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06/10/2006 | SUISSE | N°5P.203/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 octobre 2006, 5P.203/2006


{T 0/2}5P.203/2006 /fzc Arrêt du 6 octobre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Escher et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. X. ________,recourant,agissant par son tuteur, l'Union Départementale des Associations Familialesde Charente-Maritime (UDAF), elle-même représentée par Mes Jean-YvesSchmidhauser et Pierre Banna, avocats, contre A.________,B.________,C.________,intimés,tous trois représentés par Me Isabelle Poncet Carnicé, avocate,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 9 Cst. (prescription acquisitive

d'une servitude),recours de droit public contre l'arrêt de ...

{T 0/2}5P.203/2006 /fzc Arrêt du 6 octobre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Escher et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. X. ________,recourant,agissant par son tuteur, l'Union Départementale des Associations Familialesde Charente-Maritime (UDAF), elle-même représentée par Mes Jean-YvesSchmidhauser et Pierre Banna, avocats, contre A.________,B.________,C.________,intimés,tous trois représentés par Me Isabelle Poncet Carnicé, avocate,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 9 Cst. (prescription acquisitive d'une servitude),recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour dejustice du canton de Genève du 17 février 2006. Faits: A.A.a X.________, fils de Y.________ et Z.________, né le 31 décembre 1959, denationalité française, est officiellement domicilié en Charente-Maritime(France). Le 2 décembre 1970, il a hérité de D.________, son grand-onclematernel. Il a ainsi notamment reçu, dans le partage de cette succession, undomaine sis sur l'ancienne parcelle n° xxx de la Commune de Dardagny (GE),constitué notamment d'une habitation avec dépendance, d'un bois, d'un pré,d'un jardin et d'une vigne. A.b Selon un certificat médical établi le 21 mai 1996 par le Dr E.________,psychiatre, X.________ est invalide à 80%; il souffre des séquelles d'uneencéphalopathie néo-natale et présente les symptômes d'un retard mentalprofond au sens du DSM-IV 318.2, soit d'un handicap correspondant à un QI de20/25. Entendu en qualité de témoin, le Dr E.________ a indiqué qu'il avaitété consulté, en 1996, pour "homologuer" une carte d'invalidité française; iln'avait pas eu connaissance du dossier médical de X.________, mais s'étaitfondé sur les renseignements donnés par son père; l'entretien avec X.________avait duré 50 minutes; il lui avait demandé d'écrire son nom, ce qu'il avaitfait en formant les lettres comme l'aurait fait un enfant; il avait unecapacité de lecture et d'écriture rudimentaire; s'il pouvait comprendre lanotion de vente, il ne pouvait saisir la portée d'un tel acte, ni celle d'uneservitude. A.c F.________, responsable au sein de l'UDAF, organisme français chargé dela tutelle de X.________ depuis 2002 (cf. lettre D infra), a indiqué que cedernier, qu'elle a rencontré à plusieurs reprises, ne présentait aucuneparticularité physique; il était introverti, timide, anxieux; il nesaisissait pas la portée des choses qui dépassaient la vie de tous les jours. B.B.aA.________ est actif dans l'achat et la vente d'immeubles, la promotion etle courtage de biens immobiliers ainsi que la gestion immobilière. A l'époquedes faits, il exerçait selon son dire la profession d'ingénieur hydrauliqueet n'avait pas de connaissances particulières du domaine immobilier. En 1976, A.________ est devenu propriétaire des parcelles nos aaa et bbb dela Commune de Dardagny (GE). Il a emménagé sur la parcelle n° bbb en 1977avec son épouse. Ultérieurement, soit par acte du 21 décembre 2000,A.________ a cédé la propriété des parcelles nos aaa et bbb à son épouseB.________ et à sa fille C.________, conservant toutefois un droitd'habitation sur la parcelle n° bbb. B.b Les parcelles n° xxx (propriété de X.________) et nos aaa et bbb(propriété de A.________, puis de B.________ et C.________) sont voisines,les habitations qui y sont construites étant distantes de quelques dizainesde mètres et donnant sur la même rue du village; les propriétés sont séparéespar un mur et une épaisse haie. Lorsque X.________ était enfant, il ne séjournait à Dardagny que durant lesvacances d'été. A.________ se rappelle l'avoir vu à une ou deux reprises dansle jardin de ses parents et l'avoir vu circuler à vélo ou à moto; B.________dit n'avoir fait que l'apercevoir ou le croiser. C.C.aLe 8 septembre 1980, Z.________ a informé A.________ de son désir devendre une partie de la parcelle n° xxx, soit environ 2'500 m2. A.________s'est déclaré intéressé à l'achat, pour autant que le terrain vendu puisseêtre desservi par un chemin d'accès, inexistant à l'époque. X.________ n'apas personnellement pris part à la négociation. A. ________ et B.________ soutiennent n'avoir alors pas été informés queX.________ souffrait d'un handicap ou d'un retard mental. Y.________ affirmequant à lui que A.________ connaissait le handicap de son fils, qui seremarquait à sa façon de parler, pour l'avoir rencontré lors des vacancespassées à Dardagny. C.b Le 6 novembre 1981, X.________, Y.________ et A.________ ont signé unacte de promesse de vente et d'achat devant G.________, notaire à Genève.X.________ a ainsi promis de vendre à A.________ une partie à détacher de laparcelle n° xxx et de constituer sur le restant de la parcelle une servitudede passage au profit de la partie vendue, moyennant un prix de vente de 135fr. 25 le m2. À la signature de cet acte, X.________ a reçu un acompte de150'000 fr., à imputer sur le prix de vente et versé à titre d'arrhes et dedédit. Y. ________ affirme avoir indiqué au notaire que son fils était atteint d'unhandicap, mais que celui-ci ne lui a pas demandé s'il était sous tutelle ousous curatelle. A.________ et B.________ affirment n'avoir fait lors de laséance de signature aucune constatation particulière au sujet de l'étatmental de X.________, qui leur a simplement paru "effacé". C.c À teneur d'un deuxième acte authentique instrumenté par H.________,notaire à Genève, les 25 juin et 6 juillet 1982, X.________ a déclarépartager la parcelle n° xxx en trois parcelles nos xxxA, xxxB et xxxC, ets'est engagé à céder la parcelle n° xxxC à A.________ et B.________ ainsiqu'à un tiers. Les conditions de la promesse de vente du 6 novembre 1981 ontété modifiées, en ce sens que le prix de la parcelle promise vendue étaitfixé à 678'835 fr. et que la vente définitive devait intervenir avant le 31juillet 1982. X.________ avait la faculté, à cette échéance, de renoncer à lavente en restituant l'acompte de 150'000fr. et en versant un montant égal àtitre de dédit, ou d'y renoncer sans pénalité, mais moyennant constitutiond'une servitude de non-bâtir sur la parcelle n° xxxB et sur la partie de laparcelle n°xxxA la prolongeant, au profit des parcelles nos aaa et bbb. C.d L'acte de vente définitif n'a pas été signé et, par un troisième acteauthentique instrumenté le 28 juillet 1982 par le notaire H.________,X.________ a déclaré résoudre la promesse de vente du 6 novembre 1981 et lamodification du 25 juin/6 juillet 1982. A.________ a déclaré accepter cetterésolution, moyennant restitution de l'acompte de 150'000fr. et constitutiond'une servitude de non-bâtir sur la parcelle n° xxxB et sur la partie de laparcelle n°xxxA la prolongeant vers le nord, au profit des parcelles nos aaaet bbb. La servitude a été inscrite au registre foncier le 2 septembre 1982. C.e Les trois actes précités mentionnent qu'à la signature, X.________ est"assisté de ses parents", respectivement "de son père"; ils sont signés tantpar X.________ que par Y.________. La signature de X.________ apposée sur lesactes est enfantine, dans le sens qu'elle est formée de lettres majusculesnon rattachées entre elles. A. ________ ne s'est pas étonné que les parents de X.________ aient étéprésents et aient négocié toute l'opération, vu le jeune âge de ce dernier;il savait en outre qu'ils s'étaient également occupés de la vente d'autresimmeubles auxquels leur fils était intéressé. Lors de la signature des actes instrumentés par ses soins, le notaireH.________ ne s'est pas assuré de la capacité de discernement de X.________;il a affirmé qu'il n'opérait pas systématiquement une telle vérification etne refusait de prêter son concours à un acte que si la capacité dediscernement, qui est présumée, "manquait de façon manifeste". Il avait étéinformé que X.________ n'était ni sous tutelle, ni incapable de discernement,mais, son père ayant toujours été présent lors des discussions, il l'avaitégalement fait intervenir lors de la signature des actes. Il n'avait pas étésurpris du caractère enfantin de la signature de X.________, qu'il neconnaissait pas et avec lequel il n'avait pas discuté au préalable. D.Le 22 avril 1994, le Ministère français des affaires sociales et de lasolidarité a délivré à X.________ une carte d'invalidité, fixant son tauxd'incapacité à 80%. Sur cette base, le COTOREP, organisme officiel français,lui a accordé une rente d'invalidité mensuelle de 510 euros. Précédemment, leCOTOREP avait refusé d'intervenir, pendant la minorité de X.________,considérant que le handicap de ce dernier n'était pas suffisant. Le 12 octobre 1994, le juge des tutelles du Tribunal d'instance de Marennes(France) a, à la requête du COTOREP, prononcé la mise sous tutelle deX.________ et désigné Y.________ en qualité de tuteur. La décision se fondesur une expertise psychiatrique constatant que X.________ souffre d'uneencéphalopathie prénatale. Le 18 mars 2002, le juge des tutelles du Tribunal d'instance de Marennes aremplacé Y.________, dans ses fonctions de tuteur de X.________, par l'UnionDépartementale des Associations Familiales de Charente-Maritime (UDAF). E.Le 3 juin 2002, X.________, représenté par l'UDAF, a actionné A.________,B.________ et C.________ devant le Tribunal de première instance du canton deGenève, en concluant à la constatation de la nullité de l'acte authentique du28 juillet 1982 et de tous les actes ayant abouti à la constitution de laservitude de non-bâtir grevant sa parcelle n° ccc (issue de la réunion desparcelles nos xxxA et xxxB) au profit des parcelles nos aaa et bbb, à laradiation de la servitude au registre foncier et au redressement de celui-cien conséquence; dans ses dernières conclusions de première instance, il aencore conclu à la constatation qu'il était incapable de discernement, tantau sens du droit suisse que du droit français.Par jugement du 26 mai 2006, le Tribunal de première instance a rejeté lademande avec suite de frais et dépens. F.Par arrêt du 17 février 2006 rendu sur appel du demandeur, la Chambre civilede la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement de premièreinstance et, statuant à nouveau, a prononcé, en application de l'art. 489CCfr., la nullité de l'acte authentique instrumenté le 28 juillet 1982 par lenotaire H.________ mais, considérant que les défendeurs pouvaient seprévaloir d'une prescription acquisitive de la servitude litigieuse, au sensde l'art. 661 CC, a débouté X.________ de ses autres conclusions et acompensé les dépens de première instance et d'appel. La motivation de cetarrêt, dans ce qu'elle a d'utile à retenir pour l'examen du recours, est ensubstance la suivante:F.aX.________ étant domicilié en France au moment de la passation des acteslitigieux, l'exercice de ses droits civils est régi par le droit français(art. 35 LDIP), lequel règle également les effets de l'incapacité sur lavalidité d'actes juridiques (cf. ATF 82 II 169). Le demandeur ne le contested'ailleurs pas, puisqu'il fonde en définitive son action sur les art. 503 et489 CCfr. F.b Alors que tous les actes passés postérieurement au jugement d'ouverturede la tutelle par la personne protégée sont nuls de plein droit (art. 502CCfr.), les actes antérieurs sont en principe valables, mais peuvent êtreannulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existaitnotoirement à l'époque des faits (art. 503 CCfr.). Selon la jurisprudence dela Cour de cassation française, la notoriété de la cause de tutelle, dont lapreuve incombe à l'incapable, doit s'entendre d'une notoriété générale, àlaquelle il convient d'assimiler la connaissance personnelle qu'avait lecocontractant de la situation de l'intéressé à l'époque de l'acte litigieux. En l'espèce, il doit être retenu que la cause de la tutelle ouverte parjugement du 12 octobre 1994 (cf. lettre D supra) réside dansl'affaiblissement des facultés mentales de X.________ consécutif à uneencéphalite néo-natale, et que cette cause existait déjà lors de la signaturede l'acte litigieux. F.c Encore faut-il, pour justifier l'application de l'art. 503 CCfr., que lacause de la tutelle ait été notoire ou connue du cocontractant au moment dela signature, soit en 1982. Or le demandeur n'a produit à la procédure aucunélément permettant de retenir que son incapacité était notoire en 1982. Par ailleurs, les défendeurs ont déclaré n'avoir pas eu de contacts avec ledemandeur, mais l'avoir seulement croisé à quelques reprises ou vu circuler àvélo, puis à moto, dans le village de Dardagny (cf.lettre B.b supra). Aucunélément du dossier ne vient contredire ces affirmations; en particulier, rienn'établit que les défendeurs auraient eu avec le demandeur des contacts plusétroits. D'après les renseignements fournis par le père du demandeur, lafamille ne s'est durablement établie à Dardagny, tout en conservant sondomicile en France, qu'en 1993, et, à l'époque des faits, le demandeur neséjournait dans cette commune que durant les vacances d'été. Enfin, lors de la signature des actes notariés, le demandeur a simplementparu "effacé", tant au notaire qu'aux défendeurs, étant rappelé qu'aucuneparticularité physique ne révèle le retard mental dont il est affecté; si lepère du demandeur a indiqué avoir informé le notaire que son fils souffraitd'un handicap, il n'a pas été allégué ni établi que cette information auraitété donnée en présence des défendeurs ou à ceux-ci (cf. lettre C.b supra). Lacondition de la notoriété prévue à l'art. 503 CCfr. n'étant ainsi pasremplie, l'acte litigieux ne saurait être annulé en application de cettedisposition. F.d Il convient encore d'examiner si l'acte litigieux peut être annulé enapplication de l'art. 489 CCfr., qui dispose que pour faire un acte valable,il faut être sain d'esprit, mais que c'est à ceux qui agissent en nullitépour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment del'acte. En l'espèce, le demandeur souffre d'un retard mental profond, consécutif àune encéphalopathie néo-natale, ce qui correspond, à teneur du DSM-IV 318.2,à un QI de 20/25. Son état mental, s'il lui permet de faire illusion devantdes tiers, dans le cadre d'une conversation normale, et d'appréhender lanotion de propriété, ne lui permet pas de saisir la portée d'une servitude denon-bâtir (cf. lettres A.b et A.c supra). Il doit ainsi être retenu que ledemandeur, au moment de la signature de l'acte du 28 juillet 1982, étaitincapable de discernement, soit atteint d'un trouble mental au sens de l'art.489 CCfr., ce qui entraîne la nullité de l'acte constitutif de la servitudede non-bâtir du 28 juillet 1982. F.e Pour s'opposer à la radiation de la servitude litigieuse, les défendeursse prévalent d'une prescription acquisitive ordinaire de la servitudelitigieuse, au sens de l'art. 661 CC. Aux termes de cette disposition - qui s'applique par analogie à l'acquisitiond'une servitude, par renvoi de l'art. 731 al. 2 CC -, les droits de celui quia été inscrit sans cause légitime au registre foncier comme propriétaire d'unimmeuble ne peuvent plus être contestés lorsqu'il a possédé l'immeuble debonne
foi, sans interruption et paisiblement pendant dix ans. Les règlesadmises pour la prescription des créances s'appliquent à la computation desdélais, à l'interruption et à la suspension de la prescription acquisitive(art. 663 CC). Le titulaire de la servitude inscrite indûment au registrefoncier doit l'avoir possédée, paisiblement et sans interruption, pendant dixans; si la servitude est négative, il suffit que le propriétaire du fondsservant se soit effectivement abstenu des actes d'utilisation visés par laservitude (Steinauer, Les droits réels, tome II, 3e éd. 2002, n. 2241 ss). Le propriétaire du fonds dominant doit avoir été de bonne foi pendant toutela durée du délai de prescription (mala fides superveniens nocet). Est debonne foi le bénéficiaire de la servitude qui n'a pas le sentiment quel'inscription dont il bénéficie a été faite indûment, soit qu'il neconnaissait pas le vice affectant le titre d'acquisition, soit que, leconnaissant, il n'a pas eu conscience d'avoir agi de manière incorrecte; s'ilest de bonne foi lors de l'inscription, il ne devient par la suite demauvaise foi que s'il connaît de manière suffisamment fondée les motifs del'irrégularité de l'inscription, un simple doute ne suffisant pas (Steinauer,op. cit., n. 2241 et n. 1581h). F.f En l'espèce, la servitude a été inscrite indûment, puisqu'en vertu d'unacte constitutif qui doit être annulé en application de l'art. 489 CCfr. Ledélai de dix ans de l'art. 661 CC a commencé à courir le jour del'inscription de la servitude au registre foncier, soit le 2 septembre 1982.Rien ne justifie de le faire courir, comme le souhaiterait le demandeur, dujour du prononcé de sa tutelle seulement; en effet, l'art. 134 al.1 ch. 6CO, qui prévoit la suspension de la prescription lorsque le créancier estdans l'impossibilité d'agir devant un tribunal suisse, suppose une causeobjective, extérieure à la personnalité du créancier (ATF 124 III 449 consid.4a). Il n'est enfin pas contesté que les défendeurs, propriétaires du fondsdominant, ont joui de manière paisible et ininterrompue de la servitude denon-bâtir pendant les dix ans qui ont suivi son inscription. Le demandeur n'a pas prouvé que les défendeurs aient eu connaissance de sonincapacité de discernement lors de la constitution de la servitude (cf.lettre F.c supra). Les défendeurs pouvaient en outre avoir le sentimentd'agir correctement, puisque l'acte litigieux avait été précédé de deuxautres actes authentiques, que les deux notaires successifs les ayantinstrumentés n'avaient pas mis en cause la capacité civile du demandeur etque ce dernier était assisté de son père, ce qui pouvait s'expliquer par unâge encore jeune (23 ans) ou une inexpérience en affaires. F.g Le demandeur n'a pas non plus établi que les défendeurs auraient apprisqu'il était affecté dans son discernement ou auraient connu cettecirconstance de manière suffisamment fondée avant l'échéance du délai de dixans, soit avant le 2 septembre 1992. Il n'a pas allégué de faits dont ilrésulterait que les familles X.________ et A.________ auraient entretenu desrelations plus étroites que celles découlant du simple voisinage. Il ressortdes déclarations du père du demandeur que les séjours de celui-ci se sontlimités aux vacances d'été jusqu'en 1993, soit pendant toute la durée de laprescription acquisitive (cf.lettre F.c supra). Les contacts du demandeuravec les défendeurs ont donc nécessairement été limités pendant la périodepertinente, soit de septembre 1982 à septembre 1992. Or selon l'appréciationtant de son père que de sa tutrice, le demandeur ne présente aucuneparticularité physique en raison de son handicap et "donne le change" lorsd'une conversation banale. Rien ne permet ainsi de retenir que les défendeursaient pu s'apercevoir, lors des contacts superficiels et lointains qu'ilsdisent avoir eus avec le demandeur, du retard mental dont celui-ci estaffecté. Le demandeur n'a pas davantage fait état de circonstances préciseslors desquelles les défendeurs auraient eu affaire à lui et auraient puapprendre l'existence dudit retard mental ou concevoir des doutes sérieux ausujet de sa capacité de discernement. Les défendeurs sont donc fondés à se prévaloir d'une prescription acquisitivede la servitude litigieuse, ce qui conduit au rejet des conclusions dudemandeur tendant à la radiation de cette servitude du registre foncier. G.Contre cet arrêt, le demandeur exerce en parallèle un recours de droit publicet un recours en réforme au Tribunal fédéral. Dans son recours de droitpublic, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêtsur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public.Cette disposition est justifiée par le fait que, si le Tribunal fédéraldevait d'abord examiner le recours en réforme, son arrêt se substituerait àla décision cantonale, rendant ainsi sans objet le recours de droit public,faute de décision susceptible d'être attaquée par cette voie (ATF 122 I 81consid. 1; 120 Ia 377 consid. 1 et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu d'ydéroger en l'espèce. 1.2 Formé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) contre une décision finale (cf.art. 87 OJ) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ), lerecours est en principe recevable. Il l'est également du chef de l'art.84al. 2 OJ, l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autoritécantonale de dernière instance ne pouvant être critiquée que par la voie durecours de droit public (ATF 129 III 618 consid. 3; 119 II 84 et les arrêtscités). 2.2.1Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement omis deprendre en considération des éléments de fait fondamentaux pour la solutiondu litige et d'avoir procédé à une appréciation arbitraire de certainespreuves. Il soutient en substance qu'une appréciation correcte des preuves,prenant en compte tous les éléments pertinents consacrés par les enquêtes,aurait dû conduire les juges cantonaux à retenir que l'incapacité dediscernement dont il souffre depuis sa naissance est hautement et rapidementreconnaissable, ou à tout le moins qu'elle était connue des intimés. 2.2 D'après l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, sous peined'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels oudes principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation.Celui qui forme un recours de droit public pour arbitraire doit ainsidémontrer, par une argumentation précise, que la décision attaquée repose surune application de la loi ou une appréciation des preuves manifestementinsoutenables (ATF 125 I 492 consid. 1b;120 Ia 369 consid. 3a; 117 Ia 412consid. 1c; 110 Ia 1 consid. 2a). Il ne peut donc se borner à critiquer ladécision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel (ATF 117 Ia 10consid. 4b; 110 Ia 1 consid. 2a; 107 Ia 186 et la jurisprudence citée), ni secontenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale (ATF 120 Ia 369consid. 3a; 116 Ia 85 consid. 2b; 86 I 226). S'agissant en particulier de l'appréciation des preuves, domaine dans lequelle Tribunal fédéral reconnaît au juge du fait un large pouvoir d'appréciation(ATF 120 Ia 31 consid. 4b; 118 Ia 28 consid. 1b), il appartient au recourantde démontrer précisément, pour chaque constatation de fait incriminée,comment les preuves administrées auraient selon lui dû être correctementappréciées et en quoi leur appréciation par l'autorité cantonale viole l'art.9 Cst. pour procéder d'une appréciation insoutenable du résultat del'administration des preuves ou pour être en contradiction évidente avec lespièces du dossier (Galli, Die rechtsgenügende Begründung einerstaatsrechtlichen Beschwerde, in RSJ 81/1985 p. 121 ss, 127; Forster, Woranstaatsrechtliche Beschwerden scheitern, Zur Eintretenspraxis desBundesgerichtes, in RSJ 89/1993, p. 77 ss, 78; cf. ATF 118 Ia 28 consid. 1bet les arrêts cités; cf. en outre les arrêts non publiés du 26 mars 1998 dansla cause 5P.47/1998, consid. 3, et du 8 juin 1995 dans la cause 5P.16/1995,consid. 2b). 2.3 En l'espèce, les griefs soulevés parfois quelque peu en vrac dans lerecours de droit public ne répondent que partiellement à ces exigences. Il nesera dès lors répondu ci-dessous qu'aux griefs visant des constatations defait déterminées, pertinentes pour l'issue du litige, pour lesquelles lerecourant démontre, en désignant avec précision les pièces du dossier surlesquelles repose sa critique, en quoi le fait de ne pas les avoir retenuesprocède d'une appréciation arbitraire des preuves administrées. 2.3.1 Le recourant reproche aux juges cantonaux d'avoir retenu que lors de laséance de signature, il avait simplement paru "effacé" aux intimés (cf.lettre C.b in fine supra). Il se réfère au procès-verbal de comparutionpersonnelle des parties du 19 janvier 2004, dont il ressort que A.________ aadmis lors de son audition que le recourant, lors de la séance de signaturede l'acte du 6 novembre 1981, lui était "simplement apparu comme trèseffacé". Toutefois, on ne voit pas en quoi cette déclaration, même ainsi précisée,démontrerait "le caractère aisément et rapidement reconnaissable del'incapacité de discernement du recourant", comme le soutient ce dernier. Lefait que le recourant est apparu très effacé aux intimés lors de la signatured'actes authentiques finalisant des opérations qui avaient été entièrementnégociées par ses parents pouvait bien plutôt être perçu comme révélateurd'un trait de caractère que d'une éventuelle déficience mentale, étantrappelé par ailleurs qu'aucune particularité physique ne révèle le retardmental dont le recourant est affecté. Le grief se révèle ainsi mal fondé. 2.3.2 Le recourant fait grief à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairementretranscrit les propos de F.________, responsable au sein de l'organismefrançais chargé de la tutelle du recourant, en retenant que celle-ci aindiqué que ce dernier était introverti, timide, anxieux et ne saisissait pasla portée des choses qui dépassaient la vie de tous les jours (cf. lettre A.cinfra). Il se réfère au procès-verbal de comparution personnelle des partiesdu 19 janvier 2004, dont il ressort que F.________ a déclaré ce qui suit àpropos du recourant: "C'est une personne introvertie, timide et anxieuse quis'exprime très peu. Si l'on discute avec lui de questions qui sortent de lavie de tous les jours, l'on se rend compte très vite que la matière luiéchappe". Selon le recourant, l'on devrait déduire de cette déclaration quetout interlocuteur du recourant ne peut que se rendre compte très vite de sonretard mental profond. Cependant, on ne voit pas en quoi cette affirmation, dût-elle être retenue,serait pertinente pour l'issue du litige, puisqu'il n'est pas établi que lesintimés aient jamais discuté avec le recourant, lequel n'a fait que signerchez le notaire les actes authentiques finalisant les opérations que sesparents avaient négociées pour son compte avec les intimés. Le grief serévèle ainsi mal fondé. 2.3.3 Le recourant reproche à l'autorité cantonale de n'avoir pas tenu comptedu témoignage de E.________, qui, selon le procès-verbal d'enquêtes du 22novembre 2004, a déclaré ce qui suit: "M. X.________ pouvait donner lechange sur son état dans le cadre d'un contact banal et superficiel. Unediscussion prolongée ou de caractère nuancé aurait permis de décelerrapidement le handicap". Ce grief tombe à faux puisque, comme on vient de le voir (cf. consid.2.3.2supra), il n'est pas établi que les intimés aient jamais discuté avec lerecourant. 2.3.4 Le recourant fait grief aux juges cantonaux de n'avoir pas pris enconsidération les déclarations faites par son père selon le procès-verbald'enquêtes du 4 octobre 2004, qui sont les suivantes: "Lorsque nous passionsnos vacances à Dardagny, nous rencontrions les A.________ qui étaient nosvoisins. M.A.________ savait que mon fils avait un handicap". Ce grief est dénué de fondement. La cour cantonale a expressément fait étatdes déclarations de Y.________ dans son arrêt (cf. lettre C.a supra) et c'estsans arbitraire qu'elle les a écartées, dès lors qu'elles émanent du proprepère du recourant et qu'elles ne sont corroborées par aucun autre élément dudossier. 2.3.5 Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir retenu qu'àl'époque des faits, A.________ exerçait la profession d'ingénieur hydrauliqueet n'avait pas (encore) de connaissances particulières du domaine immobilier(cf. lettre C.a supra). Le recourant ne démontre toutefois nullement que A.________ avait à l'époquedes faits déjà les connaissances particulières du domaine immobilier qu'il aacquises entre-temps. Son grief ne peut donc qu'être écarté dans la mesure oùil est recevable. 2.3.6 Selon le recourant, les juges cantonaux auraient de manièreinsoutenable omis de prendre en considération le fait que tant les épouxA.________ que le notaire H.________ s'étaient rendu compte du caractère"très absent" du recourant lors de la signature des actes notariés enquestion. On ne discerne toutefois pas d'où le recourant tire cette affirmation, qui neressort en tout cas ni du procès-verbal d'enquêtes du 4 octobre 2004 en cequi concerne le notaire H.________, ni du procès-verbal de comparutionpersonnelle des parties du 19 janvier 2004 en ce qui concerne les épouxA.________. Partant, le grief ne peut qu'être écarté dans la mesure où il estrecevable. 2.3.7 Selon le recourant, la cour cantonale aurait dû retenir comme un faitnotoire, que l'expérience générale de la vie permettrait à tout un chacund'appréhender rapidement, qu'un homme, quoique d'âge adulte, doté d'unquotient intellectuel de 20/25, totalement effacé et possédant une écritured'enfant, n'est absolument pas en mesure de conclure un acte juridiquevalable. Cette affirmation est toutefois contredite par les éléments du dossier. Ilest en effet constant qu'aucune particularité physique ne révèle le handicapdu recourant, qui ne peut pas être décelé dans le cadre d'un contact banal etsuperficiel, mais bien lors d'une discussion prolongée ou de caractère nuancé(selon le témoignage de E.________ évoqué au consid. 2.3.3 supra) ou si l'ondiscute avec lui de questions qui sortent de la vie de tous le jours (selonles déclarations de sa tutrice évoquées au consid. 2.3.2 supra). Le grief serévèle dès lors dénué de fondement. 2.3.8 Le recourant fait enfin grief à la cour cantonale d'avoir retenu demanière arbitraire que les intimés ont joui de manière paisible etininterrompue de la servitude litigieuse pendant dix ans dès son inscription.En effet, il tomberait sous le sens que le recourant ne pouvait de toutemanière pas remettre en cause par des actes positifs l'usage paisible decette servitude, puisque, comme la cour cantonale l'a elle-même retenu, lerecourant, compte tenu de son handicap, était totalement empêché d'agirjusqu'à sa mise sous tutelle le 12 octobre 1994. Comme le recourant l'expose lui-même, la cour cantonale a retenu en fait quele recourant, compte tenu
de son handicap, était totalement empêché d'agirjusqu'à sa mise sous tutelle le 12 octobre 1994 (arrêt attaqué, consid. 5.2).Elle a toutefois considéré en droit que cet empêchement n'entrait pas dansles prévisions de l'art. 134 al.1 ch.6 CO, lequel ne prévoit la suspensionde la prescription que lorsque l'impossibilité d'agir devant un tribunalsuisse résulte d'une cause objective, extérieure à la personnalité ducréancier (cf. lettre F.f supra). Or il s'agit là d'une question touchant àl'application du droit civil fédéral, qui relève du recours en réforme (cf.art. 43 al. 1 OJ) et non du recours de droit public (cf. art. 84 al. 2 OJ). 3.En définitive, le recours de droit public, mal fondé en tant qu'il estrecevable, doit être rejeté dans cette même mesure. Le recourant, quisuccombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al.1 OJ). Il n'y a enrevanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que les intimés n'ont pas étéinvités à procéder et n'ont en conséquence pas assumé de frais en relationavec la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 1 et 2 OJ;Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisationjudiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 6 octobre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.203/2006
Date de la décision : 06/10/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-06;5p.203.2006 ?
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