La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/10/2006 | SUISSE | N°2P.94/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 octobre 2006, 2P.94/2005


{T 0/2}2P.94/2005 /svc Arrêt du 25 octobre 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président, Betschart, Hungerbühler, Wurzburger,Müller, Yersin et Favre.Greffière: Mme Ieronimo Perroud. Résidence X.________ SA,recourante, représentée par Me Corinne Monnard Séchaud, avocate, contre Grand Conseil du canton de Vaud, 1014 Lausanne,Conseil d'Etat du canton de Vaud, Château cantonal, 1014 Lausanne. Décret du 7 décembre 2004 modifiant celui du 19 juin 2001 instaurant unesubvention cantonale couvrant la part du coût des soins non reconnue à chargedes assureurs-maladie,

pour les personnes qui ne bénéficient pas d'une aidefinanciè...

{T 0/2}2P.94/2005 /svc Arrêt du 25 octobre 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président, Betschart, Hungerbühler, Wurzburger,Müller, Yersin et Favre.Greffière: Mme Ieronimo Perroud. Résidence X.________ SA,recourante, représentée par Me Corinne Monnard Séchaud, avocate, contre Grand Conseil du canton de Vaud, 1014 Lausanne,Conseil d'Etat du canton de Vaud, Château cantonal, 1014 Lausanne. Décret du 7 décembre 2004 modifiant celui du 19 juin 2001 instaurant unesubvention cantonale couvrant la part du coût des soins non reconnue à chargedes assureurs-maladie, pour les personnes qui ne bénéficient pas d'une aidefinancière individuelle de l'Etat pour leur hébergement dans lesétablissements médico-sociaux et les divisions pour malades chroniques deshôpitaux et des centres de traitement et de réadaptation. recours de droit public contre un décret du7 décembre 2004 du Grand Conseil du canton de Vaud. Faits: A.Jusqu'à la fin de l'année 1996, le coût des prestations de soins etl'hébergement des résidents d'établissements médico-sociaux (ci-après: EMS)était réglé dans le canton de Vaud par voie conventionnelle. En 1996 estentrée en vigueur la loi fédérale du 18mars 1994 sur l'assurance-maladie(LAMal; RS 832.10) qui prévoit le remboursement des soins en EMS parl'assurance-maladie à leur prix coûtant. De 1997 à fin 2000 plus aucuneconvention n'a pu être conclue; le Conseil d'Etat du canton de Vaud a alorsadopté des arrêtés qui fixaient chaque année le tarif des prestations desoins (sur une base forfaitaire) et celui des prestations socio-hôtelièresfournies, entre autres, par les EMS. Ces arrêtés ont fait l'objet de diversrecours adressés tant au Conseil fédéral, compétent en matière de tarifs desoins (art. 53 LAMal), qu'au Tribunal fédéral, chargé d'examiner laconstitutionnalité des tarifs cantonaux socio-hôteliers. Dès l'année 2001, unrégime conventionnel a pu être rétabli; les tarifs fondés sur cette base ontégalement été l'objet de recours devant le Conseil fédéral et le Tribunalfédéral.Dans ses décisions des 23 juin 1999, 20 décembre 2000 (publiée in JAAC66/2002 n° 69 p. 817) et 19 janvier 2005, le Conseil fédéral a constaté, ensubstance, que la méthode utilisée dans le canton de Vaud pour établir lestarifs de prestations de soins tenait compte à tort des soins requis au lieudes soins réellement dispensés (cf. art. 43 al.4 LAMal) et les a doncabaissés. Il a ensuite rappelé que, selon la protection tarifaire instituéepar l'art. 44 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations devaient respecterles tarifs et prix fixés par l'autorité compétente et ne pouvaient exiger derémunération plus élevée pour les soins entrant dans le champ d'applicationde la législation fédérale sur l'assurance-maladie. En d'autres termes,l'assuré n'avait pas à payer une partie du coût des soins à la charge del'assurance-maladie au motif que les forfaits fixés ne les couvraient pasentièrement. A cet égard, le Conseil fédéral a précisé que le report de lapart des prestations de soins non prise en charge par les assureurs-maladiesur les tarifs socio-hôteliers violait ladite protection tarifaire. Il aensuite rappelé sa recommandation, adressée aux gouvernements cantonaux en1997, selon laquelle la prise en charge par les cantons, pendant une périodede transition de quelques années, des frais non couverts parl'assurance-maladie constituerait un geste à la fois opportun et bienvenu,tout en précisant que les cantons n'y étaient pas tenus. Il a égalementobservé que le déficit en question pouvait éventuellement être compensé parune rémunération plus basse des prestataires de soins.Dans ses différentes décisions rendues entre juillet 2000 et janvier 2005, leTribunal fédéral a de son côté constaté que les tarifs des prestations desoins et ceux des prestations socio-hôtelières fonctionnaient comme des vasescommunicants et qu'en faisant transiter la part des soins non remboursés parles caisses-maladie d'un tarif à l'autre le Conseil d'Etat violait laprotection tarifaire. Il a également précisé que ladite protection s'étendaitnon seulement aux résidents bénéficiant des régimes sociaux, mais aussi auxrésidents financièrement indépendants. B.Suite à ces décisions, notamment à celle du Conseil fédéral du 20décembre2000, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté le 19 juin 2001 un "Décretinstaurant une subvention cantonale couvrant la part du coût des soins nonreconnue à charge des assureurs-maladie, pour les personnes qui nebénéficient pas d'une aide individuelle de l'Etat pour leur hébergement dansles établissements médico-sociaux et les divisions pour malades chroniquesdes hôpitaux et des centres de traitement et réadaptation" (abrégé: décretsur la subvention cantonale). L'art. 2 du décret, entré en vigueurrétroactivement au 1er janvier 2001, avait la teneur suivante:"Art. 2.- La subvention concerne les résidents hébergés dans un établissementet qui ne sont pas bénéficiaires d'une aide ressortissant aux législationssur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants etinvalidité, sur l'aide aux personnes recourant à l'hébergement médico-socialet sur la prévoyance et l'aide sociales."Par décret du 7 décembre 2004 (cf. art. 1), l'art. 2 du décret sur lasubvention cantonale a été modifié en ce sens que la subvention ne concerneplus que les résidents hébergés dans un établissement reconnu d'intérêtpublic. La modification est entrée en vigueur le 15février 2005 par arrêtédu 9 février 2005. C.Le 14 mars 2005, Résidence X.________ SA a recouru au Tribunal fédéral, luidemandant d'annuler le décret du 7 décembre 2004. La recourante, qui est unEMS non reconnu d'intérêt public, invoque la violation de la libertééconomique, de l'égalité de traitement, notamment entre concurrents directs,et du principe de l'interdiction de l'arbitraire.Par ordonnance du 18 avril 2005, le Président de la IIe Cour de droit publica admis la demande d'effet suspensif présentée par la recourante.Dans ses observations du 27 mai 2005, le chef du Département de la santé etde l'action sociale a conclu au rejet du recours.Les parties ont maintenu leurs conclusions lors d'un second échanged'écritures. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Déposé contre un décret du Grand Conseil du canton de Vaud, le présentrecours est dirigé contre un acte législatif cantonal soumis à référendum(art. 84 al. 1 lett. a Cst./VD) et doit être jugé par une cour siégeant àsept juges (art. 15 al. 3 OJ). 2.2.1Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité desrecours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1; 129 III 107 consid. 1et les arrêts cités). 2.2 Le recours de droit public est recevable lorsqu'il est formé contre unarrêté de portée générale pour violation des droits constitutionnels ducitoyen (art. 84 al. 1 lett. a OJ). La recourante s'en prend à un décretfondé uniquement sur le droit cantonal et se plaint de la violation de laliberté économique (art. 27 Cst.) ainsi que des principes de l'égalité (art.8 Cst.) et de la protection contre l'arbitraire (art.9Cst.). Son recoursest donc en principe recevable. 2.3 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droitpublic n'est recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernièreinstance cantonale (art. 86 OJ). La nouvelle Constitution vaudoise du 22septembre 2002, entrée en vigueur le 14 avril 2003 (cf. art. 175 Cst./VD), ainstauré une procédure de contrôle abstrait des normes devant une "Courconstitutionnelle" (cf. art. 136 lett. a Cst./VD). La loi sur la juridictionconstitutionnelle (LJC), destinée à la mettre en oeuvre, a été adoptée le 5octobre 2004, pour entrer en vigueur le 1er janvier 2005. L'art. 5 al. 1 LJCprévoit que le délai de recours notamment contre les lois et décrets du GrandConseil est de vingt jours dès la publication officielle de l'acte attaqué,par quoi il faut entendre la première publication de la loi sujette àréférendum, de manière à ce que la Cour constitutionnelle puisse se prononceravant que le vote populaire n'ait lieu (cf. art. 6 LJC). Dans le casd'espèce, le décret du 7 décembre 2004 a été publié dans la Feuille des avisofficiels du canton de Vaud du 21 décembre 2004 (le délai référendairearrivant à échéance le 30 janvier 2005). Il est dès lors exclu que la Courconstitutionnelle ait pu être saisie d'un recours contre le décret du 7décembre 2004, dans la mesure où, pour que ce recours soit admissible, ilaurait fallu que le délai de recours ait commencé à courir après l'entrée envigueur de la loi sur la juridiction constitutionnelle. En conséquence, lerecours de droit public est recevable du point de vue de l'art. 86 al. 1 OJ. 2.4 Pour les lois et décrets soumis à référendum, le délai de recours dedroit public de trente jours selon l'art. 89 al. 1 OJ commence à courir dèsla promulgation du texte légal (ATF 128 I 155 consid. 1.1), soit, lorsqu'ils'agit d'un acte soumis à référendum et que celui-ci n'a pas été utilisé, dèssa promulgation par l'autorité compétente (ATF 124 I 297 consid. 1). Enl'espèce, le décret attaqué a été publié d'abord dans la Feuille des avisofficiels du canton de Vaud du 21décembre 2004 puis, à l'échéance du délairéférendaire, dans celle du 15 février 2005. Le présent recours a donc étédéposé en temps utile. 2.5 La recourante est un EMS qui n'est pas reconnu d'intérêt public: sesintérêts juridiquement protégés sont donc touchés par l'acte attaqué, quilimite aux résidents hébergés dans un établissement reconnu d'intérêt publicl'octroi de la subvention cantonale couvrant la part du coût des soins nonreconnue à charge de l'assurance-maladie. Elle a donc qualité pour recourirau sens de l'art. 88 OJ. 3.3.1La recourante observe en premier lieu que le fait qu'elle ne soit pas unEMS reconnu d'intérêt public ne résulte pas du refus de la part des autoritéscantonale compétentes de lui octroyer cette reconnaissance, mais d'unedécision personnelle de ne pas la demander: cette reconnaissance (d'intérêtpublic) ne serait en effet ni nécessaire pour le financement de sonexploitation, ses clients étant financièrement indépendants, ni opportune parrapport aux besoins socio-hôteliers de ces derniers, vu qu'elle induirait unelimitation des prestations qui se situeraient en-dessous de leurs attentes.Elle soutient ensuite que l'art. 2 du décret entrepris, en disposant quel'Etat de Vaud n'accorde la subvention cantonale (couvrant la part du coûtdes soins non reconnue à charge de l'assurance-maladie) qu'aux EMS reconnusd'intérêt public violerait les règles de la LAMal: le décret ne pourrait eneffet faire la distinction entre EMS reconnu ou non d'intérêt public puisquela LAMal ignorerait cette notion et n'autoriserait pas un traitementdifférencié des fournisseurs de soins autorisés à fournir des prestations àla charge de l'assurance obligatoire fondé sur un tel critère. 3.2 Comme le relève l'autorité intimée, l'inscription de la recourante, suiteà la décision du Conseil fédéral du 11 février 2004, sur la liste des EMSadmis à travailler à la charge de l'assurance-maladie obligatoire des soins(art. 35 ss LAMal), l'habilite uniquement à facturer aux caisses-maladie entant que fournisseur de prestations reconnu et garantit que ses résidentsprofitent de la protection tarifaire instituée par l'art. 44 LAMal (selonlaquelle il ne peut être exigé de rémunération plus élevée que les tarifs etprix fixés pour des prestations fournies en application de la LAMal). Larecourante perd toutefois de vue qu'il faut distinguer entre le statutréglementé par la LAMal, qui implique qu'elle satisfasse aux exigences poséespar la législation en matière d'assurance-maladie pour être admise en tantque fournisseur de prestations reconnu et ainsi pouvoir facturer auxassureurs-maladie, et celui réglementé par le droit cantonal, qui lui permetsoit de demander la reconnaissance d'intérêt public avec les contraintes etles avantages y afférents, soit de ne pas la solliciter et de garder alorsson indépendance tant du point de vue financier (tarification des prestationssocio-hôtelières) que de celui du choix de sa clientèle. En d'autres termes,il s'agit de deux statuts différents (planification LAMal/reconnaissanced'intérêt public) réglementés par des autorités différentes et quipoursuivent des buts distincts, comme le Conseil fédéral l'avait déjà relevédans sa décision du 11 février 2004 susmentionnée.La recourante semble également oublier que, comme le rappelle l'autoritéintimée et comme cela a été confirmé tant par le Tribunal fédéral (arrêt2P.236/2001 du 24 juin 2003 traitant du décret du 19 juin 2001 instaurant unesubvention cantonale couvrant la part du coût des soins non reconnue à chargedes assureurs-maladie, pour les personnes qui ne bénéficient pas d'une aideindividuelle de l'Etat pour leur hébergement dans les établissementsmédico-sociaux et les divisions pour malades chroniques des hôpitaux et descentres de traitement et de réadaptation, consid. 3.3) que par le Conseilfédéral (décision du 23 mars 2005 publiée in JAAC 69/2005 n° 100 p. 1208,consid. 2.5.3), aucune disposition du droit fédéral et notamment de lalégislation sur l'assurance-maladie ne fait obligation aux cantons de prendreà leur charge le déficit résultant de la réduction des tarifs, ni d'assurerla survie des fournisseurs de soins concernés, en particulier les EMS, dontles revenus sont ainsi réduits. De même, la recommandation adressée par leConseil fédéral auxdits cantons de couvrir le déficit en question ne sauraitcréer une obligation juridique -au demeurant en violation de l'art. 3 Cst. -pour ceux-ci (cf. arrêt 2P.236/2001 cité, consid. 3.3). En l'espèce, commedéjà relevé par cette Cour, les autorités vaudoises ont choisi de sesubstituer aux fournisseurs de soins concernés, notamment les EMS (cf. arrêt2P.236/2001 cité, consid. 3.4). Il s'ensuit que la subvention cantonaletrouve son fondement exclusivement dans le droit cantonal, le droit fédéralne pouvant l'imposer à un canton. Dès lors, si les autorités vaudoisesavaient décidé de ne pas instaurer de subvention, cela n'aurait d'aucunemanière violé le droit fédéral et encore moins le principe de la protectiontarifaire.Il découle de ce qui précède que l'inscription de la recourante sur la listeLAMal ne lui confère aucun droit à la subvention cantonale litigieuse et quele fait qu'elle ne puisse en bénéficier n'influe nullement sur l'obligationincombant aux caisses-maladie de prendre en charge les frais médicauxprodigués à ses résidents, dans les limites des tarifs existants; parailleurs, l'intéressée reste libre dans sa facturation en ce qui concerne lesfrais socio-hôteliers et les soins qui ne sont pas à la charge del'assurance-maladie (sur un exposé plus précis des soins pris en charge parl'assurance obligatoire des soins, cf. arrêt 2P.25/2000 du 12 novembre 2002,consid. 7.1). Le grief de violation du droit fédéral, notamment de la LAMal,est mal fondé et doit donc être rejeté. 4.4.1Selon la recourante, la modification contestée porterait atteinte à saliberté économique
(art. 27 Cst.), notamment à l'égalité de traitement entreconcurrents directs, parce qu'elle instaurerait une différence de traitementnon justifiée entre les EMS reconnus d'intérêt public et ceux qui ne le sontpas. Ladite modification conduirait en outre un établissement non reconnud'intérêt public à cesser son activité, parce qu'elle supprimerait son droitau financement des soins donnés, alors que les exigences légales cantonaleset fédérales en matière de soins à fournir demeureraient. 4.2 Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Ellecomprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à uneactivité économique lucrative et son libre exercice (al. 2). Cette libertéprotège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel ettendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 132 I 97 consid. 2 etles références citées). Elle peut être invoquée tant par les personnesphysiques que par les personnes morales.Selon le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à lamême branche économique découlant des art. 27 et 94 Cst., sont interdites lesmesures qui causent une distorsion de la compétition entre concurrentsdirects, c'est-à-dire celles qui ne sont pas neutres sur le plan de laconcurrence. On entend par concurrents directs les membres de la même branchequi s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire lesmêmes besoins. A cet égard, les art. 27 et 94 Cst. offrent une protectionplus étendue que celle de l'art. 8 Cst.Comme déjà relevé par le Tribunal fédéral, les agents économiques privés nepeuvent se prévaloir de l'égalité de traitement entre personnes appartenant àla même branche économique lorsque l'Etat, en exécutant une tâche publique,exerce lui-même une activité d'intérêt public ou soutient une telle activitéavec des fonds publics. Cela vaut notamment dans les secteurs économiquescaractérisés par la coexistence d'établissements privés (par exemple leshôpitaux), dont certains sont soutenus par l'Etat, et d'établissementspublics. Les agents économiques privés ne peuvent alors en principe obtenir,sur la base du principe d'égalité entre concurrents, d'être traités commeceux du secteur public (arrêt 2P.294/2004 du 20 septembre 2005, consid.1.4;arrêt 2P.67/2004 du 23 septembre 2004, consid. 1.5 - 1.8; arrêt 2P.319/1996du 25 septembre 1997, consid. 4c et les références citées). 4.3 En tant que société de droit privé à but lucratif exploitant, notamment,un établissement médico-social pour personnes âgées, la recourante bénéficiede la liberté économique. Si elle peut se prévaloir de ce droit fondamental àl'encontre de mesures étatiques qui l'entravent dans l'exercice de sonactivité, elle ne peut toutefois l'invoquer en relation avec l'octroi de lasubvention cantonale litigieuse, dès lors que les conditions d'octroi decette subvention ne constituent pas des mesures étatiques au sens indiquéci-dessus, puisqu'il ne tient qu'à elle d'y satisfaire. La recourante ne peutpas non plus - pour les motifs exposés plus haut (cf. consid. 4.2) - seprévaloir de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la mêmebranche économique, aux fins d'être traitée de manière semblable auxétablissements reconnus d'intérêt public. A cet égard, elle peut seulementinvoquer l'égalité de traitement de l'art. 8 Cst. Enfin, il convient derappeler que la liberté économique en tant que telle ne donne aucun droit àobtenir des subventions.Au vu de ce qui précède, les griefs tirés de la liberté économique doiventdonc être rejetés dans la mesure où ils sont recevables. 5.5.1La recourante considère ensuite que la distinction faite entre lesétablissements reconnus d'intérêt public et ceux qui ne le sont pas ne sefonderait sur aucune justification, induirait une inégalité de traitementprohibée par l'art. 8 Cst. et serait arbitraire (art. 9 Cst.).5.2 Selon la jurisprudence, un arrêté de portée générale est arbitrairelorsqu'il ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens nibut. Il est contraire au principe de l'égalité de traitement lorsqu'ilétablit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motifraisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il ometde faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances,c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manièreidentique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente; celasuppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à unesituation de fait importante (ATF 131 I 1 consid. 4.2; 129 I 346 consid. 6;129 I 113 consid. 5.1). L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme uneforme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale cequi devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 129 I 346 consid.6; 127I185 consid. 5 et les références citées). 5.3 Comme le Tribunal fédéral l'a déjà expliqué (arrêt 2P.99/1999 du 19décembre 2002, consid. 6.1), en vertu de la loi cantonale du 5décembre 1978sur la planification et le financement des établissements sanitairesd'intérêt public et des réseaux de soins (LPFES/VD), l'Etat participe aufinancement des établissements sanitaires privés reconnus d'intérêt public(art. 25). Il supporte ainsi, sous forme de subventions, les investissementsnécessaires à leur rénovation, à leur construction et à leur équipement (art.26). Les EMS reconnus d'intérêt public bénéficient d'un statut spécial etperçoivent des aides publiques pour accomplir leurs tâches: ils entrent doncdans un système qui suppose des restrictions et des contrôles (cf. art. 4 et6 LPFES/VD). Ils peuvent notamment se voir imposer des contraintes en tantque fournisseurs de prestations socio-hôtelières, tant à l'égard desrésidents dépendants des régimes sociaux (pour lesquels l'Etat peut imposerun tarif socio-hôtelier déterminé) qu'à l'égard des résidents financièrementindépendants dans la mesure où, comme déjà précisé par cette Cour (arrêt2P.99/1999 cité, consid. 6.2), ils ne peuvent pas s'écarter sans motifs dutarif officiel pour des prestations identiques. Ainsi, même à l'égard desrésidents financièrement indépendants, les EMS reconnus d'intérêt public nejouissent pas d'une liberté totale. En d'autres termes, lorsqu'un EMS choisitd'entrer dans le système sanitaire cantonal, sa liberté économique estlimitée notamment par l'intérêt public du canton à contrôler les coûts de lasanté. 5.4 Ce n'est manifestement pas le cas de la recourante. Celle-ci a en effetrenoncé à solliciter la reconnaissance d'intérêt public précisément pour nepas avoir à subir de contraintes et continuer à fixer librement ses tarifssocio-hôteliers ainsi que pour choisir sa clientèle. Autrement dit, à ladifférence des EMS reconnus d'intérêt public qui sont soumis à toute unesérie de conditions et de restrictions, la recourante, en renonçant àdemander la reconnaissance d'intérêt public, y échappe et peut donc agircomme elle l'entend tant en ce qui concerne ses prestations et leurfacturation (sauf, évidemment, pour la tarification des soins pris en chargepar l'assurance-maladie, domaine soumis à la protection tarifaire de laLAMal) que par rapport au choix de sa clientèle. Vu que ces deux types d'EMSne sont pas soumis au même statut, qu'ils ne s'adressent pas à la mêmeclientèle et n'offrent pas les mêmes prestations socio-hôtelières, l'on nepeut dès lors considérer que le choix effectué par les autorités cantonalesde réserver l'octroi de la subvention en cause aux seuls EMS reconnusd'intérêt public induirait une inégalité de traitement prohibée par l'art. 8Cst. ou serait entaché d'arbitraire. En effet, contrairement à ce que semblesoutenir la recourante, il n'apparaît à tout le moins pas arbitraire deconsidérer que la différence de statut justifie à elle seule que l'Etatréserve aux EMS reconnus d'intérêt public la subvention cantonale en cause,dans la mesure où celle-ci facilite leur exploitation, contribue à uncontrôle des coûts et à une meilleure gestion du système sanitaire cantonal. 6.La recourante se plaint enfin d'une inégalité de traitement entre les EMSreconnus d'intérêt public et ceux qui ne le sont pas par rapport à leursrésidents tributaires d'une aide individuelle de l'Etat, en application deslégislations sur les prestations complémentaires AVS et AI ainsi que sur laprévoyance et l'aide sociales. La recourante perd toutefois de vue que, commele Tribunal fédéral l'a déjà constaté (arrêt 2P.236/2001 du 24 juin 2003susmentionné, consid. 3.4), le décret entrepris, même avant l'adoption de lamodification contestée, limitait le bénéfice de la subvention aux résidantsfinancièrement indépendants. Rien dans l'argumentation de la recourante nepermet de revenir sur ce point: le grief est donc infondé. 7.Mal fondé en tous points, le présent recours doit être rejeté dans la mesureoù il est recevable. 8.Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.1, 153 et 153a OJ). Elle n'a pas droit à des dépens (art. 159 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la recourante etau Conseil d'Etat du canton de Vaud. Lausanne, le 25 octobre 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.94/2005
Date de la décision : 25/10/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-25;2p.94.2005 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award