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29/09/2006 | SUISSE | N°5C.84/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 septembre 2006, 5C.84/2006


{T 0/2}5C.84/2006 /frs Arrêt du 29 septembre 2006IIe Cour civile MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. dame X.________, (épouse),demanderesse et recourante, représentée par Me Louis-Marc Perroud, avocat, contre X.________, (époux),défendeur et intimé, représenté par Me Benoît Sansonnens, avocat, divorce, recours en réforme contre l'arrêt de la Ire Cour d'appeldu Tribunal cantonal de l'État de Fribourg du 30 janvier 2006. Faits: A.X. ________, né le 4 octobre 1955, et dame X.________, née le 31 décembre1958, se sont marié

s le 15 mai 1981. Ils ont eu quatre enfants: A.________,né le 12 ...

{T 0/2}5C.84/2006 /frs Arrêt du 29 septembre 2006IIe Cour civile MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. dame X.________, (épouse),demanderesse et recourante, représentée par Me Louis-Marc Perroud, avocat, contre X.________, (époux),défendeur et intimé, représenté par Me Benoît Sansonnens, avocat, divorce, recours en réforme contre l'arrêt de la Ire Cour d'appeldu Tribunal cantonal de l'État de Fribourg du 30 janvier 2006. Faits: A.X. ________, né le 4 octobre 1955, et dame X.________, née le 31 décembre1958, se sont mariés le 15 mai 1981. Ils ont eu quatre enfants: A.________,né le 12 février 1982, B.________, née le 22 mars 1983, C.________, née le 17mai 1989, et D.________, née le 9 mai 1991. Le 14 décembre 2001, l'épouse a ouvert action en divorce. Le 28 novembre2002, les parties ont passé devant le Tribunal civil de l'arrondissement dela Sarine un accord partiel sur les effets accessoires de leur divorce. Ellesn'ont pas pu s'entendre sur la question de la pension réclamée par l'épouse. B.Par jugement du 16 décembre 2003, le Tribunal a prononcé le divorce des épouxX.________ et ratifié leur convention partielle sur les effets accessoires dudivorce; ainsi, il a notamment attribué à l'épouse l'autorité parentale et lagarde sur les enfants mineures C.________ et D.________ et astreint le mari àcontribuer à l'entretien de chacune de celles-ci par des versements mensuelsde 1'000 fr. jusqu'à l'âge de 12 ans révolus, puis de 1'100fr. jusqu'à 15ans révolus et de 1'200 fr. au-delà et jusqu'à la fin de la période deformation. Le Tribunal a en outre condamné le mari à verser à l'épouse unepension mensuelle de 1'300fr. jusqu'à ce que D.________ ait atteint l'âge de16 ans révolus, puis de 1'000 fr. jusqu'à ce que l'épouse ait atteint l'âgede 64 ans révolus. C.Le mari a interjeté appel contre ce jugement, en concluant à sa modificationen ce sens qu'aucune pension ne soit versée à l'épouse. Cette dernière aconclu au rejet du recours, et, par un recours en appel joint, à lamodification du jugement de première instance en ce sens que la pensionlitigieuse soit fixée à 1'300 fr. par mois jusqu'à ce que l'épouse aitatteint l'âge de 64 ans révolus, puis à 1'700 fr. par mois lorsque le marin'aurait plus la charge de A.________ et à 2'100 fr. par mois lorsqu'iln'aurait plus la charge de B.________. Le mari a conclu au rejet du recoursjoint. D.Statuant par arrêt du 30 janvier 2006, la Ire Cour d'appel du Tribunalcantonal de l'État de Fribourg, admettant l'appel et rejetant le recoursjoint, a modifié le jugement de première instance en ce sens qu'aucunepension alimentaire n'est versée à l'épouse. La motivation de cet arrêt, dansce qu'elle a d'utile à retenir pour l'examen du recours, est en substance lasuivante:D.aSelon l'art. 125 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un épouxqu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à laconstitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doitune contribution équitable. L'obligation d'entretien qui peut ainsi subsisteraprès le divorce repose principalement sur les besoins de l'époux demandeur;elle dépend du degré d'autonomie que l'on peut attendre de ce dernier, àsavoir de sa capacité à s'engager dans la vie professionnelle ou à reprendreune activité lucrative interrompue à la suite du mariage pour couvrir sonentretien convenable (cf. ATF 129 III 7 consid. 3.1; 127 III 136 consid. 2aet les références citées). Normalement, les simples expectativessuccessorales ne sont pas prises en considération; elles peuvent donner lieuà un procès en modification du jugement de divorce. D.b En l'espèce, le mari est âgé de 51 ans et l'épouse de 48 ans. Pendant les28 ans qu'a duré le mariage, le mari a toujours travaillé à 100%. L'épouse,qui travaillait à 100% avant le mariage, a réduit son taux d'activité à 50%durant sa première grossesse. Par la suite, à l'exception de deux ans et demidans les années huitante, elle a toujours exercé une activité lucrative àtemps partiel, soit entre 50% et 70%, et n'a ainsi pas pu suivre un plan decarrière dans sa vie professionnelle. Depuis 2001, elle travaille à 80%. D.c Le mari réalise actuellement un salaire mensuel net de 9'303 fr. Au débutde l'année 2004, il avait subi une diminution de salaire de 2'000 fr. parmois en raison de la mauvaise marche des affaires de son employeur et,surtout, par la réduction de ses fonctions, n'ayant plus que cinq personnessous ses ordres contre vingt auparavant. Il convient d'ajouter à ce revenu lamoitié des frais de représentation reçus par le mari pour couvrir ses fraisd'habits lors de foires et les boissons offertes à des clients; une somme de250 fr. paraît en effet, à défaut de justificatifs, suffisante pour de telsfrais. Les charges mensuelles du mari comprennent les frais de repas (408fr.), lesfrais de déplacement (520 fr.), la prime d'assurance maladie (464 fr.), leloyer d'une place de parc (80 fr.), l'assurance et les impôts pour la voiture(79 fr. 90 et 39 fr.), l'assurance ménage (41fr. 55) et le loyer de sonlogement (2'130 fr.). L'amie du mari a en effet affirmé qu'elle habitaiteffectivement chez les époux Prince et qu'elle n'avait nullement l'intentionde faire ménage commun avec le mari. Le montant de base doit être fixé à1'250 fr., puisque le mari a des enfants à charge. La charge des deux enfantsmajeurs vivant avec lui sera comptée à 1'200 fr. par enfant. Lescontributions dues pour l'entretien de ses deux filles cadettes, âgées de 17et 15 ans, s'élèvent à 1'200 fr. et 1'100 fr. Le mari a ainsi, aprèspaiement de ses charges, un déficit mensuel de 159 fr. 45 (9'303 fr. + 250fr. - 9'712 fr. 45). D.d L'épouse réalise un revenu mensuel net de 4'200 fr. pour une activité à80%, taux qu'elle n'est pas en mesure d'augmenter en raison de problèmes desanté. Ses charges mensuelles comprennent les frais de repas à l'extérieur(200 fr.), les frais de déplacement (200 fr.), la prime d'assurance maladie(448 fr.), l'assurance et les impôts pour la voiture (65 fr. 80 et 29 fr.55), l'assurance ménage et objets de valeur (27fr. 50 et 10 fr. 35) et lesintérêts et charges de l'appartement dont elle est propriétaire (1'300 fr.).Le montant de base doit également être fixé à 1'250 fr. Ainsi, l'épousedispose après paiement de ses charges d'un montant disponible mensuel de 668fr. 80 (4'200 fr. - 3'531 fr. 20). Il ne se justifie pas de prendre enconsidération les expectatives successorales de l'épouse, qui est membred'une fratrie de trois. En effet, même si les parents de l'épouse vivent dansune certaine aisance et disposent d'une fortune de plusieurs millions, cettefortune n'est pas établie de manière précise et, même si les parents sontdéjà âgés, on ignore tout du moment de leur décès et de l'importance de lasuccession au moment de son ouverture. D.e Sur le vu de ce qui précède, le mari ne dispose d'aucun solde disponibleaprès paiement de ses charges propres, de l'entretien en faveur des deuxenfants aînés et des contributions en faveur des deux cadettes, alors quel'épouse dispose d'un solde mensuel disponible de 668 fr., cela avantpaiement des impôts pour les deux parties. Dès lors, le mari ne saurait êtreastreint à verser une pension à l'épouse. E.Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, l'épouseconclut, avec suite de frais et dépens, à ce que l'arrêt du 30 janvier 2006soit réformé principalement en ce sens que le jugement du Tribunal depremière instance soit maintenu, subsidiairement en ce sens que le mari soitcondamné à lui verser une pension indexée de 600 fr. par mois dès qu'iln'aurait plus la charge de l'un des deux enfants aînés et de 1'200 fr. parmois dès qu'il n'aurait plus la charge du second de ces enfants, ce jusqu'àce que l'épouse ait atteint l'âge de 64 ans révolus. Le mari propose derejeter le recours dans la mesure de sa recevabilité, avec suite de frais etdépens. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Les droits contestés dans la dernière instance cantonale atteignentd'après les conclusions de la demanderesse une valeur, calculée conformémentà l'art. 36 al. 4 OJ, d'au moins 8'000 fr., si bien que le recours estrecevable sous l'angle de l'art. 46 OJ. Déposé en temps utile contre unedécision finale prise en dernière instance cantonale, il est égalementrecevable du chef des art. 54 al. 1 et 48 al.1 OJ. 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, àmoins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient étéviolées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a; 119 II 353 consid.5c/aa). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écartede celui contenu dans l'arrêt attaqué sans se prévaloir avec précision del'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possibled'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c; 130 III 102 consid. 2.2, 136consid. 1.4). Au surplus, il ne peut être présenté dans un recours en réformede griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens depreuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves àlaquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut ainsi être remise en causeen instance de réforme (ATF 132 III 1 consid. 3.1; 129 III 618 consid. 3; 126III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a). 2.2.1La demanderesse conteste en premier lieu le loyer mensuel de 2'130fr.retenu dans les charges du défendeur (cf. lettre D.c supra), alors que sespropres charges de logement mensuelles ne se montent qu'à 1'300 fr. (cf.lettre D.d supra), le montant de 500 fr. qu'elle doit payer à titred'amortissement n'ayant pas été pris en compte. En outre, l'amie du défendeuraurait déclaré qu'elle passait quatre nuits par semaine chez ce dernier, sibien que l'on devrait normalement retenir qu'elle doit assumer sa part duloyer. En tous les cas, les charges de logement du défendeur devraient êtreramenées à 1'400 fr. par mois au maximum. 2.2 Ces critiques sont mal fondées dans la mesure où elles sont recevables,comme on va le voir. 2.2.1 Il convient tout d'abord d'observer que si les charges de logement d'unconjoint peuvent ne pas être intégralement prises en compte lorsqu'ellesapparaissent excessivement élevées au regard de ses besoins et de sasituation économique concrète (Hausheer/Spycher, Handbuch desUnterhaltsrechts, 1997, n. 02.33 p.79; cf. ATF 114 II 13 consid. 6), teln'est pas le cas en l'espèce au regard des revenus du défendeur et du faitque les deux enfants aînés vivent avec lui. 2.2.2 Ensuite, si l'on peut prendre en considération les économies de coûtsrésultant du fait qu'un conjoint fait ménage commun avec un(e) concubin(e)(Hausheer/Spycher, Unterhalt nach neuem Scheidungsrecht, Ergänzungsband zumHandbuch des Unterhaltsrechts, 2001, n.10.35 p.210), il résulte desconstatations de fait de l'arrêt attaqué, dont la demanderesse cherche envain à s'écarter (cf. consid. 1.2 supra), que l'amie du défendeur logeaitchez les époux Prince et ne faisait pas - ni n'avait l'intention de faire -ménage commun avec le défendeur (cf. lettre D.c supra). 2.2.3 Enfin, la demanderesse ne saurait reprocher à l'autorité cantonale dene pas avoir tenu compte, dans ses charges de logement, de l'amortissement desa dette hypothécaire. L'amortissement de la dette hypothécaire ne sert eneffet pas à l'entretien, mais à la constitution du patrimoine, et n'a parconséquent pas à être prise en considération dans ce contexte(Hausheer/Spycher, Handbuch des Unterhaltsrechts, n. 02.33 p. 79). 2.3 La demanderesse se plaint encore, en ce qui concerne ses propres charges,de ce que le coût d'un leasing qu'elle a dû assumer pour acquérir une voiture(soit 288 fr. 25 par mois) n'a pas été pris en considération, alors que lesfrais de voiture ont été intégralement retenus chez le défendeur (cf. lettreD.c supra). Cette critique ne saurait être entendue, dès lors qu'elle revientà s'en prendre de manière irrecevable à l'état de fait de l'arrêt attaqué(cf.consid. 1.2 supra). 3.3.1La demanderesse soutient qu'il faudrait imputer au défendeur non pas lesrevenus retenus par l'autorité cantonale (soit un salaire mensuel net de9'303 fr., plus 250 fr. d'indemnités pour frais de représentation; cf.lettreD.c supra), mais une rémunération plus élevée d'au moins 2'250 fr. (soit2'000 fr. de salaire et 250 fr. d'indemnités en plus). En effet, ilrésulterait des déclarations de l'employeur du défendeur que la baisse desalaire de 2'000 fr. serait la conséquence d'une baisse de productivité dudéfendeur. Il faudrait donc retenir que celui-ci a lui-même créé sa baisse desalaire, et lui imputer le salaire qu'il pourrait normalement réaliser. Quantà l'indemnité pour frais de représentation, il faudrait tenir compte del'entier du montant payé (soit 500 fr.), dans la mesure où les frais n'ontpas été démontrés. 3.2 Selon la jurisprudence, un conjoint peut se voir imputer un revenuhypothétique supérieur à celui qu'il obtient effectivement de son travail,pour autant qu'une augmentation correspondante de revenu soit effectivementpossible et qu'elle puisse raisonnablement être exigée de lui (ATF 128 III 4consid. 4: 127 III 136 consid. 2a in fine; 119 II 314 consid. 4a; 117 II 16consid.1b; 110 II 116 consid. 2a). Savoir si l'on peut raisonnablementexiger du débiteur une augmentation de son revenu est une question de droit,qui peut être revue en instance de réforme; en revanche, savoir s'il a lapossibilité effective de réaliser un revenu plus élevé est une question defait, qui ne peut être remise en cause par la voie du recours en réforme (ATF128 III 4 consid. 4c/bb et la jurisprudence citée). 3.3 En l'espèce, la cour cantonale a retenu en fait, d'une manière qui lie leTribunal fédéral (cf. consid. 1.2 supra), que le défendeur a subi unediminution de salaire de 2'000 fr. par mois au début de l'année 2004 enraison de la mauvaise marche des affaires de son employeur et, surtout, de laréduction de ses fonctions (cf.lettre D.c supra). Cela étant, le défendeurne peut se voir imputer un revenu hypothétique plus élevé que son salaireactuel, qu'il n'a pas la possibilité effective d'augmenter.Quant à l'indemnité de 500 fr. perçue par le défendeur pour couvrir ses fraisd'habits lors de foires et les boissons offertes à des clients, sans avoir àproduire de justificatifs, l'autorité cantonale a retenu qu'elle représentaitpour moitié une forme de revenu et pour moitié le remboursement de fraiseffectifs (cf.lettre D.c supra). Ce faisant, elle a tranché une question defait, qui ne peut être revue en instance de réforme (cf. consid. 1.2 supra). 4.4.1Indépendamment de ses critiques sur les montants à prendre enconsidération dans les charges de l'une
et l'autre des parties (cf.consid. 2supra), respectivement dans les revenus du défendeur (cf.consid. 3 supra),la demanderesse reproche à l'autorité cantonale d'avoir fait une fausseapplication de l'art. 125 CC en lui refusant toute contribution d'entretienau sens de cette disposition. Elle fait valoir que si le revenu mensuel dudéfendeur (9'553 fr.), qui représente plus de deux fois le sien (4'200fr.),est entièrement absorbé par ses charges, c'est principalement en raison ducoût des deux enfants aînés qui vivent avec lui. Or lorsque ces deux enfantsauront terminé leur formation, soit normalement en été 2007, les charges dudéfendeur seront diminuées de 2'400 fr. par mois, alors que la demanderessedevra encore s'occuper des deux filles cadettes. La demanderesse relève parailleurs qu'elle travaillait à 100% avant le mariage et qu'elle a dû réduireson activité pendant le mariage pour s'occuper des enfants. Elle n'auraitainsi "pas pu suivre une carrière professionnelle lui permettant de monterles échelons d'une hiérarchie pouvant lui procurer un revenu sensiblementplus élevé", et ne peut travailler à plus de 80% en raison de son état desanté. Dans ces conditions, la demanderesse estime qu'il serait choquantqu'elle se retrouve sans aucune contribution d'entretien lorsque ledéfendeur, qui gagne deux fois plus qu'elle, n'aura plus la charge des deuxaînés. Il se justifierait donc de prévoir qu'une contribution d'entretien de600 fr. par mois sera due à la demanderesse chaque fois que le défendeurn'aura plus à sa charge un des deux enfants aînés, ce qui fait l'objet desconclusions subsidiaires de la demanderesse (cf. lettre E supra). 4.2 Selon l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'unépoux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à laconstitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doitune contribution équitable. 4.2.1 L'art. 125 CC concrétise deux principes: dans toute la mesure dupossible, chaque conjoint doit subvenir lui-même à ses propres besoins aprèsle divorce; il doit être encouragé à acquérir sa propre indépendanceéconomique (principe du "clean break"). Pour parvenir à cette autonomie, quipeut avoir été compromise par le mariage, l'une des parties peut toutefoisêtre tenue de fournir une contribution pécuniaire; les époux doiventsupporter en commun les conséquences de la répartition des tâches qu'ils ontconvenue durant le mariage (principe de la solidarité). Ainsi conçue,l'obligation d'entretien repose principalement sur les besoins de l'épouxdemandeur; elle dépend du degré d'autonomie que l'on peut attendre de cedernier, à savoir de sa capacité à s'engager dans la vie professionnelle ou àreprendre une activité lucrative interrompue à la suite du mariage pourcouvrir son entretien convenable. À cet égard, comme lorsqu'il fixe lemontant et la durée de la contribution, le juge doit se fonder sur leséléments énumérés - de façon non exhaustive - à l'art. 125 al. 2 CC (ATF 129III 7 consid. 3.1; 127 III 136 consid. 2a et les références citées). 4.2.2 Pour déterminer l'entretien convenable au sens de l'art. 125 al.1 CC,il convient de tenir compte du niveau de vie des époux pendant le mariage(art. 125 al. 2 ch. 3 CC). Dans le cas d'un mariage qui, comme en l'espèce, aduré dix ans ou plus et a durablement marqué de son empreinte la situationéconomique de la partie nécessitant une contribution d'entretien, le principeest que le standard de vie qui prévalait pendant le mariage doit êtremaintenu dans la mesure où les circonstances le permettent (arrêt 5C.111/2001du 29 juin 2001, consid. 2c, reproduit in FamPra.ch 2002 p. 144;Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, n. 15ad art.125 CC; Schwenzer, Scheidung, 2005, n. 41, 42, 44, 50 et 51 ad art.125 CC). Dans ce sens, le standard de vie marital choisi d'un commun accordpar les époux constitue la limite supérieure de l'entretien convenable(Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 15 ad art. 125 CC; Schwenzer, op. cit., n.4 ad art. 125 CC). Il est généralement admis que l'ex-époux qui dépend de l'autre pour sonentretien convenable a droit dans l'idéal à un montant qui, ajouté à sesressources propres, lui permette de maintenir le train de vie mené durant lemariage; comme il n'est généralement pas possible de maintenir le même trainde vie dans le cadre de deux ménages désormais distincts, le créancierd'entretien a alors droit au même train de vie que le débiteur d'entretien,dans la mesure où la situation financière de ce dernier le permet, dans leslimites d'un entretien convenable (Hausheer, Der Scheidungsunterhalt und dieFamilienwohnung, in Vom alten zum neuen Scheidungsrecht, p. 119 ss, n. 3.53et 3.54; Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 13 à 15 ad art. 125 CC; Klopfer,Nachehelicher Unterhalt, Wohnungszuteilung, in Das neue Scheidungsrecht, p.79 ss, 84; Schwenzer, op. cit., n. 5 ad art.125 CC; cf. ATF 118 II 376). 4.2.3 Le juge peut prévoir que la contribution d'entretien sera adaptée - àla hausse ou à la baisse - à des moments déterminés en fonction del'évolution prévisible de la situation financière des parties (Gloor/Spycher,Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2e éd. 2002, n.22 ad art. 125 CC;Hausheer, op. cit., n. 3.50). 4.3 Il convient d'appliquer ces principes au cas d'espèce. 4.3.1 Il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué que le mariagedes parties, qui a duré plus de vingt ans, a durablement marqué de sonempreinte la situation économique de la demanderesse, laquelle a réduit sontaux d'activité de 100% à 50-70% pour s'occuper des quatre enfants du coupleet n'a ainsi pas pu suivre un plan de carrière dans sa vie professionnelle.Toutefois, selon les constatations de fait de l'arrêt attaqué, le défendeurne dispose d'aucun excédent après paiement de ses charges propres, del'entretien en faveur des deux enfants aînés et des contributions en faveurdes deux cadettes. Il ne saurait dès lors être condamné à verser à lademanderesse une contribution d'entretien dans sa situation actuelle. Eneffet, la condition première de l'allocation ainsi que de la fixation d'unecontribution d'entretien selon l'art. 125 CC est que le débiteur soitlui-même en mesure de couvrir son minimum vital élargi (Gloor/Spycher, op.cit., n.15 ss ad art. 125 CC). 4.3.2 En revanche, lorsque le défendeur n'aura plus la charge des deuxenfants majeurs qui vivent actuellement avec lui, il disposera de ressourceslui permettant de mener un train de vie plus confortable que la demanderesse.Comme le train de vie que cette dernière est en mesure de mener avec sonrevenu propre est sensiblement inférieur à celui que les époux pouvaientmener durant la vie commune avec leurs revenus cumulés, il est équitable quele défendeur, lorsqu'il n'aura plus la charge de ses deux enfants aînés,verse à la demanderesse une contribution d'entretien fixée de telle manièreque les deux époux bénéficient d'un solde disponible équivalent aprèscouverture de leurs charges respectives. Dès que l'un des enfants aînés aura terminé sa formation et acquerra ainsison autonomie financière, le défendeur devrait, si l'on se fonde sur leschiffres retenus au centime près par l'autorité cantonale, avoir au lieu d'undéficit mensuel de 159 fr. 45 (cf. lettre D.c supra) un excédent mensuel de1'040 fr. 55, tandis que la demanderesse devrait avoir un excédent mensuel de668 fr. 80 (cf. lettre D.d supra), ce qui impliquerait pour aboutir à uneéquivalence de ressources disponibles une contribution d'entretien de moinsde 200 fr. Il ne se justifie donc pas d'allouer une contribution d'entretienà la demanderesse avant que les deux enfants aînés aient terminé leurformation, ce qui devrait normalement, aux dires mêmes de la demanderesse,être le cas pour les deux enfants en été 2007 (cf.consid. 4.1 supra). À cemoment-là, le solde disponible avant paiement d'une contribution d'entretiendevrait être respectivement de 2'240fr. 55 pour le défendeur et de 668fr.80 pour la demanderesse. Pour aboutir à une équivalence de ressourcesdisponibles, il faudrait un transfert de ressources de 785fr. du défendeur àla demanderesse. Dès lors, il y a lieu de condamner le défendeur à verser àla demanderesse, dès que les deux enfants aînés auront terminé leurformation, une contribution d'entretien mensuelle de 800fr. en chiffresronds. En raison de la baisse de revenus liée à la retraite du défendeur,cette contribution d'entretien cessera d'être due dès que le défendeur auraatteint l'âge de 65 ans révolus, qui est l'âge ordinaire de la retraite del'AVS (art. 21 al. 1 let. a LAVS; RS 831.10). 4.3.3 Aux termes de l'art. 128 CC, le juge peut décider que la contributiond'entretien sera augmentée ou réduite d'office en fonction de variationsdéterminées du coût de la vie. L'indexation d'une contribution d'entretienaprès divorce ne peut être ordonnée que si l'on peut s'attendre à ce que lesrevenus du débiteur soient régulièrement adaptés au coût de la vie (ATF 115II 309 consid. 1; 100 II 245; Gloor/Spycher, op. cit., n.8 ad art. 128 CC;Message du Conseil fédéral, FF 1996 I 1 ss, p.221 ch.233.542). Enl'occurrence, il y a donc lieu de prévoir que la contribution d'entretien dueà la demanderesse, payable d'avance le premier de chaque mois, sera indexéele premier janvier de chaque année sur l'indice suisse des prix à laconsommation du mois de novembre précédent; cette indexation n'interviendrapas, ou seulement partiellement, si le défendeur prouve par titre que sesrevenus n'ont pas, ou seulement partiellement, suivi l'évolution de l'indicesuisse des prix à la consommation (cf. Gloor/Spycher, op. cit., n.8 ad art.128 CC). 5.5.1Dans sa réponse au recours, le défendeur reproche à la cour cantonaled'avoir refusé de prendre en compte les expectatives successorales de lademanderesse dans la fixation de la contribution d'entretien selon l'art. 125CC (cf. lettre D.d supra). Il fait valoir que selon la jurisprudence duTribunal fédéral, rendue sous l'empire de l'ancien droit du divorce mais quipourrait tout aussi bien être utilisée dans l'application de l'actuel art.125 CC, il y a lieu de prendre en compte la perte des avantages successorauxau profit du conjoint crédirentier, lors de la fixation de la rente due àcelui-ci (cf. ATF 116 II 103). Cette jurisprudence devrait être appliquée paranalogie au cas inverse, de manière à prendre en compte au profit du conjointdébirentier, pour statuer sur la rente réclamée par l'autre conjoint, lesexpectatives successorales de ce dernier. Au surplus, le raisonnement del'autorité cantonale tendant à exiger que le défendeur demande lamodification du jugement de divorce une fois les expectatives successoralesconcrétisées (cf. lettre D.a supra) ne résisterait pas à l'examen. En effet,d'une part, une action en modification du jugement de divorce ne permettraitpas de revenir sur les pensions déjà versées. D'autre part, la partie adversene manquerait pas d'objecter qu'il n'y aurait pas de faits nouveaux, lesexpectatives successorales des héritiers directs étant justement des faitsprévisibles. 5.2 Ces critiques sont infondées. Tout d'abord, l'argumentation du défendeurméconnaît que l'indemnisation de la perte des avantages successoraux, tellequ'elle était admise par la jurisprudence et la doctrine sous l'empire del'ancien art. 151 al. 1 CC, vise l'hypothèse où le conjoint demandeur, à lasuite du divorce, perd ses propres expectatives d'héritier dans la successiondu conjoint défendeur (cf.ATF 116 II 103 consid. 2c et 2d, spécialement2d/bb). Autre est la question des expectatives successorales de l'un oul'autre des conjoints envers ses propres parents. Normalement, les simplesexpectatives d'un conjoint dans la succession de ses propres parents - ou, lecas échéant, dans celle d'autres personnes - ne peuvent pas être prises enconsidération lorsqu'il s'agit de décider de l'allocation et du montant d'unecontribution d'entretien selon l'art. 125 CC (cf. Message du Conseil fédéral,FF 1996 I 1 ss, 118). En effet, outre le fait que de telles expectatives neconstituent par définition pas des ressources disponibles tant qu'elles ne sesont pas concrétisées, le moment de cette concrétisation ainsi quel'importance de la succession au moment de son ouverture échappent largementà la prévision. C'est pourquoi l'amélioration de la situation patrimoniale duconjoint crédirentier ensuite de la participation à une succession peut,lorsqu'elle se produit, donner lieu à un procès en modification du jugementde divorce selon l'art. 129 al. 1 CC (cf. Message du Conseil fédéral, FF 1996I 1 ss, 118). 6.Il résulte de ce qui précède que le recours doit être partiellement admisdans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué réformé dans le sensqui vient d'être exposé. Vu l'issue du litige, les frais judiciaires serontsupportés à parts égales par les deux parties et les dépens seront compensés(art. 156 al. 3 et 159 al. 3 OJ). Pour le surplus, l'affaire sera renvoyée àl'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de laprocédure cantonale (cf. art. 157 et 159 al. 6 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable. 2.L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que le chiffre III du jugement rendule 16 décembre 2003 par le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarineest modifié et a désormais la teneur suivante:"III. Dès que les enfants A.________ et B.________ auront tous deux terminéleur formation, X.________ versera à dame X.________ une contributiond'entretien, payable d'avance le premier de chaque mois, de 800fr. par moisjusqu'au mois de septembre 2020. Cette contribution d'entretien sera indexée le premier janvier de chaqueannée sur l'indice suisse des prix à la consommation du mois de novembreprécédent; elle ne sera pas indexée, ou seulement partiellement, siX.________ prouve par titre que ses revenus n'ont pas, ou seulementpartiellement, suivi l'évolution de l'indice suisse des prix à laconsommation." 3.Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis pour moitié à la charge de lademanderesse et pour moitié à celle du défendeur. 4.Les dépens sont compensés. 5.L'affaire est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur lesfrais et dépens de la procédure cantonale. 6.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laIre Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg. Lausanne, le 29 septembre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.84/2006
Date de la décision : 29/09/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-09-29;5c.84.2006 ?
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