était arrivé. Se sentant humiliée, elle a envisagé de démissionneret a finalement réclamé le licenciement immédiat de l'intéressée. Sur la base de ce récit, l'employeur a décidé de licencier Y.________ aveceffet immédiat et sans l'entendre préalablement, ce qui a été fait par lettredu 17 août 2004. Les motifs invoqués se référaient à l'altercation avec lagouvernante, au jet du verre d'eau au visage de celle-ci et à l'absenced'amélioration du comportement de l'employée malgré le précédentavertissement. Du 19 août 2004 au 6 février 2005, Y.________ a touché des prestations dechômage pour un montant total de 6'017,40 fr. net. Le 20 août 2004, le Syndicat Z.________, agissant pour Y.________, a protestécontre ce renvoi immédiat et contesté les motifs allégués à l'appui de cettemesure. X. ________ S.A. a payé à Y.________ son salaire jusqu'au 17 août 2005(recte: 2004), y compris le pro rata de son droit au 13ème salaire.L'employeur a également versé les indemnités journalières provenant del'assurance perte de gain jusqu'au 17 août 2005 (recte: 2004) et un montantde 2'591,25 fr. à titre de vacances non prises. B.Le 7 octobre 2004, Y.________ a déposé auprès de la juridiction genevoise desprud'hommes une demande en paiement à l'encontre de X.________ S.A. portantsur la somme de 33'000 fr. brut à titre de "salaire-préavis", à laquelles'ajoutait 5'445 fr. brut à titre d'indemnités de vacances, 3'643,75 fr. brutà titre de 13ème salaire et 6'600 fr. net à titre de pénalité au sens del'art. 337c al. 3 CO, plus intérêts moratoires à 5 % dès la date de lademande. La Caisse Z.________ est intervenue et a déclaré se subroger dans les droitsde son assurée à concurrence des prestations de chômage accordées àY.________ à partir du 19 août 2004. En cours de procédure, Y.________ a modifié ses conclusions, demandant lacondamnation de l'employeur à lui verser 15'672,75 fr. brut à titre desalaire, 3'185,95 fr. à titre d'indemnité de vacances, 1'123,35 fr. net àtitre de remboursement des primes de l'assurance perte de gain et 9'000 fr.net à titre de pénalité au sens de l'art. 337c al. 3 CO. Par jugement du 20 octobre 2005, le Tribunal de prud'hommes a déboutéY.________ et la partie intervenante de leurs conclusions, en considérant quel'employeur avait des justes motifs de prononcer un licenciement immédiat. Ila seulement condamné X.________ S.A. à délivrer à l'employée licenciée uncertificat de travail détaillé. Statuant sur appel de Y.________, la Cour d'appel de la juridiction desprud'hommes, par arrêt du 6 juin 2006, a annulé le jugement du 20 octobre2005, exception faite de la condamnation de X.________ S.A. à remettre uncertificat de travail détaillé mentionnant le 30 juin 2005 comme date de findes rapports de travail. Contrairement aux premiers juges, elle a considéréque le licenciement immédiat de l'employée n'était pas justifié, tout enestimant que Y.________ ne pouvait prétendre à une indemnité à ce titre.X.________ S.A. a été condamnée à verser à Y.________ la somme de 6'185,90fr. brut avec intérêt à 5 % l'an dès le 7 octobre 2004, sous déduction descharges sociales et légales, à titre de solde de salaire et 900,50 fr. avecintérêt à 5 % l'an dès le 7 octobre 2004 à titre de remboursement de la primed'assurance perte de gain. X.________ S.A. a également été condamnée à payerà la Caisse Z.________, créancière subrogée, 12'482 fr. net plus intérêt à 5% l'an dès le 1er juillet 2005 correspondant aux indemnités de chômageallouées à Y.________. C.Contre l'arrêt du 6 juin 2006, X.________ S.A. (la défenderesse) interjetteun recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme de ladécision entreprise dans le sens où elle n'est débitrice d'aucun montantenvers Y.________, respectivement envers la Caisse Z.________, ces deuxparties étant déboutées de toutes leurs conclusions à son encontre.Subsidiairement, elle propose le renvoi de la cause à la Cour d'appel pournouvelle décision dans le sens des considérants. Y. ________ (la demanderesse) conclut au déboutement de X.________ S.A. detoutes ses conclusions et à la confirmation de l'arrêt du 6 juin 2006. La Caisse Z.________ (l'intervenante) n'a, pour sa part, formulé aucuneobservation. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Interjeté par la défenderesse, qui a succombé dans ses conclusionslibératoires, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instancecantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le recours porte surune contestation civile (cf. ATF 129 III 415 consid. 2.1) dont la valeurlitigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Il a en outre étédéposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55OJ), de sorte qu'il convient d'entrer en matière. 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peutêtre présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou demoyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dans sa réponse, la demanderesse tend à démontrer le bien-fondé de laposition de la cour cantonale en présentant des éléments qui n'ont pas étéretenus dans l'arrêt attaqué. Une telle motivation ne peut être prise enconsidération dans la présente procédure. 2.Invoquant une violation de l'art. 337 CO, la défenderesse reprocheexclusivement à la cour cantonale de ne pas avoir retenu, contrairement àl'appréciation des premiers juges, le caractère justifié du licenciement aveceffet immédiat de la demanderesse. 2.1 Selon l'art. 337 al. 1 1re phrase CO, l'employeur et le travailleurpeuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justesmotifs. Le congé immédiat prévu à l'art. 337 CO peut donc intervenir dansn'importe quelle phase de la relation de travail, tant que dure celle-ci(Schneider, La résiliation immédiate du contrat de travail, in Journée 1992de droit du travail et de la sécurité sociale, Genève 1993, p.51 ss, 53).Ainsi, l'employeur peut prononcer une résiliation immédiate pendant lamaladie, le service militaire ou la grossesse d'un ou d'une salarié(e)(Steiff/von Kaenel, Arbeitsvertrag, 6e éd., Zurich 2006, N 2 ad art. 336c COet N 4 ad art. 337 CO), alors qu'une résiliation ordinaire serait frappée denullité (cf. art. 336c al. 2 CO). Dans une telle hypothèse, il appartienttoutefois au juge de se montrer vigilant lors de l'appréciation descirconstances à l'appui de la résiliation immédiate, car l'art. 337 CO nesaurait être utilisé par l'employeur comme un prétexte pour détourner larigueur des règles protectrices posées en matière de licenciement ordinaire. Le fait que la demanderesse ait été enceinte au moment où l'employeur lui asignifié son licenciement immédiat n'est donc pas en lui-même un obstacle àl'application de l'art 337 CO. Un tel licenciement n'est pas davantage excluau motif que, deux mois auparavant, la défenderesse avait tenté de congédierdans les délais cette salariée, avant de reconnaître, quelques jours plustard, la nullité de ce congé (cf. art. 336c al. 1 let. c et al. 2), tout enannonçant son intention de licencier l'intéressée dès la fin de la période deprotection. Encore faut-il que l'employeur ait eu un motif justifié de mettrefin avec effet immédiat à ses relations de travail avec la demanderesse. 2.2 Les justes motifs au sens de l'art. 337 al. 1 CO comprennent toutes lescirconstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pasd'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports detravail (cf. art. 337 al. 2 CO). Mesure exceptionnelle, la résiliationimmédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive (ATF 130III 213 consid. 3.1; 127 III 351 consid. 4a et les références citées).D'après la jurisprudence, les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiatdoivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue lefondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave dutravailleur justifie son licenciement immédiat; si le manquement est moinsgrave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répétémalgré un avertissement (ATF 130 III 213 consid. 3.1 p. 221; 129 III 380consid. 2.1). La jurisprudence,
suivant la doctrine, a souligné que,lorsqu'un employé porte sérieusement atteinte aux droits de la personnalitéde l'un de ses collègues, il viole gravement une des obligations découlant ducontrat de travail (art. 321a CO), de sorte qu'une résiliation immédiate ausens de l'art. 337 CO peut s'imposer (ATF 127 III 351 consid. 4b/dd p. 355 set les références citées). Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO).Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, ilprendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment laposition et la responsabilité du travailleur, le type et la durée desrapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements(ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354; 116 II 145 consid. 6a p. 150). Commetoutes les décisions prises en équité, le Tribunal fédéral revoit avecréserve la décision rendue en dernière instance cantonale. Il intervientlorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine etla jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuiesur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ouà l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraientabsolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre lesdécisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'ellesaboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante(ATF 130 III 28 consid. 4.1 p.32, 213 consid. 3.1; 129 III 380 consid. 2 p.382). 2.3 Contrairement à l'autorité de première instance, la cour cantonale aconsidéré que le licenciement du 17 août 2004 était injustifié. Après avoirfait une comparaison avec d'autres décisions de justice, elle a retenu ensubstance que le geste du verre d'eau avait été précédé d'une remarque de lasupérieure informant la demanderesse qu'elle n'aurait plus besoin de venirtravailler le lendemain, ce que cette dernière pouvait, de bonne foi,interpréter comme un licenciement et qui expliquait son énervementsubséquent. De plus, la fatigue et l'irritabilité de cette travailleuseétaient dues en partie du moins à sa grossesse. En outre, l'employeur avaitdéjà licencié la demanderesse le 16juin 2004, alors qu'il savait qu'elleétait enceinte. Admettant la nullité de ce congé, il avait néanmoins annoncéà l'employée son intention de la licencier dès la fin du délai de protection,ce que celle-ci avait dû ressentir négativement. Les juges ont enfin admisque la lettre d'avertissement du 12 août 2004 ne pouvait pas fournir lebien-fondé du renvoi immédiat, dès lors que la qualité du travail de lademanderesse n'avait pas été mise en cause et que la collègue envers laquellela demanderesse avait manqué de respect ce jour-là avait pris la chose avecphilosophie. La cour a enfin relevé que "dès lors que l'intéressée était -virtuellement du moins - déjà en position résiliée, et ce depuis le 16juin2004, et enceinte de surcroît - l'intimée aurait dû faire preuve d'unecertaine mansuétude". Les juges ont en revanche refusé d'allouer uneindemnité à la demanderesse pour licenciement immédiat injustifié en raisonde son attitude, qualifiée de totalement non professionnelle, celle-ci ayantperdu la maîtrise d'elle-même et dépassé le seuil de l'acceptable. 2.4 L'appréciation de la cour cantonale quant au caractère injustifié dulicenciement immédiat prononcé le 17 août 2004 aboutit à un résultat qui nepeut être confirmé. En effet, si l'on reprend le déroulement des événementsconstatés dans l'arrêt attaqué, il apparaît que la demanderesse a reçu, le 12août 2004, une lettre d'avertissement de la part de son employeur, danslaquelle il lui était notamment reproché d'avoir manqué de respect envers unecollègue, ce qui n'est pas contesté. Ce courrier comportait, comme l'exige lajurisprudence (ATF 127 III 153 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral4C.364/2005 du 12 janvier 2006 consid. 2.3), la menace claire d'unlicenciement immédiat si un tel comportement devait se reproduire. Or, cinqjours plus tard, la demanderesse a commencé par refuser d'obtempérer à sasupérieure, en violation de l'art. 321d CO, alors que cette dernière luienjoignait de se rendre à une réunion, qu'elle venait du reste de déplacerpour lui permettre d'y participer. La demanderesse, irritée, a indiqué à sacheffe qu'elle n'était pas une esclave, ce qui a provoqué une vivealtercation entre les deux femmes. Devant les autres femmes de chambre, lademanderesse a ensuite essayé de frapper sa supérieure avec sa chaussure etce sont des collègues qui ont dû l'en empêcher. L'une d'entre elles a dureste fait un malaise en raison de cette dispute. Finalement, la demanderessea lancé un verre d'eau à la tête de sa supérieure, qui lui avait dit qu'ellen'avait plus à revenir. Cette dernière a alors fondu en larmes et s'estsentie humiliée au point d'envisager de démissionner. Même si, comme l'a retenu la cour cantonale, la recourante était plusirritable en raison de son état de grossesse, le comportement qui vientd'être décrit, de la part d'une employée qui avait été dûment avertiequelques jours auparavant qu'elle devait respecter ses collègues, n'est pastolérable. Contrairement à la cour cantonale, il ne faut pas uniquements'arrêter à l'épisode du verre d'eau, mais aussi tenir compte du comportementagressif et violent de la demanderesse qui a précédé. Une telle attitude,envisagée globalement, ne permet pas d'exiger de la défenderesse, selon lesrègles de la bonne foi, la continuation des rapports de travail jusqu'auterme du délai dans lequel un congé pourrait être signifié (cf. ATF 127 III153 consid. 1c p.157). Les circonstances retenues excluent en outre quel'employeur ait cherché un prétexte pour mettre fin de manière immédiate à uncontrat de travail durant une période de protection (cf. supra consid. 2.1).La résiliation immédiate donnée dans ces circonstances doit donc êtreconsidérée comme justifiée. 2.5 La cour cantonale adopte du reste une position contradictoire, car elleretient elle-même, pour refuser le versement à la demanderesse d'uneindemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO, que son comportement, le 17 août2004, était totalement non professionnel et avait dépassé le seuil del'acceptable, ajoutant encore que ni l'état de grossesse, ni lespréoccupations de la demanderesse ne pouvaient justifier l'humiliationinfligée en public à sa supérieure. Sur la base de telles considérations, laposition des juges cantonaux, qualifiant d'injustifié le licenciementimmédiat de cette employée, n'est pas compréhensible. 2.6 Enfin, il faut préciser que les comparaisons figurant dans l'arrêtentrepris avec d'autres décisions judiciaires dans lesquelles le congéimmédiat d'un employé ayant commis des actes violents a été considéré commeinjustifié doivent être prises avec circonspection. Comme on l'a vu, lesjustes motifs de l'art. 337 CO supposent d'examiner l'ensemble descirconstances et laissent une large place à l'appréciation, de sortequ'établir une casuistique en se focalisant sur un seul élément ducomportement de l'employé congédié, sorti de son contexte, n'est passignificatif. Un acte agressif ou une menace envers un collègue peut ainsi,selon les circonstances, justifier ou non un licenciement immédiat (cf. parexemple juste motif admis in ATF 127 III 351 et rejeté in arrêt du Tribunalfédéral 4C.331/2005 du 16 décembre 2005 cité par la cour cantonale). 3.Il découle de ce qui précède que le recours doit être admis et l'arrêtattaqué réformé, dans le sens où la demanderesse et l'intervenante sontentièrement déboutées de leurs conclusions en paiement à l'encontre de ladéfenderesse. En revanche, s'agissant de la condamnation de la défenderesse àremettre à la demanderesse un certificat de travail détaillé, qui n'est audemeurant pas contestée, l'arrêt entrepris doit être confirmé. Il convienttoutefois de préciser sur ce dernier point que, contrairement à ce qu'aretenu la cour cantonale, les relations de travail entre les parties ont prisfin en août 2004 et non le 30 juin 2005, de sorte que le certificat detravail n'a pas à mentionner cette dernière date. 4.Dès lors que la valeur litigieuse, établie selon la prétention à l'ouverturede l'action, dépasse le seuil de 30'000 fr. (art. 343 al. 2 et 3 CO; ATF 115II 30 consid. 4b p. 41; 100 II 358 consid. a), la procédure n'est pasgratuite. Peu importe qu'en cours de procès, le montant réclamé ait étéréduit. Les frais et dépens seront donc mis à la charge de la demanderesse, quisuccombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).L'intervenante, qui n'a pas déposé d'observations devant la Cour de céans,n'a pas à être prise en compte dans la répartition des frais et dépens.La procédure sur le plan cantonal est gratuite et, en l'absence de témérité,aucune condamnation aux dépens n'est prononcée (cf. SJ 1987 p. 574 s.), desorte qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale pourqu'elle statue à nouveau à ce sujet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé dans le sens où lademanderesse et l'intervenante sont déboutées de leurs prétentions enpaiement envers la défenderesse. Il est confirmé en ce qu'il condamne cettedernière à remettre à la demanderesse un certificat de travail détaillé. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la demanderesse. 3.La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 2'500fr. à titrede dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour d'appel dela juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Lausanne, le 27 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.247/2006
Date de la décision : 27/10/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-27;4c.247.2006 ?
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