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28/09/2006 | SUISSE | N°2P.173/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 septembre 2006, 2P.173/2006


{T 0/2}2P.173/2006/svc Arrêt du 28 septembre 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Betschart, Juge présidant,Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.Greffière: Mme Dupraz. X. ________,recourant, représenté par Me Dominique Morard, avocat, contre Caisse de compensation du canton de Fribourg,Impasse de la Colline 1, case postale, 1762 Givisiez,Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,route André-Piller 21, case postale, 1762 Givisiez. Art. 9 Cst.: paiement d'allocations arriérées, recours de droit public contre l'arrêt de laCour des assurances soci

ales du Tribunal administratif du canton de Fribourgdu 18...

{T 0/2}2P.173/2006/svc Arrêt du 28 septembre 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Betschart, Juge présidant,Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.Greffière: Mme Dupraz. X. ________,recourant, représenté par Me Dominique Morard, avocat, contre Caisse de compensation du canton de Fribourg,Impasse de la Colline 1, case postale, 1762 Givisiez,Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,route André-Piller 21, case postale, 1762 Givisiez. Art. 9 Cst.: paiement d'allocations arriérées, recours de droit public contre l'arrêt de laCour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourgdu 18 mai 2006. Faits: A.X. ________ est enseignant au Cycle d'orientation de Z.________ (ci-après: leCycle). Père de quatre enfants d'un premier mariage, il a épousé, le 28 mars2001, une veuve, Y.________, mère de quatre enfants qui étaient doncorphelins de père. X.________ a annoncé son changement d'état civil àl'administrateur du Cycle (ci-après: l'Administrateur), en précisant que sanouvelle femme était mère de quatre enfants. Il s'est alors enquis de sondroit à des allocations familiales pour ses beaux-enfants auprès del'Administrateur qui, prétend-il, lui a répondu qu'un tel droit n'existaitpas, dès lors que ses beaux-enfants touchaient des rentes d'orphelins.L'Administrateur a transmis le dossier au Service du personnel etd'organisation du canton de Fribourg (ci-après: le Service cantonal). Le 24janvier 2005, X.________ a adressé au Service cantonal une demanded'allocations pour ses beaux-enfants à compter du 1er mars 2001; il disaitavoir appris fortuitement, au début de ce même mois, qu'il pouvait yprétendre.Le 18 février 2005, le Service cantonal a reconnu à l'intéressé le droit àl'allocation d'employeur pour enfants avec effet rétroactif au mois de mars2001. Puis, il a transmis la demande de X.________ à la Caisse decompensation du canton de Fribourg (ci-après: la Caisse) pour décision enmatière d'allocations familiales, selon la loi fribourgeoise du 26 septembre1990 sur les allocations familiales (ci-après: LAF).Par décisions du 6 avril 2005, confirmées sur réclamation le 15 juin 2005, laCaisse a admis de verser rétroactivement, mais à partir du 1er janvier 2003seulement, des allocations familiales pour les beaux-enfants dont X.________assumait la charge. B.X.________ a alors porté sa cause devant le Tribunal administratif du cantonde Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif) qui a rejeté le recours pararrêt du 18 mai 2006. Le Tribunal administratif a considéré en substance que,selon les dispositions topiques de la législation fribourgeoise, lesallocations familiales arriérées ne pouvaient être réclamées que pour lesvingt-quatre mois précédant le dépôt de la demande, à moins que l'ayant droitn'ait pas pu connaître les faits ouvrant droit à prestations. Or, X._________ne s'était pas trouvé dans l'ignorance d'un fait ouvrant droit auxallocations familiales, mais bien dans l'ignorance du droit à celles-ci. Parailleurs, il ne pouvait pas se prévaloir du principe de protection de labonne foi en invoquant avoir été induit en erreur par l'Administrateur, carce dernier ne pouvait engager la responsabilité de la Caisse; X.________n'était pas fondé à croire que l'Administrateur pouvait lui donner uneassurance valable dans un domaine relevant exclusivement de la compétence dela Caisse et il était en mesure de s'apercevoir de l'inexactitude desindications que lui avait fournies l'Administrateur, en contactant simplementla Caisse. C.Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande auTribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunaladministratif du 18 mai 2006. Il invoque l'art. 9 Cst., se plaignant ensubstance d'arbitraire.Le Tribunal administratif et la Caisse ont renoncé à présenter desobservations sur le recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292). 1.1 Selon l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est recevable qu'àl'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale, ce qui est lecas de l'arrêt présentement attaqué. Il résulte notamment de cette règle quedes moyens de fait ou de droit qui n'ont pas été soumis à l'autorité dedernière instance cantonale ne peuvent, en principe, être soulevés devant leTribunal fédéral. C'est le cas en particulier lorsque le recours est formépour arbitraire, car on ne saurait reprocher à une autorité d'être tombéedans l'arbitraire pour n'avoir pas tenu compte dans sa décision d'élémentsqui ne lui avaient précisément pas été soumis. La jurisprudence admetcependant certaines exceptions; des nouveaux moyens de fait et de droit quisont suscités exclusivement par la motivation de la décision attaquée sontainsi recevables (ATF 128 I 354 consid. 6c p. 357; 99 Ia 113 consid. 4a p.122; en doctrine, cf. Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichenBeschwerde, 2e éd., Berne 1994, p. 369 ss). 1.2 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par laloi, par une personne ayant manifestement qualité pour recourir, contre unarrêt fondé exclusivement sur le droit public cantonal, le présent recoursest en principe recevable au regard des art. 84 ss OJ. 2.Le recourant se plaint d'arbitraire à différents égards. Il convient dès lorsde définir cette notion et de rappeler le contenu de l'art. 13 LAF qui est aucentre du présent litige. 2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situationde fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair etindiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de lajustice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de lasolution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elleapparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situationeffective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain.De plus, pour qu'une décision soit annulée, il ne suffit pas que samotivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soitarbitraire dans son résultat. En outre, il n'y a pas arbitraire du seul faitqu'une autre solution - en particulier une autre interprétation de la loi -que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 131I 217 consid. 2.1 p. 219; 129I173 consid. 3.1 p. 178; 120 Ia 369 consid. 3ap. 373). Enfin, lorsque le recourant s'en prend à l'appréciation des preuveset à l'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que si le jugen'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'ila omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre àmodifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des élémentsrecueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1p. 9).Pour satisfaire, dans un recours pour arbitraire, aux exigences de l'art. 90al. 1 lettre b OJ, le recourant ne peut pas se contenter de critiquer l'acteentrepris comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité derecours peut revoir librement l'application du droit. Il doit préciser enquoi l'acte attaqué serait arbitraire (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312). 2.2 L'art. 13 LAF a la teneur suivante:"1 Le droit de réclamer le paiement des allocations familiales arriéréess'éteint cinq ans après la fin du mois pour lequel elles étaient dues.2 Si l'ayant droit présente sa demande plus de vingt-quatre mois après lanaissance du droit, les allocations familiales ne sont allouées que pour lesvingt-quatre mois précédant le dépôt de la demande; elles sont allouées pourune période antérieure si l'ayant droit ne pouvait pas connaître les faitsouvrant droit aux prestations et qu'il présente sa demande dans les douzemois dès le moment où il en a eu connaissance." 3.Le recourant se plaint que le Tribunal administratif soit tombé dansl'arbitraire en refusant de le faire bénéficier du principe de la protectionde la bonne foi. 3.1 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble del'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans laconfiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités,lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou uncomportement déterminé de l'administration. Selon la jurisprudence, unrenseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obligercelle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à laréglementation en vigueur, à condition (a) que l'autorité soit intervenuedans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elleait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c)que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement del'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (d) qu'il se soitfondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendredes dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et(e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance aété donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636/637 et la jurisprudence citée). 3.2 Dans le cas particulier, le recourant a été dissuadé par un fauxrenseignement d'user en temps utile d'un droit dont il pouvait bénéficier.Lorsqu'il s'est aperçu de l'erreur, il était trop tard pour qu'il puissefaire valoir l'intégralité de ce droit au regard de l'art. 13 al. 2 LAF.L'avantage contraire à la loi que réclame le recourant en se prévalant duprincipe de la bonne foi consiste en ce que toutes les allocations familialesarriérées lui soient versées, nonobstant la limitation à la période desvingt-quatre mois précédant le dépôt de la demande et ce quand bien même sonerreur portait non pas sur un fait ouvrant droit à celles-ci mais sur cedroit lui-même.Il n'y a pas lieu de rechercher ce qu'il en serait si l'indication erronéeavait émané de la Caisse elle-même. Ici, il convient de déterminer si le fauxrenseignement fourni par l'Administrateur était propre à obliger la Caisse àconsentir au recourant cet avantage contraire à la loi. C'est à juste titreque le Tribunal administratif a répondu par la négative. L'autorité intimée aconsidéré que l'Administrateur n'était pas compétent pour reconnaître oudénier un droit à des allocations familiales, de sorte qu'il n'avait pas pu,par une indication erronée à ce propos, engager la responsabilité de laCaisse, seule compétente en la matière. L'argumentation du Tribunaladministratif n'est pas arbitraire.Le recourant soutient qu'il appartient au canton de Fribourg de le protégerdans sa bonne foi puisque, d'une part, il est l'employeur de l'Administrateurqui lui a fourni le faux renseignement auquel il s'est fié et que, d'autrepart, la Caisse est une de ses émanations. Il n'est pas nécessaire d'examinersi cette argumentation nouvelle est recevable (cf. consid. 1.1, ci-dessus),car elle n'est de toute façon pas fondée. Si l'employeur du recourant étaitune entreprise privée affiliée obligatoirement à la Caisse (cf. art. 34lettre c LAF), personne ne penserait qu'un faux renseignement de sa parttouchant à l'existence d'un droit à des allocations familiales serait denature à engager la Caisse. II ne saurait en aller différemment dans le casoù, comme ici, l'employeur est une corporation publique dont la Caisse estune émanation. La détermination des personnes ayant droit à des allocationsfamiliales ressortit en effet à la compétence exclusive de la Caisse.Le Tribunal administratif a refusé de faire bénéficier le recourant duprincipe de la protection de la bonne foi, après avoir constaté que l'une desconditions cumulatives auxquelles est subordonnée l'application de ceprincipe n'était pas réalisée. En procédant de la sorte, l'autorité intiméen'a pas violé ledit principe ni, par conséquent, commis arbitraire. 4.4.1Le recourant reproche au Tribunal administratif d'être tombé dansl'arbitraire en refusant d'appliquer de façon extensive l'art. 13 al. 2 LAF,alors que le Service cantonal a omis de lui adresser la formule de demanded'allocations familiales prévue à l'art. 4 du règlement fribourgeois du 18février 1991 d'exécution de la loi du 26 septembre 1990 sur les allocationsfamiliales (ci-après: RAF). L'intéressé prétend que cette omission du Servicecantonal - une fois nanti de ses nouvelles données d'état civil -, ajoutée aufaux renseignement fourni par l'Administrateur, l'a mis "en situation quasicomparable à celle qui aurait été la sienne s'il avait ignoré des faitsdonnant droit aux prestations". 4.2 L'argumentation, nouvelle, que le recourant développe ainsi s'apparenteen fait à celle qu'il a avancée à propos de la protection de la bonne foi. Ilpart cette fois de l'omission par le Service cantonal de l'envoi de laformule de demande d'allocations familiales prévue à l'art.4 RAF et arrive àla conclusion qu'il doit bénéficier d'un régime de faveur, soit del'application extensive de l'art. 13 al. 2 LAF. On peut donc se reporter à cequi a été dit au considérant 3.2 ci-dessus, en particulier quant à lacompétence exclusive de la Caisse pour déterminer qui a droit à desallocations familiales sur la base de l'art. 13 LAF. Le recourant méconnaîten fait l'autonomie dont la Caisse jouit à cet égard. Au demeurant, on nevoit pas que le Tribunal administratif ait fait une application arbitraire del'art. 13 al. 2 LAF en l'espèce et le recourant ne le démontre pas non plusdans une motivation conforme aux exigences de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ. Enréalité, l'intéressé ne prétend pas que l'autorité intimée n'a pas appliquécorrectement l'art. 13 al. 2 LAF, mais il lui reproche de ne pas en avoirfait une application extensive, compte tenu des circonstances. La façon donta procédé le Tribunal administratif dans le cas particulier ne sauraitcependant être qualifiée d'arbitraire au regard de la jurisprudence rappeléeci-dessus (cf. consid. 2.1), de sorte que le moyen du recourant doit êtrerejeté. 5.Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 1'800 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à laCaisse de compensation du canton de Fribourg et à la Cour des assurancessociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg. Lausanne, le 28 septembre 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le juge présidant: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.173/2006
Date de la décision : 28/09/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-09-28;2p.173.2006 ?
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