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28/09/2006 | SUISSE | N°1P.47/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 septembre 2006, 1P.47/2006


{T 0/2}1P.47/2006 /col Arrêt du 28 septembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger, Nay, Reeb et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Olivier Boillat, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève,Chambre pénale, case postale 3108, 1211 Genève 3. indemnisation du prévenu acquitté, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du canton deGenève du 19 décembre 2005. Faits: A.Né en 1983 au Sénégal, A.________, qui

vit depuis l'âge de 6 ans à Genève, afait l'objet de deux plaintes p...

{T 0/2}1P.47/2006 /col Arrêt du 28 septembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger, Nay, Reeb et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Olivier Boillat, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève,Chambre pénale, case postale 3108, 1211 Genève 3. indemnisation du prévenu acquitté, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du canton deGenève du 19 décembre 2005. Faits: A.Né en 1983 au Sénégal, A.________, qui vit depuis l'âge de 6 ans à Genève, afait l'objet de deux plaintes pénales pour abus de confiance, déposées le 7décembre 2002 et le 17 janvier 2003 par son employeur, ensuite desquelles ila été entendu à deux reprises par la police. Le 8 avril 2003, le Procureurgénéral a classé la procédure. Sur recours du plaignant, la Chambred'accusation genevoise a toutefois ordonné, le 3 juin 2003, l'ouverture d'uneprocédure à l'encontre de A.________, qui a été inculpé d'abus de confiancele 27 juin 2003. Condamné pour cette infraction à 3 mois d'emprisonnementavec sursis pendant 3 ans par ordonnance du Procureur général du 9 janvier2004, A.________ y a fait opposition. La cause a ainsi été portée devant leTribunal de police, qui a tenu deux audiences, les 12 mai et 8 septembre2004, puis a prononcé l'acquittement de A.________ par jugement du 26novembre 2004. B.Le 19 août 2004, A.________ a déposé auprès de la Chambre pénale de la Courde justice genevoise une demande d'indemnisation fondée sur l'art. 379CPP/GE. Alléguant avoir ressenti très difficilement la procédure pénale etavoir dû assumer, par plus de 12'000 fr., les honoraires de son avocat, ilconcluait au versement d'une somme de 10'000 fr. à titre d'indemnité pour lepréjudice résultant d'une poursuite pénale injustifiée. Par arrêt du 19décembre 2005, la Chambre pénale a rejeté la requête, considérant, en bref,que les conditions d'une indemnisation n'étaient pas réunies, le cas durequérant ne présentant rien d'exceptionnel. C.A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral, pourconstatation arbitraire des faits et application arbitraire de l'art. 379CPP/GE. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en sollicitantl'assistance judiciaire et la désignation de son défenseur comme avocatd'office.Le Procureur général conclut au rejet du recours. L'autorité cantonale seréfère aux considérants de son arrêt. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Formé, pour violation de l'art. 9 Cst., à l'encontre d'une décision finale,de dernière instance cantonale, rendue en application du droit cantonal deprocédure, le recours, qui émane d'une personne manifestement habilitée à leformer, est recevable sous l'angle des art. 84, 86 al. 1 et 88 OJ. 2.Le recourant invoque une application arbitraire de l'art. 379 CPP/GE,reprochant à l'autorité cantonale d'avoir nié que les conditions d'uneindemnité au sens de cette disposition sont réalisées en l'espèce. Il seplaint également d'une constatation arbitraire des faits, faisant valoirqu'il était insoutenable de considérer que le cas ne présente riend'exceptionnel. Ainsi formulé, ce second grief n'a toutefois pas de portéepropre par rapport au premier, qu'il suffit donc d'examiner. 2.1 Selon la jurisprudence, ni la Constitution ni la Convention n'exigentd'indemniser dans tous les cas le prévenu en cas d'acquittement; sous réservede l'art. 5 ch. 5 CEDH et de l'art. 3 du Protocole additionnel n° 7 à laCEDH, une indemnisation du prévenu acquitté n'est imposée ni par le droitconstitutionnel ni par le droit conventionnel (cf. ATF 119 Ia 221 consid. 6p. 230; 113 Ia 177 consid. 2d p.182; 108 Ia 13 consid. 3 p. 17; 105 Ia 127consid. 2b p. 128; SJ 1998 p. 333 consid. 4a p. 338; SJ 1995 p. 285 consid.3b p. 288; cf. également arrêt 1P.237/2004 consid. 4.3). Hormis cesexceptions, non réalisées en l'espèce, les cantons ne sont donc pas tenus deprévoir une indemnité en cas d'acquittement. Il leur est toutefois loisiblede le faire et, le cas échéant, de subordonner l'indemnité à des conditionsou de limiter son montant à un maximum (cf. arrêt 1P.237/2004 consid. 4.3).Le droit à une indemnité ainsi reconnu par le droit cantonal est alorsexaminé par le Tribunal fédéral sous l'angle de l'arbitraire, dès lors qu'ilest garanti par une norme de rang inférieur à la Constitution (cf. ZBl99/1998 p. 34 consid. 2). La notion d'arbitraire a notamment été rappeléedans les ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et 173 consid. 3.1 p. 178, auxquels onpeut donc se référer. 2.2 L'art. 379 al. 1 CPP/GE prévoit qu'"une indemnité peut être attribuée,sur demande, pour préjudice résultant de la détention ou d'autres actes del'instruction, à l'accusé qui a bénéficié d'un non-lieu ou d'un acquittementdans la procédure de jugement ou après révision". Il revient au juge dedéterminer le montant de l'indemnité, lequel, sous réserve de circonstancesparticulières, ne peut dépasser 10'000 fr. (art. 379 al. 2 CPP/GE).L'indemnité peut être refusée ou réduite si la conduite répréhensible del'accusé a provoqué ou entravé les opérations d'instruction (art. 379 al. 5CPP/GE).Selon la pratique cantonale relative à l'art. 379 CPP/GE rappelée dansl'arrêt attaqué, une indemnité n'est en général accordée au prévenu mis aubénéfice d'un non-lieu ou acquitté que dans les cas de détention; elle n'estoctroyée à un prévenu qui n'a pas subi de détention que "dans descirconstances exceptionnelles", c'est-à-dire "lorsqu'un refus violeraitgravement les sentiments de la justice et de l'équité". 2.3 Avec raison, le recourant, qui n'a pas été détenu, ne conteste pas laconstitutionnalité de cette pratique, qui a été admise par le Tribunalfédéral (cf. arrêt 1P.237/2004 consid. 4.3). Il soutient en revanche que lerefus, dans le cas d'espèce, d'admettre l'existence de circonstancesexceptionnelles, procède d'une application arbitraire de l'art. 379 CPP/GE. 2.4 Le recourant a fait l'objet, le 7 décembre 2002 et le 17 janvier 2003, dedeux plaintes de son employeur, pour abus de confiance, lequel lui reprochaitde s'être approprié divers vêtements et des sommes à lui confiés en saqualité d'employé, le tout pour un montant global de l'ordre de quelquesmilliers de francs. Dans un premier temps, la procédure a été classée; surrecours du plaignant, elle a toutefois été reprise et le recourant a alorsété condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 3 ans; l'affaire aensuite été portée devant le Tribunal de police, qui, après deux audiences, afinalement acquitté le recourant au bénéfice du doute le 24 novembre 2004.La procédure a ainsi duré, au total, près de deux ans entre le dépôt de lapremière plainte et l'acquittement finalement prononcé. On ne sauraittoutefois méconnaître que, pour un jeune adulte de l'âge du recourant, quiavait moins de 20 ans à l'époque des plaintes, il s'agissait d'années clef.En outre, eu égard au chômage des jeunes régnant sur le marché du travail,une procédure pendante pour abus de confiance, initiée par l'employeur, au vude ses implications possibles pour l'avenir professionnel et économique durecourant, dont la situation est loin d'être aisée, était particulièrementlourde à assumer. L'importance des incidences tant financières quepsychologiques de la procédure pour le recourant ne sauraient dés lors êtreminimisée, d'autant moins que la procédure a connu des rebondissementspropres à susciter tour à tour l'espoir ou l'angoisse. Il s'impose aucontraire d'admettre que, compte tenu de son jeune âge, de sa situationprécaire et des craintes qu'il pouvait nourrir quant à son avenir sur le planprofessionnel et économique, la procédure, qui a duré deux ans et a connudivers rebondissements, s'est avérée particulièrement pénible pour lerecourant. Il est par ailleurs à relever que ce dernier ne se voit reprocherni d'avoir compliqué l'instruction, ni de l'avoir allongée inutilement.Enfin, les préjudices allégués par le recourant, y compris ses frais d'avocat(cf. arrêt 1P.301/2002 consid. 2.2), sont directement liés à la procédurepénale.Dans ces conditions, l'autorité cantonale est tombée dans l'arbitraire enniant l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant d'accorder uneindemnité au recourant. Au demeurant, vu la nature cassatoire du recours dedroit public, les autres restrictions du droit à une indemnité au sens del'art. 379 CPP, en particulier celles mentionnées à l'alinéa 5 de cettenorme, n'ont pas à être examinées dans la présente procédure. 3.Le recours de droit public doit ainsi être admis et l'arrêt attaqué annulé,la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.Vu l'issue du recours, il ne sera pas perçu de frais (art. 156 al. 2 OJ) etune indemnité de dépens sera versée au recourant, à la charge de l'Etat deGenève (art. 159 al. 1 et 2 OJ). La requête d'assistance judiciaire durecourant devient ainsi sans objet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.Il n'est pas perçu de frais. 3.Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée au recourant, à la charge del'Etat de Genève. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant ainsiqu'au Procureur général et à la Chambre pénale de la Cour de justice ducanton de Genève. Lausanne, le 28 septembre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.47/2006
Date de la décision : 28/09/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-09-28;1p.47.2006 ?
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