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10/10/2006 | SUISSE | N°1A.113/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 octobre 2006, 1A.113/2006


{T 0/2}1A.113/2006 /col Arrêt du 10 octobre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Eusebio.Greffier: M. Kurz. A. ________,recourant, représenté par Me Alain Cottagnoud, avocat, contre Etat du Valais, 1950 Sion,représenté par le Département des finances, des institutions et de lasécurité, Service juridique des financeset du personnel, place de la Planta 3, Palais du Gouvernement, 1951 Sion,Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour Civile I, Palais de Justice,avenue Mathieu-Schiner 1,1950 Sion 2. indemnisation LAVI, recours de droit administratif contre

le jugement de la Cour civile I du 8mai 2006. Faits: A.Pa...

{T 0/2}1A.113/2006 /col Arrêt du 10 octobre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Eusebio.Greffier: M. Kurz. A. ________,recourant, représenté par Me Alain Cottagnoud, avocat, contre Etat du Valais, 1950 Sion,représenté par le Département des finances, des institutions et de lasécurité, Service juridique des financeset du personnel, place de la Planta 3, Palais du Gouvernement, 1951 Sion,Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour Civile I, Palais de Justice,avenue Mathieu-Schiner 1,1950 Sion 2. indemnisation LAVI, recours de droit administratif contre le jugement de la Cour civile I du 8mai 2006. Faits: A.Par jugement du 3 octobre 2003, le Juge des districts d'Hérens et Conthey acondamné B.________ à cinq mois d'emprisonnement avec sursis et 800 fr.d'amende pour lésions corporelles graves par négligence et conduite en étatd'ivresse. Le 2 décembre 2000, dans une discothèque, après avoir été bousculéà trois reprises par A.________, B.________ avait frappé ce dernier au visagealors qu'il avait une bouteille de bière à la main; la bouteille s'étaitbrisée et A.________ avait été blessé à l'oeil gauche. Il avait finalementperdu l'usage de cet organe, et conservait une cicatrice sous la paupièreinférieure. Les prétentions de la victime ont été renvoyées au for civil;1200 fr. de dépens ont été alloués à A.________, à la charge du condamné.Celui-ci est décédé le 30 octobre 2003. B.Par décision du 1er avril 2004, le Juge des districts d'Hérens et Conthey astatué sur une demande d'indemnisation LAVI formée par A.________ le 4décembre 2001, dont le traitement avait été suspendu jusqu'au jugement pénal.Il a alloué 14'166 fr. à titre d'indemnisation pour la perte de l'oeilgauche, soit 70'883 fr. de perte de gain avec une réduction de 80% en raisonde la faute concomitante lourde du requérant. S'agissant de la réparationmorale, l'indemnité, elle aussi réduite, a été fixée à 3000 fr.Par arrêt du 27 octobre 2004, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable lerecours de droit administratif formé par A.________, et renvoyé la cause auJuge de district pour transmission à l'autorité cantonale de recours au sensde l'art. 98a OJ. C.Par jugement du 8 mai 2006, la Cour civile du Tribunal cantonal valaisan aalloué 35'441 fr. 50 à titre d'indemnisation et 10'000 fr. de tort moral avecintérêts au 3 décembre 2000. En bousculant vigoureusement B.________,plusieurs fois et sans motif apparent, A.________ s'était mis lui-même dansune situation conflictuelle qui avait dégénéré; sa faute justifiait uneréduction des indemnités, non pas de 80% mais de 50%. D.A.________ forme un recours de droit administratif contre ce jugement. Ilconclut à l'allocation de 90'880 fr. d'indemnité (70'880 fr. de perte de gainet 20'000 fr. de tort moral), et de 15'798 fr. 35 de frais pour lesprocédures pénale, civile, et d'indemnisation.La Cour cantonale a renoncé à se déterminer. Le Département cantonal desfinances, des institutions et de la sécurité conclut au rejet du recours.Dans ses observations, l'Office fédéral de la justice considère notammentqu'il y a lieu d'admettre, plus généralement qu'en droit de la responsabilitécivile, une réduction de l'indemnisation pour faute concomitante de lavictime. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.La démarche du recourant tend à l'obtention d'une indemnité, pour son dommagematériel et pour tort moral, fondée sur la LAVI, et il n'est pas contesté quecette loi est applicable, le recourant ayant qualité de victime au sens del'art. 2 al. 1 LAVI. Dirigé contre une décision (art. 5 PA) ne relevant pasdes exceptions prévues aux art. 99 ss OJ (ATF 122 II 315 consid. 1 p. 317,121 II 116 consid. 1 p. 117) et émanant de l'autorité cantonale de recoursprévue à l'art. 17 LAVI, le recours de droit administratif est recevable (ATF125 II 169 consid. 1 p. 171 et les arrêts cités).Les constatations de la juridiction cantonale relatives aux circonstances del'infraction relèvent de l'appréciation des preuves; elles ressortissent aufait et lient le Tribunal fédéral, sauf si elles sont manifestement inexactesou incomplètes, ou si elles ont été établies au mépris de règles essentiellesde procédure (art. 105 al. 2 OJ). L'appréciation de la faute imputée à lavictime est en revanche une question de droit fédéral, que le Tribunalfédéral revoit librement (cf. ATF 115 II 283 consid. 1a in fine p. 285/286). 2.Le recourant conteste la réduction de 50% opérée sur les indemnités pourperte de gain et tort moral. La reconnaissance d'une faute concomitanteserait contraire à l'appréciation faite par le juge pénal, puisque celui-ci adénié à l'auteur la justification de la légitime défense. Le recourant estimeaussi que sa faute ne serait que légère et qu'elle ne permettrait aucuneréduction de l'indemnité pour tort moral. 2.1 Le recourant ne saurait contester que l'existence d'une faute de la partde la victime puisse conduire à une réduction de l'indemnité. Cela découle dutexte clair de l'art. 13 al. 2 LAVI, et de l'application par analogie desrègles relatives à la responsabilité civile (ATF 132 II 117 consid. 2.2.1 p.119). Contrairement également à ce que soutient le recourant, lajurisprudence précise clairement qu'une réduction de la réparation moralepeut intervenir en cas de faute non seulement grave, mais aussi moyenne,voire légère (ATF 128 II 49 consid. 4.2 p.54 et les arrêts cités).S'agissant du dommage, seule une faute qualifiée, suffisamment grave, peutconduire à une réduction de l'indemnité au sens de l'art. 13 al. 2 LAVI; lavictime échappe donc à toute réduction si elle n'a commis qu'une fautemoyenne ou légère (ATF 123 II 210 consid. 3b p. 214; 121 II 369 consid. 3c/aap. 373 in fine, consid. 4c p. 375). 2.2 L'absence de légitime défense constatée par le juge pénal ne fait paséchec à la réduction de l'indemnité. En effet, si l'autorité LAVI est enprincipe liée par les faits établis au pénal, elle ne l'est pas par lesconsidérations de droit ayant conduit au prononcé civil. Elle peut donc, ense fondant sur l'état de fait arrêté au pénal, déterminer le montant del'indemnité allouée à la victime sur la base de considérations juridiquespropres (ATF 129 II 312 consid. 2 p. 314 ss, notamment consid. 2.8 p. 317).Ainsi, il peut y avoir comportement fautif et causal de la part de lavictime, sans pour autant que cela ne constitue un fait justificatif au sensdes art. 33 et 34 CP. Il en va ainsi en cas de provocation de la part de lavictime, lorsque celle-ci contribue à l'escalade de la violence, oulorsqu'elle s'expose sciemment à un risque d'agression en raison par exemplede ses mauvaises fréquentations (ATF 121 II 369 consid. 3c/aa p. 373). 2.3 En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant avaitcontribué à la réaction de l'auteur en bousculant violemment celui-ci àplusieurs reprises, sans raison apparente, alors que l'ambiance était déjàtendue, l'auteur ayant déjà giflé l'une des personnes présentes. Le recourants'est donc mis lui-même, sans raison valable, dans une situationconflictuelle qui a dégénéré. Son attitude a eu une influence certaine surles événements qui ont suivis, et cette faute ne peut être qualifiée delégère. La cour cantonale n'a donc pas abusé de son pouvoir d'appréciation enréduisant de moitié les indemnités allouées, tant pour le dommage que pour letort moral (ATF 121 II 369 consid. 4c p. 375). 3.Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas lui avoir accordéd'indemnité pour l'intervention de son avocat dans les procédures pénale,civile puis d'indemnisation LAVI. Ces frais seraient de 15'798fr. 35 autotal. 3.1 Selon la jurisprudence, la victime doit obtenir la couverture de sesfrais d'avocat prioritairement par la voie de l'art. 3 al. 4 LAVI, au titrede prestation du centre de consultation, voire par le biais de l'assistancejudiciaire. A titre plus subsidiaire encore, les frais nécessaires de défensepeuvent faire l'objet d'une indemnisation, au sens des art. 11 ss LAVI, commeun poste du dommage subi (ATF 131 II 121 consid. 2.4.4 p. 129 et 2.5.2 p.131). Lorsque la victime choisit cette dernière voie, elle doit donner, danssa requête d'indemnisation, les précisions nécessaires pour juger notammentdu caractère adéquat des prestations de l'avocat. 3.2 En l'occurrence, la requête d'indemnisation, du 4 décembre 2001, tend àl'octroi de 100'000 fr. d'indemnité, ainsi qu'à l'allocation de dépens.Aucune conclusion ne vise le remboursement des frais d'avocat pour lesprocédures autres que la procédure LAVI. La procédure a été reprise après leprononcé du jugement pénal; le recourant a alors précisé, dans sesobservations du 26 mars 2003, le montant de ses conclusions, s'agissant de laperte de gain et du tort moral; les frais d'avocat ne sont pas mentionnés entant que poste du dommage. C'est dès lors à juste titre, faute de touteconclusion et de toute motivation prise en temps utile de la part durequérant, que le juge de district n'a rien alloué de ce chef et s'estcontenté d'accorder des dépens partiels de 800 fr. pour la procédured'indemnisation.C'est seulement dans son recours cantonal que le recourant a mentionné sesfrais d'avocat. Il n'en faisait toutefois pas pour autant un poste dudommage, mais un simple argument tendant à l'augmentation de l'indemnité dedépens. C'est ainsi que la cour cantonale l'a compris: ayant admispartiellement l'appel, elle a porté à 1200 fr. l'indemnité de dépens accordéeen première instance, ajoutant 300 fr. pour la procédure d'appel. Faute deconclusions et de motivation adéquate, la cour cantonale pouvait elle aussise limiter à la question des dépens exclusivement liés à la procédured'indemnisation. Le jugement attaqué ne viole pas non plus le droit fédéralsur ce point. 4.Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Conformément auprincipe de gratuité (art. 16 al. 1 LAVI), il n'est pas perçu d'émolumentjudiciaire. Il n'est pas non plus alloué de dépens. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à l'Etatdu Valais et au Tribunal cantonal du canton du Valais ainsi qu'au Départementfédéral de justice et police. Lausanne, le 10 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.113/2006
Date de la décision : 10/10/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-10;1a.113.2006 ?
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