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12/10/2006 | SUISSE | N°4C.206/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 octobre 2006, 4C.206/2006


{T 0/2}4C.206/2006 /ech Arrêt du 12 octobre 2006Ire Cour civile M. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett et Rottenberg Liatowitsch.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________, et B.________,demanderesses et recourantes, toutes deux représentées par Me Edouard Balser,C.________,demanderesse et recourante, représentée parMe Raphaël Biaggi, contre D.________,défendeur et intimé, représenté par Me Pierre de Preux. demande en reddition de compte; abus de droit (recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicegenevoise du 7 avril 2006). Faits: A.A.a E.__

______, homme d'affaires ressortissant de la République domin...

{T 0/2}4C.206/2006 /ech Arrêt du 12 octobre 2006Ire Cour civile M. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett et Rottenberg Liatowitsch.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________, et B.________,demanderesses et recourantes, toutes deux représentées par Me Edouard Balser,C.________,demanderesse et recourante, représentée parMe Raphaël Biaggi, contre D.________,défendeur et intimé, représenté par Me Pierre de Preux. demande en reddition de compte; abus de droit (recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicegenevoise du 7 avril 2006). Faits: A.A.a E.________, homme d'affaires ressortissant de la République dominicaine,est décédé le 22 avril 2002 à Saint-Domingue où il était domicilié depuis1987. Il était marié avec A.________ avec laquelle il a eu une fille, B.________,encore mineure. C.________ est la fille majeure d'un premier lit du défunt. D. ________ est le frère cadet de E.________. A.b E.________ était l'actionnaire unique de F.________ S.A., une société deservices qu'il a fondée en 1976 et dont il était le président du conseild'administration. D.________ en est devenu le directeur en 1990. E. ________ payait toutes les charges de cette société, qui fonctionnaitessentiellement à son service et à celui de quelques membres de sa famille. Le 6 mai 2003, la faillite de F.________ S.A. a été prononcée. Le 24 novembre 2003, la masse en faillite de F.________ S.A. a assigné devantle Tribunal de première instance du canton de Genève la succession deE.________, soit pour elle A.________, B.________ et C.________, en paiementde 353'050,05 fr. à titre de solde débiteur du compte courant du défunt. Cesdernières ont conclu au rejet de la demande. Par arrêt du 13 mai 2005, la Cour de justice, statuant sur appel deD.________ entre autres, a retenu que la masse en faillite de F.________ S.A.avait cédé, le 4 février 2004, ses droits relatifs à la prétention litigieusenotamment à l'appelant et que les créanciers cessionnaires avaient demandé àêtre substitués à la masse. Elle a renvoyé la cause au Tribunal de premièreinstance pour instruction et nouvelle décision. A.c Hormis F.________ S.A., E.________ a créé plusieurs entités juridiquesdans le but de détenir ses avoirs, soit la Fondation G.________ avec siège auLiechtenstein, H.________ Ltd, avec siège à l'Ile de Man, ainsi queI.________ Ltd et J.________ Ltd, toutes deux domiciliées dans les IlesVierges Britanniques. A.c .aLe 27 juin 1988, la Fondation G.________ a ouvert un compte auprès deK.________. Selon la formule A, E.________ en était le bénéficiaireéconomique. D'après le règlement émis le 2 juin 1993 par le conseil de la FondationG.________, E.________ était l'unique bénéficiaire du capital et des revenusde la fondation. A sa mort, le conseil devait créer une nouvelle fondation, ytransférer tous les avoirs et nommer D.________ comme bénéficiaire. Le 1er janvier 1995, L.________ S.A. (ci-après: L.________), qui compteM.________ et N.______ parmi ses administrateurs, a été mandatée pour gérer,sans pouvoir de disposition, les avoirs déposés sur le compte de la FondationG.________ auprès de K.________. Les 30 avril et 1er mai 1996, E.________ adonné une procuration à M.________ et à N.______ leur permettant de recevoirles avoirs distribués par le conseil de fondation dont il était bénéficiaireet de dispenser des instructions relatives aux modalités de leur répartition,en particulier au sujet des références aux comptes bancaires récipiendaires.E.________ a ratifié par avance toutes les instructions ainsi exécutées. A.c .bLe 20 juillet 1995, H.________ Ltd a ouvert un compte auprès deK.________. Selon la formule A, E.________ en était l'ayant droit économique. La gestion des avoirs déposés a été confiée à L.________, M.________ ayant laprocuration sur ce compte. A.c .cLe 15 juillet 1998, I.________ Ltd et J.________ Ltd ont ouvert chacuneun compte auprès de K.________. Selon la formule A, E.________ en étaitl'ayant droit économique. La gestion des avoirs déposés a été confiée à L.________, M.________ etN.______ disposant chacun d'une signature individuelle sur ces comptes. A.d Le 25 octobre 1995, E.________ et D.________ ont ouvert un compte jointauprès de K.________ et ont accordé à L.________ la signature sur ce compte,la correspondance bancaire devant être acheminée à cette dernière. A.e Le 4 août 2003, le conseil de A.________et de B.________ a sollicité deL.________ la production en copie de tous les documents bancaires relatifsaux comptes de la Fondation G.________, de H.________ Ltd, de I.________ Ltdet de J.________ Ltd, ainsi que du compte joint ouvert le 25 octobre 1995,indiquant avoir déjà reçu des pièces bancaires relatives auxdits comptes quicomprenaient les documents d'ouverture, ainsi que des relevés de comptes etde placements. Il était également demandé copies de tous les documentsconcernant le versement en faveur ou pour le compte de D.________ par ledébit des comptes susvisés et, à défaut de documents, toutes explications yrelatives. Par courriers des 8 et 11 août 2003, L.________ a fait parvenir au conseilprécité les documents bancaires sollicités. Elle a indiqué que les retraitset les transferts sur le compte de la Fondation G.________ étaient précédésd'une instruction téléphonique de E.________ et confirmés par écrit par cedernier ou par D.________. Les ordres relatifs aux débits sur les comptes deH.________ Ltd, d'I.________ Ltd et de J.________ Ltd émanaient deE.________, les retraits en espèces étant contresignés par D.________. Enfin,s'agissant du compte joint ouvert en octobre 1995, les instructionsprovenaient de l'un ou l'autre des titulaires. Le 4 mai 2004, le conseil de A.________et de B.________ a posé des questionsà L.________ concernant notamment l'origine de la fortune de la FondationG.________ et certaines opérations de débit sur les comptes précités.L.________ et le conseil de D.________ ont répondu à l'intégralité desquestions qui leur étaient soumises. B.Le 14 mai 2004, A.________, B.________ et C.________ ont déposé une demandeauprès du Tribunal de première instance du canton de Genève à l'encontre deD.________. Alléguant être les uniques héritières de E.________, elles ontconclu principalement à ce qu'il soit ordonné à D.________ de justifier, partoute voie de droit utile, les pouvoirs dont celui-ci s'est prévalu à l'égardde E.________ et, ceci fait, à ce qu'il soit ordonné à D.________, sous lamenace des peines prévues à l'art. 292 CP, de leur fournir sans délais lesdocuments suivants :- tous décomptes et justificatifs, ou, à défaut de ces pièces, toutrenseignement, pour les années 1985 à ce jour, concernant tous actifsmobiliers ou immobiliers, en Suisse ou à l'étranger, comptes, dépôts, titres,contenus de safes, etc. détenus par E.________ ou ses héritiers ou sousdésignation conventionnelle ou pseudonymique, mais dont le titulaire est ouétait E.________, ou encore tous actifs, comptes, dépôts, titres, contenus desafes, etc. au nom d'un tiers ou d'une entité tierce (société offshore,fiduciaire, trust, etc.), notamment la FONDATION G.________, H.________ LTD,I.________ LTD, J.________ LTD, (...), actifs dont E.________ ou seshéritiers sont ou étaient en réalité ou en droit les bénéficiaireséconomiques ainsi qu'en règle générale, tous actifs déposés auprès deK.________ à Genève ainsi qu'auprès de (...) ou auprès de n'importe quelautre établissement ou que ce soit dans le monde.- Tous décomptes et justificatifs, ou, à défaut de ces pièces, toutrenseignement, pour les années 1985 à ce jour, justifiant de l'utilisationdes sommes virées à F.________ SA ou remises en liquide pour compte de cettedernière par le débit des comptes bancaires de FONDATION G.________,H.________ LTD, I.________ LTD, J.________ LTD, par le débit du compte jointn° (...) auprès de K.________ à Genève ou par le débit de tout autre comptedont E.________ était le titulaire ou le bénéficiaire économique.- Tous décomptes et justificatifs, ou, à défaut de ces pièces, toutrenseignement concernant la provenance de la fortune de feu E.________ et decelle de LA FONDATION G.________- Tous décomptes et justificatifs, ou, à défaut de ces pièces, toutrenseignement concernant le domaine d'activité de feu E.________.- Tous décomptes et justificatifs, ou, à défaut de ces pièces, toutrenseignement, pour les années 1985 à ce jour, concernant toutes lessociétés, fondations, trusts ou autres établissements ou entités détenuesdirectement ou indirectement par E.________, où que ce soit dans le monde.- Tous décomptes et justificatifs, ou, à défaut, tout renseignementconcernant la vente par feu E.________ d'un immeuble sis à New York, BroadwayAvenue, et concernant l'utilisation du produit de cette vente et leséventuels droits de D.________ à cet égard.- Tous décomptes et justificatifs, ou, à défaut de ces pièces, toutrenseignement, pour les années 1985 à ce jour, concernant les virementseffectués par le débit des comptes de FONDATION G.________, H.________ LTD,I.________ LTD, J.________ LTD, du compte joint n° (...) auprès de K.________à Genève ou de tout autre compte dont E.________ était le titulaire ou lebénéficiaire économique, en faveur de ou en rapport avec : (...).- Tous décomptes et justificatifs, ou, à défaut de ces pièces, toutrenseignement, pour les années 1985 à ce jour, y compris les piècesjustifiant les sommes éventuellement reçues de, virées à ou nanties en faveurde ces sociétés, concernant (...), O.________, F.________ LTD et (...).- Tous décomptes et justificatifs, ou, à défaut de ces pièces, toutrenseignement concernant le virement du 2 août 2000 au crédit du compte de laFONDATION G.________ de la somme de Frs. 1'000'000.- provenant de«l'hypothèque (...)».Par jugement du 13 octobre 2005, le Tribunal de première instance a déboutéA.________, B.________ et C.________ de leur demande en reddition de comptedirigée contre D.________. Statuant sur appel de A.________, B.________ et C.________, la Cour dejustice a confirmé ce jugement par arrêt du 7 avril 2006. C.Contre l'arrêt du 7 avril 2006, A.________, B.________ et C.________ (lesdemanderesses) interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ellesrequièrent préalablement que l'état de fait soit complété et rectifié. Atitre principal, elles concluent à la réforme de l'arrêt attaqué en reprenantles conclusions de leur demande formée en première instance. D. ________ (le défendeur) propose de rejeter le recours. Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de sarecevabilité, le recours de droit public formé parallèlement par A.________,B.________ et C.________ . Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 La décision attaquée a pour objet une demande en reddition de compte. Lajurisprudence admet qu'en procédure civile genevoise en tout cas, la décisionprononcée en cette matière par la Cour de justice, statuant sur appel,constitue un jugement final rendu en dernière instance cantonale par untribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; cf. ATF 126 III 445 consid. 3b p. 447s.). Qu'elles reposent sur les règles applicables au mandat (art. 400 CO) ouà la société simple (art. 541 CO), les prétentions invoquées par lesdemanderesses appartiennent au droit civil matériel (cf. arrêt du Tribunalfédéral 5C.235/2004 du 24mars 2005 consid. 1.1) et sont de nature pécuniaireau sens de l'art. 46 OJ (ATF 126 III 445 consid. 3b p. 446 et les référencescitées). Il ressort de la procédure que la demande en reddition porte surplusieurs comptes qui appartenaient à différentes sociétés et à une fondationdont le défunt était l'ayant droit économique, de sorte qu'il faut admettreque la valeur litigieuse minimale de 8'000 fr. est dépassée (art. 36 al. 2 et46 OJ). Le recours en réforme est donc en principe recevable, puisqu'il a étédéposé en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. a et 54 al.1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral applique le droitd'office, sans être lié par les motifs que les parties invoquent (art. 63 al.1 et 3 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale(art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 297 consid. 3.1). Il peut donc admettre unrecours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant (ATF 130 III297 consid. 3.1 in fine) et il peut également rejeter le recours en adoptantune autre argumentation juridique que celle retenue par la cour cantonale(ATF 127 III 248 consid. 2c p. 253 et la référence citée). 2.La cause revêt indéniablement des aspects internationaux, de sorte que leTribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, doit vérifier d'office etavec un plein pouvoir d'examen le droit applicable (ATF 131 III 153 consid.3), sur la base du droit international privé suisse, en tant que lex fori(cf. ATF 130 III 417 consid. 2, 462 consid. 4.1).2.1 Cette question suppose en premier lieu de déterminer le fondement del'action, qui doit également se faire en fonction du droit suisse (ATF 129III 738 consid. 3.4; 128 III 295 consid. 2a p. 398). Il ressort de l'arrêt attaqué que les demanderesses ne réclament pas desinformations au défendeur en tant qu'héritier de son frère décédé, mais seprévalent des relations liant le défendeur à E.________. La nature de leuraction correspond donc à celle que le de cujus aurait pu introduire de sonvivant (cf. ATF 119 II 77 consid. 3c p. 82). Les demanderesses se fondent surl'obligation de rendre compte découlant du mandat (art. 400 CO), quis'applique également par renvoi en cas de gestion d'affaires ratifiée par lemaître (cf. art. 424 CO), et sur celle découlant de la société simple (art.541 CO). L'action exercée est donc de nature contractuelle. 2.2 Ce fondement rend en principe possible une élection de droit en vertu del'art. 116 LDIP (Amstutz/Peter Vogt/Wang, Commentaire bâlois, N 5 ad art. 116LDIP). Celle-ci peut intervenir en cours de procédure, à condition que lesparties expriment clairement leur volonté réelle d'appliquer le droit suisse(cf. art. 116 al. 2 LDIP; arrêt du Tribunal fédéral 4C.410/2005 du 1er juin2006 consid. 2; consid. 3a non publié de l'ATF 122 III 73). En l'espèce, il aété constaté que les demanderesses ont clairement posé le problème du droitapplicable et ont conclu à l'application du droit suisse. Le défendeur s'estlui-même référé expressément à ce droit dans sa réponse, sans formuler lamoindre réserve. Le droit suisse s'applique donc en tant que législationchoisie par les parties. 3.Invoquant les art. 64 et 63 al. 2 OJ, les demanderesses commencent par seplaindre des constatations de fait figurant dans l'arrêt attaqué, considérantqu'elles sont incomplètes et qu'elles contiennent une inadvertance manifeste. 3.1 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63
al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peutêtre présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou demoyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'art. 64 OJ ne permet au Tribunal fédéral de compléter lui-même l'état defait que sur des points purement accessoires (al. 2). Tout au plus rend-ilpossible le renvoi à l'autorité cantonale, à condition que la partie démontreque le fait omis est pertinent, qu'il a été régulièrement allégué devant lesjuridictions cantonales et que l'allégation était assortie d'une offre depreuve en bonne et due forme (ATF 119 II 353 consid. 5c/aa p. 357 et lesarrêts cités). Quant à l'inadvertance manifeste, susceptible d'être rectifiéed'office par le Tribunal fédéral en application de l'art. 63 al. 2 OJ, ellesuppose que l'autorité, par simple inattention, ait omis de prendre enconsidération tout ou partie d'une pièce déterminée, versée au dossier, l'aitmal lue ou mal comprise (cf. ATF 121 IV 104 consid 2b p. 106; 115 II 399consid. 2a). Elle n'autorise en aucun cas la partie recourante à modifier àsa guise les faits retenus par l'autorité cantonale. Dès l'instant où uneconstatation de fait repose sur l'appréciation, même insoutenable, d'unepreuve, d'un ensemble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue(arrêt du Tribunal fédéral 4C.149/1995 du 5 décembre 1995, in SJ 1996 p. 353,consid. 3a). 3.2 Tout en rappelant ces principes, les demanderesses méconnaissent leurapplication. 3.2.1 Sous le couvert de l'art. 64 OJ, elles remettent en cause la positionde la cour cantonale qui a nié l'existence d'un mandat ou d'une sociétésimple entre le défendeur et le défunt en présentant, de manière parfaitementappellatoire, une multitude de faits qu'elles reproduisent sur plusieurspages. La possibilité offerte au Tribunal fédéral de compléter les faits envertu de l'art. 64 al. 2 OJ ne saurait l'autoriser à tenir compte d'une autreversion des événements que celle ressortant de la décision entreprise. Il n'ya donc pas lieu de prendre en considération les nombreux faits allégués parles demanderesses. Au demeurant, comme il l'a déjà été indiqué dans lerecours de droit public déposé parallèlement, la cour cantonale a tout demême examiné le bien-fondé de la demande en reddition de compte non seulementen relation avec le compte joint ouvert en 1995, à propos duquel elle a admisl'existence d'une société simple entre le défunt et le défendeur, maiségalement en rapport avec les comptes des autres sociétés visées par lesdemanderesses (arrêt 4P.138/2006 du 12 octobre 2006, consid. 4.2). Ilapparaît ainsi que le refus de retenir l'existence d'un mandat ou d'unesociété simple entre le défendeur et E.________ n'a pas influencé le résultatde l'arrêt attaqué, qui seul peut être revu dans le cadre d'un recours enréforme (cf. supra consid. 1.2).3.2.2 L'inadvertance manifeste invoquée par les demanderesses concerne le butde la société F.________ S.A. Elles reprochent à la cour cantonale d'avoirretenu que cette société avait pour but effectif de rendre des services audéfunt et à sa famille, en contradiction avec la pièce 419 versée au dossier.Celle-ci consiste en un procès-verbal de l'assemblée générale de F.________S.A. pour l'exercice 2000, dont il ressort que les deux principaux clients decette société sont eux-mêmes deux autres sociétés. Comme le relève ledéfendeur, la cour cantonale s'est fondée sur le témoignage d'une ancienneemployée de F.________ S.A. du 12 avril 2005 pour retenir que cette sociétéétait en définitive au service du défunt et de sa famille. Les défenderessessoulèvent ainsi une critique qui ne relève pas de l'inadvertance manifeste,mais de la façon dont différentes preuves ont été appréciées, de sortequ'elle n'est pas recevable dans le présent recours (ATF 131 III 153 consid.6.5 in fine et les arrêts cités). La Cour de céans examinera en conséquence les violations du droit fédéralinvoquées uniquement à la lumière des faits pertinents ressortant de l'arrêtattaqué. 4.A titre principal, les demanderesses s'en prennent au refus d'ordonner lareddition de compte. Elles invoquent à cet égard une violation des art. 2 CC,ainsi que 400, 419 ss et 541 CO. 4.1 Elles reprochent tout d'abord à la cour cantonale d'avoir limité sonexamen aux opérations intervenues sur le compte joint ouvert en 1995 et dontle défendeur était titulaire avec le défunt. Elles soutiennent que, pour lesautres comptes, la reddition devait être ordonnée, car le défendeur avaitété, à tout le moins, le gérant d'affaires du défunt. La cour cantonale ne s'est pas prononcée clairement sur les relationsjuridiques nouées entre E.________ et le défendeur, soulignant que lesdemanderesses mettaient elles-mêmes en doute la qualité d'associé ou demandataire de ce dernier. En définitive, l'arrêt attaqué reconnaît seulementla probabilité d'une société simple en relation avec la gestion du comptejoint ouvert en 1995. Cependant, tout en relevant que la demande en redditionde compte ne pourrait porter que sur ce compte, les juges ont tout de mêmeexaminé, à titre superfétatoire, le bien-fondé de la requête relative auxcomptes des autres sociétés mentionnées par les demanderesses. Il en découle que le fait que la cour cantonale ne se soit pas demandée si ledéfendeur n'aurait pas agi sur la base d'une gestion d'affaires et aurait, dece fait, en vertu du renvoi figurant à l'art. 424 CO, été soumis àl'obligation de rendre des comptes prévue à l'art. 400 CO (cf. arrêt duTribunal fédéral 4C.61/1992 du 3 février 1993 consid. 6a) n'a aucuneincidence sur le sort du litige, puisque les juges se sont de toute façoninterrogés sur le bien-fondé de la demande de reddition des comptes dans sonensemble. Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière, le grief n'étant pas denature à modifier le résultat de la décision entreprise (cf. supra consid.1.2).4.2 Pour ce même motif, il n'y a pas lieu d'examiner la critique desdemanderesses qui, invoquant une violation des art. 400 et 541 CO, reprochentà la cour cantonale d'avoir considéré qu'elles renonçaient à leur demande enreddition de compte si le défendeur ne parvenait pas à prouver ses pouvoirs.En effet, comme la demande en reddition de compte a été examinée en relationavec l'ensemble des documents requis par les demanderesses, ce grief neconcerne que la motivation de l'arrêt attaqué. Sur ce point, il suffit derenvoyer aux explications données aux demanderesses dans le recours de droitpublic déposé parallèlement, car leurs critiques sur le prétendu refus desjuges d'entrer en matière sur leur demande en reddition de compte procèdentd'une mauvaise compréhension de l'acte attaqué (cf. arrêt 4P.138/2006 précitéconsid. 4.2).4.3 En dernier lieu, les demanderesses font grief à la cour cantonale d'avoirconsidéré que leur requête était abusive. 4.3.1 Conformément au principe général de l'art. 2 CC, la demande tendant àla reddition de compte ne peut être invoquée de manière contraire aux règlesde la bonne foi et ce qu'elle repose sur l'art. 400 CO ou sur l'art. 541 CO(Weber, Commentaire bâlois, N 8 ad art. 400 CO; Siegwart, Commentairezurichois, N 9 ad art. 541 CO). Ainsi, lorsque l'exercice de la prétention enreddition de compte ne repose sur aucun intérêt légitime de la part dudemandeur, notamment parce qu'il paraît chicanier ou inopportun, la demandepeut être qualifiée d'abusive et rester sans suite (Fellmann, Commentairebernois, N 78 ad art. 400 CO; Siegwart, op. cit., N 2 ad art. 541 CO;Handschin, Commentaire bâlois, N 9 ad art. 541 CO). Tel est notamment le cassi le demandeur possède déjà les informations nécessaires ou qu'il serait enmesure de les obtenir en consultant ses propres documents, alors que lemandataire ou le sociétaire ne pourrait les fournir qu'avec les plus grandesdifficultés (Fellmann, op. cit., N 82 ad art. 400 CO) ou bien si le demandeurn'a formé aucune requête durant des années, sans émettre de réserve et sansqu'apparaisse un élément nouveau justifiant des explications (Fellmann, op.cit., N 83 ad art. 400 CO). Le point de savoir si la demande en reddition decompte peut ou non être considérée comme abusive dépend de l'ensemble descirconstances du cas d'espèce (cf. Fellmann, op. cit., N 78 ad art. 400 CO). 4.3.2 En l'occurrence, il ressort des faits constatés, d'une manière qui liele Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que lesdemanderesses ont reçu, préalablement à la procédure, de nombreux documentset explications concernant tant le compte joint ouvert en 1995 que lescomptes des différentes sociétés mentionnées dans la demande. Ainsi, le 4août 2003, le conseil de deux des demanderesses a prié L.________ de luifournir une copie de tous les documents bancaires relatifs aux comptes de laFondation G.________, H.________ Ltd, I.________ Ltd et J.________ Ltd, ainsiqu'au compte joint ouvert en 1995. Il était également demandé une copie detous les documents concernant le versement en faveur ou pour le compte dudéfendeur par le débit des comptes précités et, à défaut de documents, desexplications y relatives. Il a été constaté qu'en août 2003, L.________ afait parvenir au conseil des demanderesses les documents sollicités et aexpliqué que les ordres relatifs aux débits sur les comptes, hormis pour lecompte joint, émanaient de E.________. Les demanderesses n'ont alorsnullement indiqué que la documentation reçue aurait été incomplète. Le 4 mai2004, leur conseil a encore questionné L.________ sur l'origine de la fortunede la Fondation G.________ et sur certaines opérations de débit sur lescomptes précités. Réponse a été donnée à l'intégralité des questions posées.De plus, il ressort de l'arrêt attaqué qu'au cours de la procédure, il aaussi été répondu aux interrogations des demanderesses. Les juges ont en outre retenu que la reddition de compte requise portait surdes opérations exécutées de longue date, sans qu'il ne soit surgi le moindrelitige entre E.________ et le défendeur et sans qu'aucune demande enreddition de compte n'ait été formulée. Enfin, on peut relever que la demande en reddition de comptes s'insère dansun contexte litigieux, puisque le défendeur, agissant en tant quecessionnaire des droits de la masse en faillite de F.________ S.A., réclamepour sa part en justice aux demanderesses le paiement du solde débiteur ducompte courant du défunt auprès de la société faillie. Cet élément est unindice supplémentaire du caractère chicanier de la requête formée par lesdemanderesses, dans laquelle elles exigent du défendeur des informationsdétaillées relatives à plusieurs comptes sur une période de vingt ans, alorsqu'il a été constaté que les opérations effectuées sur ces comptes l'étaientpar ou avec l'aval de leur ayant droit économique et qu'elles-mêmes avaientdéjà reçu les documents et informations requises préalablement et en cours deprocédure. Dans ces circonstances, on ne voit pas que la cour cantonale, suivant dureste l'appréciation des premiers juges, ait violé l'art. 2 CC en qualifiantla demande en reddition de compte litigieuse d'abusive et en refusant d'ydonner suite. Par conséquent, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il estrecevable. 5.Les demanderesses, qui succombent, supporteront les frais et dépenssolidairement entre elles (art. 156 al. 1 et 7, ainsi qu'art. 159 al. 1 et5OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des demanderesses,solidairement entre elles. 3.Les demanderesses, débitrices solidaires, verseront au défendeur uneindemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice genevoise. Lausanne, le 12 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.206/2006
Date de la décision : 12/10/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-12;4c.206.2006 ?
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