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05/10/2006 | SUISSE | N°I.582/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 octobre 2006, I.582/05


Cause {T 7}I 582/05 Arrêt du 5 octobre 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Berthoud Y.________, recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH,place du Grand-Saint-Jean 1, 1003Lausanne, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 17 février 2005) Faits: A.A.a Y.________, née en 1966, est arrivée en Suisse en 1988. Mariée et mère detrois enfants, elle a travaillé en qualité d'employée

de ménage etd'aide-couturière jusqu'au 31octobre 1999. Souffran...

Cause {T 7}I 582/05 Arrêt du 5 octobre 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Berthoud Y.________, recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH,place du Grand-Saint-Jean 1, 1003Lausanne, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 17 février 2005) Faits: A.A.a Y.________, née en 1966, est arrivée en Suisse en 1988. Mariée et mère detrois enfants, elle a travaillé en qualité d'employée de ménage etd'aide-couturière jusqu'au 31octobre 1999. Souffrant d'atteintesrhumatismales depuis 1992, elle s'est annoncée à l'assurance-invalidité le1ermai 2000. Dans un rapport du 12octobre 2000, le docteur M.________, spécialiste enmédecine interne et maladies respiratoires, médecin traitant, a posé lediagnostic de «fibromyalgie versus syndrome somatoforme douloureux» depuisle mois de novembre 1997 et attesté une incapacité totale de travail àcompter du 19avril 1999. A son rapport, il a annexé quatre autres avismédicaux relatifs à des examens spécialisés auxquels sa patiente s'étaitsoumise. Il en ressort ce qui suit: Le docteur C.________, du Département universitaire de X.________, dans unrapport du 30 avril 1999, a relevé que l'assurée présentait un facièsdépressif, qu'elle se plaignait de diverses douleurs depuis trois ans et quede nombreux traitements avaient été tentés. Ce médecin indiquait qu'untraitement antidépresseur de type Saroten Retard serait bénéfique tant sur lathymie de l'assurée que sur ses douleurs. De son côté, le docteur L.________, du Département Hospitalisation etInvestigations de l'Hôpital X.________, a rapporté le 25 mai 1999 quel'assurée souffrait depuis environ quatre ans de dorso-lombalgies chroniquessans facteur déclenchant, exacerbées à l'effort; il a précisé que l'examen del'appareil locomoteur n'avait pas révélé de limitation fonctionnelle et qu'iln'y avait pas de syndrome inflammatoire. Le docteur L.________ a relevé quela patiente avait eu un entretien avec la doctoresse Z.________, du servicede psychiatrie de liaison; cette dernière avait constaté des troublesthymiques, retenu le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme chroniqueet proposé un traitement antidépresseur de type Saroten Retard, dès lors quede très nombreux antidépresseurs avaient déjà été essayés. Dans un rapport du 16mars 1999, le docteur R.________, spécialiste enmédecine interne et maladies rhumatismales, a fait état d'un tableau depolyalgies; l'évolution était défavorable avec un état douloureux chroniquetouchant pratiquement toutes les parties du corps. La physiothérapie enpiscine et les massages subaquatiques n'avaient pas entraîné de changement.Ce médecin a précisé qu'il n'avait pas trouvé de signes inflammatoires etqu'il n'y avait pas d'argument pour évoquer une maladie rhumatismalesous-jacente, les mobilités étant conservées. Il a noté que l'assurée avaitl'air abattue pendant tout l'examen. Selon le docteur R.________, on setrouvait en présence d'un trouble somatoforme douloureux chronique etl'administration d'un antidépresseur lui paraissait être le meilleur moyenpour aider sa patiente. Quant à la doctoresse B.________, spécialiste en médecine interne etrhumatologie, elle avait diagnostiqué, le 25mars 1997, descervico-dorsalgies sur importante dysbalance musculaire et scoliose dorsalehaute dextro-convexe. A.b Le 1ermai 2001, les docteurs V.________ et P.________, médecins àl'Hôpital A.________, ont estimé qu'on pouvait exiger de l'assurée qu'elle sesoumît à un traitement médical destiné à permettre une améliorationsignificative de sa capacité de travail. A leur avis, il n'y avait pas decomorbidité psychiatrique ou somatique au syndrome somatoforme douloureux,lequel découlait directement des problèmes d'adaptation de l'assurée enSuisse, de sorte que ce syndrome n'était pas invalidant. Après que l'Officede l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) eut informél'assurée qu'il envisageait de rejeter la demande (cf. projet de décision du30mai 2001), le docteur M.________ a demandé à l'AI de reconsidérer saposition, car sa patiente était entièrement incapable de travailler depuisquatre ans et toutes les possibilités thérapeutiques avaient été épuisées. Par décision du 8août 2001, l'office AI a rejeté la demande de prestations,au motif que l'assurée ne présentait pas d'atteinte à la santé invalidante ausens de la loi et qu'aucun élément objectif n'indiquait que sa capacité degain fût limitée. B.Y.________ a recouru contre cette décision en concluant au versement d'unerente entière d'invalidité. Elle a requis, à titre préalable, la mise enoeuvre d'une expertise psychiatrique. Le 11 janvier 2002, le docteur M.________ a transmis à l'office AI uneécriture de l'association Appartenances. Dans ce document, daté du18décembre 2001, la doctoresse D.________ et la psychologue S.________relevaient la présence d'un état dépressif sévère sans symptômespsychotiques. Par lettre du 23janvier 2003, les prénommées ont préciséqu'elles suivaient l'assurée depuis le 30novembre 2001. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud a désigné le docteur K.________,spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, en qualité d'expert. Celui-ci adéposé son rapport du 21septembre 2004. Il ressort de l'anamnèse quel'assurée a séjourné entre-temps à l'Hôpital psychiatrique de E.________, du3 au 12décembre 2003, en raison d'une exacerbation d'un épisode dépressif; àcette occasion, les psychiatres O.________ et I.________ avaient signalé quela patiente souffrait depuis plusieurs années d'un état dépressif avecsyndrome somatique, avec péjoration dans le cadre d'événements familiauxstressants. Selon l'expert, l'assurée présente un épisode dépressif sévèresans symptômes psychotiques (F32.2) ainsi qu'un syndrome douloureuxsomatoforme persistant (F45.4); à son avis, sa capacité de travail est nulledans son ancienne activité d'employée de maison comme dans toute autreactivité, cela depuis le mois d'avril 1999. L'office AI a conclu au rejet du recours. Il s'est fondé sur une prise deposition des docteurs P.________, L.________ et V.________, médecins àl'Hôpital A.________, du 16 décembre 2004, qui estimaient que l'assurée neprésentait pas de troubles thymiques entre 1999 et fin 2001. Par jugement du 17février 2005, la juridiction cantonale a rejeté lerecours. C.Y.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dontelle demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant au versementd'une rente entière à compter du 1eravril 2000. L'intimé conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral desassurances sociales a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Selon l'art.132 al.1 OJ dans sa version selon le ch.III de la loi fédéraledu 16décembre 2005 portant modification de la LAI (en vigueur depuis le 1erjuillet 2006), dans une procédure concernant l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances peut aussiexaminer l'inopportunité de la décision attaquée et n'est pas lié par laconstatation de l'état de fait de l'autorité cantonale de recours. En vertude l'art.132 al.2 OJ, ces dérogations ne sont cependant pas applicableslorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne les prestations del'assurance-invalidité. Selon le ch.II let.c de la loi fédérale du16décembre 2005, l'ancien droit s'applique aux recours pendants devant leTribunal fédéral des assurances au moment de l'entrée en vigueur de lamodification. Dès lors que le recours qui est soumis au Tribunal fédéral desassurances était pendant devant lui au 1er juillet 2006, son pouvoir d'examenrésulte de l'ancien art.132 OJ, dont la teneur correspond à celle du nouvelal.1. 2.Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques,entraîner une invalidité au sens de l'art.4 al.1 LAI en liaison avecl'art.8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychiquemaladif, donc pas comme des affections à prendre en charge parl'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assurépourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui estexigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF102V165; VSI2001 p.224 consid.2b et les références; cf. aussi ATF127V298 consid.4c in fine). La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique, soitaussi de troubles somatoformes douloureux persistants, suppose d'abord laprésence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant legeartis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130V398ss consid.5.3 et consid. 6). Comme pour toutes les autres atteintes à lasanté psychique, le diagnostic de troubles somatoformes douloureuxpersistants ne constitue pas encore une base suffisante pour conclure à uneinvalidité. Au contraire, il existe une présomption que les troublessomatoformes douloureux ou leurs effets peuvent être surmontés par un effortde volonté raisonnablement exigible. Le caractère non exigible de laréintégration dans le processus de travail peut résulter de facteursdéterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la personneincapable de fournir cet effort de volonté. Dans un tel cas, en effet,l'assuré ne dispose pas des ressources nécessaires pour vaincre ses douleurs.La question de savoir si ces circonstances exceptionnelles sont réunies doitêtre tranchée de cas en cas à la lumière de différents critères. Au premierplan figure la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sagravité, son acuité et sa durée. D'autres critères peuvent être déterminants.Ce sera le cas des affections corporelles chroniques, d'un processus maladifs'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologieinchangée ou progressive), d'une perte d'intégration sociale dans toutes lesmanifestations de la vie, d'un état psychique cristallisé, sans évolutionpossible au plan thérapeutique, résultant d'un processus défectueux derésolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vuepsychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie), del'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles del'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitudecoopérative de la personne assurée (ATF 130V352). Plus ces critères semanifestent et imprègnent les constatations médicales, moins on admettral'exigibilité d'un effort de volonté (Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff derArbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, in: Schmerzund Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p.77). Si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'uneexagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, enrègle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à desprestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent ladiscordance entre les douleurs décrites et le comportement observé,l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues,l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informationsfournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que desplaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi quel'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact(voir Kopp/Willi/Klipstein, Im Graubereich zwischen Körper, Psyche undsozialen Schwierigkeiten, in: Schweizerische Medizinische Wochenschrift 1997,p.1434, avec référence à une étude approfondie de Winckler et Foerster; voirsur l'ensemble du sujet ATF131 V 49).Au sujet du critère de la comorbidité psychiatrique, on rappellera que lesétats dépressifs (pris en tant que comorbidité psychiatrique) constituentgénéralement des manifestations (réactives) d'accompagnement des troublessomatoformes douloureux, de sorte qu'ils ne sauraient faire l'objet d'undiagnostic séparé (ATF 130 V 358 consid.3.3.1 in fine; Meyer-Blaser, op.cit., p.81, note 135), sauf à présenter les caractères de sévéritésusceptibles de les distinguer sans conteste d'un tel trouble (arrêt D. du20avril 2006, I805/04, consid.5.2.1; voir également Fauchère, A propos del'article de Jean Pirrotta «Les troubles somatoformes douloureux du point devue de l'assurance-invalidité», in SZS/RSAS 2006 p. 135). 3.3.1Dans son rapport du 21septembre 2004, le docteur K.________ atteste quela recourante a présenté, lors de ses examens, les critères diagnostics d'unépisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F32.2) et ceux d'unsyndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4). En ce qui concerne letrouble dépressif, l'expert précise qu'un diagnostic de «trouble dépressifrécurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2)»pourrait être pris en considération, comme les médecins de E.________, comptetenu de l'existence de récidives dépressives. Il ajoute qu'il n'a toutefoispas pu mettre en évidence de manière plausible des périodes de rémission, quece soit à travers les indications fournies par l'intéressée ou des tiers, cequi le conduit à retenir un épisode unique, persistant depuis de nombreusesannées. Quant au syndrome douloureux somatoforme, l'expert est d'avis qu'il sembleavoir clairement anticipé l'apparition clinique d'un état dépressif. Ilprécise qu'il est néanmoins possible, voire fortement probable, que lesyndrome douloureux se soit greffé dès le départ sur un état dépressifd'abord larvé, puis léger, avant de décompenser sur un mode sévère. L'expertajoute que d'autres diagnostics pourraient le cas échéant être pris encompte, singulièrement un trouble de la personnalité, mais qu'ils ne peuventpas être diagnostiqués actuellement en raison de l'état dépressif sévèreexistant depuis plusieurs années. Le docteur K.________ observe qu'un diagnostic de trouble dépressif n'a pasété retenu à la suite de la consultation psychiatrique du mois d'avril 1999,malgré plusieurs éléments allant dans ce sens. Cependant, il constate que lemédecin traitant a pris la situation en mains de manière pertinente, en ayantrecours à différents spécialistes. C'est ainsi qu'ont été entrepris diverstraitements psychothérapeutiques et médicamenteux contre les douleurs et ladépression, toutefois sans succès. L'expert relève que des antidépresseurstels que la Fluctine, le Sarotène, le Nefadar, le Deroxat, l'Efexor, leSinquan et le Citalopram ont été appliqués, sans même qu'un diagnostic dedépression n'ait été formellement posé. Il en déduit que le nombre demédicaments antidépresseurs administrés est significatif aussi bien pourl'intensité de la souffrance exprimée par la recourante, que pour le manqued'efficacité de ce type de traitement. L'expert ajoute que la consultationauprès de l'association Appartenances a mis en évidence, à fin 2001, dessymptômes dépressifs classiques, dont la formulation correspond aux critèresdiagnostics de la CIM-10. L'expert judiciaire
atteste enfin que la recourante évolue dans un milieuglobalement dépassé sur le plan affectif et que tous les membres de safamille ont bénéficié (ou bénéficient encore) de soins d'ordre psychiatrique.Elle-même présente des traits de personnalité dépendants et passifs et sesressources sont limitées. 3.2 Comme l'un des deux diagnostics retenus porte sur un syndrome douloureuxsomatoforme persistant, le docteur K.________ a examiné, en réponse à desquestions précises à ce propos, la question de l'exigibilité de la reprised'une activité lucrative au regard des critères rappelés au consid.2ci-avant. En premier lieu, l'expert judiciaire constate la présence d'une comorbiditépsychiatrique sous la forme d'un trouble dépressif. Bien que ce trouble n'aitété diagnostiqué formellement qu'à la suite de la prise en charge de larecourante par l'association Appartenances, à fin 2001, l'expert estime qu'ila probablement précédé l'apparition du syndrome somatoforme. Le docteurK.________ constate que plusieurs indices se sont accumulés depuis 1999, telsqu'un air abattu, des troubles du sommeil, des maux de tête, un facièsdépressif, un trouble thymique avec difficulté à verbaliser sa tristesse, unmanque d'élan vital, de la fatigue et de la faiblesse. L'expert K.________ observe ensuite que la perte d'intégration sociale estmanifeste depuis avril 1999; à son avis, il s'agit-là d'une intégrationmorbide, dès lors qu'on est en présence d'un réseau social baséessentiellement sur la solidarité et le soutien qui est fourni à larecourante ainsi qu'à sa famille. Il indique aussi que la recourante ne tirepas profit de la maladie, si ce n'est qu'elle se trouve être déchargée deresponsabilités familiales. Par ailleurs, le docteur K.________ atteste quela maladie de la recourante est sans aucun doute chronique, sans rémissiondurable, les symptômes étant stables et la situation n'ayant pratiquement pasévolué depuis cinq ans. Enfin, il estime qu'il faut plutôt parler del'absence de traitement approprié plutôt que d'un cas d'échec de traitementsconformes aux règles de l'art, dès lors que l'administrationd'antidépresseurs constitue tout au plus le traitement le moins mauvais ou lemeilleur possible. 3.3 En ce qui concerne la capacité de travail de la recourante, l'expertjudiciaire considère qu'elle est nulle dans l'ancienne activité d'employée demaison comme dans toute autre occupation. A son avis, il n'est pas non pluspossible d'envisager une activité adaptée, car la recourante ne dispose quede ressources intellectuelles limitées. Il ajoute que l'incapacité totale detravailler n'est pas due au contexte psycho-social indéniablement difficiledans lequel la recourante évolue, mais uniquement à l'état dépressif sévèreet au syndrome douloureux somatoforme persistant dont elle souffre. Pour fixer le début de l'incapacité de travail, l'expert tient compte d'unedétérioration progressive des symptômes depuis 1995 au moins avec uneévolution défavorable qui s'explique par les faibles ressourcespsycho-affectives de l'intéressée. Une incapacité de travail complète luiparaît extrêmement vraisemblable à partir du mois d'avril 1999 et ne s'estpas modifiée depuis lors. 4.4.1Les premiers juges n'ont pas suivi les conclusions de l'expert judiciaire.En se fondant sur le dossier médical, ils ont admis que l'état dépressif dela recourante n'était que latent en avril 1999, car aucun trouble d'ordredépressif significatif n'avait été diagnostiqué avant que la doctoresseD.________ n'en fît état dans son rapport du 18décembre 2001, que ce soitpar le docteur M.________ (rapport du 12octobre 2000) ou par lesspécialistes du Département universitaire de X.________ (rapport du 30avril1999). Dès lors, la juridiction de recours a admis que le trouble dépressifne constituait pas une comorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une duréeimportante permettant de reconnaître un caractère invalidant au syndromedouloureux. 4.2 La recourante reproche principalement aux premiers juges de s'êtredistancés de l'avis de l'expert qu'ils avaient mandaté.En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusionsd'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisémentde mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin del'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon lajurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertisejudiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'unesurexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manièreconvaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinionscontraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductionsde l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergentedes conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instructioncomplémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF125V352consid.3b/aa et les références).En l'espèce, les conclusions de l'expert sont claires et motivées. Ellesconcordent avec ses propres observations qui se recoupent avec les donnéesconsignées antérieurement au dossier médical. Le rapport d'expertise du21septembre 2004 n'apparaît pas contradictoire avec les conclusions desdocteurs M.________, C.________, L.________ ou R.________, même si cesderniers n'avaient pas mentionné expressément de trouble dépressif dans leursdiagnostics, mais uniquement un syndrome douloureux. A cet égard, l'expert aexpliqué de façon convaincante que ses confrères avaient constaté la présencede symptômes d'un état dépressif et que les médicaments qu'ils avaientadministrés se rapportaient précisément au traitement de cette affection. Dans leurs déterminations sur le rapport d'expertise, les médecins del'Hôpital A.________ ont indiqué que le degré de gravité de l'état dépressifprésenté par l'assurée avait été «un peu surestimé». Ils ne font endéfinitive qu'exprimer un avis différent de celui de l'expert, sans toutefoisfaire état de circonstances bien établies qui viendraient ébranlersérieusement la crédibilité des conclusions de l'expert. On note d'ailleursque les médecins de l'Hôpital A.________ ne paraissent pas tenir compte destraitements psychothérapeutiques et médicamenteux qui avaient été dispensés àla recourante depuis 1999 au moins. Par ailleurs, en l'absence d'autres symptômes de lignée thymique, lesmédecins de l'Hôpital A.________ estiment qu'on ne peut pas «forcer lediagnostic» vers un état dépressif déjà en 1999, ce qui les conduit àexclure la présence d'un trouble dépressif antérieurement à la fin de l'année2001. Implicitement ils retiennent que l'état de santé psychique de larecourante a dû s'aggraver au cours de ces trois années-là. On ne sauraitpartager ce point de vue, car une telle péjoration n'est non seulement pasétablie, mais elle paraît peu vraisemblable au regard des avis médicauxversés au dossier. Il s'ensuit que les médecins de l'Hôpital A.________ et les premiers jugesn'ont pas émis d'opinions aptes à mettre sérieusement en doute la pertinencedes déductions de l'expert judiciaire ou à justifier la mise en oeuvre d'unesurexpertise. 5.5.1La recourante souffre d'un épisode dépressif sévère (rapport du21septembre 2004, p.12). Il importe donc peu de savoir si cette affectionpsychique était larvée ou n'est survenue que par décompensation à la suite dutrouble somatoforme, car l'état dépressif, compte tenu de son importance etde son caractère durable, constitue ici une comorbidité psychiatrique. Dans le présent cas, l'incapacité de travail de la recourante est due aussibien au trouble dépressif qu'au syndrome douloureux psychogène, le premierconstituant à l'égard du second, selon l'expert (rapport, p.15 en bas), unecomorbidité psychiatrique manifeste d'une acuité et d'une durée importantes.Pour le surplus, l'expert s'est expliqué en détail sur chacun des critèresretenus par la jurisprudence, dont trois d'entre eux paraissent clairementréalisés. Le docteur K.________ atteste en effet que la perte d'intégrationsociale est manifeste depuis avril 1999, même s'il existe toujours un réseausocial autour de l'expertisée; à son avis, il s'agit-là d'une intégrationmorbide, dès lors qu'on se trouve en présence d'un réseau social baséessentiellement sur la solidarité et le soutien qui est fourni à larecourante ainsi qu'à sa famille. Quant à l'état psychique, il est assurémentcristallisé, indique l'expert (p.16), car la maladie dont souffre larecourante est chronique et sans rémission durable, les symptômes étantstables et la situation n'ayant pratiquement pas évolué depuis cinq ans.Enfin les traitements administrés contre la douleur n'ont pas eu d'effetssignificatifs. Dans ces conditions, on doit admettre que le troublesomatoforme se manifeste avec une sévérité telle que, d'un point de vueobjectif, la mise en valeur de la capacité de travail de la recourante nepeut plus être exigée d'elle. L'expert explique que l'incapacité totale de travailler est survenue au coursdu mois d'avril 1999, confirmant à cet égard l'appréciation du médecintraitant. Sur ce point également, il n'y a pas de raison de s'écarter del'expertise. 5.2 Les conclusions de la recourante sont dès lors bien fondées et il y alieu de la mettre au bénéfice d'une rente entière d'invalidité. Cetteprestation est due à compter du 1eravril 2000 (art.29 LAI). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du canton deVaud du 17février 2005 ainsi que la décision de l'Office del'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 8août 2001 sont annulés, lacause étant renvoyée audit office afin qu'il statue à nouveau sur le droit àla rente conformément aux considérants. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.L'intimé versera à la recourante la somme de 2'000fr. (y compris la taxe surla valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale. 4.Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour laprocédure de recours de première instance, au regard de l'issue du procès dedernière instance. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 5 octobre 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.582/05
Date de la décision : 05/10/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-05;i.582.05 ?
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