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26/10/2006 | SUISSE | N°4P.153/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 octobre 2006, 4P.153/2006


{T 0/2}4P.153/2006 /ech Arrêt du 26 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.Greffier: M. Carruzzo. Caisse X.________,recourante, représentée par Me Nicolas Saviaux, contre A.________,B.________,intimées,toutes deux représentées par Me Jean-Claude Perroud,Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de justicede l'Hermitage, route du Signal 8, 1014 Lausanne. art. 5, 9, 27, 29 al. 2 et 36 Cst.; légalité; liberté économique; droitd'être entendu; appréciation des preuves; procédure civile vaudoise, reco

urs de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours ...

{T 0/2}4P.153/2006 /ech Arrêt du 26 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.Greffier: M. Carruzzo. Caisse X.________,recourante, représentée par Me Nicolas Saviaux, contre A.________,B.________,intimées,toutes deux représentées par Me Jean-Claude Perroud,Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de justicede l'Hermitage, route du Signal 8, 1014 Lausanne. art. 5, 9, 27, 29 al. 2 et 36 Cst.; légalité; liberté économique; droitd'être entendu; appréciation des preuves; procédure civile vaudoise, recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunalcantonal du canton de Vaud du15 mars 2006. Faits: A.A.a Par contrat du 15 juin 1994, la Caisse X.________ (ci-après: la Caisse depensions) a remis à bail à B.________ un appartement de trois pièces audeuxième étage d'un immeuble, dont elle est propriétaire, à Lausanne. Conclupour une période initiale allant du 1er septembre 1994 au 1er octobre 1995,le bail se renouvelait ensuite de trois mois en trois mois, sauf avis derésiliation donné trois mois à l'avance. Le loyer mensuel net a été fixé à1'180 fr. Le contrat comportait, sous la rubrique "3.6 Conditionsparticulières", une clause ainsi libellée: "La variation du taux hypothécaire n'entre pas en considération dans lafixation du loyer.IPC [i.e. indice suisse des prix à la consommation]100,40"A.bLe 13 juin 2001, la Caisse de pensions et A.________ ont signé un contratde bail par lequel celle-ci a pris à bail de celle-là un appartement de troispièces sis au premier étage de l'immeuble précité. Débutant le 1er juillet2001 et expirant le 1er octobre 2002, le bail était reconductible de troismois en trois mois, après cette période initiale, s'il n'était pas dénoncétrois mois à l'avance. Le loyer mensuel, sans les charges, se montait à 1'290fr. Les dispositions complémentaires, figurant sous chiffre 5 du contrat,prévoyaient notamment ce qui suit: "a) Le présent loyer est basé sur l'IPC de 101,8 points (nouv. indice mai2001)b) Le taux hypothécaire et ses variations n'entrent pas en considération pourla fixation et l'adaptation des loyers(...)" B.B.a Par lettre du 16 novembre 1998, B.________ a adressé à la bailleresse unedemande de diminution du loyer motivée par la baisse du taux hypothécaire etla chute sensible des coûts du marché du logement à Lausanne. Elle s'est vuopposer un refus fondé sur la clause 3.6 du contrat de bail, la gérance de labailleresse précisant, dans sa réponse du 24 novembre 1998, que la règlevalait aussi pour sa mandante.Le 11 décembre 2000, la bailleresse a notifié à B.________ une augmentationde loyer pour le 1er avril 2001, le nouveau loyer devant être arrêté à 1'243fr. pour tenir compte d'une hausse des coûts d'exploitation et de l'évolutionde l'IPC. La formule officielle précisait, en nota bene, que la variation dutaux hypothécaire n'était pas prise en considération. Dans le cadre d'uneconvention établie par le conseil de la locataire et signée le 9 janvier2001, la Caisse de pensions a retiré cette hausse de loyer, tout en seréservant de revenir à la charge lorsque les travaux de réfection devant êtreentrepris avant la fin de l'été 2001 seraient terminés. B.b Le 9 juillet 2001, A.________ a contesté le montant de son loyer initial,estimant que le nouveau loyer procurerait un rendement excessif à labailleresse du fait que l'ancien bail avait été conclu à une époque où letaux hypothécaire était sensiblement plus élevé. Dans une lettre de sa gérance du 11 septembre 2001, la Caisse de pensions aproposé à dame A.________ de ramener le loyer mensuel net à 1'085 fr., soitau montant payé par l'ancien locataire et augmenté de la réserve notifiéeainsi que de la variation de l'IPC. Le 26 septembre 2001, la locataire a contresigné cette lettre pour accord. B.c En date du 30 avril 2002, la bailleresse a notifié à B.________ et àA.________ une hausse de loyer pour le 1er octobre 2002, le nouveau loyerdevant être fixé à 1'387 fr. pour la première et à 1'208 fr. pour la seconde.Dans les deux cas, l'augmentation du loyer était motivée par des travauxentraînant une plus-value, l'évolution de l'IPC et la hausse des chargesd'exploitation. Chacune des deux formules officielles contenait, en outre, lamention suivante:"N.B. la variation du taux hypothécaire n'est pas prise en considération." Aux deux formules officielles était annexé un document, intitulé "calcul dela répercussion des importants travaux", dans lequel était exposée en détailla raison d'être de l'augmentation de loyer de 10,60% notifiée à ce titre. Les deux locataires ont saisi la commission de conciliation, fin mai/débutjuin 2002, pour contester cette hausse et réclamer une diminution de leurloyer respectif en raison de la baisse du taux hypothécaire. La tentative deconciliation n'a pas abouti. C.C.aLe 9 avril 2003, la Caisse de pensions (demanderesse) a ouvert actiondevant le Tribunal des baux du canton de Vaud. Elle a conclu, en substance, àce que le loyer mensuel net de B.________ soit porté de 1'180fr. à 1'387 fr.dès le 1er octobre 2002 et celui de A.________, de 1'085 fr. à 1'208 fr. dèsla même date. Les défenderesses se sont opposées à ces conclusions en invoquant la baissedu taux hypothécaire. Dans leurs déterminations complémentaires du 24 juin2003, elles ont conclu reconventionnellement, B.________, à une réduction deson loyer de 1'180 fr. à 1'113 fr. dès le 1er octobre 2002, puis à 1'027 fr.dès le 1er octobre 2003, A.________, à une diminution de son loyer de 38 fr.,portant celui-ci à 1'047 fr. à compter du 1er octobre 2003. La réductionrequise par les deux locataires était le résultat de la compensation entreles facteurs de hausse admis par elles et la baisse du taux hypothécaire. Dans une lettre du 24 septembre 2003, la bailleresse s'est prévalue desloyers comparatifs pour s'opposer aux demandes de baisse de loyer deslocataires.Le Tribunal des baux a tenu audience le 17 mars 2004. A cette occasion, unaccord partiel a été passé au sujet du taux de répercussion sur les loyersdes travaux à plus-value invoqués par la bailleresse comme motif de hausse,les autres paramètres, tant à la hausse qu'à la baisse, étant laissés àl'appréciation du Tribunal. Lors de la même audience, le secrétaire duconseil d'administration de la bailleresse a été entendu comme témoin. Il adéclaré que ledit conseil avait décidé, une vingtaine d'années auparavant, dene pas tenir compte du taux hypothécaire dans la détermination des loyers.Selon lui, une telle pratique, instaurée sans égard à la conjoncture etstable depuis lors, s'explique par le fait que les immeubles de labailleresse ont été financés uniquement par des fonds propres. C.b A la date précitée, le Tribunal des baux a rendu un seul jugement àl'égard de la demanderesse et des deux défenderesses. Il a fixé le loyermensuel net dû par B.________ à 1'113 fr. 20 dès le 1eroctobre 2002 (tauxhypothécaire: 4%; IPC [base 1993]: 107.6) et à 1'027 fr. 45 dès le 1eroctobre 2003 (taux hypothécaire: 3,25%; IPC [base 1993]: 109.1). Quant auloyer de A.________, les premiers juges l'ont arrêté à 1'125 fr. 80 dès le1er octobre 2002 (taux hypothécaire: 4%; IPC [base 2000]: 101.5) et à 1'047fr. dès le 1eroctobre 2003 (taux hypothécaire: 3,25%; IPC [base 2000]:102.8). Toutes autres ou plus amples conclusions ont été rejetées par eux. Interprétant les deux clauses susmentionnées selon le principe de laconfiance, faute d'avoir pu constater la volonté réelle des parties sur cepoint, le Tribunal des baux est arrivé à la conclusion qu'il n'était paspossible d'admettre objectivement que, par ces clauses, les cocontractantsentendaient exclure toute adaptation du loyer fondée sur les fluctuations dutaux hypothécaire. A supposer qu'il faille néanmoins leur donner une tellesignification, les clauses litigieuses étaient nulles. En effet, bien que leprincipe de la liberté contractuelle s'applique également en droit du bail, ycompris pour la fixation du loyer, ces clauses remettent en question tout lesystème élaboré par le législateur fédéral, à l'aide de normes généralementimpératives, pour assurer la protection du locataire contre les loyersabusifs ou d'autres prétentions abusives du bailleur en matière de bauxd'habitations et de locaux commerciaux. Aussi le Tribunal des baux en a-t-ilfait abstraction pour fixer le loyer de chacune des deux défenderesses enpondérant les facteurs de hausse et de baisse invoqués par les parties. Il aconsidéré, enfin, que la bailleresse n'était pas fondée à s'opposer auxbaisses de loyer requises, pour n'avoir pas réussi à établir que les loyerspayés par les défenderesses se situaient dans les limites des loyers usuelsdans la localité ou dans le quartier. D.D.aLa demanderesse a recouru contre ce jugement aux fins d'obtenirl'admission des conclusions qu'elle avait soumises au Tribunal des baux et lerejet des conclusions reconventionnelles prises par les défenderesses. Atitre subsidiaire, elle a conclu à l'annulation du jugement de premièreinstance. Les défenderesses ont conclu au rejet du recours. D.b Statuant par arrêt du 15 mars 2006, la Chambre des recours du Tribunalcantonal vaudois a rejeté le recours et confirmé le jugement attaqué. En premier lieu, la cour cantonale a examiné le moyen de nullité soulevé parla recourante, à savoir la violation de son droit d'être entendue du fait dela motivation prétendument lacunaire du jugement entrepris. Elle a rejeté lemoyen en question, estimant que l'on comprenait suffisamment, à la lecture dece jugement, ce qui avait guidé l'appréciation du Tribunal des baux.Dans le cadre de son examen des moyens de réforme, la Chambre des recours apréalablement complété, sur trois points, l'état de fait du jugement déféré. L'autorité intimée est ensuite entrée en matière sur le fond. Elle a toutd'abord admis, à l'instar des premiers juges, que la volonté réelle desparties, relativement aux clauses litigieuses, n'avait pas été établie. Enrevanche, contrairement à eux, elle a estimé que ces clauses, interprétéesselon le principe de la confiance, révélaient la volonté des partiesd'exclure toute adaptation du loyer en cas de fluctuation du tauxhypothécaire. La Chambre des recours a cependant rejoint le Tribunal des bauxpour conclure, comme lui, à la nullité des clauses incriminées. Se fondantsur l'art. 270a CO et la jurisprudence y relative (ATF 125 III 358), elle ajugé que le système de contestation établi par cette disposition vise àempêcher les parties de déroger à la loi, étant donné que celle-ci présenteune solution définitive qui tient compte des intérêts respectifs des partiesau contrat de bail. A son avis, l'exclusion pour le locataire de lapossibilité de se prévaloir de la baisse du taux hypothécaire de référencevide quasiment de toute sa substance le droit conféré par cette normeimpérative; elle n'est pas non plus compatible avec les art. 269a, 269b et269c CO, dispositions elles aussi impératives, car elle implique unemodification des critères légaux utilisés pour définir le loyer abusif sansque les conditions permettant de le faire, en particulier la condition de ladurée minimale de cinq ans, ne soient réalisées in casu. Toujours selonl'autorité intimée, la bailleresse invoque en vain le principe de la libertécontractuelle, car cette liberté doit s'effacer devant une norme de droitcivil qui revêt un caractère impératif. De même ne saurait-on admettrel'exception d'abus de droit du seul fait que les défenderesses ont signé lescontrats contenant les clauses litigieuses, car cela reviendrait à priver lesintéressées, par ce biais, de la protection conférée par des dispositionsimpératives de la loi. Que deux précédents, émanant l'un du Tribunal desbaux, l'autre de la Chambre des recours, parviennent à la solution inversen'est pas non plus déterminant. En effet, le problème posé relève du droitprivé fédéral, si bien que la sécurité du droit, invoquée par la recourante,n'entrerait en ligne de compte que si cette dernière se prévalait d'unejurisprudence fédérale, ce qui n'est pas le cas. S'agissant enfin des calculsde loyers effectués par les premiers juges, l'autorité intimée les qualifiede complets et corrects, tout en observant que la recourante ne les contestepas. E.Agissant par la voie du recours de droit public, la demanderesse, qui adéposé, parallèlement, un recours en réforme au Tribunal fédéral, conclut àl'annulation de l'arrêt de la Chambre des recours. Les différents moyensqu'elle soulève pour étayer cette conclusion seront indiqués plus loin, dansla mesure utile. La Chambre des recours déclare se référer aux motifs énoncés dans son arrêt. Quant aux intimées, elles n'ont pas déposé de réponse dans le délai qui leuravait été imparti à cette fin. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décisioncantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84al. 1 let. a OJ). L'arrêt entrepris, rendu en dernière instance cantonale, est une décisionfinale qui ne peut être soumise au Tribunal fédéral par aucun autre moyen dedroit dans la mesure où les recourants se plaignent de la violation directed'un droit de rang constitutionnel; en conséquence, la règle de lasubsidiarité absolue du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ) n'a pasété méconnue in casu. En revanche, si la recourante soulevait une questionrelevant de l'application du droit fédéral, le grief correspondant ne seraitpas recevable, car il aurait pu faire l'objet du recours en réforme déposéparallèlement (art. 43 al. 1 OJ). La recourante est touchée personnellement par la décision attaquée, quiconfirme le jugement de première instance lui donnant tort. Elle a donc unintérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décisionn'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; dès lors, saqualité pour recourir doit être admise (art. 88 OJ). Exercé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans la forme prévue par la loi(art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable. 2.La recourante reproche, en premier lieu, à l'autorité intimée d'avoir violéson droit d'être entendue en ne motivant pas sa décision sur un certainnombre de points. 2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu consacré à l'art. 29al. 2 Cst. le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que ledestinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu etque l'autorité de recours soit en mesure d'exercer son contrôle. Pourrépondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, lesmotifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision; il n'estcependant pas tenu d'exposer et de discuter tous les arguments invoqués parles parties. Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité nesatisfait pas à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmespertinents (ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236;126 I 97 consid. 2b p. 102 et les arrêts cités). 2.2 Quoi
qu'en dise la recourante, l'arrêt attaqué satisfait de touteévidence à ces exigences. La Chambre des recours y indique, de manière claireet complète, les motifs pour lesquels elle considère que les clauseslitigieuses sont nulles. Ces motifs permettaient assurément à la recourantede contester la décision cantonale en connaissance de cause. En outre, laCour de céans est tout à fait à même d'exercer son contrôle à la lecture desconsidérants dudit arrêt. La recourante, au contraire, donne à l'obligation de motiver les décisionsune portée beaucoup plus large que celle qui résulte de la jurisprudencesusmentionnée, lorsqu'elle fait grief aux instances cantonales de n'avoir pasdiscuté ni réfuté chacun des arguments qu'elle leur avait soumis. Pour lesurplus, les critiques qu'elle leur adresse dans ce cadre-là appellent lesbrèves remarques formulées ci-après. La Chambre des recours a estimé - à tort ou à raison - que les clauseslitigieuses étaient nulles parce qu'elles dérogeaient à des normes de droitimpératif visant à assurer la protection des locataires contre les loyersabusifs. Aussi pouvait-elle se dispenser de réfuter l'argument de larecourante selon lequel les clauses en question respectaient le principe del'égalité de traitement entre bailleur et locataire, étant donné que leprétendu respect de ce principe ne suffisait pas à valider une telledérogation.Contrairement à ce que soutient la recourante, l'autorité intimée a bienexaminé, aux pages 10 in fine et 11 in limine de son arrêt, si les clauseslitigieuses portaient atteinte à l'art. 269a CO et à l'art. 13 OBLF. Elle ena déduit que les parties au contrat de bail ne peuvent renoncer àl'application du critère de l'évolution du taux hypothécaire, prévu par cesdispositions, ni en modifier la portée, si ce n'est en concluant un bailindexé ou un bail échelonné. La recourante se plaint, en outre, de l'absence de motivation quant "à lacontradiction découlant de la pratique du Tribunal des baux qui prend actepour valoir jugements définitifs de transactions judiciaires par lesquellesles parties excluent le taux hypothécaire comme critère de fixation etd'adaptation du loyer". La critique tombe à faux. En effet, la Chambre desrecours expose, à la page 6 in medio de son arrêt, qu'elle n'entend pascompléter l'état de fait du jugement de première instance en y mentionnantles transactions judiciaires invoquées par la recourante, car "il s'agit làde documents censés refléter une position juridique adoptée par le Tribunaldes baux dans d'autres affaires". Puis elle renvoie le lecteur au considérant8 de son arrêt pour l'examen de "la portée de l'approche juridique suivie parle Tribunal des baux dans ces affaires". Or, en lisant ce considérant-là,même s'il ne fait pas expressément référence aux susdites transactionsjudiciaires, on comprend sans peine pour quelle raison la Chambre des recoursne s'est pas estimée liée par les décisions antérieures prises en senscontraire au niveau cantonal, y compris celles ayant trait à l'approbation detelles transactions. Enfin, l'autorité intimée a expliqué clairement, aux pages 9 et 10 de sonarrêt, quelle est à ses yeux la portée de l'art. 270a CO. Il résulte de saprise de position qu'elle a implicitement rejeté l'argument de la recourantevoulant que le taux hypothécaire ne puisse pas constituer une "base decalcul", au sens de cette disposition, si les parties l'ont contractuellementécarté comme critère de fixation et d'adaptation du loyer. La décisionattaquée apparaît ainsi suffisamment motivée, sur ce point également, malgréqu'en ait la recourante. Le moyen pris de la violation de l'art. 29 al. 2 Cst. se révèle, dès lors,infondé à tous égards. 3.3.1Sous le titre "liberté économique au regard du principe de la légalité etdes restrictions aux droits fondamentaux", la recourante, se prévalant desart. 5, 27 et 36 Cst., reproche à l'autorité intimée d'avoir violé leprincipe de la liberté contractuelle en déclarant nulles les clausesd'exclusion du taux hypothécaire et, partant, d'avoir restreint gravement saliberté économique sans que cette restriction fût fondée sur une base légale,justifiée par un intérêt public et proportionnée au but visé. S'agissant, enparticulier, de l'exigence d'une base légale, à laquelle l'art. 36 al. 1 Cst.subordonne la validité de toute restriction d'un droit fondamental, ni lesdispositions du code des obligations ni celles de l'ordonnance sur bail àloyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux n'ysatisferaient, d'après la recourante. 3.2 Le droit fondamental et les principes constitutionnels invoqués neproduisent pas d'effet horizontal direct (direkte Dritt- oderHorizontalwirkung; sur cette notion, cf. ATF 111 II 254 et les références;voir aussi: Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht,6e éd., p. 87 ss, n. 278 ss) dans les rapports entre personnes privées (cf.arrêt 4P.285/2005 du 27 mars 2006, consid. 6.2). La recourante n'a donc pasqualité pour s'en prévaloir directement en l'espèce à l'appui d'un recours dedroit public dirigé contre une décision rendue dans une affaire qui intéresseles rapports contractuels noués par une personne morale de droit public etdeux particuliers agissant sur un pied d'égalité. Du reste, la garantie de la liberté contractuelle, qui fait partie intégrantede l'aspect constitutif de la liberté économique, a été consacréeexplicitement aux art. 1er et 19 CO (ATF 131 I 333 consid. 4 p. 339 et lesauteurs cités). Le grief tiré de la violation de cette garantie pouvait, dèslors, être soumis au Tribunal fédéral par la voie du recours en réformepuisque la valeur litigieuse de la présente contestation atteint au moins8'000 fr. (art. 46 OJ). Soulevé dans un recours de droit public, pareil moyenest, en conséquence, irrecevable en raison du caractère subsidiaire de cettevoie de droit (art. 84 al. 2 OJ). Il en irait de même, au demeurant, si la recourante entendait soutenir que lamanière dont la cour cantonale a appliqué les normes du droit privé entranten ligne de compte, notamment les art. 269 ss CO et l'art. 13 OBLF, n'est pascompatible avec le droit fondamental et les principes constitutionnels encause. En effet, semblables moyens, tirés de l'effet civil indirect desdroits fondamentaux (indirekte Drittwirkung) ou du principe dit del'interprétation conforme, peuvent être soulevés dans le cadre d'un recoursen réforme (ATF 114 Ia 329 consid. 2b; voir aussi, p. ex., l'ATF 132 III 122consid. 4.4.1 p. 133 et les auteurs cités).Le moyen considéré apparaît ainsi totalement irrecevable. 4.Dans un troisième moyen comportant deux parties, la recourante s'en prendensuite à ce qu'elle appelle "l'établissement arbitraire des faits". 4.1 L'autorité intimée se voit tout d'abord reprocher de n'avoir pas constatéque la volonté réelle des parties, telle qu'elle ressort du texte même desclauses litigieuses, était de ne pas lier le loyer au taux hypothécaire. Leslongues explications que la recourante fournit pour étayer le griefcorrespondant sont toutefois vaines. En effet, dans l'arrêt attaqué, laChambre des recours, interprétant lesdites clauses selon le principe de laconfiance, aboutit à la même conclusion que celle que la recourante croitpouvoir tirer de leur interprétation subjective. Dans son arrêt sur lerecours en réforme rendu ce jour, la Cour de céans a confirmé le bien-fondéde cette interprétation objective, après avoir réfuté la critique formuléesur ce point par les défenderesses dans leur réponse audit recours (cf. arrêtcité, consid. 2.2.2). Il en résulte que la recourante n'a plus d'intérêtactuel à faire trancher une question ne portant que sur les motifs d'unesolution qui équivaut à celle qu'elle préconise. Quoi qu'il en soit, l'autorité intimée n'est nullement tombée dansl'arbitraire en retenant que la seule manifestation de la volonté des partiesdans les contrats en cause ne permettait pas, à défaut de tout autre élémentprobant suffisant, d'établir que la volonté réelle des cocontractantesconcordait. En juger autrement reviendrait à exclure toute interprétation ducontrat en présence d'une clause dont le texte est clair, ce qui iraitmanifestement à l'encontre de la jurisprudence en la matière (ATF 131 III 280consid. 3.1 p. 287, 606 consid. 4.2 p.611s.; 128III 265 consid. 3a). Pour le surplus, si la recourante entendait faire valoir, par sonargumentation, que l'autorité intimée avait méconnu la notiond'interprétation subjective en tant que telle ou qu'elle n'avait pas accordésuffisamment d'importance au texte des clauses litigieuses en procédant àleur interprétation objective, c'est par la voie du recours en réformequ'elle aurait dû le faire, et non par celle du recours de droit public (art.84 al. 2 OJ). Le moyen examiné est, partant, voué à l'échec. 4.2 Dans la seconde partie de ce moyen, la recourante reproche auxjuridictions cantonales d'avoir omis arbitrairement de constater que leTribunal des baux a pour pratique constante de prendre acte, pour valoirjugements définitifs, des accords de bailleurs et locataires qui contiennentdes clauses excluant le taux hypothécaire comme critère de fixation etd'adaptation du loyer. Selon elle, cette omission porterait sur un faitjuridiquement pertinent, à savoir l'existence d'un usage constant du Tribunaldes baux consistant à entériner de tels accords. La pertinence du fait non retenu reste à démontrer. D'abord, la recouranteassimile une transaction judiciaire à un jugement, comme si cela allait desoi sous l'angle considéré. C'est pourtant le lieu de rappeler que le juge seborne, en règle générale, à enregister la transaction qui lui est soumisesans en examiner le contenu matériel, après s'être assuré, le cas échéant,qu'elle correspond bien à la volonté des parties (cf., à ce sujet,Jean-François Poudret/Jacques Haldy/Denis Tappy, Procédure civile vaudoise,3e éd., n. 2 ad art. 158 CPC vaud.; voir aussi: Fabienne Hohl, Procédurecivile, Tome I, n.1357s. et n. 1363). Or, la recourante n'indique pas enquoi consiste le contrôle effectué par le Tribunal des baux lorsqu'ilentérine une transaction judiciaire ni, partant, s'il permet à cette autoritéde refuser d'avaliser une transaction comportant une clause incompatible avecle droit fédéral. Ensuite, la pratique dont il est question est celle d'uneautorité de première instance, de sorte que l'on ne voit pas qu'elle puisselier la juridiction suprême du canton concerné. Il est enfin douteux que lesquatre conventions versées au dossier par la recourante sous pièces 16 à 19,qui ont toutes été conclues la même année (2003), suffisent à établir l'usageallégué. Au demeurant, il a déjà été relevé plus haut que l'existence des quatretransactions judiciaires n'a pas été occultée par la Chambre des recours,mais que celle-ci a dénié toute pertinence à ce fait pour un motif de naturejuridique (cf. consid. 2.2, antépénultième par.). Or, cette démarche necomportait rien d'arbitraire et n'était pas contraire à la bonne foi, commeon le démontrera plus loin (cf. consid. 5.3). Quant au grief fait à la Chambre des recours de n'avoir "pas dit un mot" ausujet de la pratique constante du Tribunal des baux à l'occasion de l'examendes questions juridiques qui lui étaient soumises, il ne relève pas de l'art.9 Cst., mais de l'art. 29 al. 2 Cst. (défaut de motivation en tant queviolation du droit d'être entendu). La Cour de céans l'a déjà examiné souscet angle, si bien qu'il n'y a pas lieu d'y revenir (cf. consid. 2.2,antépénultième par.).Le moyen pris de la constatation arbitraire des faits est ainsi dénué defondement dans sa totalité. 5.La recourante consacre enfin de longs développements à la tentative dedémontrer que les deux juridictions cantonales auraient méconnu l'art. 9 Cst.en tant qu'il confère à toute personne le droit d'être traitée par lesorganes de l'Etat sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. 5.1 Dans la mesure où la recourante s'en prend directement au jugement duTribunal des baux, ses griefs sont irrecevables, le recours de droit publicn'étant recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instancecantonale (art. 86 al. 1 OJ). 5.25.2.1Une modification de la jurisprudence ne contrevient pas à la sécurité dudroit, aux principes de la bonne foi, de la confiance et de l'interdiction del'arbitraire lorsqu'elle s'appuie sur des raisons objectives, telles qu'uneconnaissance plus exacte ou complète de l'intention du législateur, lamodification des circonstances extérieures, un changement de conceptionjuridique ou l'évolution des moeurs (arrêt 4C.9/2005 consid. 3.2; ATF 130 V492 consid. 4.1 et les arrêts cités). 5.2.2 Sous chiffre 38 let. c de son mémoire de recours, la bailleresse écritceci: "Le changement de jurisprudence aurait aussi pu être justifié, parexemple, si les autorités vaudoises (Tribunal des baux puis Chambre desrecours) s'étaient fondées sur une jurisprudence fédérale qui irait àl'encontre du jugement de 1994 et de l'arrêt de 1990... En l'espèce, l'arrêtquerellé (et encore moins le Tribunal des baux qui n'a absolument pas discutéce problème) n'a pas invoqué une jurisprudence fédérale qui irait àl'encontre de la jurisprudence cantonale admettant la validité de la claused'exclusion du taux hypothécaire au regard du principe de la libertécontractuelle". Il semble avoir échappé à la recourante que les juridictions cantonales sesont fondées sur une jurisprudence fédérale postérieure aux deux précédentsinvoqués par elle - un jugement du Tribunal des baux du 7septembre 1994 quise réfère lui-même à un arrêt de la Chambre des recours du 11 avril 1990 -pour modifier leur jurisprudence antérieure. Il s'agit de l'arrêt rendu le 23août 1999 par la Ire Cour civile du Tribunal fédéral (ATF 125 III 358). Atort ou à raison - ce n'est pas le lieu d'en décider -, le Tribunal des bauxet la Chambre des recours ont considéré que les clauses litigieuses n'étaientpas admissibles au regard de l'art. 270a CO, tel qu'interprété par l'autoritéjudiciaire suprême de la Confédération. Le changement de jurisprudencecontesté repose donc sur le motif justificatif énoncé par la recourante etrappelé ci-dessus. Aussi ne prête-t-il pas le flanc à la critique du point devue du droit constitutionnel fédéral. Savoir si l'arrêt fédéral a étécorrectement interprété par l'autorité intimée est un autre problème, qu'ilconviendra de traiter dans le cadre de l'examen du recours en réformeconnexe. Que la recourante se soit fiée à la jurisprudence vaudoise pour mettre enoeuvre sa politique en matière de loyers, ainsi qu'elle le soutient, nechange rien à l'affaire. Pareille circonstance ne saurait, en effet, luipermettre de poursuivre une pratique jugée contraire au droit fédéral. Onpeut d'ailleurs relever, dans ce contexte, que, lorsqu'il a été entendu àl'audience tenue le 17 mars 2004 par le Tribunal des baux, le secrétaire duconseil d'administration de la recourante a indiqué que la pratique enquestion avait été inaugurée une vingtaine d'années plus tôt. Par conséquent,la recourante n'a pas pu se fonder sur les
deux précédents qu'elle invoquepour initier la susdite politique. Le recours apparaît ainsi infondé sur ce point également. 5.3 Il va sans dire, enfin, que l'existence des quatre transactionsjudiciaires produites par la recourante, à supposer qu'il en résultât une"pratique constante du Tribunal des baux", comme le soutient l'intéressée, nesaurait rendre valables des clauses contractuelles qui, par hypothèse, neseraient pas compatibles avec le droit fédéral. Quant au respect du principe pacta sunt servanda, dont la recourante dénoncela violation, ce n'est pas à la juridiction constitutionnelle, mais à lajuridiction de réforme qu'il appartient de le vérifier. 6.Il suit de là que le présent recours devra être rejeté dans la mesure de sarecevabilité. Dès lors, l'émolument judiciaire afférent à la procédurefédérale sera mis à la charge de la recourante (art. 156 al. 1 OJ). Quant auxintimées, elles n'ont pas droit à des dépens, n'ayant pas déposé de réponse. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.Le présent arrêt est communiquée en copie aux mandataires des parties et à laChambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 26 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.153/2006
Date de la décision : 26/10/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-26;4p.153.2006 ?
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