La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2006 | SUISSE | N°4P.131/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 octobre 2006, 4P.131/2006


{T 0/2}4P.131/2006 /ech Arrêt du 19 octobre 2006Ire Cour civile MM. les Juges Corboz, Président, Favre et Chaix, Juge suppléant.Greffier: M. Ramelet. A. ________,recourante, représentée par Me Bernard Katz, contre Clinique X.________ SA,intimée, représentée par Me Pierre-Dominique Schupp,Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue Caroline 9, 1014 Lausanne,Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de justicede l'Hermitage, route du Signal 8, 1014 Lausanne. arbitraire, recours de droit public contre l'arrêt de la Chambredes recours du Tribunal cantonal

du canton de Vauddu 19 avril 2006. Faits: A.A.a A._______...

{T 0/2}4P.131/2006 /ech Arrêt du 19 octobre 2006Ire Cour civile MM. les Juges Corboz, Président, Favre et Chaix, Juge suppléant.Greffier: M. Ramelet. A. ________,recourante, représentée par Me Bernard Katz, contre Clinique X.________ SA,intimée, représentée par Me Pierre-Dominique Schupp,Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue Caroline 9, 1014 Lausanne,Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de justicede l'Hermitage, route du Signal 8, 1014 Lausanne. arbitraire, recours de droit public contre l'arrêt de la Chambredes recours du Tribunal cantonal du canton de Vauddu 19 avril 2006. Faits: A.A.a A.________ a travaillé au service de la Clinique X.________ SA depuis lemois d'avril 1986 en qualité d'infirmière diplômée. Très compétenteprofessionnellement, elle a toujours fourni un travail d'excellente qualité,même si elle se montrait réfractaire à tout changement dans l'organisation deson activité. Depuis de nombreuses années, elle travaillait exclusivement lanuit au 3ème étage de la clinique, où elle tenait le rôle de "leader" del'équipe et était particulièrement appréciée des patients qu'elle savaitécouter et réconforter. A partir de 2002, pendant plus d'une année, des vols ont été commis à laclinique au préjudice des patients et du personnel; ces vols ont enparticulier eu lieu au 3ème étage du bâtiment et, dans la plupart des cas,portaient sur du numéraire. Les soupçons se sont portés sur A.________,souvent présente sur les lieux lors de la commission des délits. Encollaboration avec le service de sécurité de la clinique, la policejudiciaire a posé un piège dans la nuit du mardi 4 au mercredi 5mars 2003:un porte-monnaie contenant 100 fr. en diverses coupures (1X 50 fr., 2X 20 fr.et 1X 10 fr.), toutes imprégnées de produits chimiques, a été placé bien enévidence sur la tablette du lavabo de la chambre 317 du 3ème étage de laclinique, pièce occupée par un patient incapable de se déplacer seul. Lelendemain matin, le billet de 50fr. avait disparu. Un contrôle techniqueeffectué sur les mains de A.________ a révélé la présence des produitschimiques déposés sur les coupures. A. ________ a contesté être l'auteur du vol commis dans la chambre dont elleavait la charge. Questionnée sur les traces laissées sur ses mains, elle aexpliqué que, durant la nuit, B.________, employée intérimaire égalementhabilitée à s'occuper de la chambre 317, lui avait remis deux coupures de 50fr. contre une de 100 fr. B.________, sur les mains de laquelle aucune tracesuspecte n'a été trouvée, a contesté cette version des faits; la prénommée auniquement admis être entrée dans la chambre en question pour changer laperfusion du patient et lui donner à boire. A.b Par lettre du lundi 10 mars 2003, la clinique a signifié à A.________ larésiliation abrupte des rapports de travail avec effet au lendemain. A titrede salaire pour la période du 1er au 11 mars 2003, la clinique a versé à sonemployée la somme de 4'094 fr. 70 brut.Le 17 mars 2003, A.________ a contesté le licenciement avec effet immédiat etindiqué qu'elle se tenait à disposition pour reprendre son travail. Enréponse à ce courrier, la clinique a maintenu sa décision et précisé que lelicenciement était fondé sur la suspicion de vol et des propos diffamatoirestenus à l'encontre d'un membre de la direction. A.c Une enquête pénale a été ouverte à la suite du vol commis dans la chambre317 de la clinique dans la nuit du 4 au 5 mars 2003. Par ordonnance du 6octobre 2004, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a renvoyéA.________ devant le Tribunal de police pour vol (art. 139 al. 1 CP) et aprononcé un non-lieu à l'endroit de B.________. Par arrêt du 30 novembre 2004, le Tribunal d'accusation a admis le recoursexercé par A.________ contre son renvoi en jugement, annulé l'ordonnance du 6octobre 2004, s'agissant du renvoi de la précitée, et dit que les fraisd'enquête et d'arrêt étaient laissés à la charge de l'Etat. Dans sa décision,cette autorité a confirmé le non-lieu concernant B.________ et, s'agissant deA.________, a constaté que cette dernière - pour n'avoir dérobé qu'une sommede 50 fr. dans un porte-monnaie contenant 100 fr. - pouvait uniquement êtrepoursuivie pour vol d'importance mineure (art. 139 et 172ter CP). Comme cetteinfraction supposait le dépôt d'une plainte au sens de l'art. 28 CP, quin'avait pas été déposée en l'espèce, il y avait lieu de prononcer, pour cemotif, un non-lieu à l'endroit de A.________. B.Le 16 avril 2003, A.________ a ouvert action devant les autorités vaudoisescontre Clinique X.________ SA. La demanderesse a conclu au paiement de lasomme totale de 69'108 fr. 30 avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 avril 2003,représentant l'entier de ses salaires et accessoires durant le délai derésiliation de trois mois ainsi qu'une indemnité au sens de l'art. 337c al. 3CO correspondant à six mois de salaire. La défenderesse a conclu à salibération. Par jugement du 11 octobre 2005, le Tribunal d'arrondissement de Lausanne aentièrement débouté la demanderesse. En résumé, le Tribunal d'arrondissementa écarté le motif de résiliation invoqué par la défenderesse et consistantpour l'employée à avoir tenu des propos diffamatoires. En revanche, il aretenu que la commission d'un vol par A.________ constituait un juste motifde licenciement immédiat, car le lien de confiance était irrémédiablementrompu entre les parties. Pour forger leur conviction, les premiers juges ontconstaté que seule la prénommée avait les mains couvertes des produitschimiques déposés sur le billet de banque dérobé. Ils ont ensuite écarté lesexplications de l'intéressée relatives à la remise par B.________ de deuxcoupures de 50 fr. contre une de 100 fr. pour les deux motifs suivants:d'abord, on discernait mal l'intérêt de cette dernière employée à faireéchanger deux petites coupures contre une grande, ce au milieu de la nuit;ensuite, B.________ n'avait pas de produit révélateur sur les mains. Enfin,les magistrats précités ont constaté que, depuis le licenciement de lademanderesse, seul un vol de téléphone mobile avait été signalé au 3ème étagede la clinique. Concernant la durée du délai de réflexion utilisé par ladéfenderesse pour signifier le congé immédiat, ils ont constaté quel'employeur avait respecté un délai de trois jours ouvrables, ce qui étaitconforme à la jurisprudence en la matière. Par arrêt du 19 avril 2006, la Chambre des recours du Tribunal cantonalvaudois a rejeté le recours interjeté par la demanderesse et confirmé lejugement entrepris. La cour cantonale a entièrement adopté les motifs duTribunal d'arrondissement, en particulier celui selon lequel seule A.________pouvait être l'auteur du vol. C.Parallèlement à un recours en réforme, A.________ forme un recours de droitpublic au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 19 avril 2006, en concluant àson annulation. La recourante reproche aux juges cantonaux une appréciationarbitraire des preuves les ayant amenés à considérer qu'elle se serait renduecoupable du vol de la somme de 50fr. au préjudice d'un patient de laclinique. Elle invoque également une violation de la présomption d'innocenceancrée à l'art. 1 CP. L'intimée propose le rejet du recours. La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a lieu destatuer d'abord sur le recours de droit public. 1.2 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre unedécision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens(art. 84 al. 1 let. a OJ). L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est susceptible d'aucunautre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure où larecourante invoque la violation directe d'un droit de rang constitutionnel,de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public estrespectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée, quirejette ses conclusions en paiement, de sorte qu'elle a un intérêt personnel,actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été priseen violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, elle a qualitépour recourir (art. 88 OJ). 1.3 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que lesgriefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'actede recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258consid. 1.3 p. 261/262). Il base son arrêt sur les faits constatés dans ladécision attaquée, à moins que le recourant ne démontre que l'autoritécantonale a retenu ou omis certaines circonstances déterminantes de manièrearbitraire (ATF 118 Ia 20 consid. 5a). 2.Invoquant une violation de l'art. 9 Cst, la recourante se plaint d'uneappréciation arbitraire des preuves par la cour cantonale. Elle faitégalement valoir que la solution retenue par la Chambre des recours violeraitla présomption d'innocence consacrée par l'art. 1 CP. Dans la mesure où, comme en l'espèce, l'appréciation des preuves estcritiquée en référence avec le principe de la présomption d'innocence (indubio pro reo), ce dernier principe n'a pas de portée plus large quel'interdiction de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a). Les deux griefspeuvent donc être examinés ensemble. 2.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., nerésulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer enconsidération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral nes'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestementinsoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation defait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté,ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justiceet de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, ilne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encoreque la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 132 III 209consid. 2.1; 131 I 57 consid. 2 p. 61).En ce qui concerne l'appréciation des preuves et la détermination des faits,le juge tombe dans l'arbitraire si, sans raison sérieuse, il omet de prendreen considération un élément de preuve propre à modifier la décision, s'il sefonde sur un moyen manifestement inapte à apporter la preuve, s'il a, demanière évidente, mal compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ouencore si, sur la base des éléments recueillis, il en tire des constatationsinsoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 et les arrêts cités). Il appartient aurecourant d'établir la réalisation de ces conditions en tentant de démontrer,par une argumentation précise, que la décision incriminée est insoutenable(art. 90 al. 1 let.bOJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1). Le grief tiré del'appréciation arbitraire des preuves ne peut être pris en considération quesi son admission est de nature à modifier le sort du litige, ce qui n'est pasle cas lorsqu'il vise une constatation de fait n'ayant aucune incidence surl'application du droit (ATF 129 I 8 consid. 2.1).2.2 Par rapport à l'état de fait arrêté par la cour cantonale, la recouranteinvoque un élément - non mentionné dans l'arrêt entrepris - qui aurait dû,selon elle, avoir une influence sur la solution retenue. Il s'agit d'uneordonnance de non-lieu rendue à son encontre et à celle de B.________ par leJuge d'instruction le 27 octobre 2003. Aux termes de cette décision, lenon-lieu s'imposait du moment que le ou les auteurs des vols commis dans leslocaux de l'intimée n'avaient pas pu être identifiés et que les soupçonsportés à l'endroit des deux employées susmentionnées n'avaient pas étéconfirmés. La recourante se méprend manifestement sur la portée qu'il faut donner àcette ordonnance. Il ressort en effet du dossier cantonal que cette décisiona fait l'objet d'un recours de la part du Ministère public vaudois, ce qui aamené le Juge d'instruction à reconsidérer son ordonnance en ce quiconcernait la seule recourante et à rouvrir son enquête. Sur la base desinformations complémentaires recueillies par les services de police, lemagistrat instructeur a décidé de renvoyer la recourante en jugement pour volde la somme de 50 fr. Sa première appréciation de la situation, fondée sur undossier incomplet, ne constituait pas un élément important propre à modifierl'appréciation de l'autorité cantonale, de sorte que celle-ci pouvait, sansverser dans l'arbitraire, omettre de mentionner dans sa décision l'ordonnancede non-lieu du 27 octobre 2003. La recourante fait également valoir que le rapport complémentaire de lapolice de sûreté établi le 29 janvier 2004 - partiellement évoqué dansl'arrêt entrepris - ne permet pas d'exclure que d'autres personnesqu'elle-même aient pu être en contact avec les coupures munies du produitrévélateur. Elle relève en particulier que ce rapport ne tient nullementcompte du fait que l'infirmière B.________ s'est lavé à plusieurs reprisesles mains, ce qui expliquerait que l'on y ait pas trouvé de produitschimiques le lendemain du piège. Sur ce point, le recours frise la témérité.En effet, les organes de police ont indiqué avec précision que les traces deproduit révélateur sont visibles sur la peau quelques heures après lamanipulation et qu'elles devaient être présentes sur les mains de la personnecontrôlée le 6 mars 2003 si celle-ci avait manipulé le billet piégé dans lanuit du 4 au 5mars 2003. Ils ont encore ajouté que ces produits peuventégalement être détectés sur une personne se lavant régulièrement les mains,cela pendant une semaine au maximum. Ces derniers éléments ne remettent pasen cause l'appréciation des preuves opérée par l'autorité cantonale. Ilsconfirment au contraire que B.________ n'est pas l'auteur du vol commis lesoir en question dans la chambre 317 de l'intimée. En définitive, la recourante ne démontre pas en quoi les deux éléments defait précités rendraient insoutenable l'arrêt de l'autorité cantonale. Cettedécision repose sur un fait objectif et non contesté, soit la présence deproduit révélateur sur les mains d'une seule employée de l'intimée, à savoirla recourante. Les juges cantonaux ont ensuite estimé que les explications dela recourante relatives à un échange de coupures de banque en pleine nuitn'étaient pas crédibles au vu des circonstances de l'espèce. Dans son recoursde droit public, la demanderesse ne remet pas en cause cette assertion. Oncherche donc vainement où résiderait l'arbitraire. Enfin, l'absence de volsd'espèces au 3ème étage du bâtiment depuis le licenciement de la recourantepouvait être interprété, sans heurter de manière choquante le sentiment de lajustice, comme un indice supplémentaire de ce que la recourante était bienl'auteur des vols répétitifs d'argent qui se sont produits dans les locaux del'intimée. 2.3 Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la faiblemesure de sa recevabilité. 3.Bien qu'elle ait trait à un différend relevant du contrat de travail, laprocédure
fédérale n'est pas gratuite en l'occurrence, puisque la valeurlitigieuse déterminante, calculée au moment du dépôt de la demande (ATF 115II 30 consid. 5b), dépasse le plafond de 30'000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2CO. Compte tenu de l'issue du litige, la recourante supportera l'émolument dejustice et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art.156 al.1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 3'500 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimée une indemnité de 4'000 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à laCaisse publique cantonale vaudoise de chômage et à la Chambre des recours duTribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 19 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.131/2006
Date de la décision : 19/10/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-19;4p.131.2006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award