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21/09/2006 | SUISSE | N°5P.188/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 septembre 2006, 5P.188/2006


{T 0/2}5P.188/2006 /frs Arrêt du 21 septembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Gardaz, Juge suppléant.Greffier: M. Braconi. Dame X.________,recourante, représentée par Me Charles Poncet, avocat, contre X.________,intimé, représenté par Mes Pierre-Alain Schmidt et Pascal Marti, avocats,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 9 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale), recours de droit public contre l'arrêt de la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève du17 mars 2006. Fa

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{T 0/2}5P.188/2006 /frs Arrêt du 21 septembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Gardaz, Juge suppléant.Greffier: M. Braconi. Dame X.________,recourante, représentée par Me Charles Poncet, avocat, contre X.________,intimé, représenté par Mes Pierre-Alain Schmidt et Pascal Marti, avocats,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 9 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale), recours de droit public contre l'arrêt de la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève du17 mars 2006. Faits: A.X. ________ et dame X.________ se sont mariés le 12 juillet 1990 auGrand-Saconnex (GE). Deux filles sont issues de leur union: A.________, néele 4 mars 1992, et B.________, née le 26 août 1997. B.Le 7 décembre 2004, dame X.________ a saisi le Tribunal de première instancede Genève d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale. Parjugement du 2 août 2005, ce tribunal a autorisé les époux à vivre séparés(ch. 1); attribué la jouissance exclusive de la villa conjugale à l'épouse(ch. 2); confié à celle-ci la garde des enfants (ch. 3); réservé au père undroit de visite élargi, à raison d'un week-end sur deux, en alternance avecun jour par semaine, du mardi soir au mercredi matin, et durant la moitié desvacances (ch. 4); condamné X.________ à verser à son épouse pour l'entretiende la famille, allocations familiales non comprises, une contribution de15'000 fr. par mois - intérêts, amortissements et assurance bâtiment noncompris (ch. 7) - à dater de l'entrée en force du jugement (ch. 6), ainsi quela somme de 3'500 fr. en sus des montants déjà versés du 1er novembre 2004jusqu'à l'entrée en force du jugement (ch. 5), enfin une provision ad litemde 5'000 fr. (ch. 8). Statuant le 17 mars 2006 sur l'appel interjeté par chacune des parties, laCour de justice du canton de Genève a annulé les chiffres 5 à 8 de cettedécision et condamné le mari:- à verser à sa femme, par mois et d'avance, allocations familiales oud'études non comprises, la somme de 12'000 fr. pour l'entretien de lafamille, dès le 1er novembre 2004, sous imputation des montants déjà versés àce titre;- à s'acquitter, en sus de la contribution d'entretien, des intérêts, desamortissements et de l'assurance-bâtiment de la villa de C.________;- à payer à sa femme une provision ad litem de 8'000 fr. C.Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pourviolation de l'art. 9 Cst., l'épouse conclut à l'annulation de cet arrêt. L'intimé propose le rejet du recours; l'autorité cantonale se réfère auxconsidérants de sa décision. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral contrôle d'office et librement la recevabilité desrecours dont il est saisi (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 III 667consid. 1 p. 668 et les arrêts cités). 1.1 Prise en application de l'art. 176 al. 1 CC, la décision attaquée neconstitue pas une décision finale au sens de l'art. 48 al. 1 OJ, de sortequ'elle n'est pas susceptible d'un recours en réforme (ATF 127 III 474consid. 2 p. 476 ss et les citations). Les moyens invoqués ne pouvant pasêtre soumis par une autre voie au Tribunal fédéral, la condition desubsidiarité du recours de droit public est remplie (art. 84 al. 2 OJ). 1.2 Déposé en temps utile à l'encontre d'une décision finale rendue endernière instance cantonale, le recours est également recevable sous l'angledes art. 86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 al. 1 OJ. 2.La recourante se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'appréciation despreuves et l'établissement des faits. 2.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle estmanifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principejuridique clair et incontesté, ou heurte de manière choquante le sentiment dela justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une solution différenteparaisse concevable, voire préférable; la décision attaquée n'est, en outre,annulée que si elle se révèle arbitraire, non seulement dans sa motivation,mais également dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 et lescitations). De pratique constante, le Tribunal fédéral se montre réservé dans le domainede l'établissement des faits et de l'appréciation des preuves, vu le largepouvoir qu'il reconnaît en la matière aux juridictions cantonales (ATF 120 Ia31 consid. 4b p. 40; 104 Ia 381 consid. 9 p. 399 et les arrêts cités); iln'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait a abusé de cepouvoir, notamment lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou qu'il n'entient arbitrairement pas compte, lorsque des constatations de fait sontmanifestement fausses, ou encore lorsque l'appréciation des preuves apparaîttout à fait insoutenable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 81 consid. 2 p.86; 127 I 38 consid. 2a p. 41 et la jurisprudence citée). 2.2 La procédure de mesures protectrices de l'union conjugale est uneprocédure sommaire, qui tend à une décision rapide; elle ne comporte qu'uneadministration restreinte des preuves et ne permet pas une élucidationcomplète de la situation de fait (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb p. 478 et lesréférences; Hasenböhler, Basler Kommentar, 2e éd., n. 2 ad art. 179 CC).L'autorité de chose jugée des décisions prononcées dans cette matière n'estque limitée, vu la possibilité de les modifier en cas de faits nouveaux(Hasenböhler, ibidem). 3.La Cour de justice n'a pas appliqué la méthode dite du "minimum vital avecrépartition de l'excédent", mais celle dite du "maintien du niveau de vieantérieur", d'après laquelle, en présence d'une situation financièrefavorable, le juge doit se fonder sur les dépenses nécessaires au maintien dutrain de vie mené par les époux jusqu'à la séparation. Dès lors, elle a admisque les "revenus annuels moyens connus" du mari s'élevaient à 255'963 fr., àsavoir 21'330 fr. par mois, sans compter les revenus qu'il perçoit àl'étranger pour les sociétés dont il est l'administrateur, "ressources donton ignore l'importance"; quant aux dépenses de la famille, elles se montentmensuellement à 13'653 fr., auxquels il faut ajouter un montant de 3'700 fr.pour les impôts, ce qui porte le budget à 17'353 fr. par mois. En regard desrevenus et des charges de la maison familiale (i.e. 2'070 fr.), force estd'admettre que la situation financière du mari ne permet pas de faire faceaux dépenses de son épouse; s'il est exact que les gains retirés des sociétésqu'il administre ne sont pas connus, "l'instruction sur mesures protectricesne permet pas de retenir qu'il s'agirait de sommes très importantes". Celaétant, même une contribution de 15'000 fr. est excessive et doit être réduiteà 12'000 fr., en plus du paiement des intérêts, des amortissements et del'assurance-bâtiment de la villa. 3.1 Ce raisonnement n'est pas soutenable. La juridiction cantonale ne pouvaitpas commencer par apprécier le train de vie de la famille sur la base desdépenses effectives, pour abandonner ensuite cette méthode et fixer, enfonction des revenus "connus" du mari, une pension mensuelle de 12'000 fr.sans aucune motivation; s'étant basée sur les revenus "connus", alors qu'ellea procédé à une évaluation du train de vie, elle aurait dû en déduire que lesrevenus réels étaient beaucoup plus élevés. En effet, comme le soulignepertinemment la recourante, les revenus de son époux devaient en toutelogique être pour le moins équivalents aux dépenses nécessitées par le trainde vie. Pour réfuter cet argument, l'intimé objecte que ses revenus "n'ontjamais couvert entièrement le budget de la famille", motif pour lequel iltouchait une "aide financière de sa mère". Sur ce point, les magistratscantonaux ont certes admis la réalité des versements, mais, pour le reste,ils ont considéré que leur "origine n'[était] pas identifiable", autrementdit que l'allégation du mari n'était pas corroborée par les relevés bancairesproduits. L'intimé ne démontre pas d'une manière motivée qu'une telleconclusion procéderait d'une lecture manifestement insoutenable des pièces enquestion (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 128 III 4 consid. 4c/aa p. 7 et lesréférences citées). 3.2 L'arrêt déféré est entaché, par surcroît, d'autres erreurs:3.2.1L'autorité précédente a constaté que l'épouse avait libre accès à uncompte joint que les époux avaient ouvert auprès de la HSBC, dont elleretirait entre 5'500 fr. et 6'500 fr. en moyenne par mois; elle disposait, enoutre, d'une autre carte de crédit avec laquelle elle réglait des dépensesmensuelles de 2'700 fr. en moyenne; enfin, elle est titulaire d'un compteprivé auprès du Crédit Suisse, que son mari alimentait à raison de 2'600 fr.par mois jusqu'à la séparation. Puisqu'ils se sont expressément fondés sur laméthode dite du "maintien du niveau de vie antérieur", les juges cantonaux nepouvaient, sans arbitraire, faire complètement abstraction de ce derniermontant. 3.2.2 L'autorité cantonale a ajouté aux divers revenus annuels du mari(254'352 fr.) la somme de 1'611 fr.25 au titre de "revenu de la fortunemobilière"; or, ce montant correspond au produit mensuel. Elle devait ainsiretenir un revenu (arrondi) de 273'686 fr. par année (254'352 fr. + 19'334fr.), à savoir 22'807 fr., et non 21'330 fr., par mois. Quoi qu'en disel'intimé, cette différence (1'477 fr.) n'est pas le fruit d'une erreur decalcul commise à l'occasion d'une fixation ex aequo et bono de lacontribution d'entretien, mais bien lors de l'application d'une méthodeprécise (celle du "maintien du niveau de vie antérieur") s'appuyant sur desdonnées effectives et chiffrées en détail (sur cette distinction: arrêt5P.361/2006 du 19 janvier 2006, consid. 2.4, non publié aux ATF 132 III 209). 4.Vu ce qui précède, le présent recours doit être admis et l'arrêt attaquéannulé. Les frais et dépens sont à la charge de l'intimé, qui succombe (art.156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de l'intimé. 3.L'intimé versera à la recourante une indemnité de 3'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 21 septembre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.188/2006
Date de la décision : 21/09/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-09-21;5p.188.2006 ?
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