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29/09/2006 | SUISSE | N°5C.143/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 septembre 2006, 5C.143/2006


{T 0/2}5C.143/2006 /frs Arrêt du 29 septembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Meyer et Hohl.Greffier: M. Braconi. Dame X.________,défenderesse et recourante, représentée par Me Pierre Ochsner, avocat, contre Y.________,demandeur et intimé, représenté parMe Danièle-Christine Magnin, avocate, droit de garde, recours en réforme contre la décision de l'Autoritéde surveillance des tutelles du canton de Genèvedu 6 avril 2006. Faits: A.A. ________, née à Vienne (A) le 17 décembre 1997, est la fille de dameX.________, de nationalité polonaise, et de Y._____

___, originaire de Genève.Le 24 octobre 1999, les parents ont si...

{T 0/2}5C.143/2006 /frs Arrêt du 29 septembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Meyer et Hohl.Greffier: M. Braconi. Dame X.________,défenderesse et recourante, représentée par Me Pierre Ochsner, avocat, contre Y.________,demandeur et intimé, représenté parMe Danièle-Christine Magnin, avocate, droit de garde, recours en réforme contre la décision de l'Autoritéde surveillance des tutelles du canton de Genèvedu 6 avril 2006. Faits: A.A. ________, née à Vienne (A) le 17 décembre 1997, est la fille de dameX.________, de nationalité polonaise, et de Y.________, originaire de Genève.Le 24 octobre 1999, les parents ont signé une convention relative à l'enfant,portant, en particulier, sur son entretien. La mère est titulaire del'autorité parentale sur sa fille. B.B.aLe 10 février 2003, Y.________ a demandé au Tribunal tutélaire du cantonde Genève de retirer à la mère la garde de sa fille et de la lui confier, lamère étant investie d'un droit de visite et condamnée à verser unecontribution d'entretien en faveur de l'enfant. L'audition des nombreuxtémoins a confirmé le grave conflit divisant les parents et le fait quel'enfant y avait été impliquée pour avoir assisté à des scènes mettant auxprises ses père et mère. Par ordonnance du 5 avril 2004, le Tribunal tutélaire a débouté le père deses conclusions tendant au retrait de la garde et à l'instauration d'unegarde alternée (ch. 1 et 2), réservé à l'intéressé un droit de visites'exerçant, sauf accord entre les parents, à raison d'un week-end sur deux,du vendredi après-midi à la sortie de l'école au lundi matin au début del'école et durant la moitié des vacances scolaires (ch. 3), dit qu'ilincombait au père d'aller chercher sa fille le vendredi à la sortie del'école et de l'y ramener le lundi matin (ch. 4), confirmé la curatelle desurveillance des relations personnelles instaurée le 4 novembre 2002 par voiede mesures provisoires (ch. 5), décliné sa compétence pour connaître dumontant de la contribution d'entretien en faveur de l'enfant (ch. 6) etdébouté les plaideurs de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 7). B.b Y.________ a recouru contre cette décision auprès de l'Autorité desurveillance des tutelles du canton de Genève, en concluant à titre principalau retrait du droit de garde à la mère, à l'octroi de ce droit à lui-même, àun droit de visite en faveur de la mère, à la confirmation de l'institutionde la curatelle et à la condamnation de la mère à verser une contributiond'entretien de 500 fr. par mois, allocations familiales non comprises,jusqu'à ce que l'enfant ait atteint l'âge de 9 ans. A titre subsidiaire, il aréclamé un droit de visite à raison d'une semaine sur deux et de la moitiédes vacances scolaires; la mère devait être invitée à lui remettre lepasseport de l'enfant en vue de l'exercice du droit de visite et à respecter,ainsi que son entourage, les sentiments légitimes de l'enfant à son égard;enfin, il devait être autorisé à téléphoner à sa fille deux fois par semainedurant la semaine où elle demeure auprès de sa mère. De son côté, dame X.________ a conclu à ce que le droit de visite du pèresoit arrêté, sauf entente contraire, à un week-end sur deux, du vendredi à lasortie de l'école au dimanche soir, ainsi qu'à la moitié des vacancesscolaires, l'ordonnance attaquée étant confirmée pour le surplus. B.c Le 16 juin 2004, l'Autorité de surveillance a entendu les parents ettenté de les amener à trouver un terrain d'entente dans l'intérêt de leurfille; le père a persisté à réclamer le retrait du droit de garde, alléguantque la mère et son nouveau compagnon étaient des alcooliques. B.d Le 21 octobre 2004, le père a déclaré maintenir ses conclusionsprincipales et subsidiaires, demandant préalablement que la mère soit soumiseà une expertise psychiatrique et médicale; il a conclu, à titre plussubsidiaire, à ce que les relations personnelles s'exercent tous lesmercredis depuis la sortie de l'école à sa reprise le jeudi matin, unweek-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Le 28 octobre 2004, la mère a confirmé ses conclusions, en précisant qu'ilincombait au père de venir chercher sa fille et de la ramener. C.Par décision du 10 novembre 2004, l'Autorité de surveillance a rejeté lerecours et confirmé l'ordonnance attaquée. Saisie d'un recours en réforme de Y.________, la IIe Cour civile du Tribunalfédéral a annulé cette décision et renvoyé la cause à l'autorité cantonalepour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens desconsidérants (arrêt 5C.257/2004 du 9 mars 2005). D.Statuant à nouveau le 6 avril 2006, après avoir ordonné une expertise,l'Autorité de surveillance a annulé l'ordonnance entreprise, retiré à la mèrele droit de garde, l'a attribué au père, fixé le droit de visite de la mère,confirmé la curatelle de surveillance des relations personnelles instauréesur mesures provisoires, étendu le mandat tutélaire au choix de l'école et dupédopsychiatre de l'enfant, l'autorité parentale de la mère étant limitéedans cette mesure, et débouté les parties de toutes autres conclusions. E.Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, dameX.________ conclut à l'annulation de cette décision et au renvoi de la causeà la juridiction précédente pour complément d'instruction et nouvelledécision dans le sens des considérants. Le demandeur n'a pas été invité à répondre. F.Par arrêt de ce jour (5P.206/2006), la cour de céans a rejeté dans la mesurede sa recevabilité le recours de droit public connexe. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral contrôle d'office et librement la recevabilité desrecours dont il est saisi (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292). 1.1 Interjeté en temps utile contre une décision de retrait du droit de garderendue par l'autorité suprême du canton, le présent recours est recevablesous l'angle des art. 44 let. d, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. 1.2 D'après la jurisprudence, les conclusions du recours en réforme doiventtendre à la modification («réforme») sur le fond de la décision entreprise(art. 55 al. 1 let. b OJ), et non seulement à son annulation; il n'est dérogéà cette règle que dans l'hypothèse où le Tribunal fédéral, s'il admettait lerecours, ne serait pas en état de statuer lui-même au fond et devraitrenvoyer l'affaire à l'autorité cantonale (ATF 130 III 136 consid. 1.2 p.139; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p.151/152 ch. 113, avec d'autres citations).En l'espèce, la défenderesse n'a pas conclu à ce que le droit de garde luisoit attribué, ou le soit aux deux parents alternativement, mais à ce que ladécision entreprise soit cassée et l'affaire renvoyée à l'autorité précédenteaux fins d'instruction complémentaire. Cependant, elle fait grief auxmagistrats cantonaux d'avoir «méconnu la maxime d'office et la maximeinquisitoire», moyen dont le bien-fondé conduit en général au renvoi de lacause à la juridiction cantonale pour complément de la procédure probatoire(ATF 128 III 411 consid. 3.2.1 p. 414; 122 III 404 consid. 3d p. 408). Lechef de conclusions en discussion apparaît ainsi recevable. 1.3 En instance de réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faitstels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale - ou par lajuridiction inférieure à laquelle elle s'est référée (ATF 132 III 1 consid.3.1 p. 4) -, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuven'aient été violées ou que des constatations ne reposent sur une inadvertancemanifeste. Il ne peut être présenté de faits nouveaux (art. 55 al. 1 let. cOJ), même lorsque la cause est soumise - comme ici (ATF 122 III 404 consid.3d p. 408 et la jurisprudence citée) - à la maxime inquisitoire (ATF 120 II229 consid. 1c p. 231/232). Il s'ensuit que les compléments qu'apporte ladéfenderesse, y compris ceux qui concernent la réaction de l'enfant et ledéroulement du droit de visite à la suite de la décision attaquée, doiventêtre écartés (Poudret, COJ II, n. 1.5.3.2 ad art. 55; Münch, Berufung undNichtigkeitsbeschwerde, in: Prozessieren vor Bundesgericht, 2e éd., § 4 n.4.77 et la jurisprudence citée par ces auteurs). 2.Après avoir exposé les principaux éléments de l'expertise, la juridictioncantonale a considéré que la solution qui y était préconisée (i.e. droit degarde alterné et exercice conjoint de l'autorité parentale) ne pouvait êtreenvisagée compte tenu de l'âpreté du conflit opposant les parents etl'absence d'une requête conjointe dans ce sens. Elle a retenu que lasituation actuelle était susceptible de compromettre le développement de lamineure, dès lors que les comportements de la mère empêchent une«subjectivisation» ainsi qu'une construction personnelle de sa fille etfavorisent l'apparition de troubles psychiques chez elle; le maintien dudroit de garde à la mère faisant donc courir un risque à l'enfant, il sejustifie d'en prononcer le retrait. En revanche, aucun diagnostic de troublepsychiatrique n'a été émis au sujet du père; sa «personnalité combative», quin'est pas employée à mauvais escient avec sa fille et n'altère pas sescapacités parentales, ne constitue pas un obstacle à ce que le droit de gardelui soit attribué, aucun élément ne s'opposant au demeurant à une tellesolution. Comme cette mesure est suffisante du point de vue de la viequotidienne de l'enfant, dont le père assurera désormais l'encadrement, iln'y a pas lieu de déchoir la mère de son autorité parentale; toutefois, afinde prévenir des conflits, il faut alors prévoir une limitation de cetteautorité s'agissant du choix de l'école et du suivi pédo-psychiatrique àmettre en place, en sorte qu'il convient d'instituer une curatelle ad hoc. 2.1 La défenderesse reproche d'abord à l'autorité cantonale de s'être écartéedes conclusions de l'expertise et de ne pas en avoir ordonné une nouvelle.Lors même que l'expert s'était prononcé en faveur d'une garde alternée etavait relevé qu'un retrait du droit de garde à la mère pourrait constituer unacte agressif dont l'enfant se sentirait coupable, la juridiction précédentea consacré une solution qu'il n'avait évoquée qu'oralement à l'audience et,de plus, à titre intermédiaire; elle devait, dès lors, «envisager une gardealternée même en l'absence d'autorité parentale conjointe». Comme on l'a vu dans le recours de droit public connexe, il appartientexclusivement au juge, non pas à l'expert, de résoudre les questionsjuridiques (5P.206/2006, consid. 3.2). A ce propos, le Tribunal fédéral ajugé que l'instauration d'une garde alternée s'inscrit dans le cadre del'exercice conjoint de l'autorité parentale et, partant, suppose l'accord desdeux parents (arrêts 5C.42/2001 du 18 mai 2001, consid. 3, in: SJ 2001 I 407;5P.173/2001 du 28 août 2001, consid. 7a, in: FamPra.ch 2002 p. 163, 165; dansce sens: Wirz, in: FamKomm Scheidung, n. 27 ad art. 133 CC). Un tel accordfaisant défaut en l'espèce, c'est à juste titre que l'autorité cantonale arefusé d'entériner la solution préconisée par l'expert, à laquelle se rallie(apparemment pour la première fois en instance fédérale) la défenderesse. Audemeurant, l'admissibilité d'une garde alternée doit être appréciée sousl'angle de l'intérêt de l'enfant et dépend, entre autres conditions, de lacapacité de coopération des parents (SJ 2001 I 408 consid. 3b in fine et lescitations). Or, il résulte des constatations de fait de la décisionentreprise que cette capacité est pour l'heure inexistante; de ce point devue également, l'on ne peut qu'approuver l'avis des magistrats précédents. Sur le vu des constatations de l'autorité cantonale, notamment cellesreposant sur l'expertise (art. 63 al. 2 OJ; cf. Poudret, op. cit., n. 4.2.1.5ad art. 63 OJ et les arrêts cités), le retrait du droit de garde à la mèren'appelle pas de sanction; par ailleurs, l'intéressée ne démontre pas,conformément aux exigences légales (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 116 II 745consid. 3 p. 748/749), en quoi l'art. 310 al. 1 CC aurait reçu une fausseapplication (cf. sur ce point: Breitschmid, in: Basler Kommentar, vol. II, 2eéd., n. 3 ss ad art. 310 CC). Le transfert du droit de garde au père, dontles capacités éducatives ne sont pas valablement remises en cause (art. 55al. 1 let. c OJ), n'est pas davantage critiquable; cette solution correspondà celle que l'expert avait proposée à l'audience à titre «intermédiaire», àsavoir à défaut de garde alternée et d'exercice conjoint de l'autoritéparentale, un placement auprès de tiers s'avérant exclu en l'occurrence.Enfin, la défenderesse se méprend lorsqu'elle fait grief à l'autoritéprécédente d'avoir adopté une mesure «durable», alors que, pour l'expert,elle devait être uniquement «temporaire». En réalité, les mesures deprotection de l'enfant (art. 307 ss CC) peuvent être modifiées en tout tempsen cas de changement des circonstances (art. 313 al. 1 CC; ATF 120 II 384consid. 4d p. 386); l'arrêt auquel elle se réfère vise la réglementation dudroit de visite dans le jugement de divorce (ATF 120 II 229), hypothèse quin'est pas réalisée ici. 2.2 La défenderesse affirme encore que l'autorité cantonale aurait dû, envertu de la maxime inquisitoire, élucider les questions relatives au domicileet à la scolarité de l'enfant. Ce grief est entièrement construit sur des faits nouveaux, en sorte qu'il estirrecevable (cf. supra, consid. 1.3).2.3 Enfin, la défenderesse prétend que l'autorité cantonale ne pouvait seprononcer durablement sur le droit de garde, le droit de visite et les autresmesures de protection de l'enfant, sans procéder au préalable à une nouvelleexpertise psychiatrique des parents et de l'enfant; faute de l'avoirordonnée, elle a violé les devoirs que lui impose la maxime inquisitoire. Cette argumentation est erronée. Abstraction faite d'exceptions qui ne sontpas réalisées dans le cas présent (cf. à ce sujet: Hohl, Procédure civile, t.I, n. 1045), la maxime inquisitoire n'accorde pas aux parties le droit àl'administration de moyens de preuve déterminés, en l'espèce une nouvelleexpertise psychiatrique (arrêt 5C.153/2002 du 16 octobre 2002, consid. 3.1 ,rés. in: FamPra.ch 2003 p. 190; Wirz, op. cit., n. 12 ad art. 133 CC). Enoutre, l'autorité cantonale a refusé d'ordonner une contre-expertise parceque la mère avait formulé des considérations de portée générale sans émettrede critiques précises à l'endroit des constatations et conclusions del'expert, ces remarques ne permettant pas de douter de la qualité et dusérieux de l'expertise, et de remettre en cause son exactitude. Or, il s'agitd'une appréciation anticipée des preuves, qui ne contrevient pas à la maximeinquisitoire (ATF 130 III 734 consid. 2.2.3 p. 735) et ne peut être discutéeque dans un recours de droit public (ATF 114 II 289 consid. 2 p. 291). 3.En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sarecevabilité, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieud'allouer de dépens au demandeur, qui n'a pas été invité à répondre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire
de 2'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et àl'Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève. Lausanne, le 29 septembre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.143/2006
Date de la décision : 29/09/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-09-29;5c.143.2006 ?
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