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29/09/2006 | SUISSE | N°4C.116/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 septembre 2006, 4C.116/2006


{T 0/2}4C.116/2006 /ech Arrêt du 29 septembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg et Favre.Greffier: M. Thélin. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Jacques Gautier, contre Y.________ AG,défenderesse et intimée, représentée par Me Guillaume Fatio. prêt de longue durée; contrat de résolution recours en réforme contre l'arrêt rendu le 17 février 2006 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.Par contrat daté du 3 mai 2002, Z.________ AG s'est obligée à prêter 150millions de francs à X.________

pour le financement d'une opérationimmobilière dans le canton de Ge...

{T 0/2}4C.116/2006 /ech Arrêt du 29 septembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg et Favre.Greffier: M. Thélin. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Jacques Gautier, contre Y.________ AG,défenderesse et intimée, représentée par Me Guillaume Fatio. prêt de longue durée; contrat de résolution recours en réforme contre l'arrêt rendu le 17 février 2006 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.Par contrat daté du 3 mai 2002, Z.________ AG s'est obligée à prêter 150millions de francs à X.________ pour le financement d'une opérationimmobilière dans le canton de Genève. La durée du contrat, qui n'était enprincipe pas résiliable par l'établissement prêteur, était fixée à vingt-cinqans dès le versement du capital prêté. L'emprunteur ne pouvait pas non plusrésilier pendant les deux premières années; en cas de résiliation échéant aucours ou à la fin de la troisième année, il devait une indemnité forfaitairefixée à 1'000'000 de fr.; en cas de résiliation échéant au cours ou à la finde la quatrième année, il devait une indemnité forfaitaire de 750'000 fr.Le taux d'intérêts devait être fixé par périodes successives de duréevariable; l'emprunteur aurait à chaque fois, préalablement, le choix de ladurée. Pendant chaque période, il devrait les intérêts au taux de référencepratiqué au début de la période, libor ou swap, selon la durée, augmentéd'une marge qui varierait, également selon la durée, de 1,1 à 1,3% par an. Lapremière période de taux d'intérêts était fixée à une année. Les intérêtséchus devaient être payés tous les trois mois. L'emprunteur devait acquérir àses frais une option sur taux d'intérêts destinée à le couvrir à long termecontre une hausse au-dessus de 5%, y compris la marge.Dans tous les cas de remboursement du capital avant la fin d'une période detaux d'intérêts, l'établissement prêteur pouvait réclamer une indemnitécorrespondant, en substance, à la différence entre les intérêts qu'il auraitperçus jusqu'à la fin de cette période et ceux qu'il pouvait percevoir, dansle même laps de temps, en plaçant le capital remboursé. Le cas échéant, cetteindemnité s'ajoutait à celle due en cas de résiliation pendant la troisièmeou la quatrième année du prêt.Le contrat était soumis au droit suisse et le for judiciaire se trouvait àGenève.Le capital convenu a été versé le 24 juin 2002. Peu après, par suite defusions d'établissements bancaires, le prêteur est devenu la banque allemandeY.________ AG. B.Le 13 mai 2003, X.________ a fait savoir qu'il choisissait une nouvelle duréed'une année pour le taux d'intérêts, du 24 juin 2003 au 23 juin 2004, sur labase du taux libor. La banque lui a communiqué les termes trimestriels, lesmontants d'intérêts correspondants, soit 2'821'250 fr. en tout, et le prix del'option de couverture à acquérir pour l'année qui suivrait la fin de cettepériode, soit 135'000 fr. C.Le 26 du même mois, X.________ a fait savoir qu'il souhaitait rembourser leprêt le plus rapidement possible; il demandait des propositions chiffréespour un remboursement au 28 mai ou au 23 juin. La banque a répondu le mêmejour en se référant aux clauses du contrat relatives aux indemnités en cas deremboursement anticipé. Dans l'éventualité d'un remboursement au 23 juin2003, elle prétendait à une «indemnité forfaitaire» s'élevant à 1'000'000de fr., «montant dû», et à une «indemnité au titre de remboursementanticipé» de 2'180'750 fr., «provision». La résiliation de l'option decouverture procurerait une bonification de 45'000 fr. Ces chiffres étaientfournis «à titre indicatif uniquement».Le 4 juin, après un entretien téléphonique, X.________ a confirmé par écritson choix d'un remboursement au 23 juin, aux conditions suivantes:a) ...b) indemnité forfaitaire de: 1'000'000 defr.c) indemnité au titre du remboursement anticipé(à titre indicatif) de: 2'180'750 fr.d) dont à déduire:remboursement pour compensation de la résiliation du cap: 45'000 fr.Pour le surplus, X.________ demandait à Y.________ AG de prendre contact avecla banque A.________ SA afin d'organiser les modalités du remboursement.Les prétentions de Y.________ AG ont ensuite varié en ce sens que le montantde 2'180'750 fr. est passé à 2'016'830 fr.62 puis, finalement, à 2'007'136fr.13; celui de 45'000 fr. s'est réduit à 37'500 fr. et il est remonté à52'500 fr. Le solde réclamé par la banque s'élevait donc, en définitive, à1'954'636 fr.13. Le 23 juin 2003, X.________ a chargé A.________ SA de virerce montant «au titre d'intérêts pour la période du 23.6.03 au 23.6.04inclus». Cette banque avait déjà annoncé ce virement à Y.________ AG, aveccelui du capital et de l'indemnité forfaitaire de 1'000'000 de fr.Près de deux semaines après, par l'intermédiaire de son avocat, X.________ aréclamé la restitution de 1'954'636 fr.13. Il soutenait que ce montant avaitété versé sans cause compte tenu qu'il s'agissait des intérêts d'une sommequi n'était plus prêtée. Y.________ AG a refusé en expliquant qu'ils'agissait d'une indemnité calculée sur la base du contrat de prêt. D.Le 14 mai 2004, X.________ a ouvert action contre Y.________ AG devant leTribunal de première instance du canton de Genève. Sa demande tendait aupaiement de 1'954'636 fr.13 pour remboursement d'intérêts qui n'étaient pasdus et de 135'000 fr. pour remboursement complet de l'option de couverture,avec intérêts au taux de 5% par an dès le 9juillet 2003.Contestant toute obligation, la défenderesse a conclu au rejet de l'action.Le tribunal a statué par jugement du 5 septembre 2005; il lui a donné gain decause.Le demandeur ayant appelé à la Cour de justice, celle-ci s'est prononcée le17 février 2006. Elle a confirmé le jugement. Le contrat de prêt n'autorisaitpas l'emprunteur à se délier avant la fin de la deuxième année et lesvirements exécutés le 23 juin 2003 étaient fondés sur un contrat derésolution distinct que les parties avaient négocié et conclu à ce moment. LaCour constatait que leur réelle et commune intention avait pour objet demettre fin aux obligations réciproques moyennant le remboursement du capitalet le versement de deux indemnités de 1'000'000 de fr. et 1'954'636 fr.13. Cecontrat constituait la cause valable du paiement et il n'y avait pas lieu derechercher si cette dernière somme avait été calculée conformément au contratinitial. E.Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur requiert le Tribunalfédéral de modifier l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que ladéfenderesse soit condamnée à payer 1'982'500 fr. avec intérêts au taux de 5%par an dès le 9 juillet 2003. Subsidiairement, il conclut à l'annulation del'arrêt et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale.La défenderesse conclut au rejet du recours.Le demandeur a versé des sûretés en garantie de l'émolument judiciaire et desdépens. Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté le recours dedroit public que ce plaideur a simultanément introduit contre le mêmeprononcé. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est formé par une partie qui a succombé dans des conclusionsconcernant sa propre situation juridique. Il est dirigé contre un jugementfinal rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême (art. 48al. 1 OJ), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse leseuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) etdans les formes requises (art. 55 OJ), il est en principe recevable.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al.1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Sous réserved'exceptions qui ne sont pas réalisées dans la présente affaire, le Tribunalfédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faitsconstatés dans la décision attaquée (art. 63 al. 2 et 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4 p. 140). La partie recourante n'est pasautorisée à critiquer les constatations de fait ni à alléguer des faits quin'ont pas été constatés (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le Tribunal fédéral nepeut pas juger au delà des conclusions des parties mais il n'est pas lié parmotifs que celles-ci invoquent (art. 63 al. 1 OJ) et il apprécie librement laportée juridique des faits (art. 43 al. 4, 63 al.3 OJ). 2.Le demandeur reproche à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 18 COconcernant l'interprétation des contrats. Selon son argumentation, il aaccepté la proposition de la défenderesse du 26 mai 2003 et l'étendue de sesobligations doit donc être déterminée d'après cette proposition. Les termesutilisés, rapprochés des clauses du contrat de prêt auxquelles il était faitréférence, doivent être compris en ce sens que le montant de 2'180'750 fr.,qui a par la suite été ajusté, était une simple provision; après leremboursement du capital et son replacement par la défenderesse, celle-cidevrait remettre un décompte et restituer cette provision sous déduction desa perte d'intérêts effective.Confronté à un litige sur l'interprétation d'une convention, le juge doittout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention desparties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont ellesont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable dela convention (art. 18 al. 1 CO). S'il y parvient, le juge procède à uneconstatation de fait qui ne peut pas être attaquée par la voie du recours enréforme (ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611; 129 III 618 consid. 3 p. 620,129 III 664 consid. 3.1 p. 667). Déterminer ce que les parties savent ouveulent au moment de conclure relève en effet de la constatation des faits(ATF 131 III 606, ibidem; 128 III 419 consid. 2.2 p. 422).Si le juge ne parvient pas à établir la commune et réelle volonté desparties, il lui incombe d'interpréter leurs déclarations et comportementsselon la théorie de la confiance. Il doit rechercher comment une déclarationou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensembledes circonstances (ATF 132 III 24 consid. 4 p.27/28). Le principe de laconfiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration oude son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime(ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611; 130 III 417 consid. 3.2 p. 424; 129 III118 consid. 2.5 p.123, 664 consid. 3.1 p. 667). L'application du principe dela confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'unrecours en réforme, examine librement. Pour résoudre cette question de droit,il doit cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volontéconcernée et sur les circonstances dans lesquelles elle est intervenue,points qui relèvent du fait (ATF 132 III 24 consid. 4 p. 28; 131 III 606consid. 4.1 p. 611; 130 III 417 consid. 3.2 p. 425).En l'occurrence, la Cour de justice a constaté qu'à l'époque du virement, lesparties ont voulu respectivement verser et recevoir le montant de 1'954'636fr.13 à titre définitif plutôt que sous réserve d'un décompte et d'unerestitution ultérieurs. Le demandeur souligne vainement les difficultés quipeuvent se présenter dans la délimitation entre la constatation desmanifestations de volonté, d'une part, et l'interprétation de ces mêmesmanifestations, d'autre part, car la motivation de l'arrêt qu'il conteste estdépourvue de toute ambiguïté. Il a tenté sans succès d'invalider laconstatation précitée par la voie du recours de droit public. Elle subsistedonc et elle coupe court à un débat qui aurait pour objet d'interpréter lecontrat initial et la proposition du 26 mai 2003 selon le principe de laconfiance. Rapprochée de l'art. 18 CO, et conformément au raisonnement de laCour, elle met en évidence la cause juridique du versement.En tant que le demandeur critique les constatations de fait ou allègue desfaits autres que ceux constatés, son argumentation est irrecevable au regardde l'art. 55 al. 1 let. c OJ. 3.La Cour de justice a expressément rejeté qu'il existât une divergence entrela volonté intime du demandeur et celle que ce cocontractant a exprimée enacceptant la proposition du 26 mai 2003 et en faisant exécuter, ensuite, levirement. Elle n'a pas non plus constaté que d'après la volonté commune desparties, l'acquisition définitive du montant viré, par la défenderesse, fûtdépendante d'un événement futur et incertain. Le demandeur se réfère doncaussi vainement aux art. 24 al. 1 ch. 3 et 151 al. 2 CO concernantrespectivement l'erreur essentielle et l'obligation conditionnelle. Enfin, ceplaideur n'a pas versé le montant litigieux à titre d'intérêts anticipés maisd'indemnité pour obtenir sa libération d'un contrat qui n'était pas encorerésiliable. Ainsi, la jurisprudence concernant l'action pour caused'enrichissement illégitime, régie par l'art. 62 CO, n'est pas non pluspertinente. 4.Dans l'instance d'appel, le demandeur a pris des conclusions préparatoirestendant à faire ordonner à la défenderesse de produire «le décompte ducalcul détaillé de l'indemnité de l'art. 11.3 (indiquant le rendement duplacement de substitution, y compris la marge)». La Cour n'a pas donné suiteà cette réquisition, ce que le demandeur tient pour contraire à l'art. 8 CC.Cette disposition répartit le fardeau de la preuve dans les contestationssoumises au droit civil fédéral. A la partie chargée dudit fardeau, ilconfère le droit de prouver les faits concernés (ATF 115 II 300 consid. 3 p.303), pour autant qu'ils soient juridiquement pertinents au regard du droitfédéral applicable à la cause, que la partie les ait régulièrement alléguésselon le droit cantonal de procédure et que l'offre de preuve correspondantesatisfasse, quant à la forme et au délai, aux exigences de ce droit (ATF 126III 315 consid. 4a p. 317; 122 III 219 consid. 3c p. 223/224). Or, après queles juges avaient vu le fondement juridique du virement de 1'954'636 fr.13dans l'accord ad hoc des parties, les conditions dans lesquelles ladéfenderesse avait pu replacer le capital n'avaient aucune incidence surl'issue de la cause et d'éventuelles preuves sur ce point étaient doncinutiles. Il en résulte que le grief tiré de l'art. 8 CC est lui aussi malfondé, ce qui conduit au rejet du recours. 5.A titre de partie qui succombe, le demandeur doit acquitter l'émolumentjudiciaire et les dépens auxquels la défenderesse peut prétendre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2.Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 15'000 fr. par prélèvementsur les sûretés versées en garantie de cet émolument. 3.Par prélèvement sur les sûretés versées en garantie des dépens, la caisse duTribunal fédéral versera, à titre de dépens, une indemnité de 17'000 fr. à ladéfenderesse. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 29 septembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.116/2006
Date de la décision : 29/09/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-09-29;4c.116.2006 ?
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