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03/10/2006 | SUISSE | N°4P.130/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 octobre 2006, 4P.130/2006


{T 0/2}4P.130/2006 Arrêt du 3 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffier: M. Thélin. les époux A.________,demandeurs et recourants, représentés par Me Serge Rouvinet, contre X.________ SA,défenderesse et intimée, représentée par Me Alain Bruno Lévy,Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, case postale 3108, 1211Genève 3. procédure civile; appréciation des preuves recours de droit public contre l'arrêt rendu le 7 avril 2006 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.Dès 1986, B.________s

avoirs que les époux A.________ détenaient auprès d'unebanque de ...

{T 0/2}4P.130/2006 Arrêt du 3 octobre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffier: M. Thélin. les époux A.________,demandeurs et recourants, représentés par Me Serge Rouvinet, contre X.________ SA,défenderesse et intimée, représentée par Me Alain Bruno Lévy,Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, case postale 3108, 1211Genève 3. procédure civile; appréciation des preuves recours de droit public contre l'arrêt rendu le 7 avril 2006 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.Dès 1986, B.________s avoirs que les époux A.________ détenaient auprès d'unebanque de Genève. Par la suite, B.________ est entré au service de la sociétéfinancière d'investissements X.________ SA, à Genève, et le 3 janvier 1997,les époux A.________ ont conclu un premier contrat de gestion avec cettesociété. En septembre de cette année, les fonds furent transférés à la banqueY.________; à cette occasion, les clients signèrent de nouveaux documents.X.________ SA était chargée de gérer librement le compte, selon le profild'investissement choisi par ses clients.Des opérations à terme furent entreprises sur le marché des devises dèsseptembre 1998. Il en résulta des pertes, parfois importantes, à partir demars 1999.Le 15 décembre 1999, les clients sollicitèrent de la banque un crédit encompte courant de 300'000 fr., garanti par le nantissement de leurs avoirs.Le crédit était destiné à des opérations à terme ou sur produits dérivés.La valeur du portefeuille s'élevait à 717'346 fr. le 11 décembre 1997, à562'506 fr. le 31 décembre 1998, à 640'193 fr. le 31 décembre 1999, à 589'103fr. le 31 décembre 2000 et à 554'743 fr. le 30 juin 2001. Le portefeuilleétait géré par B.________, qui rencontrait régulièrement les clients,choisissait les opérations à effectuer et donnait les ordres destinés à labanque.En juillet 2001, les clients ont réclamé à X.________ SA le remboursement despertes consécutives à des opérations qui, à leur avis, n'étaient pas prévuespar le contrat de gestion. La société a répondu par une lettre du 2 août 2001où elle affirmait, au contraire, que les opérations concernées s'inscrivaientdans son mandat de gestion. Le 14 du même mois, les clients ont retiré cemandat avec effet immédiat. B.Le 28 mai 2003, agissant conjointement, les époux A.________ ont ouvertaction contre X.________ SA devant le Tribunal de première instance du cantonde Genève. Leur demande tendait au paiement de dommages-intérêts par 385'729fr.50, avec intérêts au taux annuel de 5% dès le 10 septembre 1997.La défenderesse, contestant toute obligation, a conclu au rejet de cettedemande.Statuant par un jugement du 27 mai 2004, le tribunal l'a condamnée à payeraux demandeurs le montant de 228'912 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 juillet2001. Il a jugé que les opérations à terme, sur le marché des devises,n'étaient pas couvertes par le mandat de gestion conféré par écrit. Lesdemandeurs n'avaient pas non plus autorisé ces opérations de manière tacite.Ils étaient dépourvus de connaissances et d'expérience en matière financièreet la défenderesse ne les avait pas informés des risques inhérents auxopérations à terme; par conséquent, le consentement qui pouvaitéventuellement être déduit de certains indices n'était pas éclairé et il nepouvait donc pas leur être opposé. Dans ces conditions, la défenderesse avaitmal exécuté le mandat de gestion et les pertes consécutives aux opérations àterme constituaient un dommage dont elle devait réparation. C.La défenderesse a appelé du jugement afin d'obtenir le rejet de la demande.La Cour de justice s'est prononcée par un premier arrêt le 17décembre 2004;elle a donné gain de cause à cette partie. Elle a confirmé que le mandatconféré par écrit n'incluait pas l'exécution d'opérations à terme. Par lasuite, toutefois, les demandeurs avaient été régulièrement informés desopérations effectivement entreprises en leur nom et ils ne s'y étaientaucunement opposés; ils avaient aussi signé des documents destinés à labanque, tels que la demande d'un crédit garanti par le portefeuille, où lesopérations à terme étaient expressément envisagées. Interprété selon leprincipe de la confiance, ce comportement dénotait leur consentement auxditesopérations. Le gestionnaire employé par la défenderesse avait régulièrementrencontré les demandeurs pour leur présenter et leur expliquer les résultatsde sa gestion; ses explications avaient nécessairement porté, notamment, surles risques particuliers que les demandeurs encouraient dans les opérationsen cause. Le mandat avait donc été correctement accompli, de sorte que lerésultat défavorable de ces opérations n'était pas imputable à ladéfenderesse.Les demandeurs ont déféré ce prononcé au Tribunal fédéral par la voie durecours en réforme. Par un arrêt rendu le 5 juillet 2005 (arrêt 4C.51/2005),le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours; il a annulé la décisionattaquée et renvoyé la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision. Lesconstatations de fait devaient être complétées conformément à l'art. 64 al. 1OJ. Pour qu'il fût possible d'évaluer si la défenderesse avait satisfait àson devoir de conseil et de mise en garde, d'abord, et, dans l'affirmative,si les demandeurs avaient consenti de façon tacite aux opérations à terme surle marché des devises, il était indispensable de connaître concrètementquelles étaient les informations reçues des demandeurs, quant à leursituation personnelle, et quelles étaient les informations à eux donnéesquant au risque encouru dans ces opérations.La Cour de justice a rendu un nouvel arrêt le 7 avril 2006; elle a confirméson premier prononcé et elle a condamné les demandeurs aux dépens de premièreinstance et d'appel, y compris une indemnité de procédure de 50'000 fr.qu'elle a allouée à la défenderesse. Sur la base d'une nouvelle appréciationdes preuves, elle a constaté que les demandeurs avaient compris ce qu'étaitune opération à terme sur le marché des devises, que leur situationfinancière leur permettait de s'exposer au risque correspondant et que, parleur comportement et en connaissance de ce risque, ils avaient approuvé lagestion de la défenderesse. D.Agissant par la voie du recours de droit public, les demandeurs requièrent leTribunal fédéral d'annuler cette décision. Invoquant l'art. 9 Cst., ils seplaignent d'une appréciation arbitraire des preuves, d'une applicationarbitraire du droit cantonal de procédure et d'une évaluation arbitraire del'indemnité de procédure obtenue par l'adverse partie.Invitée à répondre, la défenderesse conclut au rejet du recours; la Cour dejustice a déposé des observations tendant également au rejet du recours.Les demandeurs ont également saisi le Tribunal fédéral d'un recours enréforme dirigé contre le même prononcé. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Conformément à l'art. 57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur lerecours de droit public. 2.Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être exercé contre unedécision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens(art. 84 al. 1 let. a OJ). En règle générale, la décision attaquée doit avoirmis fin à la procédure antérieure (art. 87 OJ) et n'être susceptible d'aucunautre recours cantonal ou fédéral apte à redresser l'inconstitutionnalité quel'on dénonce (art. 84 al. 2, 86 al. 1 OJ). Ces exigences sont satisfaites enl'espèce, sauf en ce qui concerne l'indemnité de procédure (consid. 3ci-dessous); en particulier, le recours en réforme au Tribunal fédéral n'estpas recevable pour violation des droits constitutionnels (art. 43 al. 1 OJ).L'exigence d'un intérêt actuel, pratique et juridiquement protégé àl'annulation de la décision attaquée (art. 88 OJ) est également satisfaite;les conditions légales concernant la forme et le délai du recours (art. 30,89 et 90 OJ) sont aussi observées.Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que lesgriefs fondés sur les droits constitutionnels, invoqués et motivés de façonsuffisamment détaillée dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let.bOJ; ATF130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1; 128 III 50 consid.1c p. 53). Il statue sur la base des faits constatés dans la décisionattaquée, à moins que le recourant ne démontre que la cour cantonale a retenuou, au contraire, ignoré de manière arbitraire certains faits déterminants(ATF 118 Ia 20 consid. 5a). 3.L'indemnité de procédure, en l'occurrence fixée à 50'000 fr. et considéréecomme excessive par les recourants, est un élément de l'état des dépens quiétait susceptible d'opposition à la Cour de justice selon l'art. 185 al. 1 et2 LPC gen. (arrêt 4P.116/2006 du 6 juillet 2006, consid. 3.1). Cetteopposition n'a pas été exercée; en conséquence, le grief dirigé contrel'indemnité est irrecevable au regard de l'art. 86 al.1OJ. 4.Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elleviole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, oucontredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autoritécantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, encontradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifsobjectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas queles motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-cisoit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plusqu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisseêtre tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 132I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 467 consid. 3.1 p. 473/474; 129 I 8 consid. 2.1p. 9). En ce qui concerne l'appréciation des preuves et la constatation desfaits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas enconsidération, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre àmodifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et saportée, ou encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle en tiredes constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1). Il appartient aurecourant d'établir la réalisation de ces conditions en démontrant, par uneargumentation précise, que la décision incriminée est insoutenable (art. 90al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 185 consid. 1.6; 122 I 70 consid. 1c p. 73). 5.Aux termes de l'art. 309 LPC gen., la Cour de justice confirme ou infirme, entout ou en partie, les jugements dont l'appel a été porté devant elle (al.1); elle statue par de nouvelles dispositions sur les points qu'elle ainfirmés (al. 2). Les recourants soutiennent que ces règles n'autorisent pasla Cour à confirmer son propre arrêt après que celui-ci a été annulé par leTribunal fédéral. Ce grief est inconsistant: en l'occurrence, la Cour arédigé le dispositif du nouvel arrêt de manière à souligner qu'elle parvenaitcette fois encore au rejet de l'action, soit une mesure qui n'excèdenullement son pouvoir de décision. 6.La Cour de justice constate qu'en avril 1999, H.A.________ a prisconnaissance d'un relevé bancaire mentionnant, en première page, une perte de38'974 fr.50 sous la rubrique «opérations à terme», que plusieurs moisaprès, le 15 décembre 1999, il a signé une demande de crédit en comptecourant destiné à des opérations à terme ou sur produits dérivés, que cettedemande comportait une déclaration selon laquelle l'auteur connaissait lescaractéristiques et les risques des contrats à terme sur devises et, enfin,que cette déclaration avait pour but de constituer une preuve écrite de cetteconnaissance. En considération de ce que H.A.________ a émis cettedéclaration plusieurs mois après qu'il avait effectivement subi une perteconsécutive à des opérations du genre concerné, la Cour présume que le risqueétait réellement connu de lui et que la déclaration écrite, par son contenu,était l'expression de la vérité. Selon l'arrêt, il eût incombé aux demandeursde renverser cette présomption en prouvant soit que la déclaration étaitfausse, soit que B.________ avait su ou dû savoir que H.A.________ l'avaitsignée sans l'avoir lue ou sans l'avoir comprise. Or, ils n'avaient pasapporté cette preuve.Les recourants contestent la logique de ce raisonnement, toutefois sansdévelopper une argumentation très claire. A comprendre leur point de vue, siH.A.________ a signé la déclaration alors qu'il avait déjà subi une pertedans les opérations concernées, c'est qu'il ne l'avait pas lue. Au contraire,selon l'approche de la Cour de justice, H.A.________ a signé en connaissancedu contenu et de la portée du document, parce que, dans l'espoir d'un gainimportant, il était prêt à risquer de nouvelles pertes. Les recourantsopposent donc, simplement, leur propre raisonnement à celui qu'ilscritiquent, ce qui ne suffit pas à fonder le grief d'arbitraire.Ils soutiennent aussi que le résultat de ce même raisonnement est démenti pard'autres faits. Ils font surtout valoir que l'un et l'autre étaient a prioridépourvus de connaissances particulières dans le domaine financier, fait quela Cour de justice avait expressément constaté dans son premier arrêt, quetous les documents, en particulier ceux destinés à la banque, étaientpréparés par B.________ qui ne les soumettait que pour signature àH.A.________, et que deux ans auparavant, dans les documents signés enseptembre 1997, ce dernier avait biffé la clause autorisant des opérations àterme sur le marché des devises. Cependant, aucune de ces circonstancesn'exclut de façon certaine que H.A.________ ait pu, après septembre 1997 etsur la base d'explications fournies par B.________, ou par d'autres sourcesd'information, acquérir les connaissances nécessaires à un consentementéclairé, en particulier la conscience des risques encourus, puis autoriser legérant à entreprendre les opérations d'abord exclues du mandat. Il importetout aussi peu que la déclaration signée le 15 décembre 1999 fût destinée àla banque plutôt qu'à B.________ ou à l'intimée. Là également, le griefd'arbitraire n'est pas fondé; contrairement aux affirmations avancées etrépétées dans l'acte de recours, le dossier ne révèle pas avec certitude queH.A.________ ait omis de lire ou n'ait pas compris ladite déclaration. 7.La Cour de justice développe diverses considérations destinées à corroborerle raisonnement précité; elles ne sont pas décisives pour l'issue de la causeet le Tribunal fédéral peut donc s'abstenir d'examiner les critiquesdéveloppées à leur sujet.Les recourants font valoir que seul H.A.________ a signé les documents dontla Cour de justice fait état. Cette autorité ne constate pourtant pas queF.A.________ ait elle aussi autorisé, en connaissance des risques encourus,les opérations à terme sur le marché des devises; elle retient seulement queles manifestations de volonté et les connaissances de son époux lui sontopposables, en droit, à elle également. Sur ce point, l'argumentationprésentée peut être soumise au Tribunal fédéral par la voie du recours enréforme,
pour violation du droit fédéral; elle est donc irrecevable à l'appuidu recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ). 8.Le recours se révèle en tous points mal fondé, dans la mesure où les griefsprésentés sont recevables. A titre de parties qui succombent, ses auteursdoivent acquitter l'émolument judiciaire et les dépens auxquels l'intiméepeut prétendre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2.Les recourants acquitteront un émolument judiciaire de 6'000 fr. 3.Les recourants acquitteront, solidairement entre eux, une indemnité de 7'000fr. à verser à l'intimée à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 3 octobre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.130/2006
Date de la décision : 03/10/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-10-03;4p.130.2006 ?
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