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17/10/2006 | SUISSE | N°1A.179/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 octobre 2006, 1A.179/2006


{T 0/2}1A.179/2006 /col Arrêt du 17 octobre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffier: M. Jomini. A. ________ et consorts,recourants,tous représentés par Me Grégoire Mangeat, avocat,rue du Marché 20, 1204 Genève, contre Ville de Carouge, 1227 Carouge, représentée parMe Christian Buonomo, avocat,Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale1956, 1211 Genève 1. protection contre le bruit, horaire d'ouverture des terrasses de cafés, recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de la

République et canton de Genève du 20 juin 2006. Faits: A.En fé...

{T 0/2}1A.179/2006 /col Arrêt du 17 octobre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffier: M. Jomini. A. ________ et consorts,recourants,tous représentés par Me Grégoire Mangeat, avocat,rue du Marché 20, 1204 Genève, contre Ville de Carouge, 1227 Carouge, représentée parMe Christian Buonomo, avocat,Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale1956, 1211 Genève 1. protection contre le bruit, horaire d'ouverture des terrasses de cafés, recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de laRépublique et canton de Genève du 20 juin 2006. Faits: A.En février et mars 2004, l'administration communale de la Ville de Carouge aenvoyé à chacun des établissements publics (cafés, restaurants) utilisanthabituellement une terrasse pendant la saison estivale un projet de"convention" valable pour la période du 4 mars au 31 octobre 2004, quel'exploitant était invité à signer. Ce projet, daté du 10 mars 2004,contenait notamment les clauses suivantes:Permission "M. ..." [= le titulaire de la patente de l'établissement public] sollicitela permission d'installer une terrasse sur le domaine public conformément àl'article 3 du règlement concernant l'utilisation du domaine public, au moyendu formulaire type. La permission est toujours délivrée qu'à titre précaire,comme le prévoit l'article 19 LDP [loi cantonale sur le domaine public], etl'article 31 du règlement précité. Horaires d'exploitation "M. ..." s'engage à exploiter la terrasse jusqu'à 24h00 au plus tard.Cependant, la Ville de Carouge peut accorder une dérogation jusqu'à 02h00 dumatin, pour les nuits du vendredi au samedi et du samedi au dimanche. Dès 22h00, l'exploitation de la terrasse ne doit en aucun cas troubler latranquillité publique. En cas de non respect, des mesures seront prises etpeuvent aller d'un avertissement écrit à "M. ..." jusqu'à la suppressiondéfinitive de la terrasse. B.Plusieurs exploitants d'établissements publics à Carouge - notammentA.________ et consorts - ont formé le 2 avril 2004 auprès du Tribunaladministratif de la République et canton de Genève un recours contre laconvention précitée, en demandant son annulation. Ils ont fait valoir queleurs établissements étaient autorisés par le Département cantonal dejustice, police et sécurité (DJPS) à rester ouverts jusqu'à 2 heures du matintous les jours de la semaine et que, les années précédentes, la terrassepouvait être exploitée chaque soir jusqu'à la fermeture. Ils ont critiqué àplusieurs égards la nouvelle limitation de l'horaire d'exploitation desterrasses, avançant de deux heures leur fermeture sauf dérogation en fin desemaine.Le Tribunal administratif a rendu le 18 mai 2004 une décision partielle, danslaquelle il a notamment retenu que la convention envoyée aux exploitantsconcernés était, s'agissant des dispositions sur l'horaire d'exploitation,une décision susceptible de recours. Puis, le 1er mars 2005, il a rendu sonarrêt final, annulant la décision attaquée. Il a considéré en substance quela mesure litigieuse ne respectait pas le principe de la proportionnalité carla commune aurait dû, préalablement, tenter de déterminer clairementl'origine du bruit ayant donné lieu à des plaintes du voisinage, pour imposerensuite une restriction d'horaire ou une sanction spécialement auxétablissements trop bruyants. Selon cet arrêt, la nécessité de prescrire unelimitation pour l'ensemble des établissements de la localité n'était pasétablie. C.La Ville de Carouge a formé contre l'arrêt du Tribunal administratif du 1ermars 2005 un recours de droit administratif (cause 1A.109/2005). Le Tribunalfédéral a admis ce recours par un arrêt rendu le 6 décembre 2005; il a enconséquence annulé l'arrêt attaqué et renvoyé l'affaire au Tribunaladministratif pour nouvelle décision. Il a considéré, en substance, que lajuridiction cantonale avait violé le droit fédéral en retenant que leprincipe de la proportionnalité s'opposait à la mise en oeuvre d'une mesurequi tendait à la limitation des émissions de bruit des établissements publicsconcernés, sans examiner cette question au regard des critères de l'art. 11al. 2 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS814.01). Aux termes de cette disposition, il importe, à titre préventif etindépendamment des nuisances existantes, de limiter les émissions dans lamesure que permettent l'état de la technique et les conditions d'exploitationpour autant que cela soit économiquement supportable. D.Après l'arrêt du Tribunal fédéral, le Tribunal administratif a invitéA.________ et consorts à se déterminer sur le caractère économiquementsupportable de la restriction d'horaire en cause. Ceux-ci l'ont contesté enprétendant que, pour un café-bar type, la fermeture de la terrasse à 24h00 aulieu de 02h00 entraînerait une diminution de 14 % du chiffre d'affairesannuel ainsi qu'une réduction sensible de la valeur du fonds de commerce. Lacommune a ensuite présenté ses observations. Les recourants ont demandél'ouverture d'un second échange d'écritures, requête que la juge déléguée aécartée le 28 mars 2006.Le Tribunal administratif a rendu un nouvel arrêt le 20 juin 2006. Il arejeté le recours formé le 2 avril 2004 par A.________ et consorts. Sur lefond, les considérants de cet arrêt sont in extenso les suivants:"Le litige ne porte plus que sur le caractère économiquement supportable, ausens de l'art. 11 al. 2 LPE, de la mesure de restriction horaire décidée parla commune. Il ressort du dossier que l'horaire litigieux est en vigueurdepuis 2004, et que 90 % des exploitants d'établissements publics concernéspar cette mesure ne la contestent pas. En outre, son application ne paraîtpas avoir entraîné de faillite, notamment pas parmi les recourants. Force estainsi de constater que la restriction horaire en cause est économiquementsupportable pour l'ensemble des entreprises de la branche qui y sontsoumises, les faits contredisant la démonstration, au demeurant fondée surdes données hypothétiques, présentée par les recourants." E.Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ etconsorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunaladministratif, de dire que la restriction des horaires d'exploitation desterrasses des établissements publics à minuit en semaine, prévue dans ladécision de la Ville de Carouge du 10 mars 2004, est une mesureéconomiquement insupportable pour eux au sens de l'art. 11 al. 2 LPE, etd'annuler la décision communale en ce qu'elle limite les horairesd'exploitation des terrasses des établissements publics à minuit en semaine.Les recourants critiquent sur plusieurs points les constatations de fait duTribunal administratif, ils se plaignent d'une violation du droit d'êtreentendu et ils dénoncent une mauvaise application de l'art. 11 al. 2 LPE.La Ville de Carouge conclut au rejet du recours de droit administratif.Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt et renonce à se déterminer. F.Les recourants requièrent la fixation d'un délai pour répliquer. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.La contestation porte - comme cela ressort du reste clairement desconclusions des recourants - sur une décision de principe de la communeintimée consistant à imposer la fermeture des terrasses des établissementspublics, situées sur le domaine public, à minuit en semaine, c'est-à-dire dudimanche soir au jeudi soir (les recourants ne critiquant pas le régime prévupour les nuits du vendredi au samedi et du samedi au dimanche, où lesterrasses peuvent être fermées à deux heures du matin). Les conditionsgénérales d'exploitation des cafés et restaurants, telles qu'elles sontfixées par l'administration cantonale (horaires d'ouverture del'établissement en tant que tel, y compris les locaux intérieurs, valablespour l'ensemble de l'année), ne sont donc pas concernées.Par ailleurs, dans l'arrêt 1A.109/2005 du 6 décembre 2005, le Tribunalfédéral a déjà traité définitivement certaines questions juridiques, que leTribunal administratif n'avait plus à examiner dans sa nouvelle décision, etqui a fortiori ne doivent pas être revues dans le présent arrêt. Il en vaainsi de la possibilité de fonder sur l'art. 11 al. 2 LPE des limitations del'horaire d'exploitation des établissements publics ou de leurs terrasses,dans le but de réduire leurs émissions de bruit. Le Tribunal fédéral aégalement déjà jugé que la restriction d'horaire litigieuse n'était pas unobstacle à l'exploitation d'un établissement public, et qu'une telle mesureétait propre à limiter le bruit perçu par les habitants voisins(conversations des clients sur la terrasse, bruit de vaisselle, etc.). Ilreste donc à examiner si une fermeture de la terrasse à minuit les jours desemaine est économiquement supportable au sens de l'art. 11 al. 2 LPE. A cepropos, il faut prendre en considération non pas la situation économique dechaque établissement concerné mais les effets de la mesure sur une entrepriseordinaire de la branche (arrêt 1A.109/2005 consid. 4.3). 2.Dans la procédure de recours de droit administratif, en vertu de l'art. 110al. 4 OJ, un second échange d'écritures n'a lieu qu'exceptionnellement. Vul'objet de la contestation, il n'y a pas de motif de déroger à cette règle etil convient de statuer sur la base du dossier en l'état. 3.Les recourants se plaignent d'une mauvaise application de l'art. 11 al. 2LPE, en critiquant la motivation ainsi que certaines constatations de fait del'arrêt attaqué. 3.1 Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droitfédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let.a OJ), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faitspertinents (art. 104 let. b OJ). Le présent recours étant dirigé contre ladécision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faitsconstatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ouincomplets, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles deprocédure (art. 105 al. 2 OJ). 3.2 Comme cela a été exposé dans l'arrêt 1A.109/2005 du 6 décembre 2005, ilincombait au Tribunal administratif d'apprécier le caractère économiquementsupportable de l'interdiction d'ouvrir les terrasses au-delà de minuit, lesjours de semaine, en prenant en considération les effets d'une telle mesuresur une entreprise ordinaire de la branche (cf. supra, consid. 1 in fine). Ense fondant sur le dossier - soit sur les indications données par lesrecourants et par la commune -, il a retenu que 90 % des exploitantsd'établissements publics concernés par cette mesure ne la contestaient pas;en d'autres termes, la très grande majorité des tenanciers de cafés et derestaurants installant habituellement une terrasse sur le domaine publicpendant la saison estivale n'ont pas fait valoir que la restriction devraitêtre levée pour que leur entreprise soit rentable. Le Tribunal administratifa retenu que le nouvel horaire était en vigueur depuis 2004, donc qu'il avaitdéjà été appliqué durant deux saisons estivales. 3.3 Les recourants critiquent l'arrêt attaqué qui évalue le caractèreéconomiquement supportable de la restriction en examinant ses effets sur uncafé ou restaurant ordinaire, et non pas sur un établissement ayant obtenu del'autorité cantonale le droit de demeurer ouvert au-delà de minuit sept jourssur sept. Pour cette dernière catégorie d'entreprises (les "cafés-bars"), leseffets d'une fermeture anticipée des terrasses seraient nettement plussensibles. Les recourants soutiennent par ailleurs qu'ils étaient dispensésd'observer l'horaire restreint en 2004, puisqu'ils l'avaient contesté devantle Tribunal administratif et que, pour des motifs qu'ils déclarent ignorer,la commune intimée avait selon eux renoncé à appliquer cette mesure enverseux. Pour ces deux raisons, les recourants reprochent à la juridictioncantonale une constatation arbitraire des faits. Par ailleurs, comme lesfaits qu'ils critiquent avaient été allégués par la commune dans sesdernières observations, ils se plaignent, en invoquant le droit d'êtreentendu, de n'avoir pas pu déposer des déterminations écrites avant que leTribunal administratif ne statue.Dans une procédure judiciaire, le juge est autorisé à effectuer uneappréciation anticipée des preuves déjà disponibles et à mettre fin àl'instruction s'il peut admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuveou argumentation supplémentaire offerte par une partie ne serait pas propre àmodifier l'appréciation du tribunal (cf. notamment ATF 131 I 153 consid. 3 p.157 et les arrêts cités). En l'occurrence, il ne s'agissait pas d'examinerprécisément la situation économique de chacun des établissements exploitéspar les recourants, ni même celle d'une catégorie restreinte de "cafés-bars"visant principalement une clientèle nocturne. Le Tribunal administratif aappliqué de manière correcte l'art. 11 al. 2 LPE en prenant en considérationl'ensemble des entreprises de la branche concernée, à savoir lescafés-restaurants de la ville qui accueillent de manière saisonnière desclients sur des terrasses. Il n'était plus question à ce stade, compte tenude l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, d'examiner la justification desmesures préventives de limitation des émissions, et les griefs des recourantsà ce sujet doivent être écartés d'emblée. Par ailleurs, les recourants necontestent pas que, durant les saisons d'été 2004 et 2005, des établissementspublics de la ville ont appliqué les nouveaux horaires d'ouverture desterrasses, aucune décision judiciaire ou administrative - en particulieraucune ordonnance de mesures provisionnelles - n'empêchant la commune desoumettre les permissions d'usage accru du domaine public à de tellesprescriptions. Dans ces conditions, les constatations de fait de l'arrêtattaqué ne sont pas critiquables au regard des critères de l'art. 105 al. 2OJ; elles ne sont en effet pas manifestement inexactes ou incomplètes etelles n'ont pas été établies en violation du droit d'être entendu. 3.4 Les recourants font valoir que la mesure litigieuse ne serait paséconomiquement supportable parce qu'elle provoquerait une diminution del'ordre de 15 % du chiffre d'affaires annuel global, ainsi qu'une diminutionde la valeur des fonds de commerce. Or il est fortement douteux qu'un"café-bar" visant la clientèle nocturne réalise environ un septième de sonchiffre d'affaires annuel dans une tranche horaire réduite, entre le dimanchesoir et le jeudi soir, sur la terrasse uniquement, durant les quelquespériodes de la belle saison où les conditions météorologiques après minuitsont suffisamment clémentes. Quoi qu'il en soit, les pièces produites par lesrecourants - un bref rapport d'un cabinet de conseils et une étude d'uninstitut de recherches appliquées en sociologie et en marketing - nedémontrent nullement que la fermeture à minuit des terrasses empêcherait uneexploitation rentable, étant précisé que les locaux intérieurs des"cafés-bars" ne sont pas concernés par la mesure litigieuse (le rapportprécité du cabinet de conseils
part en effet de l'hypothèse qu'une terrassepourrait être exploitée au-delà de minuit 32 semaines par an, et quel'absence de terrasse rendrait improductive l'exploitation du bar). Selonl'expérience générale, ces établissements sont fréquentés plus intensément enfin de semaine, et la fermeture d'une terrasse à minuit n'empêche pas lesclients de consommer à l'intérieur.De toute manière, comme cela a été exposé ci-dessus (consid. 3.3), lecaractère économiquement supportable de la mesure pouvait être apprécié enprenant en considération une catégorie d'entreprises plus large que les"cafés-bars", à savoir l'ensemble des cafés ou restaurants utilisant uneterrasse. De ce point de vue et sans analyse plus approfondie, il estmanifeste que la fermeture des terrasses après minuit du dimanche soir aujeudi soir est une mesure préventive conforme à l'art. 11 al. 2 LPE. Lesgriefs des recourants sont donc entièrement mal fondés. 4.Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être rejeté.Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais de justice (art.153, 153a et 156 al. 1 OJ). La Ville de Carouge, qui agit dans le cadre deses attributions de droit public, n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 2OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit administratif est rejeté dans la mesure où il estrecevable. 2.Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge solidaire desrecourants. 3.Il n'est pas alloué de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des recourants et dela Ville de Carouge ainsi qu'au Tribunal administratif de la République etcanton de Genève. Lausanne, le 17 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.179/2006
Date de la décision : 17/10/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-17;1a.179.2006 ?
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