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27/09/2006 | SUISSE | N°4P.111/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 septembre 2006, 4P.111/2006


{T 0/2}4P.111/2006 /ech Arrêt du 27 septembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Chaix, Juge suppléant.Greffière: Mme Crittin. L'Union Suisse Romande des Pédicures-Podologues (USRPP),L'Association cantonale neuchâteloise et jurasienne des Pédicures-Podologues(ACNJPP),A.________,recourantes,toutes les trois représentées par Me Christian van Gessel, contre Fédération Suisse de Pédicure (FSP),intimée, Me Christophe Schwarb,IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, case postale3174, 2001 Neuchâtel 1. art. 9 Cst. (procédure civile

, appréciation de la preuve), recours de droit public [OJ] cont...

{T 0/2}4P.111/2006 /ech Arrêt du 27 septembre 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Chaix, Juge suppléant.Greffière: Mme Crittin. L'Union Suisse Romande des Pédicures-Podologues (USRPP),L'Association cantonale neuchâteloise et jurasienne des Pédicures-Podologues(ACNJPP),A.________,recourantes,toutes les trois représentées par Me Christian van Gessel, contre Fédération Suisse de Pédicure (FSP),intimée, Me Christophe Schwarb,IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, case postale3174, 2001 Neuchâtel 1. art. 9 Cst. (procédure civile, appréciation de la preuve), recours de droit public [OJ] contre le jugement de la IIe Cour civile duTribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 15 mars 2006. Faits: A.A.a Selon les dictionnaires médicaux de langue française, le "podologue" estl'auxiliaire médical spécialisé dans l'étude du pied pathologique par desméthodes non invasives (empreintes plantaires) et traitant les anomaliesconstatées par des méthodes orthopédiques (semelles). Le "pédicure" seconsacre quant à lui aux soins des affections superficielles des pieds et desorteils (durillons, ongles incarnés) ou bien aux soins du pied normal. Depuis environ 25 ans, le terme de "Podologie" s'est imposé en Suissealémanique pour désigner la profession spécialisée dans les traitements decaractère paramédical du pied. Dans les législations de Suisse romande, cettemême discipline répond à des désignations différentes: "pédicure-podologue"dans les cantons du Jura, du Valais, de Neuchâtel et de Genève; "podologue"dans les cantons de Fribourg et de Vaud; dans ce dernier canton, le titre de"pédicure" reste néanmoins protégé pendant une période transitoire avantd'être remplacé par celui de "podologue". Sur le plan fédéral, des démarchessont en cours pour reconnaître un titre unique, soit celui de "podologue". A.b L'Union suisse romande des pédicures-podologues (USRPP) est uneassociation dont sont membres de droit ceux des associations cantonalesromandes de pédicures-podologues. L'association, dont les statuts ont étéadoptés en 2002, a pour but de défendre les intérêts de ses membres et decoordonner leur action sur divers plans. L'une de ces associations cantonalesest l'Association cantonale neuchâteloise et jurassienne despédicures-podologues (ACNJPP), qui a pour but le développement de laprofession des points de vue technique, intellectuel et moral, ainsi que lasauvegarde des intérêts professionnels de ses membres et leur formationcontinue. Ses statuts, adoptés en 1977, ont été modifiés en 1999. A. ________ exerce, à La Chaux-de-Fonds, la profession de pédicure-podologue. En 1999, une association s'est créée sous la dénomination de "SchweizerischerFusspflegerverband" (Fédération suisse de pédicure, Federazione svizzera dipedicura). Son but est la défense des intérêts de ses membres d'un point devue idéal et matériel, notamment par l'encouragement du perfectionnementprofessionnel et la création d'institutions sociales en faveur de sesmembres. Elle est inscrite depuis 2000 au registre du commerce de Zurich. B.Le 26 août 2003, I'USRPP, I'ACNJPP et A.________ ont assigné la Fédérationsuisse de pédicure (FSP) devant l'une des cours civiles du Tribunal cantonaldu canton de Neuchâtel. Elles ont notamment pris comme conclusion de dire etconstater que la défenderesse avait agi de façon illicite en utilisant leterme "pédicure" dans son nom et sollicité la publication du dispositif dujugement dans plusieurs journaux romands. A l'appui de cette demande, ellesont fait valoir que le terme de pédicure est compris, dans la grande majoritéde la population, comme désignant un thérapeute et non un esthéticien despieds; elles ont ajouté que diverses esthéticiennes des pieds faisaient "sansdoute" savoir qu'elles sont membres de la FSP. Aux dires des demanderesses,il résultait de tout cela un risque de confusion. Par jugement du 15 mars 2006, la Ile Cour civile du Tribunal cantonalneuchâtelois a rejeté la demande et mis les frais et dépens à la charge desdemanderesses. Pour ce qui concerne l'aspect du litige se fondant sur la loifédérale contre la concurrence déloyale, la cour cantonale est arrivée à laconclusion que la défenderesse n'avait pas la légitimation passive; dans uneargumentation subsidiaire, elle a cependant jugé que le comportement imputé àl'association défenderesse ne contrevenait ni à l'art. 3 let. c ni à l'art. 3let. d LCD. Analysant ensuite l'art. 29 al. 2 CC, la cour cantonale a exclutoute atteinte au droit au nom des demanderesses, précisant que, pour cetaspect du litige, A.________ n'avait pas la qualité pour agir puisque leterme "pédicure" n'apparaissait pas dans son nom. C.Par un même acte, les demanderesses interjettent en temps utile un recours dedroit public et un recours en réforme auprès du Tribunal fédéral. Cet acteénumère des conclusions et fait valoir des griefs différents selon qu'ilconcerne le recours de droit public ou le recours en réforme. S'agissant durecours de droit public, les demanderesses requièrent l'annulation dujugement cantonal. La défenderesse propose, avec suite de frais et dépens, le rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a lieu destatuer d'abord sur le recours de droit public. 2.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1; 131 I 153 consid.1; 366consid. 2 et l'arrêt cité). Le jugement rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est susceptibled'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal, dans la mesureoù les recourantes invoquent la violation directe d'un droit de rangconstitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droitpublic est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). Personnellement touchéespar la décision attaquée, qui les déboute de leurs conclusions, lesrecourantes ont un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ceque cette décision n'ait pas été prise en violation de leurs droitsconstitutionnels; en conséquence, elles ont qualité pour recourir (art. 88OJ). Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine queles griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dansl'acte de recours (art. 90 al. 1 let.b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1; 128III 50 consid. 1c et les arrêts cités). S'agissant d'un recours formé par un acte unique, il y a lieu de constaterque les recourantes ont pris, en grande partie, soin de distinguer les moyensrelevant du recours de droit public de ceux relevant du recours en réforme.Sous cet aspect, le recours de droit public est donc également recevable (cf.Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in: SJ 2000 II1ss, p. 4s.). 3.Les recourantes se plaignent de l'appréciation arbitraire des preuves àlaquelle aurait procédé la cour cantonale. 3.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle estmanifestement insoutenable, qu'elle méconnaît gravement une norme ou unprincipe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte de manièrechoquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid.2.1; 131 I 57 consid. 2); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisseégalement concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée,encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs,mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 217 consid.2.1). S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves, le Tribunalfédéral examine seulement si le juge cantonal a outrepassé son pouvoird'appréciation et établi les faits de manière arbitraire. Le juge tombe dansl'arbitraire lorsqu'il ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse,un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'il se trompemanifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant surles éléments recueillis, il en tire des constatations insoutenables (ATF 129I 8 consid. 2.1). Le grief tiré de l'appréciation arbitraire des preuves nepeut être pris en considération que si son admission est de nature à modifierle sort du litige, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il vise une constatation defait n'ayant aucune incidence sur l'application du droit (ATF 127 I 38consid. 2a). 3.2 Dans un style éminemment appellatoire, les recourantes fontprincipalement valoir que la cour cantonale n'a pas pris en compte le faitqu'une grande majorité des acteurs effectuant des interventions de caractèreparamédical sur le pied portent le titre de pédicures et non depédicures-podologues. Ce fait découlerait du constat qu'il existeraitnettement plus de professionnels ayant reçu un diplôme de pédicure avant 1995(33 classes d'âge) qu'un diplôme de pédicure-podologue après cette date (11classes d'âge). En tant que cette argumentation n'a pas entièrement étédéveloppée devant l'instance cantonale, qu'elle ne repose sur aucun élémentdu dossier et qu'elle se fonde sur la prémisse - non vérifiée - que chaqueclasse d'âge a formé autant de professionnels paramédicaux du pied que laprécédente, elle apparaît irrecevable. Les recourantes poursuivent leur raisonnement en soutenant que l'usageprolongé du terme "pédicure" jusque dans les années 1990 a certainementmarqué les esprits. Il en va en particulier des personnes âgées qui, auxdires des recourantes, forment la clientèle majoritaire despédicures-podologues. Pour preuve, il serait - toujours selon les recourantes- de notoriété publique que l'expression usitée pour aller se faire soignerchez un pédicure-podologue serait celle d'"aller chez la pédicure". Làencore, les recourantes se contentent d'énumérer des affirmations qui netrouvent aucun fondement sérieux dans le dossier et ne mettent pas en exerguedes éléments qui auraient arbitrairement été omis par les juges cantonaux.Quant à la question du risque de confusion auprès d'un public âgé, lesrecourantes mélangent la discussion juridique relative à l'appréciation despreuves avec celle relative aux conditions d'application de l'art. 3 let. dLCD, ce qui n'est pas acceptable dans un recours de droit public. Les recourantes reprochent par ailleurs à la cour cantonale d'avoir affirméque le terme de pédicure n'est pas indubitablement lié, dans la terminologieactuelle, à des prestations paramédicales. Or, les recourantes ne démontrentabsolument pas en quoi cette assertion, sur le plan de la terminologieactuelle, serait erronée. A cet égard, ce que pense le public sur cettequestion - à tort ou à raison - est indifférent. De toute manière, lesrecourantes ne se réfèrent jamais à une pièce ou à un témoignage qu'auraitomis l'instance cantonale et qui devrait modifier sa libre appréciation despreuves. Enfin, les recourantes font grand cas du fait que les membres del'association intimée ne seraient pas au clair sur leur propre activité,confondant eux-mêmes les soins et la beauté des pieds. A l'appui de leurargumentation, elles citent la déposition suivante de B.________, membre del'intimée: "Je fais effectivement les soins (...) Je ne vois pas pourquoicela pose problème, car je ne fais pas la beauté des pieds mais bien lessoins". Comme l'indiquent les dictionnaires médicaux, le pédicure(Fusspfleger) est habilité à donner des soins aux affections superficiellesdes pieds et des orteils. Dans cette mesure, le témoignage B.________n'apparaît pas en contradiction avec les attributions professionnellesréservées aux personnes n'ayant pas de formation de pédicure-podologue. Dèslors, la cour cantonale pouvait, sans verser dans l'arbitraire, omettre deretranscrire cette déclaration dans ses considérants. 3.3 Au vu de ce qui précède, le recours de droit public, dans la mesure de sarecevabilité, doit être rejeté. 4.Compte tenu de l'issue de la cause, les recourantes supporteront l'émolumentde justice et verseront à l'intimée une indemnité de dépens (art. 156 al. 1et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des recourantes,solidairement entre elles. 3.Les recourantes verseront, solidairement entre elles, une indemnité de 2'500fr. à l'intimée à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laIIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Lausanne, le 27 septembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.111/2006
Date de la décision : 27/09/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-09-27;4p.111.2006 ?
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