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10/10/2006 | SUISSE | N°6S.317/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 octobre 2006, 6S.317/2006


{T 0/2}6S.317/2006 /rod Arrêt du 10 octobre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffière: Mme Kistler. A. X.________,B.X.________,recourants,tous les deux représentés par Me Gilles Monnier, avocat, contre Ministère public du canton de Vaud, case postale, 1014 Lausanne. Confiscation d'objet dangereux (art. 58 al. 1 CP), pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunalcantonal du canton de Vaud du 10 mai 2006. Faits: A.A. X.________ et B.X.________ se sont adonnés à la culture de chanvre àgrande échelle. Ils cultivai

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{T 0/2}6S.317/2006 /rod Arrêt du 10 octobre 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffière: Mme Kistler. A. X.________,B.X.________,recourants,tous les deux représentés par Me Gilles Monnier, avocat, contre Ministère public du canton de Vaud, case postale, 1014 Lausanne. Confiscation d'objet dangereux (art. 58 al. 1 CP), pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunalcantonal du canton de Vaud du 10 mai 2006. Faits: A.A. X.________ et B.X.________ se sont adonnés à la culture de chanvre àgrande échelle. Ils cultivaient du chanvre dans un champ situé à proximité deleur villa, sa surface avoisinant les 7'000 mètres carrés. Plusieurs visitesdomiciliaires ont été effectuées, à la suite desquelles ont été séquestrés denombreux plants de chanvre. B. Par ordonnance du 27 mars 2006, le Juge d'instruction de l'arrondissementdu Nord vaudois a rendu un non-lieu en faveur de A.X.________ etB.X.________, dès lors que l'enquête n'avait pas établi de manière suffisanteque le chanvre en possession de A.X.________ et B.X.________ était destiné àun usage illicite, quand bien même sa teneur en tétrahydrocannabinol (THC)était largement supérieure à 0,3 %. Le juge a en revanche ordonné laconfiscation et la destruction des plants, respectivement de leur produit,séquestrés le 30 mai 2002, du chanvre séquestré le 16 septembre 2003, ainsique de huit cartons contenant des têtes de chanvre et d'un sachet minigripcontenant des graines de chanvre. Statuant le 10 mai 2006, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonalvaudois a confirmé l'ordonnance du 27 mars 2006. C.Contre cet arrêt cantonal, A.X.________ et B.X.________ ont déposé un pourvoien nullité devant le Tribunal fédéral. Ils concluent à l'annulation del'arrêt attaqué, faisant valoir que le chanvre séquestré en 2002 et 2003 nedevait pas servir à la commission d'une infraction et que la cour cantonaleaurait violé l'art. 58 al. 1 CP en en ordonnant la confiscation. En outre, ilsollicite l'assistance judiciaire et l'effet suspensif. Le Tribunal d'accusation et le Ministère public vaudois renoncent à sedéterminer, se référant aux considérants de l'arrêt attaqué. D. E. F. G. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Selon l'art. 270 let. h PPF, celui qui est touché par une confiscation(art. 58 et 59 CP) et a un intérêt juridiquement protégé à ce que la décisionsoit annulée ou modifiée a qualité pour se pourvoir en nullité. Lesrecourants qui ont cultivé le chanvre et qui en sont les propriétaires sontdonc légitimés à recourir. 1.2 Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'applicationdu droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de faitdéfinitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art.277bis et 273 al. 1let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits retenusdans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter. Le Tribunalfédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delàdes conclusions des recourants (art. 277bis PPF). Celles-ci, qui doivent êtreinterprétées à la lumière de leur motivation, circonscrivent les pointslitigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66). 2.Les recourants contestent la confiscation du chanvre séquestré. 2.1 L'art. 58 al. 1 CP prévoit que la confiscation sera prononcée sans égardà la punissabilité d'une personne déterminée. Seuls peuvent cependant êtreconfisqués en vertu de cette disposition les objets "qui ont servi oudevaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'uneinfraction". Dans chacun de ces trois cas, la confiscation ne peut êtreprononcée que si, en outre, les objets compromettent la sécurité despersonnes, la morale ou l'ordre public. 2.2 Toute détention ou vente de chanvre n'est pas punissable. Selon lajurisprudence, les différentes formes commerciales du chanvre ne sontconsidérées comme des stupéfiants au sens de la loi que si la teneur en THCest supérieure à la limite légale, à savoir 0,3 % (ATF 126 IV 198 consid. 1p. 200). En outre, pour que la culture ou la vente de chanvre soitpunissable, il faut que le but visé soit effectivement l'extraction destupéfiants (art. 19 ch. 1 al. 1 et 8 LStup; ATF 130 IV 83 consid. 1.1 p.86). Ainsi, par exemple, toute personne peut librement posséder une plante dechanvre à des fins d'ornementation exclusivement, quand bien même ils'agirait d'une variété riche en THC. En l'espèce, les plants séquestrés le 30 mai 2002 ont des taux de THCmanifestement supérieurs à la limite légale de 0,3 %. S'agissant du chanvreséquestré en 2003, l'une des six analyses effectuées sur des prélèvementsmontre un taux de THC de 1,1 %. Dans la mesure où le chanvre séquestrén'était pas prêt à être récolté, la cour cantonale a retenu que le taux deTHC qui aurait été observé si les plants avaient été analysés à maturitédépassait la limite légale. Bien que la teneur en THC soit supérieure à lalimite légale, les recourants ont été libérés de l'accusation d'infraction àla LStup, car l'enquête n'a pas permis d'établir que le chanvre en leurpossession était destiné à un usage illicite. 2.3 A défaut d'infraction consommée ou tentée, toute confiscation selonl'art. 58 CP est d'emblée exclue pour le motif que le chanvre aurait servi àcommettre une infraction ou pour celui qu'il serait le produit d'uneinfraction. Seule la troisième variante peut entrer en ligne de compte. Ilconvient ainsi d'examiner si le chanvre "devait servir à commettre uneinfraction". 2.3.1 La doctrine est controversée sur la portée de cette dernière variante("devait servir à commettre une infraction"). Selon certains, celle-ci n'estréalisée que si une infraction a été commise, au moins sous la forme d'unetentative ou d'actes préparatoires punissables (Stratenwerth, SchweizerischesStrafrecht, Allgemeiner Teil II, § 14, n.24). Pour d'autres auteurs, iln'est pas nécessaire qu'une infraction ait été commise. Il suffit que ledétenteur de l'objet ait pris des dispositions en vue de commettre uneinfraction concrète avec cet objet (Schmid, Kommentar, Einziehung,Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, art. 58 CP, n.53 et 54; Rehberg, Strafrecht II, Strafen und Massnahmen, Jugendstrafrecht,6e éd,Zurich 2001, p. 177). Le Tribunal fédéral a opté pour cette dernière conception. Selon lajurisprudence, pour admettre qu'un objet devait servir à commettre uneinfraction, il n'est donc pas nécessaire que l'infraction ait été commise oumême simplement tentée. Certes, il ne suffit pas qu'un objet soitgénéralement destiné ou propre à être éventuellement utilisé pour commettreune infraction. Il faut, mais il suffit, qu'il existe un risque sérieux quel'objet puisse servir à commettre une infraction (ATF 125 IV 185 consid. 2ap. 187; 112 IV 71 consid. 1a p. 72; 89 IV 62 consid. 2c p. 69). Ainsi leTribunal fédéral a jugé que des graines de cannabis, en elles-mêmes sansnocuité, pouvaient être confisquées, indépendamment du fait qu'une infractionavait été consommée ou tentée, lorsque des circonstances donnaientsérieusement à penser qu'elles pourraient concrètement servir à la productionde stupéfiants (ATF 125 IV 185). 2.3.2 En l'espèce, il est établi que le chanvre confisqué a une teneur en THCdépassant la limite légale. Dans la mesure où le recourant soutient lecontraire, il s'écarte de l'état de fait cantonal, de sorte que son grief estirrecevable. Etant une plante à double usage, le chanvre saisi peut toutefoisaussi bien être consommé illégalement comme stupéfiant interdit qu'utilisélégalement à titre de plante d'ornementation ou pour en tirer de nombreuxproduits. Il convient donc d'examiner si, en l'espèce, il existe concrètementun risque sérieux que le chanvre serve à produire des stupéfiants. Ce pointest différent de celui de savoir si le chanvre a été cultivé "en vue de laproduction de stupéfiants" (art. 19 ch. 1 al. 1 LStup) ou "en vue d'enextraire des stupéfiants" (art. 8 LStup). En ce qui concerne la confiscation,la jurisprudence exige un risque sérieux que des stupéfiants soient produits;il faut se demander si le chanvre confisqué pourrait vraisemblablement êtreutilisé à l'avenir à la production de stupéfiants. En outre, comme on l'a vu,la confiscation est possible "alors même qu'aucune personne déterminée n'estpunissable", de sorte qu'il est sans pertinence que les recourants ne soientpas eux-mêmes les auteurs de l'infraction ou même les participants. Il sepeut que des acquéreurs de la marchandise la transforment en stupéfiants. Les recourants soutiennent qu'ils n'ont pas l'intention d'utiliser le chanvreséquestré à des fins illicites. Ils présentent un contrat de bail relatif auterrain sur lequel poussait le chanvre séquestré, par lequel ilss'engageaient à ne pas extraire des produits de stupéfiants, ainsi qu'un"précontrat", consistant en une formule préimprimée de réservation destinée àla commercialisation de ce chanvre. La cour cantonale a jugé ces garantiesinsuffisantes. Le "pré-contrat", dont les recourants se prévalent, ne sauraitconstituer la preuve d'un projet tangible. En outre, aucune démarche concrèten'a encore été entreprise à la mi-septembre 2003 pour la récolte de l'annéeen question. Les recourants ne font état d'aucune commande précise. Enl'absence de projet concret quant à l'utilisation du chanvre, la courcantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant que les circonstancesdonnaient sérieusement à penser que le chanvre pourrait être vendu à destoxicomanes et servir à la production de stupéfiants. 2.4Si le chanvre demeure en possession des recourants, il est ainsivraisemblable qu'il pourrait servir à la production de stupéfiants, si bienque le laisser en leurs mains compromettrait l'ordre public. Les recourantsne demandent pas la réalisation du chanvre séquestré (ATF 117 IV 345 consid.2 p. 346), de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner cette question. La mesurede confiscation et de destruction prononcée n'apparaît pas disproportionnéeet ne viole donc pas l'art.58 CP. 3.Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais doivent être mis à la charge des recourants (art. 278 al. 1 PPF),qui les supporteront à parts égales entre eux et solidairement (art. 156 al.7 OJ). Comme le pourvoi était d'emblée dépourvu de chances de succès,l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 152 al. 1 OJ). La cause étant ainsi tranchée, la requête d'effet suspensif est sans objet. 4. 5. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 3.Un émolument judiciaire global de 1000 francs est mis à la charge desrecourants, qui le supporteront à parts égales entre eux et solidairement. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, auMinistère public du canton de Vaud et au Tribunal d'accusation du Tribunalcantonal vaudois. Lausanne, le 10 octobre 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.317/2006
Date de la décision : 10/10/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-10;6s.317.2006 ?
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