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13/10/2006 | SUISSE | N°4P.83/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 octobre 2006, 4P.83/2006


{T 0/2}4P.83/2006/ech Arrêt du 13 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, Président,Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre et Kiss.Greffière: Mme Godat Zimmermann. A. ________,recourant, représenté par Me Olivier Couchepin, contre B.________,intimé, représenté par Me Marc Vuilleumier,Chambre des recours du Tribunal cantonaldu canton de Vaud, Palais de justice de l'Hermitage, route du Signal 8, 1014Lausanne. droit d'être entendu; formalisme excessif; arbitraire, recours de droit public contre l'arrêt de laChambre des recours du Tribunal cantonaldu canton de Vaud du 24

février 2006. Faits: A.X. ________ SA a pour but la maint...

{T 0/2}4P.83/2006/ech Arrêt du 13 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, Président,Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre et Kiss.Greffière: Mme Godat Zimmermann. A. ________,recourant, représenté par Me Olivier Couchepin, contre B.________,intimé, représenté par Me Marc Vuilleumier,Chambre des recours du Tribunal cantonaldu canton de Vaud, Palais de justice de l'Hermitage, route du Signal 8, 1014Lausanne. droit d'être entendu; formalisme excessif; arbitraire, recours de droit public contre l'arrêt de laChambre des recours du Tribunal cantonaldu canton de Vaud du 24 février 2006. Faits: A.X. ________ SA a pour but la maintenance de lignes électriques ettéléphoniques; son activité consiste notamment à imprégner les poteaux debois d'une substance contenant des produits toxiques, le Y.________. Parcontrat signé le 3 octobre 1997, B.________, président du conseild'administration de X.________ SA, a vendu à A.________, expert-comptable etexpert-fiscal diplômé, la totalité du capital-actions de la société, soit 200actions nominatives de 500 fr. chacune, pour le prix de 2'000'000 fr.,payable en six fois. Le premier acompte, s'élevant à 500'000 fr., devait êtreréglé au 30 septembre 1997; chacune des cinq autres tranches s'élevait à300'000 fr. et se payait chaque année au 30 juin, la première fois en 1998.En cas de retard dans le versement des acomptes, il était prévu un intérêtégal à celui du compte courant commercial de la Banque Cantonale Vaudoise(BCV), majoré de 30%. Pour sa part, B.________ s'engageait notamment à rester«conseiller technique» de X.________ SA durant trois ans, ainsi que présidentdu conseil d'administration jusqu'à l'assemblée générale du printemps 1999;dans un délai de trois mois, il devait également transmettre à A.________ sesconnaissances techniques d'imprégnateur. B. ________ a transféré à A.________ les 200 actions de X.________ SA au 30septembre 1997. La BCV a financé le rachat de la société par A.________, enaccordant à la société V.________ SA un crédit garanti par un cautionnementpersonnel et la remise en nantissement des actions de X.________ SA. Seul lepremier acompte de 500'000 fr. a été versé à B.________. A la suite du départ de Monsieur C.________, responsable désigné, X.________SA ne disposait plus, depuis 1990, d'une autorisation de manipulation etd'emploi des produits toxiques. Dès qu'il a été en place, A.________ s'estadressé au Service de lutte contre les nuisances du canton de Vaud, sectiondes toxiques, lequel a délivré à X.________ SA, le 12 décembre 1997, uneautorisation générale de type C pour le commerce des substances et produitschimiques utilisés pour l'imprégnation du bois dans les classes de toxicité 2à 4, à condition que le nouveau chef d'entreprise suive des cours, notammentsur les toxiques; cette autorisation, qui permettait la vente, était pluslarge que celles précédemment octroyées à X.________ SA.A l'assemblée générale de la société du 6 mai 1998, A.________ s'est plaintde difficultés majeures dans l'approvisionnement en sel d'imprégnation. Ilrelevait que X.________ SA devait entreprendre des démarches auprès del'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) afind'enregistrer son produit Y.________; sans cette autorisation, la sociétépouvait «fermer boutique». Le 17 juillet 1998, B.________ a écrit à A.________ pour lui exprimer sadéception devant le non-paiement de l'acompte de 300'000 fr. dû au 30 juin1998. Il proposait au débiteur de payer l'acompte de juin 1998 en deuxversements, soit 200'000 fr. au 25juillet et 100'000 fr. au 30 septembre, etde régler les tranches suivantes en trois versements égaux échéant chaqueannée le 30avril, le 30 juin et le 30 septembre. Par lettre du 24 juillet 1998, A.________ a reproché à B.________ de luiavoir caché le fait que X.________ SA se trouvait depuis des années eninfraction avec la législation sur les toxiques en raison du défautd'enregistrement du Y.________ auprès de l'OFEFP; à son avis, cette situationétait propre à entraîner des mesures administratives et pénales, dont lacessation d'activité immédiate de X.________ SA. Invoquant à cet égardl'erreur essentielle sur les motifs, voire le dol, A.________ a fait savoir àB.________ qu'il se considérait comme délié du contrat du 3 octobre 1997. En août 1998, l'OFEFP a délivré à X.________ SA l'autorisation decommercialiser le produit d'imprégnation Y.________. Le 19 mai 1999, A.________ a requis de l'OFEFP l'ouverture d'une enquêtepénale pour déterminer la responsabilité des organes de X.________ SA auregard de la législation sur les produits toxiques. Le 15novembre 1999,l'OFEFP a transmis cette plainte au Procureur général du canton de Vaud, quil'a acheminée au juge d'instruction. Le 6 décembre 1999, l'inspection destoxiques du Service de l'environnement et de l'énergie du canton de Vaud aconsidéré qu'il n'était pas possible de dénoncer X.________ SA pourinfraction à la loi sur les toxiques ou à l'ordonnance sur les substancesdangereuses pour l'environnement. Le 13 juillet 2000, le Juge d'instructionde l'arrondissement du Nord vaudois a prononcé un non-lieu, confirmé pararrêt du 19 août 2000 du Tribunal d'accusation du canton de Vaud, puis, le10mai 2001, par la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, qui adéclaré irrecevable le recours de droit public déposé contre l'arrêt cantonalet qui a rejeté le pourvoi en nullité dirigé contre la même décision. B.Le 29 avril 1999, B.________ a fait notifier à A.________ un commandement depayer de 300'000 fr. avec intérêt à 7,15% dès le 1er juillet 1998. Lepoursuivi a formé opposition. Par prononcé du 19août 1999, le Président duTribunal de district de Lausanne a levé entièrement l'opposition. Sur recoursde A.________, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal aréformé le prononcé le 9mars 2000 en ce sens que l'opposition étaitprovisoirement levée à concurrence de 300'000 fr. avec intérêt à 5% dès le1er juillet 1998. Le 28 mars 2000, A.________ a introduit une action en libération de dettetendant au maintien définitif de l'opposition à concurrence de 300'000 fr., àla constatation qu'il n'est plus débiteur d'un quelconque montant à l'égardde B.________ en relation avec la convention du 3 octobre 1997, déclaréenulle et non avenue, à la restitution par B.________ de la somme de 500'000fr. avec intérêt à 5% dès le 30 septembre 1997, ainsi qu'au paiement d'unmontant de 310'296 fr. ou d'un montant à dire d'expert avec intérêt à 5% «dèschaque date d'échéance». Le 13 juillet 1999, A.________ s'était vu derechef notifier un commandementde payer de 300'000 fr. avec intérêt à 7,15% dès le 1erjuillet 1999, auquelil formera opposition totale. Dans sa réponse à la demande en libération de dette, B.________ a conclu aurejet de l'action et, reconventionnellement, au paiement de trois montants de300'000 fr., avec intérêt à 7,15%, respectivement dès le 1erjuillet 1998, le1er juillet 1999 et le 1er juillet 2000, ainsi qu'à la mainlevée définitivedes deux oppositions susmentionnées. Par la suite, B.________ a amplifié sesconclusions reconventionnelles, en demandant la condamnation du demandeur àlui payer les deux derniers montants de 300'000 fr., avec intérêt à 7,15% dèsle 1erjuillet 2001, respectivement le 1er juillet 2002. En cours de procédure, une expertise a été confiée à D.________,expert-comptable chez Z.________ SA, qui a déposé un rapport le 31 janvier2003 et un rapport complémentaire le 26 août 2004. En particulier, l'expert aexposé que X.________ SA avait réalisé un bénéfice de 85'013 fr. en 1996 etune perte de 99'167 fr. en 1999; cette dernière s'expliquait principalementpar la disparition du client T.________, qui représentait alors environ lamoitié du chiffre d'affaires, et par le rabais de 10% consenti à U.________afin de continuer sa collaboration avec elle. Par jugement du 3 mai 2005, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton deVaud a rejeté les conclusions en libération de dette du demandeur et acondamné A.________ à verser à B.________ cinq fois 300'000 fr. avec intérêtà 7,15% dès le 1er juillet 1998, respectivement 1999, 2000, 2001 et 2002; parailleurs, elle a levé définitivement les oppositions formées auxcommandements de payer des 29 avril et 13juillet 1999. Parallèlement à un recours en réforme au Tribunal fédéral, A.________ adéposé un recours en nullité devant la Chambre des recours du Tribunalcantonal. Par arrêt du 24 février 2006, cette instance a rejeté le recoursdans la mesure où il était recevable et maintenu le jugement de la Courcivile. C.A.________ interjette un recours de droit public. Il conclut à l'annulationde l'arrêt de la Chambre des recours.L'intimé propose le rejet du recours. Invitée à se déterminer, la cour cantonale se réfère aux considérants de sadécision. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêtsur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public.Cette disposition s'applique également lorsque, comme en l'espèce, le recoursen réforme est dirigé contre la décision finale d'une autorité suprêmecantonale et que le recours de droit public vise la décision rendue sur unrecours en nullité cantonal dans la même cause (arrêt 4P.108/2006 du 3 août2006, consid. 1.1; arrêt 5P.245/2005 du 21 octobre 2005, consid. 1;Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 148,note de pied 12). 2.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 II 571 consid. 1p. 573; 131 V 202 consid. 1 p. 204), notamment du recours de droit public(ATF 131 I 366 consid. 2 p.367). 2.1 Le recourant a un intérêt personnel, concret et actuel à ce que ladécision entreprise n'ait pas été rendue en violation de ses droitsconstitutionnels (cf. art. 84 al. 1 let. a OJ). La qualité pour recourir luiest ainsi reconnue (art. 88 OJ). 2.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que lesgriefs d'ordre constitutionnel soulevés et suffisamment motivés dans l'actede recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1. p. 31, 258consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1cp. 53/54 et les arrêts cités). Le recourant ne peut se contenter de critiquerla décision attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel oùl'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit (ATF 128 I295 consid. 7a). En particulier, celui qui se plaint d'arbitraire doits'efforcer d'établir, par une argumentation précise, que la décisionincriminée est insoutenable (ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189; 122 I 70consid. 1c p.73). Il doit indiquer de façon détaillée en quoi la décisionattaquée est en contradiction manifeste avec la situation effective,méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ouencore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité;de simples critiques générales ou appellatoires ne satisfont pas à cetteexigence et sont donc irrecevables (ATF 125 I 492 consid.1b p. 495; 117 Ia10 consid. 4b p. 11/12; 110 Ia 1 consid. 2a p.3). 2.3 Le recours de droit public est ouvert contre une décision cantonale pourviolation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).Il revêt en outre un caractère subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ). En tant qu'il se plaint d'une application arbitraire du droit fédéral,singulièrement de l'art. 176 CO, le recourant soulève un grief relevant durecours en réforme (cf. art. 43 OJ). Le recours est par conséquentirrecevable dans cette mesure. 3.La Chambre des recours a jugé que la Cour civile n'avait pas versé dans leformalisme excessif en n'examinant pas les conclusions émises dans le mémoirede droit du recourant du 6 décembre 2004, considérées comme tardives. Cesconclusions complémentaires tendaient à prendre acte de l'engagement durecourant de restituer à l'intimé les actions de X.________ SA ainsi qu'àl'annulation de la poursuite introduite le 29 avril 1999. Dans un premier moyen, le recourant reprend le grief de formalisme excessif.A son sens, les conclusions en cause n'étaient que la conséquence légale del'invalidité du contrat de vente passé entre les parties et ne pouvaientainsi être tenues pour nouvelles. 3.1 Le formalisme excessif est une forme particulière du déni de justiceprohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricteapplication des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne deprotection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable laréalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès auxtribunaux. L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle decomportement imposée au justiciable par le droit cantonal, soit dans lasanction qui lui est attachée (ATF 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183/184; 128 II139 consid. 2a p. 142; 127 I 31 consid. 2a/bb p. 34; 125 I 166 consid. 3a et3d p. 170ss). L'art. 267 al. 1 du code de procédure civile vaudois (CPC/VD) autorise ledemandeur à augmenter ses conclusions, pourvu que cette démarche ait le mêmefondement que la demande initiale, c'est-à-dire la même cause juridique, etnon seulement la même origine (Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civilevaudoise, 3ème éd., n. 1 ad art. 267, p. 416). Cette faculté, reconnue audemandeur, représente un moyen terme entre le principe d'immutabilité duprocès, qui est lié à la sécurité du droit, et celui de l'économie de laprocédure, qui tend à éviter d'introduire un nouveau procès pour chaquemodification de conclusions (Fabienne Hohl, Procédure civile, tome 1, n. 298,p. 74). Cela étant, la partie défenderesse doit connaître avec précision laprétention dirigée contre elle, afin de pouvoir organiser sa défense; c'estpourquoi l'art. 267 al. 1 CPC/VD fixe en principe à la clôture de l'audiencepréliminaire le moment limite pour augmenter des conclusions tirées du mêmefondement juridique que la demande initiale. 3.2 En l'espèce, il importe peu de déterminer si les conclusions prises dansle mémoire de droit ont matériellement le même fondement juridique que cellescontenues dans la demande du 28 mars 2000. En effet, le moyen tiré d'uneapplication arbitraire du droit fédéral est irrecevable (cf. consid. 2.3ci-dessus) et, comme on le verra par la suite, les autres griefs soulevés parle recourant sont mal fondés. Par ailleurs, dans l'arrêt séparé de ce jourrendu sur le recours en réforme introduit parallèlement, la cour de céansconfirmera le rejet de la demande du recourant, la condamnation de ce dernierà verser à l'intimé les montants dus selon la convention du 3 octobre 1997ainsi que la mainlevée définitive des oppositions. Comme les actionslitigieuses restent la propriété de l'acquéreur et que l'opposition à lapoursuite introduite le 29 avril 1999 est définitivement levée, le recourantn'a aucun intérêt à ce que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droitpublic, statue sur le point de savoir si les conclusions du
mémoire de droitdevaient être rejetées parce qu'elles étaient sans fondement plutôt quedéclarées irrecevables pour cause de tardiveté. Il n'y a dès lors pas lieud'entrer en matière sur le moyen tiré du formalisme excessif. 4.A l'appui d'une requête incidente en substitution de parties, rejetée par leJuge instructeur, le recourant avait déposé des pièces censées démontrer unereprise de la dette litigieuse par V.________ SA, actuellement W.________ SA.Au recourant qui se plaignait de ce que ces documents n'aient pas été pris encompte, la Chambre des recours a répondu que les premiers juges n'avaient pasà prendre en considération des faits non allégués, «dussent-ils résulter despièces». Elle ajoutait que le recourant ne démontrait pas que des faitsrégulièrement allégués et prouvés auraient été omis dans l'état de fait dujugement de la Cour civile. A cet égard, le recourant reproche à la Chambre des recours la violation deson droit d'être entendu, singulièrement de son droit à la preuve par pièces.Il fait valoir également qu'en écartant des documents décisifs «sous prétextede respecter la procédure cantonale», les juges vaudois auraient fait preuvede formalisme excessif. 4.1 Le droit d'être entendu est garanti en premier lieu par le droitcantonal, dont le Tribunal fédéral revoit l'application sous l'anglerestreint de l'arbitraire. Comme le recourant n'invoque pas la violation denormes de droit cantonal à cet égard, c'est à la lumière des garantiesoffertes directement par l'art. 29 al. 2 Cst. qu'il convient d'examiner -librement - le grief (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités). Tel qu'il est protégé par cette disposition constitutionnelle, le droitd'être entendu comprend le droit pour le justiciable d'obtenirl'administration des preuves pertinentes et valablement offertes et celui dese déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur ladécision à rendre (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 505; 126 I 15consid.2a/aa). S'agissant plus précisément du droit de fournir des preuves,la jurisprudence a posé que l'autorité a l'obligation de donner suite auxoffres de preuve présentées en temps utile et dans les formes requises, àmoins qu'elles ne soient manifestement inaptes à apporter la preuve ou qu'ils'agisse de prouver un fait sans pertinence (cf. ATF 124 I 241 consid. 2 etles arrêts cités; cf. également ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157 et les arrêtscités). 4.2 Dans sa demande du 28 mars 2000, le recourant n'a pas allégué ce qu'il afait valoir ultérieurement par une requête de substitution de partie du 28janvier 2003, rejetée le 6 février 2003, à savoir qu'il avait cédé àV.________ SA ses droits et obligations découlant du contrat du 3 octobre1997 par une convention du 31décembre 1997, que l'intimé, en tant quecréancier, aurait acceptée par actes concluants.L'art. 4 al. 1 CPC/VD définit le cadre du litige par les faits allégués dansl'instance, soit qu'ils aient été admis par les parties, soit qu'ils aientété établis au cours de l'instruction selon les formes légales. Par ailleurs,le juge peut tenir compte des faits notoires, non particuliers à la cause, defaits patents, implicitement admis par les parties et non allégués par uneinadvertance manifeste, ainsi que des faits révélés par une expertise écrite(art. 4 al. 2 CPC/VD). Il appartient au demandeur d'invoquer tous ses moyensdans la demande, voire dans la réplique (Hohl, op. cit., n. 814 et 815, p.158). Contrairement à d'autres droits de procédure, qui chargent le juged'inviter les parties à combler les lacunes de leurs allégations, le droitvaudois consacre le principe de libre allégation, laissant aux parties laresponsabilité d'articuler complètement les faits, sous la seule réserve del'art. 4 al. 2 CPC/VD (Poudret/Haldy/Tappy, op. cit., n. 1 ad art. 4, p. 16).Pour confirmer la non-prise en considération de pièces tendant à établir lareprise des droits et obligations du recourant par V.________ SA et sonacceptation par l'intimé, la cour cantonale a exposé que les faits en rapportavec ces documents n'avaient pas été allégués régulièrement. Cetteconsidération est correcte au regard de l'art. 4 al. 1 CPC/VD. En effet, lerecourant n'a pas allégué la reprise de dette par V.________ SA en tempsutile, ce qui dispensait la cour cantonale d'ouvrir une procédure probatoireà ce sujet. Sur ce point, il appartenait à l'avocat du recourant, quiplaidait dans un autre canton que celui dans le barreau duquel il estinscrit, de s'enquérir des exigences formelles du droit de procédure vaudois,pour éviter la rigueur attachée, en l'espèce, à la violation du principe delibre allégation contenu à l'art. 4 al. 1 CPC/VD.Dans ces conditions, on ne saurait considérer que les preuves en cause aientété produites en temps utile et dans les formes requises. La Chambre desrecours n'a dès lors pas violé le droit d'être entendu du recourant enrefusant de prendre en compte des pièces produites à l'appui de faits nonrégulièrement allégués. Le grief tiré d'une violation de l'art. 29 al. 2 Cst.doit être rejeté. En outre, toutes les lois de procédure prévoient que les faits doivent êtreallégués selon certaines formes et jusqu'à un certain stade, sauf exception(pour des faits nouveaux par exemple). Une telle règle ne procède pas d'unformalisme excessif. Elle permet en effet d'assurer un déroulement loyal etordonné du procès. La partie adverse doit savoir quels sont les faits qui luisont opposés, afin de présenter sa propre version, offrir des contre-preuveset développer son analyse juridique. Il est du reste admis que les alléguésde fait et les offres de preuves invoqués tardivement ne peuvent être pris encompte par le juge, quand bien même ils auraient été déterminants pour lesuccès de l'action (Hohl, op. cit., n. 822, p. 159). En l'espèce, la reprisede dette, prétendument agréée par l'intimé, est antérieure au procès. Rienn'empêchait le recourant de l'invoquer en temps utile. En procédant par lebiais d'une requête en substitution de partie assortie de nouvelles pièces,le recourant a cherché, sans motifs légitimes, à créer un nouveau complexe defaits litigieux, sur lequel, le cas échéant, l'intimé aurait également dûêtre entendu. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la stricteapplication de l'art. 4 CPC/VD ne soit pas justifiée en l'espèce par unintérêt digne de protection, soit celui de ne pas permettre à une partie demodifier constamment et sans raison les faits à la base du litige. Aucunformalisme excessif, selon la définition rappelée ci-dessus au considérant3.1, ne peut dès lors être reproché à la cour cantonale. 5.D'après le recourant, la Cour civile et, à sa suite, la Chambre des recours aretenu de manière arbitraire qu'il n'existait pas d'indices d'une volonté deV.________ SA de reprendre tous les engagements du recourant. 5.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire au sens de l'art. 9Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement unenorme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte demanière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pasque sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décisionapparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral nes'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, encontradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifobjectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seulfait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable(ATF 132 III 209 consid. 2.1 p.211; 131 I 57 consid. 2, 217 consid. 2.1; 129I 8 consid. 2.1).En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits,l'autorité fait montre d'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sansraison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision,lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un telélément, ou encore lorsqu'elle tire des déductions insoutenables à partir deséléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid.2a p. 41). 5.2 En l'espèce, la cour cantonale a considéré, sans porter atteinte au droitd'être entendu du recourant et sans formalisme excessif, que le demandeurn'avait pas allégué en temps utile la reprise de la dette litigieuse parV.________ SA et l'acceptation de l'intimé à ce sujet. Par conséquent, cefait restait en dehors du cadre du litige tracé par l'art. 4 CPC/VD. Ladécision attaquée ne pouvant ainsi apparaître arbitraire dans son résultatsur ce point, la question d'une éventuelle appréciation insoutenable despreuves ne se pose pas. Le grief tiré de l'art. 9 Cst. tombe dès lors à faux. 6.Dans un moyen pour le moins confus fondé sur l'art. 9 Cst. dans son intitulé,le recourant reproche également à la Chambre des recours de n'avoir pasmotivé son refus d'entrer en matière sur les griefs d'application arbitrairedu droit fédéral par la Cour civile, soit des art. 82 et 83 LP ainsi que desart. 23, 24 al. 1, 28, 31, 119 et 176 CO. A lire le recours, la courcantonale aurait «éludé la question en soutenant que ce moyen relev[ait] durecours en réforme fédéral» alors qu'elle aurait dû la traiter sous l'anglede l'arbitraire. 6.1 L'obligation de motiver une décision ne se déduit pas de l'art. 9Cst.qui prohibe notamment l'arbitraire, mais bien du droit d'être entenduconsacré à l'art. 29 al. 2 Cst. Selon la jurisprudence, l'autorité a ledevoir de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre,la contester utilement s'il y a lieu et que l'instance de recours puisseexercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le jugementionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels ila fondé sa décision; il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et dediscuter tous les arguments invoqués par les parties. Il n'y a violation dudroit d'être entendu que si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimumd'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 130 II 530 consid. 4.3p. 540; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236; 126 I 97 consid. 2b p. 102 et lesarrêts cités). 6.2 La Chambre des recours a exposé que les griefs tirés d'une violation oud'une mauvaise application du droit fédéral constituaient des moyenssusceptibles d'être soulevés dans le cadre d'un recours en réforme auTribunal fédéral et qu'ils étaient par conséquent irrecevables dans le cadred'un recours en nullité cantonal. Cette motivation est claire et on ne voitpas en quoi le recourant aurait été empêché d'en saisir la portée. Au surplus, le recourant ne démontre pas, avec une motivation répondant auxexigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, que la Chambre des recours auraitarbitrairement restreint son pouvoir d'examen tel qu'il est défini par ledroit cantonal. Pour autant qu'il soit recevable, le moyen est manifestement mal fondé. 7.Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où ilest recevable. 8.Vu le sort réservé au recours, les frais judiciaires seront mis à la chargedu recourant (art. 156 al. 1 OJ). En outre, ce dernier versera des dépens àl'intimé (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 12'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 14'000 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 13 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.83/2006
Date de la décision : 13/10/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-13;4p.83.2006 ?
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