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21/10/2006 | SUISSE | N°6P.150/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 octobre 2006, 6P.150/2006


{T 0/2}6P.150/20066S.340/2006/rod Arrêt du 21 octobre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffier: M. Vallat. X. ________,recourant, représenté par Me Sébastien Fanti, avocat, contre Procureur général du canton du Valais,case postale 2282, 1950 Sion 2. 6S.340/2006Contestation de la compétence des autorités pénales suisses (art. 3 et 7 CP) 6P.150/2006Arbitraire (art. 29 al. 2 Cst.), violation du principe "in dubio pro reo"(art. 6 par. 2 CEDH) pourvoi en nullité (6S.340/2006) et recours de droit public (6P.150/2006)contre la décision du Tr

ibunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale,du20 juin...

{T 0/2}6P.150/20066S.340/2006/rod Arrêt du 21 octobre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffier: M. Vallat. X. ________,recourant, représenté par Me Sébastien Fanti, avocat, contre Procureur général du canton du Valais,case postale 2282, 1950 Sion 2. 6S.340/2006Contestation de la compétence des autorités pénales suisses (art. 3 et 7 CP) 6P.150/2006Arbitraire (art. 29 al. 2 Cst.), violation du principe "in dubio pro reo"(art. 6 par. 2 CEDH) pourvoi en nullité (6S.340/2006) et recours de droit public (6P.150/2006)contre la décision du Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale,du20 juin 2006. Faits: A.X. ________ et deux autres personnes ont créé le 1er décembre 2004l'association "R.________" avec siège au domicile de X.________ à S.________.Elle a pour but de gérer, développer et maintenir un serveur informatiqueeDonkey2000 sous le nom de R.________. En exécution de ses buts statutaires, l'association a financé et développé leserveur "R.________" localisé en Belgique. Ce serveur établissait et tenait àjour l'index de l'ensemble des fichiers, principalement musicaux etaudio-visuels, dont certains à caractère pornographique, offerts en partagepar les internautes, jusqu'à plus d'un million simultanément. Il permettaitaux utilisateurs de rechercher, de localiser et de télécharger les fichiersdésirés, directement entre eux. B.Le 11 mai 2005, diverses sociétés étrangères de production cinématographiqueont déposé plainte contre X.________, avec constitution de partie civile,pour violation du droit d'auteur (art. 67 LDA, RS 231.1), violation de droitsvoisins (art. 69 LDA) et pornographie (art. 197 CP). En substance, ils luireprochent de favoriser, en sa qualité d'administrateur du serveur"R.________", le piratage de leurs oeuvres cinématographiques protégées parcopyright, ainsi que l'échange de fichiers à contenu pornographique. C.Le 14 décembre 2005, le Juge d'instruction cantonal valaisan a ouvert uneinstruction contre X.________. Il a par la suite adressé une demanded'entraide judiciaire au Parquet fédéral de Bruxelles et ordonné uneperquisition et des séquestres au domicile de X.________. Ce dernier a étéentendu par le police le 21 février 2005. Par courrier du 9 mars 2006, X.________ a contesté la compétence desautorités pénales suisses pour instruire et juger la cause. Le 13mars 2006,le Juge d'instruction lui a communiqué qu'il considérait le for sédunoisfondé. Par mémoire du 24 mars 2006, X.________, assisté d'un défenseur, a portéplainte à la Chambre pénale du Tribunal cantonal contre la décision du Juged'instruction; il a par la suite pris position sur les observations du Juged'instruction le 15 avril 2006 et complété ses conclusions le 20 mai 2006. LaChambre pénale a rejeté la plainte par décision du 20 juin 2006, estimantqu'en l'état de l'instruction, il ne pouvait pas être exclu que le recourantait agi sur le serveur "R.________" depuis la Suisse. D.X.________ a interjeté un recours de droit public et un pourvoi en nullitéauprès du Tribunal fédéral. Le Tribunal fédéral considère en droit: I. Pourvoi en nullité 1.Le pourvoi en nullité est ouvert contre les jugements cantonaux relatifs àdes infractions de droit pénal fédéral, pour violation du droit fédéral (art.247, 268 ch. 1, 269 al. 1 PPF). Est considéré comme jugement, aux termes del'art. 268 ch. 1 PPF, le prononcé du tribunal compétent pour statuer surl'action pénale, par lequel ce tribunal vide la cause ou tranche seulement, àtitre préalable mais définitivement, une question de droit fédéraldéterminante pour le sort de l'action (ATF 128 IV 34 consid. 1a, 123 IV 252consid. 1, 119 IV 170 consid. 2a, 103 IV 59 consid. 2). Les décisionsincidentes concernant la procédure sont en principe exclues, à moins qu'ellesne portent sur des questions d'organisation ou de procédure exigeant, enraison de leur nature, une solution définitive avant la continuation duprocès, telles que, par exemple, la composition ou la compétence du tribunal(ATF 129 IV 179 consid. 1.1, 119 IV 168 consid. 2). Les prononcés d'autresautorités judiciaires, telles que les autorités d'instruction ou de renvoi enjugement, ne peuvent être contestés par la voie du pourvoi en nullité ques'il s'agit d'ordonnances de non-lieu aux termes de l'art.268 ch. 2 PPF. En l'espèce, la décision attaquée est certes fondée sur le droit fédéral.Mais elle est une décision incidente rendue au stade de l'instruction par uneautorité d'instruction; elle n'émane pas du tribunal compétent pour juger lacause. En outre, elle est susceptible d'être modifiée au regard du résultatde l'instruction, et elle ne lie pas le tribunal à qui la cause sera le caséchéant renvoyée. Le pourvoi en nullité est partant irrecevable. 2.Le recourant supporte les frais de la procédure (art. 278 PPF). II. Recours de droit public 3.Le recours de droit public est recevable, outre pour violation des droitsconstitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ), pour violation desprescriptions de droit fédéral concernant la compétence des autorités àraison de la matière ou à raison du lieu (art. 84 al. 1 let. d OJ) lorsqu'uneautre voie de droit n'est pas ouverte (art. 84 al. 2 OJ). Les règles fédérales de compétence qui peuvent être invoquées ne comprennentpas seulement les dispositions réglant explicitement et directement lacompétence matérielle ou locale des autorités; il s'agit également des règlesde compétence résultant implicitement de l'ensemble de l'ordre juridiquefédéral ou de certaines de ses prescriptions (ATF 116 II 722 consid. 3 p. 723in medio, 97 I 55 consid. 2, spéc. p. 56 in medio). La compétence desautorités suisses de répression est délimitée indirectement, au travers duchamp d'application de la législation pénale fédérale, par les art. 3 à 7 CP(ATF 108 IV 145 consid. 2); le recours de droit public prévu par l'art.84al. 1 let. d OJ peut donc être exercé pour faire valoir que cette compétenceà été admise à tort. A noter que dans ce cadre, le Tribunal fédéral examinelibrement l'application des règles fédérales de compétence (ATF 116 II 721consid. 3, 112 II 512 consid. 2a, 112 III 11 consid. 1). L'autorité cantonale a admis la compétence suisse sur la base des art.3 ssCP. Le voie du recours de droit public est donc ouverte. 4.En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir, souspeine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d), un exposé succinctdes droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant enquoi consiste la violation. Dans le cadre d'un recours de droit public, leTribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et exposés defaçon claire et détaillée (ATF 130 I 26 consid.2.1). 5.Le recourant se plaint d'abord d'une violation de l'art. 171 ch. 1 CPP/VS. Ateneur de cette disposition, l'autorité de plainte avise les parties, procèdeaux opérations d'enquête et sollicite les déterminations qu'elle estimeopportunes avant de statuer. 5.1 L'interprétation et l'application du droit cantonal ne sont examinées quesous l'angle d'une violation de la garantie constitutionnelle d'être traitésans arbitraire par les organes de l'Etat (art. 9 Cst.). Une décision estarbitraire lorsqu'elle viole gravement une règle de droit ou un principejuridique clair et indiscuté ou lorsqu'elle contredit de manière choquante lesentiment de justice et d'équité. Pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffitpas qu'elle apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soitmanifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, maisdans son résultat (ATF129 I 8 consid. 2.1, 128 I 177 consid. 2.1).5.2 La recourant fait reproche à la Chambre pénale de ne pas avoir statué surla base du dossier tel qu'il avait été en main du Juge d'instruction aumoment où celui-ci a rendu sa décision le 13 mars 2006; il relève que ledossier soumis à la Chambre contenait de nouveaux actes. Celle-ci ne seserait donc pas conformée à sa pratique constante selon laquelle elle adopteune interprétation restrictive de l'art. 171 CPP/VS et statue, en principe,sur la base du dossier dont disposait le juge d'instruction. A teneur de l'art. 171 CPP/VS, la Chambre pénale procède aux opérationsd'enquête; en déduire qu'elle n'est pas limitée, lorsqu'elle statue, à ce quifigure au dossier que le juge d'instruction avait en main, n'estmanifestement pas insoutenable. Que la pratique en la matière soitrestrictive n'y change rien; il est admis que cette réserve ne s'appliquequ'en principe, ce qui signifie qu'elle connaît des exceptions. Le griefd'application arbitraire du droit cantonal est d'emblée infondé. 6.Le recourant se plaint ensuite d'une violation de son droit d'être entendu(art. 29 al. 2 Cst.).6.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.,comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les élémentspertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situationjuridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donnésuite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l'administrationdes preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat,lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droitd'être entendu porte avant tout sur les questions de fait. Les partiesdoivent éventuellement aussi être entendues sur les questions de droitlorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales dont laprise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue par les parties,lorsque la situation juridique a changé ou lorsqu'il existe un pouvoird'appréciation particulièrement large (ATF 129 II 497 consid. 2.2).6.2 Le recourant se plaint de ce que des pièces ont été jointes au dossieraprès que le Juge d'instruction a rendu la décision admettant la compétencedes autorités suisses. Les pièces en question sont constituées des rapports de police des 21et 30mars 2006 dénonçant 25 clients suisses et 466 clients non suisses (dossier duJuge d'instruction p. 395 ss et 589 ss), ainsi que de la commission rogatoirebelge (dossier du Juge d'instruction p.1066 ss). Dans sa détermination du 7avril 2006 relative à la plainte du recourant, le Juge d'instruction relèveexpressément avoir intégré la commission rogatoire au dossier (dossier duJuge d'instruction p.1240, dossier du Tribunal cantonal p. 93); lerecourant, qui s'est déterminé sur la détermination du Juge d'instruction(dossier du Tribunal cantonal p. 100), a donc eu connaissance du fait relatépar ce dernier. Au dossier figurent également une lettre des dénonciateurssur laquelle le recourant s'est déterminé le 15 mai 2006 (dossier du Juged'instruction p. 1248 ss). Enfin y figurent la plainte pénale que lerecourant a déposée le 20 mai 2006 contre des représentants des dénonciateurs(dossier du Juge d'instruction p. 1318 ss) ainsi que sa plainte à la Chambrepénale du 12 juin 2006 (dossier du Juge d'instruction p. 1372 ss). Le recourant ne saurait donc soutenir avoir ignoré le contenu du dossier duJuge d'instruction; il pouvait en outre le consulter, ce qu'il a d'ailleursfait selon ses propres dires dans sa lettre du 6 juin 2006 (dossier du Juged'instruction p. 1359), et il pouvait - ce dont il ne s'est pas privé -s'adresser à la Chambre pénale jusqu'au moment où celle-ci a rendu sadécision. Enfin, le recourant ne précise pas quel document mis au dossierpostérieurement au prononcé du Juge d'instruction aurait servi à fonder ladécision attaquée, et on ne le discerne pas. Dans la mesure où le recourantse plaint d'une violation du droit d'être entendu en relation avec les piècesdu dossier, le grief est infondé. 6.3 Le recourant mentionne que la Chambre pénale fait référence à un articlede presse paru dans le magazine l'Hebdo pour constater qu'une action directede sa part depuis S.________ sur le serveur sis en Belgique ne pouvait êtreexclue en l'état. Cet article ne se trouve, à première vue, pas au dossier, et il ne semblejamais en avoir été question dans le cadre de la procédure. Le recourant nesoutient pas, dans un grief spécifique, qu'il aurait dû être entendu sur lecontenu de cette pièce; il souligne plutôt, en s'y référant que la courcantonale n'a pas respecté le principe selon lequel elle s'en tiendrait audossier dont disposait le Juge d'instruction. Quoi qu'il en soit, la Chambrepénale ne s'est pas fondée sur ce seul élément, mais sur plusieurs autres,dont, au premier chef, les déclarations du recourant à la police. Il ressort,par ailleurs, des attendus de la décision attaquée que ce sont également lesdéclarations du recourant lui-même, contenues dans un message, publié sur sonpropre site internet, qui ont été déterminantes. Dans ce contexte, l'articlede presse n'apparaît avoir été mentionné qu'à titre subsidiaire. 7.Le recourant enfin se plaint d'une violation du principe "in dubio pro reo",de la prise en considération de moyens de preuve illicites, de la violationdu secret de la correspondance et des communications, ainsi que d'atteintesmultiples à la protection des données. Conformément au principe "in dubio pro reo", découlant de l'art. 6 ch.2 CEDHet de l'art. 32 al. 1 Cst., toute personne est présumée innocente tantqu'elle n'a pas fait l'objet d'une condamnation en force. Ce principe ne faitbien évidemment pas obstacle à l'ouverture d'une procédure pénale contre unepersonne déterminée s'il existe, comme en l'espèce, des indices pour uneinfraction tombant sous la juridiction suisse (cf. ATF 107 Ia 138 consid.4c). Pour ce qui est des autres griefs, le recourant ne précise pas quels droitsconstitutionnels auraient été violés. En outre, ils ne précise pas en quoiles éventuelles violations auraient influé sur la décision attaquée,c'est-à-dire auraient servi à admettre, à tout le moins provisoirement, quela juridiction suisse était donnée. Ces griefs sont irrecevables faute demotivation répondant aux exigences légales. 8.Le recourant supporte les frais de la procédure (art. 156 OJ). Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le pourvoi est irrecevable. 2.Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 3.Un émolument judiciaire de 4000 francs est mis à la charge du recourant. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auProcureur général et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambrepénale. Lausanne, le 21 octobre 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.150/2006
Date de la décision : 21/10/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-21;6p.150.2006 ?
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