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26/10/2006 | SUISSE | N°4C.203/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 octobre 2006, 4C.203/2006


{T 0/2}
4C.203/2006 /ech

Arrêt du 26 octobre 2006
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Mathys.
Greffier: M. Carruzzo.

Caisse X.________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Nicolas Saviaux,

contre

A.________,
B.________,
défenderesses et intimées,
toutes deux représentées par Me Jean-Claude Perroud.

contrat de bail; protection contre les loyers abusifs; renonciation
conventionnelle au taux hypothécaire comme facteur de fixation du loyer;<

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recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du
15 mars 2006.

Fa...

{T 0/2}
4C.203/2006 /ech

Arrêt du 26 octobre 2006
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Mathys.
Greffier: M. Carruzzo.

Caisse X.________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Nicolas Saviaux,

contre

A.________,
B.________,
défenderesses et intimées,
toutes deux représentées par Me Jean-Claude Perroud.

contrat de bail; protection contre les loyers abusifs; renonciation
conventionnelle au taux hypothécaire comme facteur de fixation du loyer;

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du
15 mars 2006.

Faits:

A.
A.a Par contrat du 15 juin 1994, la Caisse X.________ (ci-après: la Caisse de
pensions) a remis à bail à B.________ un appartement de trois pièces au
deuxième étage d'un immeuble, dont elle est propriétaire à Lausanne. Conclu
pour une période initiale allant du 1er septembre 1994 au 1er octobre 1995,
le bail se renouvelait ensuite de trois mois en trois mois, sauf avis de
résiliation donné trois mois à l'avance. Le loyer mensuel net a été fixé à
1'180 fr. Le contrat comportait, sous la rubrique "3.6 Conditions
particulières", une clause ainsi libellée:

"La variation du taux hypothécaire n'entre pas en considération dans la
fixation du loyer.
IPC [i.e. indice suisse des prix à la consommation] 100,40"
A.bLe 13 juin 2001, la Caisse de pensions et A.________ ont signé un contrat
de bail par lequel celle-ci a pris à bail de celle-là un appartement de trois
pièces sis au premier étage de l'immeuble précité. Débutant le 1er juillet
2001 et expirant le 1er octobre 2002, le bail était reconductible de trois
mois en trois mois, après cette période initiale, s'il n'était pas dénoncé
trois mois à l'avance. Le loyer mensuel, sans les charges, se montait à 1'290
fr. Les dispositions complémentaires, figurant sous chiffre 5 du contrat,
prévoyaient notamment ce qui suit:

"a) Le présent loyer est basé sur l'IPC de 101,8 points (nouv. indice mai
2001)
b) Le taux hypothécaire et ses variations n'entrent pas en considération pour
la fixation et l'adaptation des loyers
(...)"

B.
B.a Par lettre du 16 novembre 1998, B.________ a adressé à la bailleresse une
demande de diminution du loyer motivée par la baisse du taux hypothécaire et
la chute sensible des coûts du marché du logement à Lausanne. Elle s'est vu
opposer un refus fondé sur la clause 3.6 du contrat de bail, la gérance de la
bailleresse précisant, dans sa réponse du 24 novembre 1998, que la règle
valait aussi pour sa mandante.
Le 11 décembre 2000, la bailleresse a notifié à B.________ une augmentation
de loyer pour le 1er avril 2001, le nouveau loyer devant être arrêté à 1'243
fr. pour tenir compte d'une hausse des coûts d'exploitation et de l'évolution
de l'IPC. La formule officielle précisait, en nota bene, que la variation du
taux hypothécaire n'était pas prise en considération. Dans le cadre d'une
convention établie par le conseil de la locataire et signée le 9 janvier
2001, la Caisse de pensions a retiré cette hausse de loyer, tout en se
réservant de revenir à la charge lorsque les travaux de réfection devant être
entrepris avant la fin de l'été 2001 seraient terminés.

B.b Le 9 juillet 2001, A.________ a contesté le montant de son loyer initial,
estimant que le nouveau loyer procurerait un rendement excessif à la
bailleresse du fait que l'ancien bail avait été conclu à une époque où le
taux hypothécaire était sensiblement plus élevé.

Dans une lettre de sa gérance du 11 septembre 2001, la Caisse de pensions a
proposé à dame A.________ de ramener le loyer mensuel net à 1'085 fr., soit
au montant payé par l'ancien locataire et augmenté de la réserve notifiée
ainsi que de la variation de l'IPC.

Le 26 septembre 2001, la locataire a contresigné cette lettre pour accord.

B.c En date du 30 avril 2002, la bailleresse a notifié à B.________ et à
A.________ une hausse de loyer pour le 1er octobre 2002, le nouveau loyer
devant être fixé à 1'387 fr. pour la première et à 1'208 fr. pour la seconde.
Dans les deux cas, l'augmentation du loyer était motivée par des travaux
entraînant une plus-value, l'évolution de l'IPC et la hausse des charges
d'exploitation. Chacune des deux formules officielles contenait, en outre, la
mention suivante:
"N.B. la variation du taux hypothécaire n'est pas prise en considération."

Aux deux formules officielles était annexé un document, intitulé "calcul de
la répercussion des importants travaux", dans lequel était exposée en détail
la raison d'être de l'augmentation de loyer de 10,60% notifiée à ce titre.

Les deux locataires ont saisi la commission de conciliation, fin mai/début
juin 2002, pour contester cette hausse et réclamer une diminution de leur
loyer respectif en raison de la baisse du taux hypothécaire. La tentative de
conciliation n'a pas abouti.

C.
C.aLe 9 avril 2003, la Caisse de pensions (demanderesse) a ouvert action
devant le Tribunal des baux du canton de Vaud. Elle a conclu, en substance, à
ce que le loyer mensuel net de B.________ soit porté de 1'180fr. à 1'387 fr.
dès le 1er octobre 2002 et celui de A.________, de 1'085 fr. à 1'208 fr. dès
la même date.

Les défenderesses se sont opposées à ces conclusions en invoquant la baisse
du taux hypothécaire. Dans leurs déterminations complémentaires du 24 juin
2003, elles ont conclu reconventionnellement, B.________, à une réduction de
son loyer de 1'180 fr. à 1'113 fr. dès le 1er octobre 2002, puis à 1'027 fr.
dès le 1er octobre 2003, A.________, à une diminution de son loyer de 38 fr.,
portant celui-ci à 1'047 fr. à compter du 1er octobre 2003. La réduction
requise par les deux locataires était le résultat de la compensation entre
les facteurs de hausse admis par elles et la baisse du taux hypothécaire.

Dans une lettre du 24 septembre 2003, la bailleresse s'est prévalue des
loyers comparatifs pour s'opposer aux demandes de baisse de loyer des
locataires.
Le Tribunal des baux a tenu audience le 17 mars 2004. A cette occasion, un
accord partiel a été passé au sujet du taux de répercussion sur les loyers
des travaux à plus-value invoqués par la bailleresse comme motif de hausse,
les autres paramètres, tant à la hausse qu'à la baisse, étant laissés à
l'appréciation du Tribunal. Lors de la même audience, le secrétaire du
conseil d'administration de la bailleresse a été entendu comme témoin. Il a
déclaré que ledit conseil avait décidé, une vingtaine d'années auparavant, de
ne pas tenir compte du taux hypothécaire dans la détermination des loyers.
Selon lui, une telle pratique, instaurée sans égard à la conjoncture et
stable depuis lors, s'explique par le fait que les immeubles de la
bailleresse ont été financés uniquement par des fonds propres.

C.b A la date précitée, le Tribunal des baux a rendu un seul jugement à
l'égard de la demanderesse et des deux défenderesses. Il a fixé le loyer
mensuel net dû par B.________ à 1'113 fr. 20 dès le 1eroctobre 2002 (taux
hypothécaire: 4%; IPC [base 1993]: 107.6) et à 1'027 fr. 45 dès le 1er
octobre 2003 (taux hypothécaire: 3,25%; IPC [base 1993]: 109.1). Quant au
loyer de A.________, les premiers juges l'ont arrêté à 1'125 fr. 80 dès le
1er octobre 2002 (taux hypothécaire: 4%; IPC [base 2000]: 101.5) et à 1'047
fr. dès le 1er octobre 2003 (taux hypothécaire: 3,25%; IPC [base 2000]:
102.8). Toutes autres ou plus amples conclusions ont été rejetées par eux.

Interprétant les deux clauses susmentionnées selon le principe de la
confiance, faute d'avoir pu constater la volonté réelle des parties sur ce
point, le Tribunal des baux est arrivé à la conclusion qu'il n'était pas
possible d'admettre objectivement que, par ces clauses, les cocontractants
entendaient exclure toute adaptation du loyer fondée sur les fluctuations du
taux hypothécaire. A supposer qu'il faille néanmoins leur donner une telle
signification, les clauses litigieuses étaient nulles. En effet, bien que le
principe de la liberté contractuelle s'applique également en droit du bail, y
compris pour la fixation du loyer, ces clauses remettaient en question tout
le système élaboré par le législateur fédéral, à l'aide de normes
généralement impératives, pour assurer la protection du locataire contre les
loyers abusifs ou d'autres prétentions abusives du bailleur en matière de
baux d'habitations et de locaux commerciaux. Aussi le Tribunal des baux en
a-t-il fait abstraction pour fixer le loyer de chacune des deux défenderesses
en pondérant les facteurs de hausse et de baisse invoqués par les parties. Il
a considéré, enfin, que la bailleresse n'était pas fondée à s'opposer aux
baisses de loyer requises, pour n'avoir pas réussi à établir que les loyers
payés par les défenderesses se situaient dans les limites des loyers usuels
dans la localité ou dans le quartier.

D.
D.aLa demanderesse a recouru contre ce jugement aux fins d'obtenir
l'admission des conclusions qu'elle avait soumises au Tribunal des baux et le
rejet des conclusions reconventionnelles prises par les défenderesses. A
titre subsidiaire, elle a conclu à l'annulation du jugement de première
instance.

Les défenderesses ont conclu au rejet du recours.

D.b Statuant par arrêt du 15 mars 2006, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours et confirmé le jugement attaqué.

Les magistrats cantonaux ont tout d'abord admis, à l'instar des premiers
juges, que la volonté réelle des parties, relativement aux clauses
litigieuses, n'avait pas été établie. En revanche, contrairement à eux, ils
ont estimé que ces clauses, interprétées selon le principe de la confiance,
révélaient la volonté des parties d'exclure toute adaptation du loyer en cas
de fluctuation du taux hypothécaire. La Chambre des recours a cependant
rejoint le Tribunal des baux pour conclure, comme lui, à la nullité des
clauses incriminées. Se fondant sur l'art. 270a CO et la jurisprudence y
relative (ATF 125 III 358), elle a jugé que le système de contestation établi
par cette disposition vise à empêcher les parties de déroger à la loi, étant
donné que celle-ci présente une solution définitive qui tient compte des
intérêts respectifs des parties au contrat de bail. A son avis, l'exclusion
pour le locataire de la possibilité de se prévaloir de la baisse du taux
hypothécaire de référence vide quasiment de toute sa substance le droit
conféré par cette norme impérative; elle n'est pas non plus compatible avec
les art. 269a, 269b et 269c CO, dispositions elles aussi impératives, car
elle implique une modification des critères légaux utilisés pour définir le
loyer abusif sans que les conditions permettant de le faire, en particulier
la condition de la durée minimale de cinq ans, ne soient réalisées in casu.
Toujours selon les juges précédents, la bailleresse invoque en vain le
principe de la liberté contractuelle, car cette liberté doit s'effacer devant
une norme de droit civil qui revêt un caractère impératif. De même ne
saurait-on admettre l'exception d'abus de droit du seul fait que les
défenderesses ont signé les contrats contenant les clauses litigieuses, car
cela reviendrait à priver les intéressées, par ce biais, de la protection
conférée par des dispositions impératives de la loi. S'agissant enfin des
calculs de loyers effectués par les premiers juges, l'autorité de recours les
qualifie de complets et corrects, tout en observant que la demanderesse ne
les conteste pas.

E.
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté, dans la mesure
où il était recevable, par arrêt séparé de ce jour, la demanderesse a déposé
un recours en réforme au Tribunal fédéral, en prenant les conclusions
ci-après:

" -I-

Le recours est admis.

Principalement:

-II-
Le dispositif de l'arrêt rendu le 15 mars 2006 par la Chambre des recours du
Tribunal cantonal vaudois, ..., est réformé comme il suit, sa nouvelle teneur
étant la suivante:

I. Le recours est admis.

II. Le jugement rendu le 17 mars 2004 par le Tribunal des baux dans la cause
... est réformé comme il suit:

I. Les requêtes adressées le 9 avril 2003 au Tribunal des baux par la Caisse
X.________ contre A.________, d'une part, et B.________, d'autre part, sont
admises et les hausses de loyer notifiées le 30 avril 2002 par la Caisse
X.________ à A.________ et B.________ sont réputées admissibles, à
concurrence des taux de répercussion arrêtés par transaction partielle des
parties à l'audience du 17 mars 2004, soit 6% pour B.________ et 6,79% pour
A.________.

II. Les loyers dus par A.________ et B.________ à la Caisse X.________ sont
calculés en fonction des taux de répercussion découlant de la transaction
partielle des parties à l'audience du 17 mars 2004, soit 6% pour B.________
et 6,79% pour A.________.

III. Les conclusions reconventionnelles en diminution de loyer prises par
B.________ et A.________ le 24 juin 2003 sont rejetées.

Subsidiairement à II:

III-

L'arrêt rendu le 15 mars 2006 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal
vaudois ... est annulé."

Les moyens soulevés dans le recours en réforme seront indiqués, dans la
mesure utile, lorsqu'ils seront examinés.

Les défenderesses proposent le rejet pur et simple du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à
faire valider les hausses de loyer notifiées aux parties adverses et dirigé
contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal
supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le recours est recevable, puisqu'il a été
déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55
OJ).

S'agissant d'un bail reconductible tacitement, c'est-à-dire d'un bail de
durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid. 2b), le montant de la majoration
annuelle contestée doit être multiplié par vingt (art. 36 al. 5 OJ; ATF 103
II 41 consid. 1d p. 47). Il en va de même en ce qui concerne la demande de
diminution du loyer. En ne tenant compte que de celle-ci, on obtient déjà,
pour chacune des deux défenderesses, une valeur litigieuse supérieure à la
limite de 8'000 fr. fixée à l'art. 46 OJ pour la recevabilité du recours en
réforme. De surcroît, vu le
cumul subjectif d'actions, les conclusions prises
par ou contre les défenderesses, qui revêtent la qualité de consorts, doivent
également être additionnées pour le calcul de la valeur litigieuse (art. 47
al. 1 OJ en liaison avec l'art. 24 al. 2 let. b PCF; ATF 103 II 41 consid. 1;
arrêt 4C.291/2001 du 9 juillet 2001, consid. 1a).

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves
échappe également à l'examen de la juridiction fédérale de réforme (ATF 130
III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3).

Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, qui
ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let.bOJ), mais il n'est
pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine).

2.
2.1Interprétant les clauses litigieuses selon le principe de la confiance, le
Tribunal des baux a jugé qu'il n'était pas possible d'en déduire la volonté
concordante des parties d'exclure toute adaptation du loyer fondée sur les
fluctuations du taux hypothécaire. La Chambre des recours, quant à elle, est
arrivée à la conclusion inverse.

Dans leur réponse au recours, les défenderesses, se rangeant à l'avis des
premiers juges, contestent cette conclusion. Elles sont en droit de le faire,
quand bien même elles entendent obtenir le maintien de la décision attaquée
(ATF 123 III 261 consid. 2 p. 263 et l'arrêt cité).

Il convient de commencer par l'examen de cette question dans la mesure où la
réponse qui lui sera donnée permettra, le cas échéant, de laisser ouverte
celle, plus délicate, de la validité des clauses controversées.

2.2
2.2.1Pour interpréter une clause contractuelle selon la théorie de la
confiance, le juge doit rechercher comment cette clause pouvait être comprise
de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation dite
objective; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1). Le
principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa
déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à la
volonté intime de l'intéressée (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118
consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2 et les références doctrinales).
L'application du principe de la confiance est une question de droit que le
Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF
132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1; 130 III 417 consid. 3.2).
Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le
contenu de la manifestation de volonté et sur lescirconstances, lesquelles
relèvent du fait (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 586 consid. 4.2.3.1;
130 III 417 consid. 3.2). Les circonstances déterminantes sont celles qui ont
précédé ou accompagné la manifestation de volonté (ATF 131 III 377 consid.
4.2 p.382 et l'arrêt cité), à l'exclusion des événements postérieurs (ATF
118 II 365 consid. 1 p. 366; 112 II 337 consid. 4a).

Le sens d'un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, de
sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée. Même si la teneur
d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter
d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres
circonstances que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement le
sens de l'accord conclu (ATF 131 III 606 consid. 4.2; 130 III 417 consid.
3.2). Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte
adopté par les cocontractants lorsqu'il n'existe aucune raison sérieuse de
penser qu'il ne correspond pas à leur volonté (ATF 130 III 417 consid. 3.2;
129 III 118 consid. 2.5; 128 III 265 consid. 3a).

2.2.2
2.2.2.1Le contrat de bail liant la demanderesse à la défenderesse B.________
comporte, sous la rubrique "loyer" et la sous-rubrique "conditions
particulières", la mention suivante: "La variation du taux hypothécaire
n'entre pas en considération dans la fixation du loyer". A côté de cette
mention, il est précisé que l'IPC est de 100,40.

Les premiers juges se sont demandé si cette mention ne pourrait pas être
éventuellement comprise comme une réserve mal formulée. Laissant la question
ouverte, ils ont estimé que ladite clause n'était de toute façon pas
suffisamment claire pour que la locataire pût en déduire une renonciation
définitive des deux parties à invoquer l'évolution du taux hypothécaire à
l'appui d'une majoration ou d'une demande de diminution du loyer. Avec
raison, la Chambre des recours a refusé de partager ce point de vue. Il faut
admettre, comme elle, que le terme variation, utilisé dans la clause
analysée, renvoie nécessairement à l'avenir. On ne voit pas qu'il soit
possible d'inférer du texte de celle-ci une réserve, fût-elle mal formulée
(cf. l'art. 18 OBLF), la bailleresse n'ayant pas du tout laissé entendre, à
la conclusion du bail, même de manière implicite, qu'elle aurait pu fixer le
loyer initial à un niveau plus élevé mais qu'elle s'abstenait provisoirement
de le faire. De surcroît, il n'y aurait guère de sens à admettre que, par
cette clause, la bailleresse a simplement voulu informer la locataire qu'elle
fixait son loyer sans égard au taux hypothécaire en vigueur à l'époque, mais
qu'elle ne manquerait pas de se servir plus tard de ce facteur pour adapter
le loyer. L'indication du niveau de l'IPC en regard de la clause considérée
confirme d'ailleurs, de manière indirecte, la volonté, reconnaissable, de la
bailleresse d'exclure l'autre facteur (i.e. le taux hypothécaire) comme motif
d'adaptation du loyer.

Au demeurant, quoi qu'en dise la défenderesse, il n'y avait aucune
incohérence, de la part de la Chambre des recours, à constater que la volonté
réelle des parties n'avait pu être établie, en dépit des termes clairs du
contrat, puis à retenir, sur le vu de ces mêmes termes, que celles-ci étaient
convenues de ne pas faire dépendre l'adaptation du loyer de l'évolution du
taux hypothécaire. C'est, en effet, le rôle de l'interprétation d'une clause
contractuelle selon le principe de la confiance que de déterminer, par une
démarche normative, la volonté présumée des parties en recherchant le sens
objectif qu'un tiers pourrait donner à cette clause sur la signification de
laquelle les cocontractants ne sont pas d'accord, malgré la clarté de sa
formulation.

2.2.2.2 "Le taux hypothécaire et ses variations n'entrent pas en
considération pour la fixation et l'adaptation des loyers". Cette clause, qui
figure dans le bail conclu par la demanderesse avec la défenderesse
A.________, sous la rubrique "dispositions complémentaires", est encore plus
claire que celle qui vient d'être examinée, puisqu'elle exclut expressément
le recours au facteur en question pour l'adaptation du loyer. On ne saurait
donc lui donner une autre signification qu'à celle-là. Semblable
interprétation n'est pas démentie par le fait que, pour calculer la part de
l'augmentation du loyer des défenderesses se rapportant aux améliorations
entraînant des plus-values, la bailleresse a pris en considération le taux
hypothécaire du marché augmenté d'?%. De fait, ce calcul a été opéré dans le
cadre d'une majoration de loyer fondée sur un autre motif (les prestations
supplémentaires du bailleur, au sens de l'art. 269a let. b, seconde
hypothèse, CO) que celui visé par la clause litigieuse (les hausses de coûts,
au sens de l'art. 269a let. b, première hypothèse, CO). Il s'agit là, en tout
état de cause, d'une circonstance postérieure à la conclusion du contrat de
bail et, partant, non pertinente. En effet, pour l'application du principe de
la confiance, les circonstances déterminantes sont celles qui ont précédé ou
accompagné la manifestation de volonté (ATF 131 III 377 consid. 4.2 p.382 et
l'arrêt cité), à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 118 II 365
consid. 1 p. 366; 112 II 337 consid. 4a).

Cependant, le Tribunal des baux a vu une renonciation ultérieure à
l'application de cette clause de la part de la bailleresse dans le fait que,
le 11 septembre 2001, la demanderesse avait soumis à sa locataire une
proposition d'accord écrite, acceptée le 26 du même mois par l'intéressée,
qui faisait suite à une contestation du loyer initial fondée, pour
l'essentiel, sur la baisse du taux hypothécaire depuis la fixation du loyer
de l'ancien locataire (cf., plus haut, sous let. B.b). De l'avis des premiers
juges, faute de référence expresse à la clause topique dans la proposition
d'accord, la locataire pouvait objectivement comprendre que la bailleresse
renonçait à la clause en question. La Chambre des recours, à juste titre, n'a
pas suivi cet avis en soulignant que l'auteur de la proposition écrite, à
savoir la gérante de l'immeuble, y avait précisé les bases de calcul du
nouveau loyer sans mentionner le taux hypothécaire et en se référant au bail
conclu le 13juin 2001.

2.2.2.3 L'interprétation des clauses litigieuses selon le principe de la
confiance ayant permis de dégager le sens de celles-ci, les défenderesses
réclament en vain l'application de la règle dite des clauses ambiguës
(Unklarheitsregel, in dubio contra stipulatorem; cf. ATF 124 III 155 consid.
1b p. 158), laquelle revêt un caractère subsidiaire par rapport à ce moyen
d'interprétation (ATF 122 III 118 consid. 2a et les arrêts cités), et celle
dite de l'inhabituel ou de l'insolite (Ungewöhnlichkeitsregel; arrêt
4C.427/2005 du 4 mai 2006, consid. 2.1 et les références), qui a trait à une
autre problématique (adhésion à des conditions générales d'affaires
préformées).

Réfutés les arguments des défenderesses, il reste à examiner si les
cocontractants, en adoptant les clauses litigieuses, ont valablement exclu
toute adaptation du loyer justifiée par la fluctuation du taux hypothécaire.

3.
3.1A l'appui de son recours en réforme, la demanderesse soutient, à l'inverse
des juridictions précédentes, que les clauses litigieuses ne sont pas nulles
au regard des art. 269, 269a et 270a CO.
S'agissant de l'art. 270a CO, tel qu'interprété par la jurisprudence
fédérale, la demanderesse fait valoir que les clauses incriminées n'y portent
pas atteinte. A son avis, du moment que les parties ont volontairement exclu
le taux hypothécaire comme base de calcul dans les contrats de bail en cause,
la condition "d'une notable modification des bases de calcul", posée par
cette disposition en tant que préalable à une demande de diminution du loyer,
n'est pas réalisée en l'espèce, nonobstant la baisse du taux hypothécaire. La
solution eût été différente en cas de baisse du niveau de l'IPC, des charges
ou des loyers comparatifs, parce que ces facteurs-ci, contrairement à
celui-là, n'ont pas été exclus pour la fixation du loyer.

La demanderesse relève, par ailleurs, que l'art. 269a CO ne contient qu'une
liste d'exemples de loyers non abusifs et que l'expression "taux
hypothécaire" n'y figure pas. Elle en déduit que cette disposition n'impose
pas aux parties l'obligation de tenir compte du taux hypothécaire pour fixer
le loyer. Une clause excluant un tel facteur ne contreviendrait pas non plus
à l'art. 13 al. 4 OBLF qui vise à éviter une inégalité de traitement entre
bailleurs et locataires à l'occasion d'une modification du loyer faisant
suite à une variation du taux hypothécaire.

Enfin, toujours selon la demanderesse, le principe cardinal de la liberté
contractuelle, dont la jurisprudence fédérale récente a rappelé l'importance,
commande d'autoriser les parties à ne pas tenir compte du taux hypothécaire
comme base de calcul du loyer.

3.2
3.2.1En droit suisse des obligations prévaut le principe de l'autonomie de la
volonté, d'après lequel l'objet d'un contrat peut être librement déterminé,
dans les limites de la loi (art. 19 al. 1 CO). Celle-ci exclut les
conventions des parties, entre autres hypothèses, lorsqu'elle édicte une
règle de droit strict (art. 19 al. 2, in initio, CO; ATF 132 III 226 consid.
3.3.1 p. 234). Dans ce cas, la loi - plus précisément, le droit impératif -
l'emporte sur la volonté des parties. Il n'en va pas autrement en matière de
bail. Les dispositions sur la protection contre les loyers abusifs
n'empêchent pas les parties, en vertu de la liberté contractuelle, de fixer
librement l'objet de leur contrat, voire d'en modifier le contenu en cours de
bail. Cependant, les dispositions impératives de la loi ne doivent pas être
éludées (ATF 128 III 419 consid. 2.4.2 p. 425).

3.2.2
3.2.2.1Aux termes de l'art. 270a al. 1 CO, "le locataire peut contester le
montant du loyer et en demander la diminution pour le prochain terme de
résiliation, s'il a une raison d'admettre que la chose louée procure au
bailleur un rendement excessif au sens des articles 269 et 269a, à cause
d'une notable modification des bases de calcul, résultant en particulier
d'une baisse des frais" (sur la méthode et les critères de calcul applicables
pour l'examen d'une demande de diminution du loyer formulée en cours de bail,
cf. l'arrêt 4C.291/2001 du 9 juillet
2002, consid. 2).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'art. 270a CO concrétise la
protection contre les prétentions abusives du bailleur en matière de baux
d'habitation et de locaux commerciaux (art. 269 ss CO), en déterminant les
conditions formelles et matérielles auxquelles le locataire peut demander un
contrôle du loyer. Cette disposition vise à empêcher les parties de déroger à
la loi, dès lors que celle-ci présente une solution définitive qui tient
compte de leurs intérêts respectifs. Aussi le système de contestation du
loyer qu'elle établit ne peut-il pas être limité ou exclu par convention ni
étendu à d'autres possibilités de contestations. Il ne permet pas aux parties
de convenir d'un loyer minimal absolu pour le futur et ne s'accommode pas, en
particulier, d'une clause contractuelle interdisant toute réduction du loyer
initial. En effet, la possibilité d'exclure librement la diminution du loyer
ne doit pas dépendre du hasard, selon que le contrat a été conclu par exemple
en fonction d'un taux hypothécaire bas ou élevé (ATF 125 III 358).

Le caractère impératif de l'art. 270a CO est également reconnu, sous réserve
de quelques nuances, par la quasi-totalité des auteurs qui se sont penchés
sur la question (Giacomo Roncoroni, Zwingende und dispositive Bestimmungen im
revidierten Mietrecht, in mp 1990 p. 76 ss, 77; David Lachat, Le bail à loyer
[ci-après abrégé: BL], p. 66, n. 2.2, et p. 258, n. 1.5; le même, in
Commentaire romand [ci-après abrégé: CR], n. 1 ad art. 270a CO; David
Lachat/Daniel Stoll/Andreas Brunner, Das Mietrecht für die Praxis, 6e éd., p.
251, n. 1.5; Schweizerisches Mietrecht: Kommentar [ci-après abrégé:
SVIT-Kommentar], 2e éd., n. 2 ad art. 270a CO; Roger Weber, Commentaire
bâlois, 3e éd., n. 1a ad art. 270a CO; Richard Permann/Marc Schaner,
Kommentar zum Mietrecht, n. 1 ad art. 270a CO, p. 414; Anita Thanei, Die
Rechtsprechung des Bundesgerichtes zur Mietzinsfestsetzung, p. 52, n. 5.3;
Laura Jacquemoud-Rossari, L'évolution récente de la jurisprudence en matière
de loyers, in 11e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2000, p. 26, n.
5.5; moins catégorique: Peter Higi, Commentaire zurichois, n. 4 ad art. 270
CO). Il a encore été mis en évidence dans une récente étude portant sur la
nature des dispositions du code des obligations relatives au bail à loyer
(Giacomo Roncoroni, Nochmals zur zwingenden oder dispositiven Natur der
Mietrechtsbestimmungen des Obligationenrechts [ci-après abrégé: Nochmals
...], in mp 2006 p. 67ss, 95 s., n. 18).

Cette opinion concordante de la jurisprudence et de la doctrine quant à la
nature impérative de l'art. 270a CO trouve d'ailleurs un appui dans le droit
en vigueur. Il s'agit de l'art. 3 al. 4 let. b de la loi fédérale du 23juin
1995 sur les contrats-cadres de baux à loyer et leur déclaration de force
obligatoire générale (LCBD; RS.221.213.15). Sous le titre "dérogations à des
dispositions impératives", cette règle de droit, qui autorise à déroger, par
voie de contrat-cadre, à de telles dispositions à certaines conditions,
prévoit, en effet, que "le contrat-cadre ne peut restreindre le droit du
locataire de demander une diminution du loyer (art. 270a)...". A plus forte
raison, semblable restriction ne saurait-elle résulter d'un accord conclu par
les parties au contrat de bail.

3.2.2.2 Le bien-fondé de la prétention du locataire basée sur l'art. 270a CO
doit être examiné en fonction des critères de fixation du loyer des art. 269
et 269a CO, ainsi que le rappelle le premier alinéa de cette disposition.
Selon une jurisprudence bien établie, une demande de diminution du loyer en
cours de bail s'apprécie à l'aide de la méthode relative (sur cette notion,
cf. ATF 120 II 240 consid. 2 et les références), en ce sens que le locataire
ne peut invoquer que les facteurs de baisse qui se sont réalisés depuis la
dernière fixation du loyer (arrêt 4C.291/2001, précité, avec des références
aux ATF 126 III 124 consid. 2a p. 126, 124 III 67 consid. 3 p. 69 et 121 III
163 consid. 2d/bb). Le locataire se prévaudra, le plus souvent, d'une
modification des coûts, au sens de l'art. 269a let. b CO. En pratique, la
baisse du taux hypothécaire joue un rôle primordial, quoique non exclusif
(Lachat, BL, p. 272 s., n. 4.2.2).

Les art. 269 et 269a CO sont de droit impératif (Roncoroni, Nochmals..., p.
109 s., n. 10; Lachat, BL, p. 282, ch. 1.5 et p. 301, ch. 1.3; Lachat, CR, n.
6 ad Intro. art. 269-270e CO; Lachat/Stoll/Brunner, op.cit., p. 283, n. 1.3
et p. 312, n. 1.3; SVIT-Kommentar, n. 1 ad art.269 CO et n. 3 ad art. 269a
CO; Higi, op. cit., n. 9 ad art. 269 CO et n. 5 ad art. 269a CO;
Permann/Schaner, op. cit., n. 5 ad art. 269 CO, p.366 et n. 1 ad art. 269a
CO, p. 380; moins catégorique: Weber, op.cit., n. 3 ad art. 269 CO). Il va
sans dire qu'il n'y aurait guère de sens à édicter des règles visant à
protéger les locataires contre les loyers abusifs, s'il suffisait d'un accord
entre les cocontractants pour en écarter l'application (Permann/Schaner, op.
cit., n. 5 ad art. 269 CO, p. 366). On ne voit pas non plus qu'il soit
possible d'abandonner aux parties le soin de décider à quelles conditions un
loyer peut être taxé d'abusif, sans égard aux présomptions établies par le
législateur fédéral à l'art. 269a CO pour savoir quand il ne l'est
généralement pas (cf. Higi, op. cit., n. 9 ad art. 269 CO). La nécessité de
protéger le locataire, soit la partie faible au contrat de bail, contre les
loyers abusifs exclut que l'on tolère la création d'un droit conventionnel
parallèle qui viendrait concurrencer la législation ad hoc, fruit d'un long
processus d'élaboration ayant débouché sur un compromis entre les intérêts
antagonistes des bailleurs et des locataires. La sécurité des relations
juridiques dans un domaine éminemment sensible commande d'ailleurs de ne
point laisser un droit conventionnel venir se greffer sur des dispositions
légales déjà suffisamment complexes. Force est d'admettre, par conséquent,
que les parties ne peuvent pas renoncer contractuellement à l'application de
l'un ou l'autre des critères mentionnés à l'art. 269a CO, pas plus qu'elles
ne peuvent en modifier la portée ou introduire d'autres critères de fixation
du loyer (Roncoroni, op. cit., p.109, n. 10; Lachat, BL, p. 301, n. 1.3;
Lachat, CR, n. 6 ad Intro. art. 269-270e CO). En revanche, les
contrats-cadres peuvent déroger aux règles de l'art. 269a CO - mais pas à
l'art. 269 CO (cf. art. 3 al. 3 let. b LCBD) - en supprimant certains de ces
critères, en les modifiant ou en en créant d'autres. Les partenaires au
contrat-cadre pourront ainsi convenir, par exemple, de règles particulières
sur l'incidence du taux hypothécaire (Lachat, BL, p. 301, n. 1.3 et p. 328,
n. 9.3), lesquelles seront seules applicables lors d'une modification de ce
taux (art. 13 al. 2 OBLF). La portée de cette exception demeure toutefois
limitée dans la mesure où il ne semble pas, en l'état, qu'un contrat-cadre y
ait déjà eu recours (Lachat, CR, n. 22 ad art. 269a CO).

3.2.3 Les clauses litigieuses excluent la prise en considération du taux
hypothécaire pour la fixation et l'adaptation des loyers. Aussi, d'un point
de vue strictement logique, la demanderesse a-t-elle raison de soutenir que
l'une des conditions matérielles d'application de l'art. 270a al. 1 CO - à
savoir, "une notable modification des bases de calcul" - fait défaut en
l'espèce. On ne saurait, en effet, parler de modification, notable ou non, à
propos d'un facteur dont les parties sont convenues d'emblée de ne pas tenir
compte. Cette constatation n'épuise cependant pas le sujet. Pour accorder
quelque crédit à l'objection de la demanderesse, encore faudrait-il que les
bases de calcul aient été fixées valablement dans les contrats de bail en
cause. Sinon, il suffirait de choisir, lors de la fixation du loyer initial,
un facteur qui, selon toute vraisemblance, ne devrait évoluer que vers le
haut ou, du moins, ne pas varier pour faire obstacle à toute demande de
diminution du loyer en cours de bail. En l'occurrence, les parties ont
méconnu le caractère impératif de l'art. 269a CO, relevé plus haut,
puisqu'elles ont renoncé sans droit à l'application de l'un des critères
prévus par cette disposition, c'est-à-dire celui des coûts (art. 269a let. b,
première hypothèse, CO). Que le taux hypothécaire corresponde à ce critère,
quand bien même l'expression ne figure pas dans le texte légal, n'est plus à
démontrer (cf. l'art. 13 OBLF et, sur sa constitutionnalité, l'arrêt
4C.85/2002 du 10 juin 2002, consid. 2b) et ce n'est pas sans une certaine
témérité que la demanderesse fait fond sur cette absence de mention expresse
pour étayer son argumentation. D'autre part, il est sans doute exact, comme
le souligne la demanderesse, que l'adverbe "notamment", utilisé à l'art. 269a
CO, indique que la liste subséquente des cas dans lesquels les loyers ne
sont, en règle générale, pas abusifs n'est pas exhaustive (cf., parmi
d'autres: Higi, op. cit., n. 7 ad art. 269a CO). Toutefois, la possibilité de
fixer le loyer et les conditions de sa variation selon d'autres critères -
loyer dépendant du chiffre d'affaires d'un locataire commerçant (Lachat, CR,
n. 23 ad art. 269a CO; Weber, op. cit., n. 10 ad art. 269b CO), loyer indexé
(art. 269b CO), loyer échelonné (art. 269c CO), etc. - n'implique pas celle
de renoncer au principal critère prévu par une disposition légale impérative.
Quant au souci, allégué par la demanderesse, de trouver une solution qui
respectât l'égalité de traitement entre bailleurs et locataires, conformément
à l'esprit de la réglementation régissant la question du taux hypothécaire
(cf. art. 13 al. 4 OBLF), il ne pouvait justifier une dérogation à une
disposition de cette nature.

Ainsi, n'ayant pas été valablement exclu, le taux hypothécaire en vigueur à
la conclusion des baux constituait bien une base de calcul au sens de l'art.
270a al. 1 CO. La modification de cette base de calcul, à la supposer
notable, pouvait donc être invoquée par les défenderesses pour justifier
leurs demandes de diminution du loyer formées en cours de bail. Contraires au
droit impératif, les clauses incriminées étaient illicites et, partant,
nulles (art. 20 al. 1 CO), de sorte qu'elles ne pouvaient empêcher les
intéressées de réclamer une réduction de leur loyer en se prévalant de la
baisse du taux hypothécaire. Que l'immeuble abritant les appartements donnés
à bail fût franc d'hypothèque, son acquisition ayant été financée par des
fonds propres, n'y faisait pas davantage obstacle, car il a été jugé de
longue date qu'une telle circonstance ne joue pas de rôle dans un système
fondé sur une structure financière théorique de l'immeuble et caractérisé par
un mode de répercussion standardisé des variations du taux hypothécaire (ATF
118 II 45 consid. 2a/aa et les références, confirmé par l'ATF 120 II 302
consid. 7b).

La demanderesse fait encore valoir, sur un plan plus général, que les clauses
litigieuses, utilisées par elle depuis deux décennies environ, ont le mérite
de découpler les loyers du taux hypothécaire, allant ainsi dans le sens voulu
par les milieux intéressés qui critiquent la pratique du report des
variations du taux hypothécaire sur les loyers. Cet argument relève toutefois
de la politique législative. Comme tel, il ne saurait être pris en
considération par le juge, dont la mission consiste à appliquer le droit en
vigueur.

On relèvera encore que la demanderesse a conclu les baux la liant aux
défenderesses à une époque - 1994 pour le premier, 2001 pour le second - où
le taux hypothécaire de référence avait amorcé une décrue progressive et
quasi constante, après avoir atteint son apogée en 1992. Aussi l'insertion
des clauses litigieuses dans les deux contrats de bail, loin d'établir une
égalité de traitement entre la bailleresse et ses locataires, a-t-elle
surtout eu pour effet de favoriser la première au détriment des secondes,
puisqu'elle permettait à celle-là de notifier à celles-ci des augmentations
de loyer sans que les locataires puissent opposer en compensation la baisse
sensible et avérée du taux hypothécaire, ni réclamer une diminution de leur
loyer de ce chef.

Cela étant, force est d'admettre, au terme de cet examen, que la Chambre des
recours n'a pas violé le droit fédéral, plus précisément les art. 19, 269a et
270a CO, en constatant la nullité des clauses litigieuses.

4.
La demanderesse soutient, enfin, que les défenderesses commettent un abus de
droit et adoptent un comportement contraire à la bonne foi en se prévalant de
la nullité d'une clause que chacune d'elles avait acceptée en signant le
contrat de bail incluant cette clause.

4.1 Aux termes de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas
protégé par la loi. Parmi d'autres cas, l'exercice d'un droit peut se révéler
abusif si l'attitude de la partie qui agit contredit son comportement
antérieur et que des attentes légitimes de l'autre partie s'en trouvent
déçues. Le comportement de celui qui accepte d'abord de conclure une
convention et qui, par la suite, en considération de règles impératives,
excipe de l'invalidité de cette même convention, n'est cependant constitutif
d'abus de droit que si des conditions particulières sont réalisées. Il faut
par exemple que ce cocontractant ait proposé lui-même la convention contraire
aux règles impératives, dans son propre intérêt et en connaissance de
l'invalidité, de sorte qu'il a acquis un droit de façon déloyale. La partie
qui reproche à l'autre un abus de droit doit prouver les circonstances
particulières qui, dans le cas concret, autorisent à retenir que l'invalidité
de la convention est invoquée de façon abusive (ATF 129 III 493 consid. 5.1
et les références).

4.2 Dans la présente affaire, la juridiction cantonale n'a constaté aucune
circonstance qui soit propre à justifier le grief d'abus de droit. Les
clauses litigieuses, préimprimées, ont été insérées par la demanderesse
elle-même dans les contrats de bail. Rien ne permet d'affirmer que les
défenderesses en aient connu d'emblée la nullité. En réalité, comme on l'a
relevé plus haut, celles-ci étaient d'avis qu'il n'était pas possible de
déduire de ces clauses la volonté concordante des parties d'exclure toute
adaptation du loyer fondée sur les fluctuations du taux hypothécaire. Aussi
ont-elles adopté un comportement qui était conforme à l'interprétation faite
par elles desdites
clauses. Que pareille interprétation, admise par les
premiers juges, ait été ensuite infirmée par la Chambre des recours et la
Cour de céans n'y change rien. Dès lors, comme le font observer à juste titre
les juges précédents, admettre l'exception d'abus de droit du seul fait que
les défenderesses ont signé les contrats contenant les clauses d'exclusion
reviendrait à les priver, par ce biais, de la protection que leur confèrent
les dispositions impératives de la loi.

Le moyen fondé sur l'art. 2 al. 2 CC ne peut, en conséquence, qu'être rejeté.

5.
Les calculs des loyers effectués par le Tribunal des baux et entérinés par la
Chambre des recours ne sont pas contestés par la demanderesse, qui avait déjà
renoncé à les remettre en cause devant la seconde juridiction cantonale. Il
n'y a donc pas lieu de les examiner (art. 55 al. 1 let. c OJ).

6.
Pour les motifs sus-indiqués, le présent recours doit être rejeté. Par
conséquent, la demanderesse, qui l'a déposé, devra payer l'émolument
judiciaire afférent à la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ). Elle sera,
en outre, condamnée à verser aux défenderesses, qui ont déposé une réponse
commune, une indemnité à titre de dépens dont celles-ci seront créancières
solidaires (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de
2'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 26 octobre 2006

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.203/2006
Date de la décision : 26/10/2006
1re cour civile

Analyses

Contrat de bail; protection contre les loyers abusifs; renonciationconventionnelle au taux hypothécaire comme facteur de fixation du loyer(art. 269, 269a et 270a CO; art. 2 al. 2 CC). Interprétation de clauses contractuelles selon lesquelles la variation dutaux hypothécaire n'entre pas en considération pour la fixation etl'adaptation du loyer (consid. 2). La clause d'un contrat de bail par laquelle les parties excluent la priseen considération du taux hypothécaire pour la fixation et l'adaptation duloyer n'est pas valable (consid. 3). La partie qui se prévaut de la nullitéd'une telle clause ne peut pas se voir opposer, en principe, l'exceptiond'abus de droit (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-26;4c.203.2006 ?
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