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24/10/2006 | SUISSE | N°4C.224/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 octobre 2006, 4C.224/2006


{T 0/2}4C.224/2006 /ech Arrêt du 24 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Favre, Kiss et Mathys.Greffière: Mme Cornaz. X. ________,défenderesse et recourante, représentée par Me Philippe Richard, contre les époux Y.________,demandeurs et intimés, représentés par Me Patrik Gruber. bail à loyer; frais accessoires, recours en réforme contre l'arrêt de la IIe Courd'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourgdu 2 mai 2006. Faits: A.Par contrat du 1er août 1986, X.________ a remis à bail aux époux Y.________un appartement sis à Fribourg, po

ur un loyer annuel de 22'440fr., chargesnon comprises. A cet éga...

{T 0/2}4C.224/2006 /ech Arrêt du 24 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Favre, Kiss et Mathys.Greffière: Mme Cornaz. X. ________,défenderesse et recourante, représentée par Me Philippe Richard, contre les époux Y.________,demandeurs et intimés, représentés par Me Patrik Gruber. bail à loyer; frais accessoires, recours en réforme contre l'arrêt de la IIe Courd'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourgdu 2 mai 2006. Faits: A.Par contrat du 1er août 1986, X.________ a remis à bail aux époux Y.________un appartement sis à Fribourg, pour un loyer annuel de 22'440fr., chargesnon comprises. A cet égard, à l'art. 1 al. 5 du contrat, le texte pré-formulé"acompte chauffage et eau chaude" a été tracé et remplacé par la mention"charges", suivie d'un montant annuel de 5'400 fr., soit 450 fr. par mois.Selon l'art. 8 du contrat, le décompte des charges devait être présenté parle bailleur aux locataires chaque année, dans le courant du mois de janvier. Ainsi, dès janvier 1987, X.________ a présenté aux époux Y.________ undécompte comprenant d'une part les frais d'exploitation (impôt foncier,assurances choses, conciergerie, administration, abonnements de services,entretien des parties communes, électricité, eau, matériel d'exploitation) etd'autre part les frais de chauffage (combustible et entretien desinstallations). Un abonnement annuel de télévision, dont le prix a variéentre 238 fr. 80 à 343 fr. 20 entre 1992 et 2002, était également facturé auxlocataires, qui ont payé régulièrement sans aucune contestation le loyer, lescharges et cet abonnement. Par le biais d'une formule officielle pour la notification des hausses deloyer du 28 octobre 1991, X.________ a augmenté l'acompte mensuel des"charges d'entretien" à 500 fr. dès le 1er janvier 1992. Cette hausse n'a pasété contestée par les locataires. Le contrat de bail a pris fin le 31 janvier 2004. B.Le 2 mai 2003, les époux Y.________ ont saisi la Commission de conciliationen matière d'abus dans le secteur locatif du district de la Sarine d'unerequête tendant au paiement de 47'096 fr. 05 avec intérêt à 5 % l'an dès le1er janvier 1997 et de 3'960 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 29 avril2003. Aucune solution transactionnelle n'a pu être trouvée. Le 10 octobre 2003, les locataires se sont adressés au Tribunal des baux àloyer de l'arrondissement de la Sarine, concluant à ce queX.________ soitastreinte à leur rembourser un montant de 47'096 fr.05 avec intérêt à 5 %l'an dès le 1er janvier 1997 (échéance moyenne) et, sur le décompte descharges pour l'année 2002, un montant de 3'690fr. avec intérêt à 5 % l'andès le 29 avril 2003. Celle-ci a conclu au rejet de la demande et,reconventionnellement, au paiement solidaire par les époux Y.________ de1'977 fr. 25 avec intérêt à 5 % l'an dès le 9 juillet 2003, correspondant ausolde dû pour les charges 2002. Les locataires ont conclu au rejet de lademande reconventionnelle. Par jugement du 20 juillet 2005, le Tribunal des baux a condamné X.________ àpayer aux époux Y.________ les montants de 41'279 fr. 20 avec intérêt à 5%l'an dès le 10 mars 2003 et 3'346 fr. 75 avec intérêt à 5% l'an dès le 29avril 2003 et rejeté la demande reconventionnelle. Saisie par X.________ et statuant par arrêt du 2 mai 2006, la IIe Courd'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a pris acte dupassé-expédient de la bailleresse sur le montant de 12'176 fr. 95 avecintérêt à 5 % l'an dès le 10 mars 2003 (I), rejeté le recours et confirmé lejugement entrepris (II). Elle a considéré en substance que seuls les frais accessoires effectivementconvenus dans le contrat de manière claire et précise pourraient être mis àla charge des locataires, à l'exclusion "d'actes concluants (qui) nesauraient (...) se substituer à l'absence d'une base contractuellesuffisante". En l'occurrence, force était de constater avec les premiersjuges qu'hormis les frais de chauffage et d'eau chaude ainsi que l'abonnementau téléréseau, aucun des autres frais accessoires dont les locatairess'étaient acquittés pendant des années ne figuraient dans le contrat de bailni dans la formule d'augmentation du 28 octobre 1991. Peu importait dès lorsqu'ils aient payé les acomptes de charges pendant des années ou qu'ilsn'aient jamais contesté les soldes en croyant que ces montants étaientvraiment dus ou encore qu'ils connaissaient depuis janvier 1987 les chargesqu'incluait la bailleresse. De même, et contrairement à ce que semblaitalléguer la bailleresse, il était sans importance que les locataires aientpayé des acomptes de 450 fr. ou de 500 fr. à titre de charges. Il pouvaitêtre renvoyé aux motifs convaincants des premiers juges que la Cour faisaitsiens. Les deux parties avaient pendant près de dix-sept ans ignoré que lecontrat du 1er août 1986, tel que libellé, ne permettait pas à la bailleressede facturer la plupart des frais accessoires inclus dans les décomptesannuels. Les locataires n'en étaient pas moins en droit de se prévaloir de laprotection stricte des locataires voulue par la jurisprudence fédérale de parson application de l'art. 257a al. 2 CO. Par ailleurs, la bailleressen'alléguait pas que les parties auraient convenu oralement de mettre à lacharge des locataires des frais accessoires autres que les frais de chauffageet d'eau chaude ainsi que ceux liés à l'abonnement au téléréseau. Pour laconsommation d'eau, seule celle d'eau chaude devait être considérée commeentraînant des frais accessoires au sens de l'art. 257a CO. Enfin, aucun abusde droit ne découlait de la prétention des locataires à demanderl'application de "la jurisprudence fédérale quant aux frais accessoires". C.Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la mesure desa recevabilité par arrêt séparé de ce jour, X.________ (la défenderesse)interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclutprincipalement à la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens qu'elle estastreinte uniquement à verser aux époux Y.________ la somme de 12'176 fr. 95avec intérêt à 5 % l'an dès le 10 mars 2003 (montant reconnu, objet d'unpassé-expédient) et qu'elle n'est pas la débitrice et n'est pas condamnée àverser à ceux-ci le montant de 41'279 fr. 20 avec intérêt à 5 % l'an dès le10 mars 2003 et de 3'346 fr. 75 avec intérêt à 5 % dès le 29 avril 2003, avecsuite de frais et dépens des instances cantonales, subsidiairement àl'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause aux précédentsjuges pour complément de l'état de fait et nouvelle décision, le tout avecsuite de frais et dépens. Les époux Y.________ (les demandeurs) proposent le rejet du recours dans lamesure où il est recevable, sous suite de frais et dépens. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Exercé par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires etdirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale parun tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont lavaleur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours esten principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas de se plaindre de la violationdirecte d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2ephrase OJ), nide la violation du droit cantonal (art. 55 al. 1 let.cOJ; ATF 127 III 248consid. 2c p. 252). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations del'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faitspertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ). Dansla mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte decelui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision del'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possibled'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p.106, 136 consid. 1.4). Ilne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faitsou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours enréforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves etles constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4;129III 618 consid.3). Invoquant l'art. 64 OJ, la défenderesse requiert un complètement de l'état defait de la décision entreprise s'agissant d'une part d'une déclaration dudemandeur faite devant le Tribunal des baux, d'autre part de la justificationdu calcul du montant de 12'176 fr. 95 sur lequel elle avait passé expédient.Il apparaît toutefois que, sous le couvert de cette disposition, elle s'enprend en réalité à l'appréciation des preuves. Peu importe, en définitive,dès lors que ces éléments n'ont pas d'incidence sur l'issue du recours. 1.3 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà desconclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifsdéveloppés dans les écritures (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid.3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique suivie par la cour cantonale(art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 22 consid.2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). 2.La défenderesse est d'avis que l'interprétation faite par la cour cantonalede l'art. 257a al. 2 CO violerait le droit fédéral. En substance, elle plaidel'existence d'un accord par actes concluants sur la liste des fraisaccessoires qui devaient être supportés par les locataires. 2.1 Selon l'art. 257a al. 2 CO, les frais accessoires ne sont à la charge dulocataire que si cela a été convenu spécialement. La loi exige donc que lesparties s'entendent spécialement sur les frais accessoires, dont les posteseffectifs doivent être détaillés; le bailleur ne peut facturer au locataired'autres frais accessoires que ceux convenus; à défaut de convention, ceux-cisont donc compris dans le loyer (ATF 121 III 460 consid. 2a/aa et lesréférences citées; plus récemment, cf.arrêt 4P.309/2004 du 8 avril 2005consid. 3.2.2; 4C.24/2002 du 29 avril 2002, traduit in Cahiers du bail [CdB]2002 p.144, consid. 2.1). Pour la convention sur les frais accessoires, l'art. 257a al. 2 CO n'exigepas de forme spéciale. En conséquence, la validité de la convention nesaurait dépendre du respect de la forme écrite (art. 11 al.1CO) et celle-cipeut donc en principe être conclue par écrit, oralement ou par actesconcluants. Toutefois, si le contrat a été conclu par écrit, il fautconsidérer que les parties ont également déterminé par écrit quels fraisaccessoires étaient mis à la charge du locataire (sur ces questions, cf.Richard, Les frais accessoires au loyer dans les baux d'habitations et delocaux commerciaux, in 12eSéminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2002, n.43 ss p. 14 et les références citées). 2.2 En vertu de l'art. 269d CO, le bailleur qui veut introduire de nouveauxfrais accessoires en cours de contrat doit le notifier au moyen d'une formuleofficielle et le locataire peut contester cette modification s'il l'estimeabusive (art. 270b al. 2 CO; cf. ATF 121 III 460 consid. 2a/bb). 2.3 En l'espèce, les parties ont conclu un contrat écrit et il n'est pascontesté que certains frais accessoires facturés aux locataires ne figurentpas dans les clauses contractuelles liant les parties. La cour cantonale a eneffet souverainement retenu en fait qu'hormis les frais de chauffage et d'eauchaude ainsi que l'abonnement au téléréseau, aucuns des autres fraisaccessoires dont les locataires s'étaient acquittés pendant des années nefiguraient dans le contrat de bail ni dans la formule d'augmentation du 28octobre 1991. Dès lors, dans la mesure où elle tend à démontrer l'existenced'une volonté concordante des parties de mettre d'autres frais accessoires àla charge des locataires, l'argumentation de la défenderesse revient àcritiquer l'appréciation des preuves, ce qui n'est pas admissible dans unrecours en réforme (cf. consid. 1.2). Cela étant, conformément aux principes susrappelés (cf. consid. 2.2), àdéfaut de formule officielle, l'acceptation ultérieure des décomptes ne peutvaloir modification de la convention initiale dans un sens défavorable aulocataire. 2.4 La défenderesse soutient encore que l'attitude des locataires consistantà contester le paiement de certains frais accessoires "alors même (...)qu'ils avaient accepté manifestement de payer lesdites charges dès laconclusion du bail, au moins dès janvier 1987, et a fortiori dès l'entrée envigueur de la notification des nouvelles prétentions" constituerait uneviolation des règles de la bonne foi et un abus de droit. Cet argument tombe toutefois à faux dans la mesure où, en l'espèce, ildécoule des constatations souveraines des juridictions cantonales que leslocataires n'avaient pas protesté parce qu'ils faisaient confiance à labailleresse, qui est juriste, et pensaient qu'il s'agissait des usagesfribourgeois, de sorte qu'ils ignoraient que les sommes n'étaient pas dues.L'abus de droit ne saurait ainsi être retenu. 2.5 En définitive, l'arrêt entrepris ne viole pas le droit fédéral quant àson résultat et le recours doit être rejeté dans la mesure de sarecevabilité. 3.Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la chargede la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al.1OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse. 3.La défenderesse versera aux demandeurs, créanciers solidaires, une indemnitéde 2'500 fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laIIe Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. Lausanne, le 24 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.224/2006
Date de la décision : 24/10/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-24;4c.224.2006 ?
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