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17/10/2006 | SUISSE | N°H.263/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 octobre 2006, H.263/03


Cause {T 7}H 263/03H 264/03H 220/04 Arrêt du 17 octobre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Moser-Szeless H 263/03A.________, recourant, représenté par MeVincent Jeanneret, avocat, rue desAlpes 15bis, 1211Genève, contre Caisse de compensation de la Société Suisse des Entrepreneurs, Agence deGenève, rue Malatrex 14, 1201 Genève, intimée, représentée par Me PierreVuille, avocat, rue François-Bellot 9, 1206 Genève, H 264/03B.________, recourant, représenté par Me Pierre de Preux, avocat, rue Gourgas5, 1205 Genève, contre

Caisse de compensation de la Société Suisse des Entrepreneurs, Ag...

Cause {T 7}H 263/03H 264/03H 220/04 Arrêt du 17 octobre 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Moser-Szeless H 263/03A.________, recourant, représenté par MeVincent Jeanneret, avocat, rue desAlpes 15bis, 1211Genève, contre Caisse de compensation de la Société Suisse des Entrepreneurs, Agence deGenève, rue Malatrex 14, 1201 Genève, intimée, représentée par Me PierreVuille, avocat, rue François-Bellot 9, 1206 Genève, H 264/03B.________, recourant, représenté par Me Pierre de Preux, avocat, rue Gourgas5, 1205 Genève, contre Caisse de compensation de la Société Suisse des Entrepreneurs, Agence deGenève, rue Malatrex 14, 1201 Genève, intimée, représentée par Me PierreVuille, avocat, rue François-Bellot 9, 1206 Genève, H 220/04Caisse de compensation de la Société Suisse des Entrepreneurs, Agence deGenève, rue Malatrex 14, 1201 Genève, recourante, représentée par Me PierreVuille, avocat, rue François-Bellot 9, 1206 Genève, contre 1. A.________, représenté par Me Vincent Jeanneret, avocat, rue desAlpes 15bis, 1211Genève,2. B.________, représenté par Me Pierre de Preux, avocat, rue Gourgas5,1205 Genève,intimés, Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève (Jugement du 16 avril 2003) Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 21 octobre 2004) Faits: A.A.a La société X.________ SA générale d'entreprises, détenue par le GroupeX.________ Holding SA et inscrite au Registre du commerce de Genève le 28juin 1989, avait pour but l'exploitation d'une entreprise générale dans lesdomaines des constructions et ouvrages. Elle était affiliée à la Caisse decompensation de la société suisse des entrepreneurs (ci-après: la caisseSSE), caisse de compensation professionnelle autorisée à appliquerl'assurance-vieillesse et survivants. Elle avait également adhéré notamment àla Caisse de compensation du bâtiment des travaux publics et de lagypserie-peinture du canton de Genève (ci-après: la caisse du bâtiment),dont les statuts exigeaient de chacun de ses affiliés un dépôt de garantie àtitre de sécurité, calculé selon le taux fixé chaque année par le conseil dedirection en pour-cent des salaires payés par l'entrepreneur; pour la part dudépôt dépassant 100'000fr., le membre pouvait remplir son obligation àl'aide d'un acte de cautionnement établi par une banque ou une compagnied'assurance, valable une année. Pour satisfaire à cette obligation,X.________ SA a signé, chaque année depuis 1988, avec la Banque Y.________,un contrat de cautionnement par lequel l'établissement bancaire se portaitcaution solidaire pour un montant maximum variable d'une année à l'autre pourles engagements de la société concernant le dépôt de garantie. Lecautionnement émis le 21février 1997 portait sur un montant de 1'520'000fr. Confrontée à des difficultés financières, X.________ SA a demandé au Tribunalde première instance du canton de Genève un sursis concordataire. Un sursisde six mois a été accordé le 20 mars 1998, puis prolongé jusqu'au 18 février1999. Par jugement du 22 juin 1999, le Tribunal de première instance ahomologué le concordat par abandon d'actifs présenté aux créanciers. Lacaisse SSE, la caisse du bâtiment et la Caisse syndicale des entrepreneurs dela gypserie-peinture et décoration du canton de Genève (ci-après: la caissesyndicale) ont produit une créance qui a été colloquée en 3ème classe pour unmontant de 1'656'086fr. (courrier des commissaires au sursis du 24novembre1999), représentant les «cotisations vacances, jours fériés, absencesjustifiées», ainsi que les «cotisations allocations familiales, AVS/AI/APG,frais administration AVS/AI/APG, assurance-chômage, caisse-maladie,contribution professionnelle, frais et intérêts» pour la période de janvier1998 à mars 1998 et pour la période de 1993 à 1997 (décisions complémentairesaprès contrôle). Déposé le 26novembre 1999, l'état de collocation faisaitapparaître un découvert de 46'665'006fr.20 pour les créances en 3èmeclasse. A.b Entre-temps, le 27 mars 1998, la caisse SSE, la caisse du bâtiment et lacaisse syndicale ont fait appel au cautionnement de la Banque Y.________, quia refusé d'y donner suite, de sorte qu'une demande en paiement a étéintroduite auprès du Tribunal de première instance. La procédure y relative aété suspendue. Par trois décisions du 29 octobre 1999, la caisse SSE a réclamé à A.________,administrateur de X.________ SA, B.________, directeur, et E.________, fondéde pouvoir, le paiement d'un montant de 523'429fr.50 à titre de réparationdu dommage résultant du non-paiement des cotisations AVS/AI/APG par lasociété. Les prénommés ont tous formé opposition à la décision de réparationdu dommage. B.B.aPar actes déposés le 23 décembre 1999 auprès de la Commission cantonalegenevoise de recours en matière d'AVS/AI, la caisse a assigné A.________,B.________ et E.________ en paiement de la somme de 523'429fr.50. Après avoir joint les causes, la Commission cantonale a rendu, le 16avril2003, un jugement dont le dispositif (chiffres 1 et 2) est le suivant:«1. Accorde à la Caisse SSE la levée des oppositions formées par MessieursA.________ et B.________ dans le sens des considérants. 2. La refuse s'agissant de l'opposition formée par Monsieur E.________.»B.bLe 22 août 2003, respectivement le 3 septembre 2003, A.________ etB.________ ont adressé au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales- qui a remplacé la Commission cantonale depuis le 1er août 2003 - unedemande d'interprétation par laquelle ils invitaient le tribunal à préciserle ch. 1 du dispositif du jugement du 16avril 2003, en ce sens quel'opposition formée par chacun d'eux contre les décisions en réparation de lacaisse n'est levée qu'à concurrence de 38'599fr.15. B.________ demandaitencore que le dispositif soit précisé en ce sens qu'il sera subrogé à dueconcurrence si la caisse obtient gain de cause dans le cadre de la procédurequi l'oppose à la Banque Y.________ pendante devant le Tribunal de premièreinstance. Par jugement du 25 novembre 2003, le Tribunal cantonal des assurancessociales a déclaré recevables les demandes d'interprétation du jugement de laCommission cantonale du 16 avril 2003 et dit que «le chiffre 1. du dispositifdudit jugement, afin de lever toute ambiguïté, doit être complété comme suit:'renvoie la cause à la Caisse SSE pour nouveau calcul dans le sens desconsidérants'». B.c Saisi d'un recours formé par la caisse SSE contre ce jugement, leTribunal fédéral des assurances l'a admis; sans entrer sur le fond du litige,il a annulé le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales du 25novembre 2003 et lui a renvoyé la cause pour qu'il statue dans unecomposition régulière (arrêt du 19 avril 2004). Le 21 octobre 2004, le tribunal cantonal a rendu un nouveau jugement avec undispositif identique à celui de son jugement précédent du 25novembre 2003. C.C.aEntre-temps, dans le délai de trente jours dès la notification du jugementcantonal du 16 avril 2003, A.________ et B.________ ont chacun interjeté unrecours de droit administratif contre ce jugement, dont ils demandent ensubstance l'annulation, sous suite de frais et dépens. Par ordonnance du 16 octobre 2003, le Juge délégué à l'instruction a suspendul'instruction de la cause jusqu'à droit connu au niveau cantonal sur lesdemandes d'interprétation des 22 août et 3 septembre 2003. C.b De son côté, par mémoire daté du 25 novembre 2004, la caisse SSEinterjette un recours de droit administratif contre les jugements du tribunalcantonal des 16 avril 2003 et 21 octobre 2004, dont elle demandel'annulation. Elle conclut, principalement, au renvoi de la cause à lajuridiction cantonale pour qu'elle procède à une instruction complémentaireet rende un nouveau jugement dans le sens des considérants. A titresubsidiaire, elle conclut qu'il soit constaté que les oppositions formées le30 novembre 1999, respectivement le 1erdécembre suivant, par A.________ etB.________ sont levées, ainsi qu'à la condamnation de ceux-ci au paiement de523'429fr.50. D.Les parties se sont déterminées sur leurs recours respectifs. La caisse SSEconclut en substance à la jonction des causes et au rejet des recours forméspar A.________ et B.________, en reprenant les conclusions de son proprerecours. Sous suite de frais et dépens, ceux-ci concluent, principalement, àl'irrecevabilité du recours de la caisse SSE et, à titre subsidiaire, à sonrejet. B.________ conclut à l'admission du recours formé par A.________,tandis que celui-ci propose l'admission du recours interjeté par B.________. E. ________ s'en rapporte à justice, tandis que l'Office fédéral desassurances sociales ne s'est pas prononcé sur les recours de droitadministratif. Considérant en droit: 1.Les recours de A.________ et B.________ sont dirigés contre le jugementcantonal du 16 avril 2003, le recours de la caisse SSE contre celui du 21octobre 2004 portant interprétation du jugement du 16 avril 2003; cesdécisions ont été rendues par la même autorité dans le même contexte defaits. Il se justifie dès lors de joindre les causes et de statuer par unseul arrêt (ATF 128 V 126 consid. 1 et les références; cf. aussi ATF 128 V194 consid. 1). 2.Le litige porte tout d'abord sur l'interprétation du jugement cantonal du 16avril 2003. 2.1 Pour examiner la demande d'interprétation de A.________ et B.________, lajuridiction cantonale s'est fondée sur l'art. 84 al. 2 de la loi genevoise du12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA; RSG E 5 10), selonlequel à la demande d'une partie, la juridiction qui a statué interprète sadécision, lorsqu'elle contient des obscurités ou des contradictions dans ledispositif ou entre le dispositif et les considérants. Selon la jurisprudence, même si le droit fédéral, en particulier lesdispositions de procédure imposées aux cantons par l'art. 61 let. a à i LPGA(ATF 130 V 325 consid. 2.2), ne règlent pas la question de l'interprétationdes jugements cantonaux, le droit d'exiger l'interprétation d'un jugementdans certaines limites doit être considéré comme un principe inhérent audroit fédéral tiré du principe d'égalité (art. 8 al.1 Cst.), au même titreque le droit à la rectification de fautes de calcul (ATF 130 V 323 consid.1.2 et 325 consid. 2.3; arrêt S. du 16février 2001 [K 96/00]). Le jugementd'interprétation du 21 octobre 2004 doit par conséquent être considéré commefondé sur le droit public fédéral, de sorte que le recours de droitadministratif dirigé à son encontre est recevable sous l'angle des art. 128OJ en corrélation avec les art. 97 OJ et 5 PA (exigence d'une norme de basedu droit fédéral). 2.2 Dans le cadre de l'art. 145 al. 1 OJ, l'interprétation d'un arrêt duTribunal fédéral ou du Tribunal fédéral des assurances (en corrélation avecl'art. 135 OJ) ne peut être demandé que lorsque le dispositif est peu clair,incomplet ou équivoque ou que ses éléments sont contradictoires entre eux ouavec les motifs. L'interprétation peut se rapporter à des contradictionsexistant entre les motifs de la décision et le dispositif, mais non pas auxmotifs en tant que tels (ATF 130 V 326 consid.3.1, 110 V 222). Lesconsidérants ne peuvent faire l'objet d'une interprétation que si, et dans lamesure où il n'est pas possible de déterminer le sens de la décision(dispositif) qu'en ayant recours aux motifs (ATF 110 V 222). Ne sont enrevanche pas recevables les demandes en interprétation qui visent à lamodification du contenu de la décision. Il n'est pas davantage admissible deprovoquer, par la voie de la demande d'interprétation, une discussiond'ensemble sur la décision entrée en force (ATF 104 V 55 in fine). 2.32.3.1Selon le ch. 1 du dispositif du jugement du 16 avril 2003, lesoppositions formées par A.________ et B.________ sont levées «dans le sensdes considérants». Ce dispositif doit être interprété en ce sens que lesprénommés ont été déclarés responsables du dommage correspondant à la pertedes cotisations sociales dues par X.________ SA à la caisse SSE pour lapériode fixée par les décisions du 29 octobre 1999 (et les demandes du 23décembre 2003), ce dommage devant par ailleurs être déterminé à l'aide desconsidérants du jugement. A cet égard, la juridiction cantonale a retenu leséléments suivants:- «le dommage subi par la Caisse SSE consiste en la perte de la créancequ'elle possédait contre la société [X.________ SA] représentant lescotisations paritaires AVS - AI restées impayées de janvier à mars 1998.»; - «Il y a cependant lieu de rappeler ici que le dépôt de garantie initial deFr.100'000.- exigé selon les statuts de la caisse ne concerne pas seulementles cotisations conventionnelles (art. 12 des statuts 1989 applicable en1998), ce contrairement à ce qui est allégué par la Caisse, laquelle se fondesur les articles 10 et 11 des statuts édition 2000.»; - «La Caisse conteste que le montant de Fr. 384'830fr.35 lui ait été versé.Or, les pièces 25 et 26 chargé X.________ du 07.02.2000 suffisent àdémontrer, à satisfaction de droit, que les défendeurs se sont bel et bienacquittés de cette somme.»; - «[A.________ et B.________] seront subrogés à due concurrence si la CaisseSSE obtient gain de cause dans le cadre de la procédure qui l'oppose à laBanque Y.________ pendante devant le Tribunal de Première Instance, étantprécisé que le montant du cautionnement émis par la Banque Y.________ le 21février 1997 de 1'520'000.- devrait couvrir, le cas échéant, les prétentionsde la Caisse contre [X.________ SA] et viser toutes les caisses.». A la lumière de ces considérants, il n'est pas possible de déterminer lemontant du dommage retenu par la juridiction cantonale, puisqu'elle s'estlimitée à poser quelques affirmations (dommage résultant de cotisationsimpayées de janvier à mars 1998; existence d'un dépôt de 100'000fr. neconcernant pas seulement les cotisations conventionnelles; versement d'unmontant de 384'830fr.35 de X.________ SA à la caisse SSE), sans en tirer deconséquences quant à l'étendue de la réparation. Dans cette mesure, le ch. 1du dispositif du jugement du 16 avril 2003 renvoyant aux considérants n'étaitpas clair et ceux-ci pouvaient faire l'objet d'une interprétation. 2.3.2 Dans son jugement en interprétation du 21 octobre 2004, la juridictioncantonale a complété le ch. 1 du dispositif de son jugement précédent enrenvoyant la cause à la caisse SSE pour nouveau calcul dans le sens desconsidérants. On peut se demander si un tel renvoi, assorti de nouvellesconsidérations sur les montants à déduire (dépôt de 100'000fr.; montant de384'830fr.35) sans que les premiers juges ne déterminent clairement ledommage, ne dépasse pas le cadre admissible de l'interprétation et constitueen réalité une modification du contenu de la décision. Cette question peutcependant rester ouverte, dès lors que le jugement en interprétation, toutcomme le jugement du 16 avril 2003 qu'il complète (cf. ATF 117 II 508consid.1a), doivent être annulés pour les raisons exposées ci-après. 3.3.1Les recours de droit administratif formés contre le jugement du 16avril2003 ne sont pas recevables dans la
mesure où le litige a trait à laréparation du dommage consécutif au non-paiement de cotisations au régime desallocations familiales de droit cantonal (ATF 124 V 146 consid. 1 et lajurisprudence citée) ou de cotisations conventionnelles. 3.2 Sur le fond, le litige porte sur la responsabilité de A.________ etB.________ dans le préjudice subi par la caisse SSE aux conditions de l'art.52 LAVS (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, applicable enl'espèce [ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités]). La décisionlitigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner siles premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou parl'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont étéconstatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ontété établis au mépris de règles essentielles de procédure (art.132 [dans saversion en vigueur jusqu'au 30 juin 2006; ch. II let. c des dispositionstransitoires relatives à la modification de la LAI du 16 décembre 2005] encorrélation avec les art.104 let.aetbet 105al.2OJ). 3.3 En vertu de l'art. 61 let. c LPGA, qui a immédiatement trouvé applicationen tant que disposition de procédure dès son entrée en vigueur (le 1erjanvier 2003) dans la procédure devant la Commission de recours, puis leTribunal cantonal des assurances sociales - les jugements entrepris ayant parailleurs été rendus postérieurement à cette date -, le tribunal établit avecla collaboration des parties les faits déterminants pour la solution dulitige; il administre les preuves nécessaires et les apprécie librement.Aussi bien dans le domaine des assurances sociales, la procédure reste régiepar le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la causedoivent être constatés d'office par le juge. Celui-ci doit procéder à desinvestigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment deraisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou auxindices résultant du dossier (ATF 117 V 282 consid. 4a, 110 V 52). Il ne peutignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raisonqu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 1994 p. 220 consid. 4a). 4.4.1Tous les recourants font valoir une constatation manifestement inexactedes faits en ce qui concerne le montant du dommage. A.________ et B.________reprochent notamment aux premiers juges d'avoir retenu comme «montant de basedu dommage» la somme de 523'429fr.50 fixée par les décisions en réparation,alors que ce montant comprenait des cotisations paritaires afférentes à lasociété Z.________ SA et non pas à X.________ SA. De son côté, la caisse SSEsoutient, entre autres arguments, que le dépôt de 100'000fr. ne visait pas àgarantir le paiement des cotisations AVS/AI et n'avait donc pas à être imputé(en partie) sur le dommage, contrairement à ce que la juridiction cantonaleavait constaté dans le jugement du 21 octobre 2004. 4.24.2.1Dans ses décisions du 29 octobre 1999, puis ses demandes en réparation(faussement intitulées «recours») datées du 23 décembre suivant, la caisseSSE a fait valoir un dommage de 523'429fr.50, en se référant à un décomptedétaillé du 10 décembre 1999 et aux décisions notifiées à X.________ SA (puisX.________ SA en sursis concordataire) entre le 12 février et le 12 novembre1998. Il ressort de ces documents que le montant de 523'429fr.50 ne serapporte pas seulement à des cotisations de l'AVS/AI/APG pour la période dejanvier à mars 1998, mais a également trait à la période subséquente d'avrilà octobre 1998, ainsi qu'aux mois de décembre 1993, décembre 1994, décembre1995, décembre 1996 et novembre et décembre 1997. La constatation despremiers juges quant aux périodes sur lesquelles portent les cotisationsimpayées (supra consid. 2.3.1) apparaît dès lors manifestement erronée. Par ailleurs, comme le relèvent à juste titre A.________ et B.________, cemontant comprend également des cotisations (à hauteur de 29'261fr.25, ycompris les frais administratifs AVS) concernant non pas la sociétéX.________ SA (entreprise n° 2840 et n°4480), mais la société Z.________ SA(en sursis concordataire; entreprise n° 5840). Il s'agit d'une personnemorale distincte de X.________ SA, avec des dettes de cotisations propres,dont le non-paiement ne saurait être imputé aux organes de X.________ SA (àmoins qu'il s'agisse des mêmes personnes et qu'elles soient recherchées alorspar la caisse de compensation pour le dommage global). Ce point n'a pas étédiscuté par les premiers juges, malgré les critiques de A.________ etB.________ à cet égard (cf. mémoires-réponse du 7 février 2000), alors qu'illeur appartenait de s'assurer que le dommage allégué par la caisse SSE ne serapportait qu'à des cotisations d'assurance sociale dues par l'employeur dontles organes étaient recherchés et non par un tiers. 4.2.2 Dans le même contexte, la juridiction cantonale n'a pas non plusexaminé de façon circonstanciée le grief soulevé par A.________ et B.________quant à la date à laquelle les décisions de cotisations et de rattrapage(pour les mois de décembre 1993 à 1997 et novembre 1997) ont été notifiées àX.________ SA et à laquelle les créances seraient devenues exigibles. Ceux-cifaisaient valoir que dès la date de l'octroi du sursis concordataire, le 20mars 1998, toute décision relative au paiement des cotisations - dont seulesquatre avaient été reçues avant cette date - relevait de l'unique compétencedes commissaires au sursis qui auraient interdit tout versement y relatif.Retenant que si «cette interdiction aurait pu être de nature à excuser le nonpaiement des cotisations», la juridiction cantonale a considéré queA.________ ne pouvait croire que le paiement des cotisations ne serait quereporté, dès lors que la société était surendettée depuis 1996. Cettemotivation, dont il ne ressort pas si les premiers juges ont admis ou nonl'existence de l'interdiction invoquée par le prénommé, n'apparaît paspertinente au regard des circonstances liées à l'ouverture de la procédureconcordataire. En effet, dans une telle situation, selon la jurisprudence, à moins que lejuge du concordat n'en dispose autrement, il découle de l'art. 298 LP que ledébiteur conserve la libre disposition de ses biens. Celui-ci peut poursuivrel'exploitation de son entreprise et accomplir tous les actes juridiques quientrent dans le cadre de la gestion quotidienne de celle-ci, à l'exceptiontoutefois de ceux qui sont mentionnés à l'art. 298 al. 2 LP(Staehelin/Bauer/Staehelin [édit.], Kommentar zum Bundesgesetz überSchuldbetreibung und Konkurs, SchKG III, Art. 221-352, Bâle 1998, n. 3 adart. 298; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur lapoursuite pour dettes et la faillite, Lausanne 2003, n. 8 ss ad art. 298). Leversement des cotisations dues sur les salaires payés n'entre pas dans lacatégorie des actes juridiques qui tombent sous le coup des actes prohibéspar l'art. 298 al. 2 LP. Par ailleurs, selon la jurisprudence, les montantsdus à des institutions de prévoyance sociale à partir de la date du sursissont des dettes de la masse qui ne sont pas touchées par le concordat et quipeuvent, de ce fait, être immédiatement payées (ATF 100 III 30; RDAT 1999In°71 p. 278, arrêt M. du 17 janvier 2002, H38/01, et arrêt non publié H.du 17 mars 1998, H 277/97). Au regard de l'argument soulevé par A.________ et B.________ et de lajurisprudence mentionnée, les premiers juges ne pouvaient pas se passerd'examiner si les pouvoirs des prénommés, en leur qualité d'organes deX.________ SA, avaient été restreints par le juge du concordat ou si lescommissaires au sursis les avaient déchargés du paiement des cotisationscourantes. 4.2.3 Toujours en ce qui concerne le dommage, la juridiction cantonale aconsidéré dans le jugement entrepris, tel qu'interprété le 21octobre 2004,que le dépôt de garantie de 100'000 fr. était également supposé garantir lepaiement des cotisations AVS/AI; elle en a déduit - à tout le moinsimplicitement - que le montant y afférent (à calculer par la caisse SSE)devait être déduit du dommage. L'affirmation des premiers juges, qui seréfèrent aux «statuts de la caisse»(supra consid. 2.3.1), n'est toutefois pasétayée par les pièces du dossier auxquelles ils renvoient. D'une part, la juridiction cantonale s'est fondée sur les «Statuts etrèglement de la Caisse de compensation du bâtiment, des travaux publics etbranches annexes du canton de Genève», ainsi que sur le «Règlement de laCaisse de prévoyance sociale de la Chambre syndicale des entrepreneurs degypserie, peinture et décoration du canton de Genève» (la caisse syndicale).En l'absence de toute motivation sur ce point, on ne voit pas ce quijustifiait, de l'avis des premiers juges, d'appliquer à la caisse SSE lesstatuts de deux autres caisses auxquelles étaient affiliées X.________ SA, etd'assimiler celle-là à celles-ci. La caisse SSE a du reste fait valoir(courrier du 18mars 2003 à la Juge déléguée à l'instruction) - sanstoutefois produire son règlement ou ses statuts - qu'il y avait lieu dedistinguer ces trois caisses et que seule elle-même, à savoir la Caisse decompensation de la société suisse des entrepreneurs (AVS 66.2), s'occupait duprélèvement des cotisations sociales AVS/AI/APG. Ce moyen n'a cependant pasété examiné par les premiers juges. D'autre part, selon l'art. 1er des statuts mentionnés, les deux caissesconcernées (syndicale et du bâtiment) ont pour but de pratiquer notamment leversement régulier de prestations, telles que allocations familiales,indemnités de vacances, pour jours fériés, pour absences justifiées, pourservice militaire et protection civile, pour inspections militaires des armeset de l'habillement, et allocations de formation ou de perfectionnementprofessionnel; au surplus, elles perçoivent des contributions au titre de«assurance-maladie, formation professionnelle et réserve 13emois/[respectivement] pour allocation spéciale». Ces caisses n'ont dès lorspas pour but d'appliquer l'assurance-vieillesse et survivants, de sorte qu'onne voit pas - du moins au regard des faits constatés en procédure cantonaleet en l'absence de toute autre mesure d'instruction sur ce point - que ledépôt effectué à titre de cautionnement par X.________ SA auprès de cescaisses, et prévu à l'art. 12, respectivement 10 de leurs statuts, vise àgarantir les cotisations sociales prélevées par la caisse SSE, ni, parconséquent, qu'il puisse être déduit (en partie) du dommage allégué parcelle-ci. 4.2.4 En relation avec le dépôt de garantie, la juridiction cantonale aencore admis que le cautionnement émis par la Banque Y.________ le 21 février1997 concernait également des cotisations sociales et retenu, en conséquence,que A.________ et B.________ seraient subrogés si la caisse SSE obtenait gainde cause dans le litige qui l'oppose à la Banque Y.________ (supra consid.2.3.1). Pour toute réponse à l'argument de la caisse SSE, selon lequel cecautionnement ne concernait que les cotisations conventionnelles dues à lacaisse du bâtiment, en faveur de laquelle l'acte de cautionnement avait étéconclu, elle a constaté que «toutes les décisions de cotisations AVS-AInotifiées à [X.________ SA] l'ont été par la Caisse du bâtiment». Il est vraique les décisions de cotisations portent toutes la mention que le versementrequis est effectué en faveur des «Caisses de compensation du bâtiment, destravaux publics et de la gypserie-peinture du canton de Genève, 66.2AVS/AI/APG Agence de la Caisse de compensation de la Société suisse desentrepreneurs»; elles ont par ailleurs pour objet tant des cotisationsAVS/AI/APG que des cotisations conventionnelles et contributionsprofessionnelles. Le fait que la caisse SSE et la caisse du bâtiment sontapparemment administrées conjointement et que la seconde met ses services àdisposition de la première - les comptabilités demeurant toutefois séparées(cf. art. 10 des statuts de la caisse du bâtiment) - ne suffit toutefois pasà établir que le cautionnement en question se rapportait également aux dettesde cotisations de X.________ SA à l'égard de la caisse de compensation AVS.Outre le fait qu'un tel cautionnement est prévu par les statuts de la caissedu bâtiment et la caisse syndicale - sans qu'il ressorte du dossier qu'unetelle garantie eût été prévue par le règlement ou les statuts de la caisseSSE -, le cautionnement du 21février 1997 a été conclu par l'établissementbancaire en faveur de la caisse du bâtiment pour les engagements deX.________ SA concernant le dépôt de garantie. Au vu du contrat decautionnement, sur lequel figure comme seul bénéficiaire la caisse dubâtiment, on ne voit pas, à défaut de motivation convaincante sur ce point,ce qui justifiait aux yeux des premiers juges de considérer que la caisseintimée pouvait également faire appel au cautionnement et bénéficier de lagarantie prévue. 4.3 Enfin, la juridiction cantonale a retenu que X.________ SA avait versé àla caisse SSE un montant de 384'830fr.35, pour en déduire, dans lesconsidérants de son jugement en interprétation, que cette somme devait êtreimputée au dommage allégué par la caisse SSE. Cette constatation apparaîtincomplète au regard des pièces auxquelles elle renvoie. Si, selon l'ordre depaiement du 19 mars 1998, X.________ SA a fait verser le montant de179'871fr.55 à la caisse SSE (Caisse de compensation), le virement ducompte postal du 20mars 1998 pour un montant de 204'958fr.80 a en revancheété exécuté également en faveur de la caisse du bâtiment. Par ailleurs, lacaisse SSE a soutenu dans ses demandes en justice qu'elle avait, à la date deses décisions en réparation, reçu des versements de X.________ SA pour untotal de 374'705fr.20 (y compris 71'210fr. de la part de Z.________ SA;cf. décompte du 10 décembre 1999) dont elle avait tenu compte pour fixer à523'429fr.50 le dommage résultant du non-paiement des cotisations sociales.Compte tenu de ces éléments, la juridiction cantonale ne pouvait se limiter àconstater que le dommage devait être réduit de 384'830fr.35, sans procéderaux constatations nécessaires pour établir de quelle manière les montantsversés par la société en faveur de la caisse SSE et de la caisse du bâtimentavaient été répartis pour payer les dettes de cotisations (sociales etconventionnelles) et si le décompte du 10décembre 1999 prenait dûment enconsidération la part portée en compte auprès de la caisse SSE. 4.4 Dans ces circonstances, il apparaît que les faits n'ont pas été constatésde manière complète au sens de l'art. 105 al. 2 OJ, notamment sur le montantdu dommage dont la réparation est demandée par la caisse SSE. Pour ce motif,le jugement du 16 avril 2003, ainsi que le jugement du 21 octobre 2004 qui lecomplète, doivent être annulés et la cause renvoyée aux premiers juges pourqu'ils reprennent l'instruction et rendent un nouveau jugement. 5.Cela étant, on ajoutera que s'agissant de B.________, les premiers juges ontretenu qu'il a commis une négligence grave au sens de l'art.52 LAVS. Pourtoute
motivation, ils ont, après avoir discuté de la responsabilité deA.________, «au surplus relev[é] que Monsieur B.________ a adopté le mêmecomportement que Monsieur A.________». Une telle argumentation, qui ne tientnullement compte des circonstances propres à la personne de B.________, estmal fondée. Pour apprécier la diligence dont celui-ci a fait preuve ou auraitdû faire preuve en tant qu'organe de l'employeur, les premiers juges nepouvaient se borner à se référer au comportement d'un tiers, sans examiner etdiscuter celui de la personne en cause. B. ________ a par ailleurs fait valoir en instance cantonale qu'il n'étaitpas membre du conseil d'administration de X.________ SA, mais l'un de sesdirecteurs; il n'était par ailleurs responsable ni du service financier, nidu service de l'intérieur qui s'occupait du paiement des salaires et descharges sociales. Selon la jurisprudence, un directeur d'une société anonymea généralement la qualité d'organe responsable selon l'art. 52 LAVS en raisonde l'étendue des compétences que cette fonction suppose (ATF 104 II 197consid. 3b). Mais il ne doit répondre que des actes ou des omissions quirelèvent de son domaine d'activités, ce qui, en d'autres termes, dépend del'étendue des droits et des obligations qui découlent de ses rapportsinternes. Sinon, il serait amené à réparer un dommage dont il ne pouvaitempêcher la survenance, faute de disposer des pouvoirs nécessaires (ATF 111 V178 consid. 5a). En se dispensant d'examiner les griefs soulevés parB.________ quant à son rôle et ses pouvoirs effectifs au sein de la sociétéX.________ SA et en assimilant simplement son comportement à celui del'administrateur de la société anonyme, les premiers juges ont non seulementconstaté les faits de façon incomplète, mais n'ont pas examiné les conditionsde l'art. 52 LAVS à satisfaction de droit. Il appartiendra donc à lajuridiction cantonale, dans le cadre du renvoi de la cause, de rendre unnouveau jugement qui tienne compte des exigences posées par le droit fédéral. 6.Etant donné que le litige ne porte pas sur l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ acontrario). Compte tenu de l'issue du litige, les frais de la cause doiventêtre répartis équitablement entre les trois parties.Les recourants A.________ et B.________ obtiennent gain de cause dans lacause H 263/03, respectivement H 264/03, de sorte qu'ils ont droit à uneindemnité de dépens à la charge de la caisse SSE. Bien que celle-ci obtiennegain de cause (dans la cause H220/04), elle n'a pas droit à des dépens,contrairement à ses conclusions (art. 159 al. 2 in fine OJ; ATF 122 V 330consid. 6 et la jurisprudence citée). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Les causes H 263/03, H 264/03 et H 220/04 sont jointes. 2.Dans la mesure où ils sont recevables, les recours de A.________ etB.________ sont admis, en ce sens que que le jugement de la Commissioncantonale genevoise de recours AVS/AI du 16 avril 2003 est annulé. 3.Dans la mesure où il est recevable, le recours de la Caisse de compensationde la société suisse des entrepreneurs est admis et le jugement du 21 octobre2004 du Tribunal cantonal genevois des assurances sociales est annulé. 4.La cause est renvoyée au Tribunal cantonal genevois des assurances socialespour qu'il procède conformément aux motifs. 5.Les frais de justice, consistant en un émolument de 12'000fr. sont mis à lacharge des parties, à raison de 4'000fr. chacun pour A.________ etB.________ et de 4'000fr. pour la Caisse de compensation de la sociétésuisse des entrepreneurs. Ils sont compensés, pour A.________ et B.________,avec l'avance de frais d'un montant de 10'000fr. qu'ils ont chacun versée,la différence, d'un montant de 6'000fr. chacun, leur étant restituée; comptetenu de l'avance de frais de 500fr. qu'elle a versée, la caisse reste devoirun solde de 3'500fr. 6.La Caisse de compensation de la société suisse des entrepreneurs versera àA.________ et B.________ une indemnité de 2'500fr. chacun (y compris la taxesur la valeur ajoutée) au titre de dépens pour la procédure fédérale. 7.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à E.________, Genève, auTribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton deGenève et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 17 octobre 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.263/03
Date de la décision : 17/10/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-17;h.263.03 ?
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