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25/09/2006 | SUISSE | N°4C.142/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 septembre 2006, 4C.142/2006


{T 0/2}4C.142/2006 /ech Arrêt du 25 septembre 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les juges Corboz, président, Rottenberg, Kiss, Mathys et Pagan,juge suppléant.Greffier: M. Thélin. X. ________ Sàrl,demanderesse et recourante, représentée par Me Gilles Favre et Bernard deChedid, contre Y.________ AG,défenderesse et intimée, représentée par Me Gilles Robert-Nicoud. compétence à raison du lieu; élection de for recours en réforme contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2005 par la Chambredes recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Faits: A.Y. ________ AG et X.________ Sàrl sont d

eux sociétés actives dans lesservices de télécommunication. La pr...

{T 0/2}4C.142/2006 /ech Arrêt du 25 septembre 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les juges Corboz, président, Rottenberg, Kiss, Mathys et Pagan,juge suppléant.Greffier: M. Thélin. X. ________ Sàrl,demanderesse et recourante, représentée par Me Gilles Favre et Bernard deChedid, contre Y.________ AG,défenderesse et intimée, représentée par Me Gilles Robert-Nicoud. compétence à raison du lieu; élection de for recours en réforme contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2005 par la Chambredes recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Faits: A.Y. ________ AG et X.________ Sàrl sont deux sociétés actives dans lesservices de télécommunication. La première, au bénéfice d'une concession dela Confédération, exploite en Suisse un réseau de téléphonie mobile sous lamarque Z.________; la seconde propose des services de téléphonie par leréseau internet. Leurs sièges respectifs se trouvent à Zurich et àChavannes-près-Renens.Par contrat daté du 10 octobre 2003, Y.________ AG s'est obligée enversX.________ Sàrl à acheminer des appels destinés à ses propres abonnés au prixde 24,3 centimes par minute et par communication, et de 4,5 centimes àl'établissement de chaque communication. X.________ Sàrl s'obligeait àutiliser au minimum 700'000 minutes par mois. Le contrat était conclu pourune durée initiale de douze mois dès la date précitée; ensuite, chaque partiepourrait le résilier pour la fin d'un mois en observant un délai de préavisde trois mois. Le contrat faisait référence aux conditions générales deY.________ AG qui étaient annexées au document signé; ces conditionscomportaient notamment une clause ainsi libellée: «Le for exclusif pour tousles litiges afférents au présent contrat est à Zurich, sous réserve dejuridictions différentes résultant de règles impératives de droit fédéral».Dès novembre 2003, Y.________ AG a mis à la disposition de X.________ Sàrlles installations permettant d'établir jusqu'à cent vingt communicationssimultanées via son réseau. Dès le 19 décembre 2003, elle a protesté au motifque ces raccordements étaient utilisés, à son avis, d'une manière contraireaux conditions du contrat par le fait que X.________ Sàrl mettait lesproduits et services Z.________ à la disposition de tiers. Elle a coupé lesraccordements le 14 janvier 2004. B.Du juge compétent, X.________ Sàrl a obtenu des mesures provisionnelles quiavaient pour objet de contraindre Y.________ AG à rétablir les raccordements.Celle-ci a obtempéré mais elle a mis en place un dispositif tendant à réduirele flux des appels. X.________ Sàrl a obtenu de nouvelles mesuresprovisionnelles qui interdisaient à sa cocontractante le recours à toutprocédé technique ayant pour effet de limiter les appels, de retarderl'établissement des communications ou d'abaisser la qualité du service.Le 8 juillet 2004, Y.________ AG a communiqué que le contrat du 10 octobre2003 ne serait pas reconduit au delà de sa durée initiale. Dans le même mois,par lettre circulaire, elle a annoncé l'entrée en vigueur de nouvellesconditions générales dès le 1er septembre 2004, prévoyant l'interdiction derevendre les prestations Z.________ à des tiers et l'interdiction de certainsprocédés techniques pour l'acheminement d'appels destinés à son réseau detéléphonie mobile. Elle a proposé la conclusion d'un nouveau contrat selonlequel le prix serait porté à 38,5centimes par communication et par minute.En septembre et en novembre 2004, X.________ Sàrl a derechef requis desmesures provisionnelles, tendant cette fois à faire interdire l'interruptiondu service, la modification des conditions générales et l'application d'untarif supérieur à celui convenu depuis le 10 octobre 2003. C.Entre-temps, le 12 août 2004, X.________ Sàrl a ouvert action contreY.________ AG devant la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.Sa demande comportait dix chefs de conclusions, libellés comme suit:I.Constater que Y.________ AG est une entreprise ayant une position dominanteau sens de la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à laconcurrence dans le domaine de la téléphonie mobile en Suisse et plusparticulièrement dans le domaine de la téléphonie mobile en Suisse sur leréseau de Y.________ AG et en particulier vis-à-vis de X.________ Sàrl.II.En conséquence, ordre est donné à Y.________ AG ... d'exécuter le contrat... conclu avec X.________ Sàrl le 10 octobre 2003 aux conditions financièresprévues par ce contrat et en particulier de fournir à X.________ Sàrl toutesles prestations prévues dans ledit contrat ...III.Faire interdiction à Y.________ AG ... d'utiliser un système de blocaged'appels du type ... ou de tout autre système informatique visant à limiterles appels provenant des [installations mises à disposition] en vertu ducontrat ...IV.Faire interdiction à Y.________ AG ... de mettre en place tout procédétechnique informatique ou de routage ayant pour effet de retarderl'établissement de la connexion ... ou de restreindre la qualité des appelsou d'abaisser la qualité du service. V. Constater que toute résiliation du contrat [du 10 octobre 2003] constitueune pratique illicite au sens de la loi fédérale sur les cartels et autresrestrictions à la concurrence dans la mesure où ladite résiliation n'est pasobjectivement justifiée.VI.En conséquence, faire interdiction à Y.________ AG ... de résilier lecontrat ... pour toute raison ayant trait au fait que X.________ Sàrl revendledit service ou utilise les installations mises à disposition par Y.________AG aux fins de terminer des appels destinés à des abonnés du service mobilede Z.________. VII.Constater que la modification des conditions générales de Y.________ AGvisant en particulier à interdire la revente des services constitue unepratique illicite au sens de la loi fédérale sur les cartels ...VIII.En conséquence, faire interdiction à Y.________ AG ... de modifier lesconditions générales régissant le contrat [du 10 octobre 2003].IX.Ordre est donné à Y.________ AG de transmettre à ses abonnés les [donnéesd'identification] que lui communique X.________ Sàrl lors de l'envoi decommunications par les installations [dont celle-ci dispose en vertu ducontrat]. X. Y.________ AG est condamnée à payer à X.________ Sàrl, à titre de dommageset intérêts, un montant qui sera déterminé en cours d'instance. D. Avant toute autre exception ou défense, la défenderesse a contesté lacompétence des tribunaux vaudois en invoquant la clause d'élection de forincluse dans le contrat du 10 octobre 2003.La demanderesse a déposé des conclusions destinées à remplacer celles de lademande initiale. Il s'agissait de conclusions semblables, adaptées à denouvelles circonstances. Le juge instructeur a provisoirement refusé leurtransmission à l'adverse partie au motif que l'exception d'incompétencesuspendait le procès au fond et que le sort de cette exception dépendaitexclusivement des conclusions de la demande initiale.Par jugement incident du 1er juin 2005, le juge instructeur a rejetél'exception. Il a retenu que le juge du siège de la demanderesse étaitcompétent pour connaître des actions fondées sur la législation fédérale enmatière de cartels et d'autres restrictions de la concurrence. Faute d'unlien suffisamment étroit entre les prétentions que la demanderesse déduisaitde cette législation et celles qu'elle fondait sur le contrat, la claused'élection de for n'était pas opposable à cette partie.La défenderesse a déféré ce prononcé à la Chambre des recours du Tribunalcantonal. Statuant le 14 décembre 2005, l'autorité saisie a réformé lejugement en ce sens que l'exception était accueillie et la demanderesseéconduite d'instance. L'appréciation du juge instructeur était troprestrictive en ce qui concerne le lien qui doit exister entre les prétentionsfondées sur le contrat auquel une élection de for est incorporée, d'une part,et les autres prétentions d'autre part, pour que ces dernières doivent aussi,exclusivement, être élevées au for élu; en l'occurrence, il existait desliens inextricables entre le contrat et les actes que la demanderessedénonçait comme contraires à la législation protégeant la concurrence. Cettepartie devait donc agir au for désigné par le contrat. E.Agissant par la voie du recours en réforme, la demanderesse requiert leTribunal fédéral de modifier l'arrêt de la Chambre des recours en ce sens quel'exception d'incompétence soit rejetée.La défenderesse conclut au rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est formé par une partie qui a succombé dans des conclusionsrelatives à sa propre situation juridique. Il est dirigé contre un jugementfinal (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.1 p. 139) rendu en dernière instancecantonale par un tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestationcivile qui n'est pas soumise à l'exigence d'une valeur litigieuse minimum(art. 45 let. a OJ). Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans lesformes requises (art. 55 OJ), il est en principe recevable.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Sous réserved'exceptions qui ne sont pas réalisées dans la présente affaire, le Tribunalfédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faitsconstatés dans la décision attaquée (art. 63 al. 2 et 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4 p. 140). Il n'est pas lié parl'argumentation des parties (art. 63 al. 1 OJ) et il apprécie librement laportée juridique des faits (art. 43 al. 4, 63 al. 3 OJ); néanmoins,d'ordinaire, il se prononce seulement sur les questions juridiques que lapartie recourante soulève conformément aux exigences de l'art. 55 al. 1 let.c OJ concernant la motivation du recours (ATF 117 II 199 consid. 1 p. 200;116 II 92 consid. 2 p. 94). 2.En vertu de l'art. 9 al. 1 de la loi fédérale sur les fors en matière civile(LFors), une convention peut désigner le lieu dans lequel un différendprésent ou à venir, survenant entre les parties et résultant d'un rapport dedroit déterminé, sera porté en justice. Sauf clause contraire, le tribunal dulieu choisi est alors seul compétent. Toutefois, aux termes de l'art. 2LFors, la convention ne peut pas déroger aux fors impératifs que la loidésigne expressément comme tels. Des exigences de forme, énoncées à l'art. 9al. 2 LFors, doivent aussi être observées. Ces règles correspondent à cellesde l'art. 5 al. 1 de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP)relatives à la compétence internationale des tribunaux suisses. Enl'occurrence, les parties ont convenu d'une élection de for pour les litigesafférents au contrat du 10 octobre 2003; le Tribunal fédéral doit examiner laportée de cette convention sur l'action entreprise par la demanderesse.Pour déterminer l'objet de cette action, les précédents juges ont retenu queles conclusions initiales du 12 août 2004 sont seules déterminantes. Lademanderesse ne prétend pas que le droit fédéral imposerait de prendre enconsidération ses conclusions modifiées et que celles-ci conduiraient à unjugement différent sur la portée de l'élection de for. Il n'y a donc pas lieude revenir sur ce point.Les actions pour cause d'entrave illicite dans l'accès à la concurrence, oudans l'exercice de celle-ci, intentées en vertu de la législation fédéralesur les cartels et les autres restrictions de la concurrence, se rattachent àla catégorie des actions fondées sur un acte illicite visées par l'art. 25LFors (Jean-Marc Reymond, Commentaire romand, ch. 30 ad art. 14 LCart;Fabienne Hohl, Procédure civile, tome II, ch. 1725 p.65). Cette dispositionprévoit plusieurs fors alternatifs dont, parmi eux, le domicile ou le siègede la partie qui subit le dommage ou de celle qui est recherchée. Il n'existedonc pas, dans ce domaine, de for impératif qui interdise une conventiond'élection de for selon l'art. 9 al. 1 LFors (Reymond, ibidem, ch. 42). Parailleurs, dans la présente affaire, la forme écrite de l'art. 9 al. 2 LFors aété observée.Lorsque la convention d'élection de for vise un différend à venir et qu'elleest conçue en termes généraux pour s'appliquer, selon l'exemple de cette mêmeaffaire, à «tous les litiges» afférents au contrat dans lequel elle setrouve, elle vise au premier chef les prétentions fondées sur ce contrat;elle vise de plus les prétentions résultant d'actes illicites, quand cesactes constituent simultanément une violation du contrat (Markus Wirth,Kommentar zum Bundesgesetz über den Gerichtsstand in Zivilsachen, Zurich2001, ch. 69 ad art. 9; Peter Reetz, Bundesgesetz über den Gerichtsstand inZivilsachen, Bâle 2001, ch. 35 ad art. 9; voir aussi Markus Hess, Commentairebâlois, 1996, ch. 37 ad art. 5 LDIP) ou qu'il existe une connexité entreceux-là et l'objet de celui-ci (Yves Donzallaz, Commentaire de la loifédérale sur les fors en matière civile, Berne 2001, ch. 89 ad art. 9). Or,d'après les conclusions prises devant la Cour civile, les actes censémentillicites de la défenderesse, tenus pour contraires à la législationprotégeant la concurrence, consistent exclusivement dans le refus d'exécuterle contrat du 10 octobre 2003, dans l'exécution défectueuse de ce contrat,dans sa résiliation et dans la modification des conditions générales qui luiont été incorporées. Dans cette situation, il s'impose d'admettre laconnexité entre les actes illicites et l'objet du contrat, avec cetteconséquence que l'action de la demanderesse est soumise à la conventiond'élection de for et que cette partie doit saisir le tribunal compétent àZurich. 3.Selon l'argumentation présentée à l'appui du recours en réforme, il n'est pas«immédiatement constatable» que le litige porté devant les tribunauxvaudois soit issu du rapport juridique visé par ladite convention. Lademanderesse se réfère à un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 119 II 66 consid.2a p. 67) concernant l'art. 5 LDIP mais son raisonnement n'est quedifficilement intelligible, au point qu'il semble ne pas répondre auxexigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ relatives à la motivation du recoursen réforme (cf. ATF 120 II 280 consid. 6c p. 284). De toute manière, laprémisse est erronée car on reconnaît aisément, à la simple lecture desconclusions prises devant la Cour civile, l'objet du litige et sa relationavec le contrat daté du 10 octobre 2003.La demanderesse souligne inutilement qu'une élection de for doit se rapporterà un rapport de droit déterminé car cette exigence était de toute évidencesatisfaite. Enfin, elle développe de longues considérations qu'elle consacresurtout à l'interprétation des conclusions déterminantes, afin de démontrerque l'action est fondée sur la législation protégeant la concurrence plutôtque sur le contrat. Or, quel que soit le fondement juridique de l'action, ildemeure que les actes imputés à la défenderesse sont connexes à l'objet ducontrat. Le recours, dans la mesure où il est recevable, échoue donc à mettreen évidence une violation du droit fédéral dans le jugement de la Courcivile; il doit par conséquent être
rejeté. 4.A titre de partie qui succombe, la demanderesse doit acquitter l'émolumentjudiciaire et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2.La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 5'000 fr. 3.La demanderesse acquittera une indemnité de 6'000 fr. à verser à ladéfenderesse à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 25 septembre 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.142/2006
Date de la décision : 25/09/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-09-25;4c.142.2006 ?
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