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05/10/2006 | SUISSE | N°1P.368/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 octobre 2006, 1P.368/2006


{T 0/2}1P.368/2006 /svc Arrêt du 5 octobre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. X. ________,Y.________,recourants, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108,1211 Genève 3. ordonnance de classement, recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation ducanton de Genève du3 mai 2006. Faits: A.Par ordonnance du 3 mai 2006, la Chambre d'accusation de la Cour de justicedu canton de Genève a

rejeté le recours formé par X.________ et Y.________contre u...

{T 0/2}1P.368/2006 /svc Arrêt du 5 octobre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. X. ________,Y.________,recourants, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108,1211 Genève 3. ordonnance de classement, recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation ducanton de Genève du3 mai 2006. Faits: A.Par ordonnance du 3 mai 2006, la Chambre d'accusation de la Cour de justicedu canton de Genève a rejeté le recours formé par X.________ et Y.________contre une décision du Procureur général du 14 mars 2006, par laquelle cemagistrat avait classé la procédure ouverte suite au décès, le 22 mars 2005 àGenève, de Z.________, fils des recourants, alors âgé de 20 ans. B.Cette ordonnance retient, en résumé, ce qui suit. B.a Selon un rapport de police du 19 avril 2005, Z.________ avaitcertainement sauté, vers 1 h 30, de la fenêtre du 6ème étage de la banqueA.________, où il travaillait. Nonobstant une fouille complète des lieux,avec un chien policier, aucun individu n'avait été trouvé dans le bâtiment.Interrogés, les agents de sécurité R.________ et S.________, avaient déclaréqu'à minuit, seul Z.________ se trouvait dans l'établissement, plusprécisément dans la salle de conférence du 6ème étage, dans l'obscurité prèsd'une fenêtre ouverte; il avait expliqué qu'il préparait un exposé pour lelendemain et se mettait "en condition". Le rapport relevait par ailleurs quela mère et une collègue de travail du défunt avaient déclaré que ce dernierleur avait confié avoir subi des attouchements à caractère sexuel de la partd'un chef des "account officers", au terme d'une sortie d'entreprise ennovembre 2004. B.b Dans un rapport complémentaire du 26 avril 2005, la police a précisé que,le soir de sa mort, Z.________ avait laissé à son supérieur hiérarchique unrapport détaillé, dans lequel il exposait ce qu'il avait fait et ce quirestait à faire au sujet des comptes bancaires et financiers dont il avait lagestion. Interrogé à ce propos la nuit en question, le Directeur général dela banque A.________, T.________, avait déclaré qu'un compte rendu d'activitén'était pas habituel, sauf avant une absence de longue durée. B.c Le 21 juin 2005, X.________ et Y.________ ont déposé plainte pénalecontre inconnu, pour meurtre et infraction à l'art. 198 al. 2 CP. En bref,ils estimaient que les investigations menées étaient insuffisantes etn'excluaient pas la commission des infractions dénoncées, notamment d'unmeurtre. B.d Suite à des interrogations formulées dans la plainte, un nouveau rapportde police a été établi le 3 mars 2006. Ce rapport - résumé sous lettre e despages 3 et 4 de la décision attaquée - précisait, notamment, ce qui suit: - bien que situées dans le même immeuble, les banques A.________ etB.________ sont des entités séparées, dont les employés n'ont accès, au moyende badges, qu'à leurs locaux respectifs; - à la date du décès de Z.________, seuls avaient été utilisés les badges del'entreprise de nettoyage, qui termine son travail à 20 h, et ceux des agentsde sécurité, présents entre 17 h et 6 h; - collègue et ami du défunt, U.________ avait expliqué que ce dernier luiavait confié, en décembre 2004, avoir des problèmes avec sa famille et avoirpar ailleurs été l'objet de harcèlement sexuel de la part d'un cadresupérieur de la banque; Z.________ lui avait aussi indiqué avoir tenté de sesuicider; ultérieurement, il lui avait dit que ses médicaments - semble-t-ilcontre la dépression - n'agissaient pas sur lui et qu'il avait dû les changerplusieurs fois; - un autre collègue du défunt, V.________, avait déclaré que tous deuxfaisaient du fitness ensemble; de certaines conversations, il avait déduitque Z.________ avait des tendances suicidaires et qu'il avait fait destentatives de suicide; celui-ci n'avait en revanche pas évoqué un éventuelharcèlement sexuel; - s'agissant du point de chute du corps, au milieu de la rue, il étaitcompatible avec la configuration de l'immeuble, qui comporte deux marquises:l'une, d'environ un mètre, au 6ème étage, et l'autre, beaucoup plus large, auniveau du 1er étage; - le rapport d'autopsie révélait que le corps de Z.________ présentait descicatrices anciennes à l'épaule gauche, évocatrices d'une automutilation. B.e En substance, la Chambre d'accusation a estimé que la préventiond'infraction à l'art. 198 al. 2 CP n'apparaissait pas suffisamment établie etqu'il n'existait aucun élément tangible conduisant à admettre qu'un tiersserait directement impliqué dans le décès de Z.________, les indicesrecueillis accréditant bien plutôt la thèse d'un suicide. C.X.________ et Y.________ recourent au Tribunal fédéral, pour violation del'art. 9 Cst. Ils concluent à l'annulation de la décision attaquée et à ceque le Procureur général soit invité à requérir la réouverture del'instruction afin de procéder aux actes d'instruction qu'ils mentionnent àla page 11 de leur recours. L'autorité cantonale se réfère à sa décision. Le Procureur général conclut aurejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le pourvoi en nullité est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 269al. 1 PPF), à l'exception des droits constitutionnels, dont la violation doitêtre invoquée dans un recours de droit public (art. 269 al. 2 PPF; art. 84al. 1 let. a OJ). Les recourants se plaignent exclusivement d'une violation de l'art. 9Cst., àraison d'arbitraire dans l'établissement des faits. Nonobstant leur référenceaux règles régissant le pourvoi en nullité, le présent recours, qu'ilsforment personnellement, doit dès lors être traité comme un recours de droitpublic. 2.Il convient d'examiner en premier lieu dans quelle mesure les recourants ontqualité pour former un recours de droit public. 2.1 Au vu de l'unique grief soulevé dans le recours, pris de l'arbitrairedans l'établissement des faits, les recourants ne sont pas habilités à formerun recours de droit public sur la base de l'art. 88 OJ (ATF 131I455 consid.1.2.1 p. 458/459; 129 II 297 consid. 2.3 p. 301; 128I218 consid. 1.1 p.219/220). En tant que mère et père de la victime, ils peuvent toutefois, envertu de l'art. 2 al. 2 de la loi fédérale sur l'aide aux victimesd'infractions (LAVI; RS 312.5), fonder leur qualité pour recourir sur l'art.8 al. 1 let. c de cette loi, aux conditions prévues par cette disposition. 2.2 L'art. 8 al. 1 let. c LAVI suppose que la victime - ou la personne qui yest assimilée par l'art. 2 al. 2 LAVI - ait déjà été partie à la procédurecantonale et que la décision attaquée touche ses prétentions civiles oupuisse avoir des effets sur le jugement de celles-ci (ATF 131 I 455 consid.1.1.1 p. 459; 128 I 218 consid. 1.1 p. 220). Cette dernière conditionimplique que la victime, respectivement la personne qui y est assimilée, aitpris des conclusions civiles sur le fond dans le cadre de la procédurepénale, pour autant que cela pouvait raisonnablement être exigé d'elle (ATF127 IV 185 consid. 1a p. 187 et les arrêts cités). A ce défaut, elle doitindiquer quelles conclusions civiles elle entendrait faire valoir et exposeren quoi la décision attaquée pourrait avoir une incidence négative sur lejugement de celles-ci. Il est toutefois renoncé à cette exigence lorsque,compte tenu notamment de la nature de l'infraction, on peut discernerd'emblée et sans ambiguïté, quelles prétentions civiles elle pourrait éleveret en quoi la décision attaquée est susceptible de les influencernégativement (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et les arrêts cités). 2.3 Les recourants ont manifestement participé à la procédure cantonale. Ilsne peuvent se voir reprocher de n'avoir pas pris de conclusions civiles,puisque la procédure n'a pas été menée jusqu'à un stade qui aurait permis dele faire. Ils n'indiquent cependant pas quelles conclusion civiles ilsentendraient faire valoir et en quoi la décision attaquée pourrait avoir uneincidence négative sur le jugement de celles-ci. Cette omission ne sauraittoutefois entraîner l'irrecevabilité du recours en ce qui concerne lemeurtre; en effet, au vu de l'importance des souffrances qu'une telleinfraction entraîne pour les père et mère de la victime, les prétentionsciviles, notamment en réparation du tort moral, que pourraient faire valoirles recourants de ce chef sont d'emblée évidentes et l'on discerne tout aussiclairement en quoi le classement prononcé est susceptible d'influencernégativement le jugement de celles-ci. Tel n'est en revanche pas le cas pourl'infraction à l'art. 198 al. 2 CP, également dénoncée par les recourants; àsupposer que l'art. 49 CO puisse fonder un droit à une indemnité pour lesproches de la victime d'une telle infraction, encore faudrait-il, pour qu'uneindemnité puisse être envisagée, que cette infraction ait entraîné pour lesrecourants des souffrances d'une importance comparable à celles pouvantrésulter d'un décès (cf. arrêt 6P.30/2005, du 3 juin 2005, consid. 3 et lesréférences citées); or, cela n'est certes pas évident.Il en découle que les recourants ont qualité pour recourir contre leclassement en tant qu'il porte sur le meurtre, mais non en tant qu'il portesur l'infraction réprimée par l'art. 198 al. 2 CP. Le grief qu'ils font àl'autorité cantonale d'avoir considéré cette dernière infraction commeinsuffisamment établie ensuite d'une appréciation arbitraire des preuves estpar conséquent irrecevable. 3.Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droitpublic n'a qu'un effet cassatoire et ne peut donc conduire qu'à l'annulationde la décision attaquée (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p.131/132, 173 consid.1.5 p. 176; 128 III 50 consid. 1b p. 53 et les arrêts cités). La conclusiondes recourants tendant à ce que le Tribunal fédéral renvoie la cause àl'autorité cantonale avec l'injonction de reprendre la procédure etd'ordonner les actes d'instruction complémentaires qu'ils demandent est doncirrecevable. 4.Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral ne peut entrer enmatière que sur les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisammentmotivés dans le recours (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid.1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189). Souspeine d'irrecevabilité, le recourant doit donc non seulement indiquer quelsdroits constitutionnels auraient été violés, mais démontrer en quoi consistecette violation. 5.Les recourants se plaignent d'arbitraire dans l'établissement des faits, aumotif que certaines investigations s'imposaient avant d'exclure lapossibilité d'un meurtre. 5.1 Selon la jurisprudence, il ne suffit pas, pour qu'il y ait arbitraire,que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il fautqu'elle soit manifestement insoutenable, et cela non seulement dans samotivation mais dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p.9, 173 consid.3.1 p. 178). 5.2 Les recourants reprochent d'abord à l'autorité cantonale de n'avoir pasordonné une expertise ou une reconstitution avec un mannequin aux fins devérifier si le point de chute du corps - au milieu de la chaussée longeantl'immeuble, et non sur le trottoir au bas de ce dernier - est compatible avecun suicide.Compte tenu de la configuration du bâtiment, qui comporte deux marquises,l'une, d'environ 1 mètre de large, à la hauteur du 6èmeétage, et l'autre,beaucoup plus large, au niveau du 1er étage, le point de chute du corps nevient pas contredire l'hypothèse du suicide, avec laquelle il n'est pasincompatible; en raison de la présence et de la largeur de ces deux auvents,il apparaît au contraire logique que le corps ait chuté, non pas sur letrottoir au bas de l'immeuble, mais vers le milieu de la chaussée qui lelonge. Il n'était en tout cas pas manifestement insoutenable de l'admettre etde ne pas voir dans le point de chute un élément propre à exclure un suicide.Subséquemment, il n'était pas arbitraire de ne pas ordonner de plus amplesinvestigations à raison de l'élément litigieux. 5.3 Les recourants se plaignent ensuite de l'absence de vérifications quantaux déplacements de l'agent de sécurité dans l'immeuble entre 24 h et 2 h 30et de l'absence d'analyses du contenu éventuel des caméras de surveillanceextérieures dont seraient pourvus plusieurs immeubles de la rue où se trouvela banque. Sous chiffre 4.2 de la page 6, la décision attaquée mentionne lesdéplacements de l'agent de sécurité durant le laps de temps considéré, en sefondant sur les déclarations de celui-ci et en observant que rien ne permetde les mettre en doute. Les recourants ne démontrent pas ni même ne disent enquoi il était arbitraire de se fonder sur ces déclarations; en particulier,ils n'avancent aucun argument ou élément de nature à faire douter de leurcrédibilité. Qu'il était arbitraire de ne pas les vérifier n'est dès lors pasétabli conformément aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ(cf. supra, consid. 4). Rien dans la décision attaquée n'indique que les recourants, quin'établissent pas le contraire, se seraient plaints en instance cantonale del'absence d'analyses du contenu éventuel de caméras de surveillanceextérieures. L'argument est donc nouveau et, partant, irrecevable, fauted'épuisement des instances cantonales (cf. art. 86 al. 1 OJ). 5.4 Alléguant que le visage du défunt présentait des blessures au sujetdesquelles le médecin ayant pratiqué l'autopsie ne se serait pas expliqué,alors même qu'ils l'avaient interrogé sur ce point, les recourantssoutiennent qu'elles n'ont pu être occasionnées par la chute du corps surl'asphalte et ne permettent pas d'exclure l'intervention d'un tiers dans ledécès.La décision attaquée constate que le rapport d'autopsie, qui ne faitnullement mention de telles blessures, est systématique et détaillé et que nison sérieux ni sa crédibilité n'ont été contestés. Les recourantsn'établissent aucunement le contraire, se bornant à opposer à cesconstatations leurs propres allégations, sans démonstration à l'appui. Ils'ensuit l'irrecevabilité du grief au regard des exigences de motivation del'art. 90 al. 1 let. b OJ. 6.L'unique grief soulevé, donc le recours de droit public, doit ainsi êtrerejeté dans la mesure où il est recevable. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais, conjointement (art.156 al. 1et 7 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis conjointement à la charge desrecourants. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourants, au Procureur généralet à la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 5 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.368/2006
Date de la décision : 05/10/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-05;1p.368.2006 ?
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