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23/10/2006 | SUISSE | N°2A.546/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 octobre 2006, 2A.546/2006


{T 0/2}2A.546/2006 /fzc Arrêt du 23 octobre 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Hungerbühler et Wurzburger.Greffier: M. Addy. 1. A.________, 2. B.________, 3. C.________, 4. D.________, 5. E.________, 6. F.________, 7. G.________, 8. H.________, 9. I._________,10.J.________,recourantes,toutes représentées par Me Astyanax Peca, avocat, contre Conseil d'Etat du canton du Valais,Palais du Gouvernement, 1950 Sion,Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais deJustice, av. Mathieu-Schiner 1,1950 Sion 2. Refus de permis de séjour et de travail, r

ecours de droit administratif contre l'arrêt du Tribu...

{T 0/2}2A.546/2006 /fzc Arrêt du 23 octobre 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Hungerbühler et Wurzburger.Greffier: M. Addy. 1. A.________, 2. B.________, 3. C.________, 4. D.________, 5. E.________, 6. F.________, 7. G.________, 8. H.________, 9. I._________,10.J.________,recourantes,toutes représentées par Me Astyanax Peca, avocat, contre Conseil d'Etat du canton du Valais,Palais du Gouvernement, 1950 Sion,Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais deJustice, av. Mathieu-Schiner 1,1950 Sion 2. Refus de permis de séjour et de travail, recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal du cantondu Valais, Cour de droit public,du 13 juillet 2006. Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit: 1.Le 8 juillet 2004, le Conseil d'Etat du canton du Valais (ci-après: leConseil d'Etat) a décidé de changer sa pratique en matière de recrutement desartistes et danseuses de cabaret, en ce sens que, dès le 1erjanvier del'année suivante, seules les ressortissantes d'un Etat membre de l'Unioneuropéenne (UE) ou de l'Association européenne de libre-échange (AELE)seraient dorénavant autorisées à se produire dans les établissements ducanton, à l'exclusion des ressortissantes d'Etats tiers. Cette décision a ététransposée dans une directive du 15octobre 2004 établie conjointement par leService de l'état civil et des étrangers (SEE) et le Service de l'industrie,du commerce et du travail (SICT). Par deux décisions du 10 décembre 2004, le SICT a rejeté, en se fondant surla nouvelle directive, les demandes d'autorisations de séjour et de travaildéposées pour l'année 2005 respectivement par A.________, propriétaire del'établissement "X.________", à Y.________, et par neuf artistes ukrainiennesqui voulaient se produire dans cet établissement (ci-après citées: lesrequérantes). Ces refus ont été confirmés par deux décisions sur réclamationrendues le 19 janvier 2005. Le 22 février 2006, le Conseil d'Etat a rejeté,après avoir joint les causes, les recours administratifs formés par lesrequérantes contre les deux décisions précitées, en estimant, pourl'essentiel, que ces prononcés se conciliaient avec les principes del'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la liberté économiquegarantis par la Constitution fédérale. Par arrêt du 13 juillet 2006, le Tribunal cantonal du canton du Valais(ci-après: le Tribunal cantonal) a également rejeté le recours déposé par lesrequérantes contre la décision précitée du Conseil d'Etat. En bref, il aconsidéré que le motif allégué par les autorités à l'appui de leur changementde pratique était justifié par un intérêt public prépondérant, soit lavolonté de prévenir les risques particuliers d'exploitation et d'abusauxquels sont exposées les artistes de cabaret et danseuses originaires depays non-membres de l'UE/AELE (incitation à la prostitution, non-respect desnormes sociales, ...); il a également estimé que cette nouvelle pratiqueétait conforme au large pouvoir d'appréciation dont disposent les autoritéscantonales de police des étrangers en matière d'octroi et de refusd'autorisations de séjour, en rappelant que celles-ci sont notamment tenuesde tenir compte, dans leur appréciation, des intérêts moraux du pays en vertude l'art. 16 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour etl'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20). 2.Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ et lesneuf artistes ukrainiennes concernées demandent au Tribunal fédérald'annuler, sous suite de frais et dépens, l'arrêt précité du Tribunalcantonal, et d'ordonner à cette autorité de "rendre une nouvelle décision surla base des considérants à intervenir." Pour l'essentiel, elles se plaignentde la violation de l'art. 8 al. 3 lettre c de l'ordonnance du 6 octobre 1986limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21), d'excès et d'abus dupouvoir d'appréciation, de constatation manifestement inexacte des faits,ainsi que de la violation des principes de l'égalité, de la proportionnalité,de la protection de la bonne foi et du droit d'être entendu. 3.3.1Aux termes de l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droitadministratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers contrel'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confèrepas un droit. Selon l'art. 4 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjouret l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), les autorités compétentesstatuent librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traitésavec l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour oud'établissement. En principe, l'étranger n'a pas droit à l'autorisation deséjour. Ainsi, le recours de droit administratif est irrecevable, à moins quene puisse être invoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'untraité, accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 131II 339 consid. 1 p. 342; 130 II 388 consid. 1.1 p. 389 et les arrêts cités). 3.2 Les recourantes fondent leur qualité pour recourir sur l'art. 8 OLE, enfaisant valoir que la voie du recours de droit administratif est ouvertelorsque, comme en l'espèce, "il s'agit uniquement de se prononcer surl'applicabilité de l'OLE [ordonnance limitant le nombre des étrangers]". La disposition invoquée prévoit que, sous réserve des personnes hautementqualifiées qui demandent une autorisation pour l'exercice d'une activitédéterminée de durée limitée (art. 8 al. 2 OLE), une autorisation en vue del'exercice d'une activité lucrative est accordée en premier lieu auxressortissants des Etats membres de l'Union européenne (UE) ou del'Association européenne de libre-échange (AELE) (art. 8 al. 1 OLE). Lors dela décision préalable à l'octroi d'autorisations, les offices de l'emploipeuvent néanmoins admettre des exceptions dans certains cas, notamment"lorsqu'il s'agit d'artistes ou de danseuses de cabaret qui résident enSuisse pour une durée totale de huit mois au maximum par année civile" (cf.art. 8 al. 3 lettre c OLE). L'art. 8 OLE ne fait ainsi qu'établir l'ordre de priorité que doiventrespecter, lors du recrutement de la main d'oeuvre étrangère, les officescantonaux de l'emploi, dont les décisions ne constituent qu'un préalable àl'éventuel octroi d'un permis de travail et de séjour par l'autoritécantonale compétente de police des étrangers (cf. art. 42 OLE). Dans cettemesure, l'exception prévue à l'art. 8 al. 3 lettre c OLE ne saurait fonder undroit à une autorisation de séjour; sinon, cette disposition ne serait dureste pas compatible avec la liberté d'appréciation conférée par l'art. 4LSEE aux autorités cantonales de police des étrangers. Cela étant, lorsquecelles-ci adoptent une pratique restrictive consistant, par exemple, à neplus faire usage des exceptions prévues à l'art. 8 al. 3 lettre c OLE, ellesn'en continuent pas moins à rendre des décisions qui, contrairement àl'opinion des recourantes, relèvent directement de leurs compétences depolice en matière d'octroi et de refus d'autorisations de séjour et n'ont pas(directement) pour enjeu l'application de l'ordonnance limitant le nombre desétrangers (cf., arrêt du 7 mars 1996, 2A.481/1995, consid. 3 et 4; voir aussiATF 122 I 44 consid 3b/aa et, en relation avec d'autres dispositions del'ordonnance en cause, ATF 130 II 281 consid. 2.2 p. 284; 122 II 186consid.1 p. 187 ss; 119 Ib 91 consid. 2b p. 96 et les arrêts cités). Parconséquent, dans la mesure où il se fonde sur l'art. 8 al. 3 lettre c OLE, leprésent recours est irrecevable comme recours de droit administratif, fautede droit à une autorisation de séjour découlant de cette disposition. 3.3 Il reste à examiner si, parmi les griefs invoqués par les recourantes,certains sont néanmoins de nature à fonder un droit à une autorisation deséjour ouvrant la voie du recours de droit administratif. 3.3.1 Les recourantes soutiennent qu'en refusant par principe de faire usagede la possibilité prévue à l'art. 8 al. 3 lettre c OLE dans le but déclaré"d'enrayer [le] phénomène de la traite des femmes", les autorités valaisannesviolent le droit fédéral et excèdent et abusent de leur pouvoird'appréciation. En effet, le but poursuivi par cette prescription du droitfédéral serait justement "d'éviter aux artistes de cabaret les conséquencesnéfastes générées par l'exploitation des femmes en cas d'activitéclandestine".Cette argumentation revient à se plaindre de la violation de la primauté dudroit fédéral inscrite à l'art. 49 al. 1 Cst. Du moment, toutefois, que lesrecourantes ne peuvent, comme on l'a vu, déduire aucun droit à uneautorisation de séjour de l'art. 8 al. 3 lettre c OLE, elles ne peuventlogiquement tirer aucun droit à une telle autorisation du fait que ladirective cantonale contestée serait prétendument contraire à cettedisposition du droit fédéral. Au demeurant, cette dernière revêt le caractèred'une norme potestative ("Kann-Vorschrift") qui laisse aux autoritéscantonales concernées un pouvoir de nature quasi discrétionnaire pour décidersi, par exception à la règle de la priorité des ressortissants de l'UE/AELEdans le recrutement, elles entendent accorder des autorisations de séjour enfaveur des artistes et danseuses de cabaret provenant de pays tiers. Lecanton du Valais est dès lors resté dans les limites de ses - larges -compétences en la matière en édictant la directive contestée. 3.3.2 Quant aux griefs tirés de la violation des principes de l'interdictionde l'arbitraire, de la proportionnalité et de l'égalité de traitement, ils nesont pas non plus de nature, à eux seuls, à fonder un droit à uneautorisation de séjour ouvrant la voie du recours de droit administratif (cf.ATF 128 II 145 consid. 3.5 p. 155; 126 II 377 consid. 4 p. 388; arrêt du 27avril 2005, 2A.688/2004, consid. 2.4). Au demeurant, le principe d'égalité (art. 8 Cst.) ne saurait être invoqué enrelation avec des pratiques différentes ayant cours dans d'autres cantons,car ce principe ne vaut qu'à l'égard d'une même autorité; de tellesdifférences sont du reste inhérentes au système fédéral (cf. ATF 125 I 173consid. 6d p. 179). Par ailleurs, les recourantes ne peuvent pas non plus seplaindre de discrimination à raison du sexe: en effet, à supposer que lesspectacles qu'elles présentent seraient, comme elles l'allèguent, purement denature folklorique (danses et musiques ukrainiennes) et dénués de touteconnotation sexuelle, elles n'établissent pas ni même n'allèguent que desautorisations de séjour auraient été accordées à des ballets ou desorchestres composés d'hommes se produisant dans des cabarets. Les situationsvisées ne sont donc pas comparables. Quoi qu'il en soit, les allégations desrecourantes concernant les réelles motivations de leur venue en Suisse sontpour le moins sujettes à caution quand, en même temps qu'elles insistent surl'absence de caractère sexuel de leur spectacle pour établir qu'elles sontvictimes de discrimination par rapport aux hommes, elles relèvent que, sousl'angle de la proportionnalité, l'interdiction les frappant "entraîneinexorablement la clandestinité, ce qui en terme de lutte contre la traitedes femmes, la prostitution et les réseaux mafieux, constitue un échecpatent". 3.3.3 Enfin, le grief tiré de la protection de la bonne foi (sur larecevabilité de ce moyen, cf. ATF 126 II 377 consid. 3 p. 387 s.) n'entre pasen ligne de compte, car les recourantes ne font état d'aucune promesseconcrète et précise des autorités (sur cette exigence, cf. ATF 131 II 627consid. 6.1 p. 637; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170; 128 II 112 consid. 10b p.125) pouvant laisser penser que des autorisations de séjour continueraient deleur être délivrées au titre de l'art. 8 al. 3 lettre c OLE; elles secontentent en effet de vagues affirmations selon lesquelles la nouvellepratique décidée par le Conseil d'Etat "est aujourd'hui en contradictiontotale avec les promesses implicites faites à l'époque par les Autorités qui,en obligeant les cabarets à moderniser leurs infrastructures et à assurer àleurs employés des conditions de travail optimales, avait [sic] clairementfait ressentir que ce type d'activité perdurerait pour longtemps encore s'ilsrespectaient les nouvelles recommandations (c'est le Tribunal fédéral quisouligne)."3.4Pour tous ces motifs, le recours de droit administratif formé par lesrecourantes doit, pour autant qu'il soit recevable, être rejeté. 4.Faute de droit à une autorisation de séjour, le recours est irrecevable commerecours de droit public, car les recourantes ne peuvent pas se prévaloir d'unintérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 88 OJ, étant précisé que lesgriefs tirés de la protection contre l'arbitraire (cf. ATF 126 II 377 consid.4 p. 389; 126 I 81 consid. 5 p. 91), de l'égalité de traitement (cf. ATF 129I 113 consid. 1.5 p. 118) ou de la primauté du droit fédéral (cf. ATF 126 I81 consid. 5 p. 91) ne peuvent être invoqués qu'en relation avec une normeaccordant un droit ou servant à sauvegarder un intérêt juridiquement protégé. Un plaideur qui n'a pas qualité pour agir au fond peut néanmoins se plaindrepar la voie du recours de droit public de la violation de ses droits departie équivalant à un déni de justice formel, comme par exemple le droitd'être entendu. Il ne lui est cependant pas possible de mettre en cause de lasorte, même de façon indirecte, la décision sur le fond (cf. 120 Ia 227consid. 1 p. 230; 118 Ia 232 consid. 1a, 1c p.235-236 et les arrêts cités).Dans la mesure où les recourantes se plaignent, au titre de la violation dudroit d'être entendu, du refus d'administrer des preuves que leur a opposé leTribunal cantonal sur la base d'une appréciation anticipée de celles-ci, leurmoyen est dès lors irrecevable, car cette question est indissociable de ladécision sur le fond (loc. cit.). 5.Il suit de ce qui précède que, dans la mesure où il est recevable, le recoursdoit être rejeté selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 36a OJ. Succombant, les recourantes doivent supporter solidairement entre elles unémolument judiciaire (art. 156 al. 1 et 7 OJ) et n'ont pas droit à desdépens. Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des recourantes,solidairement entre elles. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourantes, auConseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droitpublic, ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations. Lausanne, le 23 octobre 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.546/2006
Date de la décision : 23/10/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-23;2a.546.2006 ?
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