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10/10/2006 | SUISSE | N°1E.12/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 octobre 2006, 1E.12/2005


{T 0/2}1E.12/2005 /col Arrêt du 10 octobre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Eusebio.Greffier: M. Jomini. A. ________,recourante, représentée par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat, contre Etat de Genève, intimé, représenté par Me David Lachat, avocat,Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement, p.a. M. Jean-MarcStrubin, Président-suppléant, Tribunal de première instance, case postale3736,1211 Genève 3. expropriation de droits de voisinage, recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédéraled'estimation

du 1er arrondissement du 27 mai 2005. Faits: A.A. ________ est p...

{T 0/2}1E.12/2005 /col Arrêt du 10 octobre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Eusebio.Greffier: M. Jomini. A. ________,recourante, représentée par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat, contre Etat de Genève, intimé, représenté par Me David Lachat, avocat,Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement, p.a. M. Jean-MarcStrubin, Président-suppléant, Tribunal de première instance, case postale3736,1211 Genève 3. expropriation de droits de voisinage, recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédéraled'estimation du 1er arrondissement du 27 mai 2005. Faits: A.A. ________ est propriétaire à Genthod de la parcelle n° 1340 du registrefoncier. Une maison d'habitation se trouve sur ce terrain, qui est situé àenviron 2.3 km de la piste de l'Aéroport international de Genève. B.Le 31 août 1992, A.________, représentée par Me P.________, avocat à Genève,a adressé au Département des travaux publics de la République et canton deGenève une demande d'indemnisation pour expropriation formelle des droits devoisinage et expropriation matérielle. Elle concluait au paiement d'uneindemnité globale de 686'480 fr. Elle invoquait les nuisances causées par lepassage des avions au-dessus de son bien-fonds, ainsi que le classement decette parcelle dans la zone de bruit B, selon le plan des zones de bruitdélimitées autour de l'aéroport (plan approuvé par le Conseil fédéral le 8avril 1987). La demande a été transmise à la Commission fédérale d'estimationdu 1er arrondissement (où elle a été enregistrée sous le numéro 15/95).Le 1er février 1999, Me P.________ a écrit au président de la Commissionfédérale dans les termes suivants:"Je porte à votre connaissance que, dans les causes notées en marge[notamment la cause A.________ n° 15/95], la demande d'indemnité est retirée,au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'expropriationformelle, plus précisément la condition de prévisibilité. Ce retrait n'estpas une renonciation définitive à toute demande d'indemnité. Une telledemande demeurerait réservée dans l'hypothèse où la loi et la jurisprudencevenaient à être modifiées. Par ailleurs, ce retrait ne peut être interprétécomme une renonciation du propriétaire au droit d'exiger un assainissement auregard de la législation en matière de protection de l'environnement."Le 18 juin 1999, la Commission fédérale a rendu une décision prenant acte duretrait de la demande déposée le 31 août 1992 par A.________, vu la lettre deson conseil du 1er février 1999, et rayant du rôle la cause n° 15/95. Ledossier de cette cause a été classé le 18avril 2000 aux archives du Tribunalfédéral (cf. art. 6 de l'ordonnance concernant les commissions fédéralesd'estimation [RS 711.1]). C.Par un acte daté du 27 mai 2004 intitulé "demande en indemnisation",A.________ - désormais représentée par Me Jean-Daniel Borgeaud - a pris desconclusions tendant principalement à ce que l'Etat de Genève soit condamné àlui payer la somme de 276'293 fr., avec intérêts dès le 1er janvier 1985, àtitre d'indemnité d'expropriation liée au survol de sa parcelle. Elleconcluait également à ce que l'Etat de Genève soit astreint à réaliser destravaux d'isolation acoustique de sa villa.Dans son argumentation à l'appui de ses conclusions, A.________ a exposéqu'elle requérait une reprise de la procédure en indemnisation. Elle a faitvaloir que le retrait de sa première demande, opéré par son ancien conseil,avait reposé sur un malentendu. Elle s'est référée à une lettre de MeP.________, qui aurait été transmise le 26 février 1999 par télécopie à laCommission fédérale. Dans cette lettre, cet avocat écrivait que c'était parerreur qu'il avait indiqué, le 1er février 1999, que A.________ souhaitaitarrêter la procédure car en réalité, elle lui avait demandé de ne plus lareprésenter, sans pour autant retirer sa demande d'indemnisation. Un doublede la lettre (télécopie) du 26février 1999 a été produit par A.________.Cette lettre ne se trouve pas dans le dossier n° 15/95 classé aux archives duTribunal fédéral. Il n'en est pas fait mention dans la décision de radiationdu 18juin 1999.Dans ses observations, l'Etat de Genève a conclu à l'irrecevabilité de lademande d'indemnité du 27 mai 2004, en invoquant à propos des mêmesprétentions la décision du 18 juin 1999, entrée en force. D.Par une décision rendue le 27 mai 2005, la Commission fédérale a déclaréirrecevable la demande en indemnisation formée par A.________ le 27 mai 2004.Elle a considéré, en substance, que ses prétentions avaient le même fondementque celles de la demande du 31 août 2002 - à savoir l'expropriation de droitsde voisinage à cause du bruit du trafic aérien ainsi que du survol de laparcelle -, et que la décision du 18 juin 1999 avait mis un terme définitifau litige, n'ayant pas fait l'objet d'un recours de droit administratif. LaCommission fédérale a examiné la portée du "courrier correctif" de MeP.________ du 26février 1999, en retenant qu'une telle déclaration n'étaitpas propre à supprimer le caractère irrévocable de la renonciation du1erfévrier 1999. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où A.________ auraitpu "récupérer son droit" à une indemnité pour expropriation en raison dusurvol de son bien-fonds, la Commission fédérale a considéré que lesprétentions annoncées le 27 mai 2004 étaient prescrites. E.Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler la décision du 27 mai 2005 de la Commissionfédérale, et de renvoyer l'affaire à cette autorité pour nouvelle décision. Atitre subsidiaire, elle reprend les conclusions contenues dans sa demande du27 mai 2004.L'Etat de Genève conclut au rejet du recours. Il demande en outre qu'il luisoit donné acte de ce qu'il accepte, dans le cadre du programmed'insonorisation prévu par le règlement d'exploitation de l'aéroport deGenève du 31 mai 2001, d'insonoriser en 2006 les fenêtres et lesportes-fenêtres de la maison de la recourante.Le Président de la Commission fédérale a renoncé à répondre au recours. F.Les parties ont été informées que le dossier de la première décision de laCommission fédérale, du 18 juin 1999 (n° 15/95), avait été sorti des archivesdu Tribunal fédéral pour être versé au dossier du présent recours. Leurattention a été attirée sur l'absence, dans ce dossier archivé, de latélécopie du 26 février 1999 (cf. supra, let. C). Les parties ont pu sedéterminer à ce sujet. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.La contestation porte sur une demande d'indemnité pour expropriation formelleen cas de survol d'un bien-fonds situé à proximité d'un aéroport (à propos dece cas d'expropriation, cf. ATF 131 II 137 consid. 3 p. 146). Conformément àla jurisprudence, de telles prétentions sont soumises à la prescription et,dans la situation de la recourante, elles devaient, pour ne pas êtreprescrites, être présentées dans les cinq ans dès la publication, le 2septembre 1987, de la décision d'approbation du plan des zones de bruit (ATF129 II 72 consid. 2.9 p. 80 et les arrêts cités; cf. également ATF 131 II 137consid. 3.1.5 p. 148). La recourante ne critique pas la décision attaquée entant qu'elle retient, dans une motivation subsidiaire, que des prétentionsannoncées le 27 mai 2004 seraient prescrites. Elle conteste en revanche laprescription en faisant valoir que son acte du 27 mai 2004 n'est pas unenouvelle demande mais une "simple réactivation" de la demande déposée le 31août 1992, avant l'échéance du délai de prescription. Or la Commissionfédérale a considéré que l'acte du 27mai 2004 ne pouvait pas avoir cetteportée, après une renonciation irrévocable aux prétentions et une décision du18 juin 1999 mettant fin au litige. 1.1 La "réactivation" d'une demande d'indemnité soumise à une commissionfédérale d'estimation serait envisageable en cas de suspension de laprocédure d'estimation, l'exproprié requérant alors une reprise del'instruction. En l'occurrence, il s'agit d'examiner si la procédured'estimation, ouverte après le dépôt de la demande du 31août 1992, a étésuspendue le 18 juin 1999 - nonobstant le libellé de la décision prise cejour-là par la Commission fédérale -, voire si elle aurait dû être suspenduecompte tenu des déclarations ou de la volonté de la recourante à cetteépoque. La recourante prétend qu'elle n'avait en réalité pas renoncé à uneindemnité, et que la décision du 18 juin 1999 constituait un simpleclassement, sans effet sur le fond. 1.2 La lettre du précédent conseil de la recourante, du 1er février 1999,pouvait à l'évidence être interprétée par la Commission fédérale comme undésistement sans condition, nonobstant les réserves relatives à unemodification légale ou jurisprudentielle. Il n'est pas contesté que cetavocat disposait de pouvoirs pour représenter la recourante devant laCommission fédérale, au moment de l'introduction de la procédure n° 15/95, etqu'aucun acte révoquant ces pouvoirs n'a été communiqué à l'autorité avant le1er février 1999. Il n'existe aucune preuve, ni dans le dossier archivé decette procédure ni dans le présent dossier, que la Commission fédérale a euconnaissance de la lettre de l'avocat du 26 février 1999. Dans cesconditions, il incombait à cette autorité de prendre acte du désistement etde mettre fin au procès. Tel était l'objet de la décision du 18 juin 1999.Néanmoins, la recourante conservait la possibilité de former un recours dedroit administratif contre cette décision, si elle avait voulu contesterl'interprétation de sa déclaration de désistement du 1er février 1999. Unefois la décision du 18 juin 1999 entrée en force, une demande de révisionaurait également pu être déposée. L'art. 75 de la loi fédérale surl'expropriation (LEx; RS 711) dispose que la décision de la commissionfédérale d'estimation qui ne fait pas l'objet d'un recours de droitadministratif a la même force qu'un arrêt du Tribunal fédéral, et qu'ellepeut être attaquée par les mêmes voies de droit qu'un tel arrêt. Il fautentendre par là que la voie de la révision, au sens des art. 136 ss OJ, ainsique celle de l'interprétation, au sens de l'art. 145 OJ, sont ouvertes devantla commission elle-même (cf. Heinz Hess/Heinrich Weibel, Das Enteignungsrechtdes Bundes, Berne 1986, vol. I, p. 581). La procédure de révision permetnotamment de faire valoir des preuves concluantes qui n'avaient pas pu êtreinvoquées dans la procédure précédente (cf. art. 137 let. b OJ), mais lademande doit alors être déposée dans un délai déterminé dès la découverte dumotif de révision (cf. art. 141 al. 1 let. b OJ). En l'occurrence, cette voiede droit extraordinaire n'a pas été utilisée par la recourante.Dans ces conditions, la Commission fédérale a retenu à bon droit qu'il avaitdéjà été mis fin, par une décision entrée en force, au litige sur lesprétentions de la recourante à une indemnité d'expropriation formelle, selonla demande du 31 août 1992. Le prononcé d'irrecevabilité de la nouvelledemande, ou demande "réactivée", n'est donc manifestement pas contraire audroit fédéral. Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit êtrerejeté. 2.Il n'appartient pas au Tribunal fédéral, dans cette procédured'expropriation, de rendre une décision en constatation au sujet de mesuresd'isolation phonique qui seront le cas échéant prises d'office par lesautorités administratives compétentes, en application notamment du droitfédéral de la protection de l'environnement. Aucune suite ne sera donc donnéeaux conclusions de l'Etat de Genève tendant à ce qu'il lui soit donné acte desa volonté de mettre en oeuvre de telles mesures, sur l'immeuble de larecourante. 3.Conformément à la règle spéciale de l'art. 116 al. 1, 1ère phrase LEx, lesfrais et dépens, pour la présente procédure de recours, doivent être mis à lacharge de l'Etat de Genève. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit administratif est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de l'Etat de Genève. 3.Une indemnité de 1'000 fr., à payer à A.________ à titre de dépens, est miseà la charge de l'Etat de Genève. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la recourante etde l'intimé, ainsi qu'à la Commission fédérale d'estimation du 1erarrondissement. Lausanne, le 10 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1E.12/2005
Date de la décision : 10/10/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-10;1e.12.2005 ?
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