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21/09/2006 | SUISSE | N°5P.136/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 septembre 2006, 5P.136/2006


{T 1/2}5P.136/2006 /frs Arrêt du 21 septembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. Fédération de Russie, soit pour elle le Gouvernement de la Fédération deRussie,recourante, représentée par Me Maurice Harari, avocat, contre Compagnie Noga d'importation et d'exportation SA,intimée, représentée par Me Alain Veuillet, avocat,Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites ducanton de Genève, casepostale 3840, 1211 Genève 3, Office des poursuites de Genève, 1211 Genève 8. art. 9 et 29 al. 2 Cst. (ré

quisition de continuer la poursuite; péremption;compétence rati...

{T 1/2}5P.136/2006 /frs Arrêt du 21 septembre 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. Fédération de Russie, soit pour elle le Gouvernement de la Fédération deRussie,recourante, représentée par Me Maurice Harari, avocat, contre Compagnie Noga d'importation et d'exportation SA,intimée, représentée par Me Alain Veuillet, avocat,Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites ducanton de Genève, casepostale 3840, 1211 Genève 3, Office des poursuites de Genève, 1211 Genève 8. art. 9 et 29 al. 2 Cst. (réquisition de continuer la poursuite; péremption;compétence ratione loci), recours de droit public contre la décision de la Commission de surveillancedes offices des poursuites et des faillites du canton de Genève du 9 mars2006. Faits: A.À la requête de Compagnie Noga d'Importation et d'Exportation SA (ci-après:Noga), l'Office des poursuites de Genève (ci-après: l'Office) a notifié le 27février 2003 à la Fédération de Russie, représentée par l'avocat MartinSchwartz, mandataire dûment habilité auprès de qui elle a élu domicile, uncommandement de payer (poursuite n°03116.062 A) portant sur la somme de1'185'600'000 CHF. Cette somme représentait la contre-valeur en francssuisses de la somme de 800'000'000 USD que la Fédération de Russie s'étaitengagée à payer à Noga en vertu d'un Protocole d'accord du 31 juillet 2002,dans lequel la Fédération de Russie déclarait renoncer expressément et sansréserves à toutes immunités de juridiction et/ou d'exécution. Par lettre du 5 février 2003 signée pour accord par Noga, l'avocat Schwartz,qui représentait la Fédération de Russie au Protocole d'accord du 31 juillet2002, avait écrit à l'Office que sa cliente et Noga avaient signé des accordstransactionnels datés du 31 juillet 2002, qu'afin d'aplanir certainesdifficultés d'exécution, Noga avait décidé de faire notifier à sa cliente uncommandement de payer, et qu'il avait été convenu à cette fin que sa clienteélirait domicile en son étude. Le conseil précité priait l'Office de prendrenote de ce que tout commandement de payer requis par Noga envers sa clientedevait être notifié en son étude et à lui-même personnellement. Était jointeà ce courrier une déclaration de la Fédération de Russie, par l'organe de saCour des comptes, confirmant que l'avocat Schwartz avait les pleins pouvoirspour recevoir toute notification de l'Office. B.Par lettre signature du 4 mars 2003, l'avocat Schwartz a fait oppositiontotale au commandement de payer. Par jugement du 7 juillet 2003, le Tribunalde première instance de Genève a prononcé la mainlevée provisoire del'opposition. Le 31 juillet 2003, la Fédération de Russie, soit pour ellel'avocat Schwartz, a formé appel contre ce jugement devant la Cour de justicedu canton de Genève et a introduit une action en libération de dette devantle Tribunal de première instance. Par demande du 30 juillet 2003, la Fédération de Russie a soumis le litige àla Cour internationale d'arbitrage de la CCI à Paris, conformément à laclause arbitrale contenue au paragraphe 5.2 du Protocole d'accord du 31juillet 2002.L'avocat Schwartz, pour la Fédération de Russie, a par la suite retiré tantl'action en libération de dette que l'appel formés le 31 juillet 2003. Le 3septembre 2003, ce même avocat a informé l'Office que l'élection de domicilefaite en son étude par la Fédération de Russie était révoquée. C.Le 22 décembre 2003, la Présidente du Tribunal de première instance deGenève, saisie d'une requête de Noga, a rendu une ordonnance de séquestre (n°03 070.378 G) à l'encontre de la Fédération de Russie pour la totalité de lacréance invoquée, soit 1'185'600'000 CHF. Le 13 mai 2004, l'avocat Maurice Harari a informé l'Office qu'il étaitmandaté par la Fédération de Russie dans le cadre des procédures relatives àla poursuite n° 03 116.062 A et au séquestre n°03070.378G, avec électionde domicile en son étude. Il déclarait que sa cliente avait déposé, dans ledélai de vingt jours de l'art. 83 al.2 LP, une action en libération de dettequi était actuellement pendante devant le Tribunal arbitral, et que tant quece Tribunal n'aurait pas statué sur le bien-fondé des montants réclamés parNoga, la poursuite était suspendue de plein droit; quant au séquestre, commesa validation dépendait aussi de l'issue de la procédure arbitrale, Noga nepourrait requérir la continuation de la poursuite considérée, en cas de gainde cause, que dans les 10 jours suivant la notification de la sentencearbitrale exécutoire. Le 13 octobre 2004, Noga a requis la continuation de la poursuite n°03116.062 A. Le 20 octobre 2004, l'Office a écrit au nouveau conseil de laFédération de Russie pour l'informer que, suite à la réquisitionsusmentionnée, il entendait procéder à une saisie provisoire le 27 octobre2004 sur les biens et créances dont la précitée était titulaire. D.Par acte du 1er novembre 2004, la Fédération de Russie a formé plainte contrela décision de l'Office donnant suite à la réquisition de continuer lapoursuite, en invoquant la péremption de celle-ci et partant la caducité duséquestre n° 03 070.378 G. Par décision du 3 mars 2005, entrée en force, la Commission de surveillancedes offices des poursuites et des faillites du canton de Genève (ci-après:la Commission de surveillance) a rejeté la plainte. Elle a considéré ensubstance que l'action en libération de dette dont avait été saisi leTribunal arbitral le 30 juillet 2003, conformément au paragraphe du Protocoled'accord du 31 juillet 2002, était toujours pendante, que la poursuite n°03116.062 A n'était par conséquent pas périmée lorsque Noga avait requis sacontinuation le 13 octobre 2004, et que le séquestre n°03 070.378 G n'avaitpas cessé de produire ses effets. Elle relevait en outre que la question dela recevabilité de l'action en libération de dette faisait l'objet du litigependant devant le Tribunal arbitral, et que ce n'est qu'à compter du momentoù ledit Tribunal aurait statué sur la recevabilité de cette action et, s'ill'admettait, sur le fond, que les conditions de l'art. 83 al. 3 LP seraientréalisées et que la saisie provisoire deviendrait définitive. E.Le 14 avril 2005, Noga a déposé auprès du Tribunal arbitral une demandetendant au prononcé d'une sentence intermédiaire sur la recevabilité del'action en libération de dette. Le 30 août 2005, le Tribunal arbitral arendu une "sentence incidente sur la recevabilité", par laquelle il a déclaréirrecevable la demande de sentence intermédiaire. Il a considéré en bref quel'action de la Fédération de Russie, qui tendait à faire juger la nullité duProtocole d'accord du 31 juillet 2002, était une action ordinaire enconstatation négatoire de droit et que le Tribunal arbitral n'avait donc pasà examiner si elle répondait aux conditions de validité d'une action enlibération de dette. Même si l'on devait la considérer comme une action enlibération de dette au sens de l'art. 83 al. 2 LP, la solution ne serait pasdifférente. En premier lieu, on pouvait douter qu'il appartienne à untribunal arbitral saisi d'une action en libération de dette, soit d'uneaction matérielle en constatation négatoire, de se prononcer sur la questionde savoir si celle-ci avait été ou non ouverte à temps au regard de l'art. 83al. 2 LP, l'action étant en tout cas recevable comme action constatatoireselon le droit commun. La question pouvait toutefois rester indécise, car lademande de Noga était de toute manière irrecevable faute d'intérêt, puisqueles deux parties s'accordaient pour dire qu'en tant qu'action en libérationde dette, la demande d'arbitrage était tardive. Le 12 septembre 2005, Noga a adressé à l'Office une réquisition de continuerla poursuite n°03 116.062 A et de procéder à une saisie définitive, ainsiqu'une réquisition de convertir en saisie définitive le séquestre n°03070.378 G. Le 14 novembre 2005, l'Office a confirmé au conseil de la Fédération deRussie qu'il avait demandé à l'Office des poursuites de Martigny de procéderà la saisie définitive d'un lot de tableaux prêtés pour exposition à laFondation Pierre Gianadda par le Musée national des Beaux-Arts Pouchkine deMoscou. Par décision du 16 novembre 2005, le Conseil fédéral, se fondant surl'art. 184 al. 3 Cst., a levé la saisie avec effet immédiat. F.Le 24 novembre 2005, la Fédération de Russie a saisi la Commission desurveillance d'une dénonciation et, à titre subsidiaire, d'une plainte contrela décision de l'Office de donner suite aux réquisitions de continuer lapoursuite. Elle faisait valoir en substance que les autorités de poursuitegenevoises n'étaient pas compétentes ratione loci en relation avec lapoursuite n°03 116.062 A, les conditions d'application de l'art. 50 LPn'étant pas réalisées; dès lors, l'intégralité des mesures d'exécutionétaient nulles et le séquestre n°03 070.378 G caduc. À titre subsidiaire,elle soutenait que la poursuite était périmée depuis le 8 juin 2004 et leséquestre caduc. G.Par décision du 9 mars 2006, la Commission de surveillance a rejeté tant ladénonciation que la plainte dans la mesure de son objet et a dit que l'Officeétait compétent ratione loci dans le cadre de la poursuite n°03 116.062 A.La motivation de cette décision, dans ce qu'elle a d'utile à retenir pourl'examen du recours, est en substance la suivante:G.aLa dénonciation de la Fédération de Russie tend à faire constater que lapoursuite considérée, de même que l'intégralité des mesures d'exécution yrelatives, sont nulles au sens de l'art. 22 LP, car diligentées par un officeincompétent ratione loci. G.a .aL'engagement et le déroulement d'une procédure d'exécution forcéesupposent l'existence d'un for de la poursuite contre le poursuivi. La LPdéfinit le for ordinaire de la poursuite (art. 46 LP) et un nombre limité defors spéciaux (art. 48 à 52 LP). Ces fors ont un caractère exclusif etimpératif. Un for de la poursuite ne saurait être créé par élection de for ouacceptation, explicite ou tacite, d'une poursuite, sous réserve du forspécial visé par l'art. 50 al. 2 LP, aux termes duquel le débiteur domiciliéà l'étranger, qui a élu domicile en Suisse pour l'exécution d'une obligation,peut y être poursuivi pour cette dette. L'élection de domicile peut êtreexpresse ou résulter clairement des circonstances, mais rien ne s'oppose à ceque le domicile élu soit ailleurs qu'au lieu d'exécution ou lieu de paiement. G.a .bEn l'espèce, le Protocole d'accord du 31 juillet 2002 ne contient pasde clause d'élection de for d'exécution. Cela étant, dans son courrier àl'Office du 5 février 2003, le conseil de la plaignante s'est expressémentréféré à l'accord intervenu entre les parties le 31 juillet 2002 et au faitque la notification d'un commandement de payer en son étude avait étéconvenue afin d'aplanir certaines difficultés d'exécution (cf. lettre Asupra). La notification en date du 27 février 2003 d'un commandement depayer, auquel le conseil de la plaignante a formé opposition, n'a pas faitl'objet d'une plainte. Le 1er novembre 2004, le nouveau conseil de laplaignante a formé plainte contre la décision de l'Office du 20 octobre 2004de procéder à une saisie provisoire le 27 octobre 2004 sur les biens etcréances dont la plaignante était titulaire, en invoquant le seul grief de lapéremption de la poursuite. Par décision du 3 mars 2005, entrée en force, laCommission de surveillance a rejeté la plainte (cf. lettre D supra). G.a .cDes circonstances rappelées ci-dessus, on peut déduire, selon lesrègles de la bonne foi, qu'en élisant expressément un domicile denotification en l'étude de son conseil, afin d'aplanir certaines difficultésd'exécution, la plaignante avait aussi la volonté tacite de faire de ce lieucelui de l'exécution de ses obligations. En effet, une élection d'un domicilede notification par un poursuivi domicilié à l'étranger n'a de sens que dansla mesure où la poursuite peut être exécutée en Suisse. Si elle n'entendaitpas être poursuivie en Suisse, la plaignante ne devait par conséquent pasaccepter de s'y voir notifier un commandement de payer. Or non seulement untel acte lui a été notifié et elle n'a pas porté plainte, mais elle invoqueaujourd'hui seulement, soit près de trois ans après la notification ducommandement de payer, le grief d'incompétence ratione loci qu'elle pouvaitfaire valoir en tout temps par une plainte en nullité. En agissant de lasorte, la plaignante a violé le principe de la bonne foi ancré à l'art. 2 CC,dont on doit aussi tenir compte dans le droit de l'exécution forcée. G.a .dIl sied encore de relever que la violation des règles impératives surle for n'entraîne la sanction de la nullité que pour autant que l'intérêtpublic ou l'intérêt de personnes qui ne sont pas, ou pas encore, parties à laprocédure soit lésé. Or ces conditions ne sont de toute manière pas réaliséesen l'espèce, le Protocole d'accord du 31 juillet 2002 attestant que lesparties ont réglé le sort de droits patrimoniaux à leur libre et entièredisposition. G.b À titre subsidiaire, la Fédération de Russie forme plainte contre ladécision de l'Office du 14 novembre 2005 requérant l'Office des poursuites deMartigny de procéder à la saisie définitive d'un lot de tableaux prêtés pourexposition à la Fondation Pierre Gianadda par le Musée national desBeaux-Arts Pouchkine de Moscou. Cette plainte n'a plus d'objet, la saisieayant été levée définitivement par décision du Conseil fédéral du 16 novembre2005 (cf. lettre E supra). Il y a toutefois lieu d'entrer en matière sur laplainte dans la mesure où celle-ci tend également à faire constater que lapoursuite n°03116.062 A est périmée depuis le 8 juin 2004 et que leséquestre n°03 070.378 G est caduc. À cet égard, la plaignante soutient quela décision de l'Office contreviendrait à la décision de la Commission desurveillance du 3 mars 2005 et qu'en tout état de cause, le commandement depayer était périmé, le délai pour introduire l'action en libération de detten'ayant pas été respecté. G.b .aEn vertu du principe res iudicata pro veritate habetur, une décisioncantonale entrée en force ne peut pas être réexaminée, si ce n'est dans lecadre étroit de la procédure de révision (ATF 127 III 496 consid. 3a). Enl'espèce, la Commission de surveillance, dans sa décision du 3 mars 2005entrée en force, a rejeté la plainte contre une précédente décision del'Office de donner suite aux réquisitions de continuer la poursuite,considérant que le grief tiré de la péremption de la poursuite n°03 116.062A était infondé (cf. lettre D supra). Cette décision retenait notamment cequi suit:"5.a. In casu, la plaignante a, en date du 30 juillet 2003, saisi, enapplication de l'art. 5 du protocole d'accord du 31 juillet 2002 signé parles parties, la Cour internationale d'une demande d'arbitrage laquelle a étéreçue par cette dernière le 4 août 2003, soit dans le délai de vingt joursprescrit à l'art. 83 al.2 LP (cf. consid. 2.a). Par ailleurs, la poursuivante a, en date du 13 octobre 2004, alors que laprocédure d'arbitrage était encore pendante, requis la continuation de lapoursuite n°03 116.062
A, conformément à l'art. 83 al. 1 LP et l'Office aprocédé à une saisie provisoire (cf. consid. 2.b). (...) Or, il n'appartient ni à l'Office ni à la Commission de céans de se prononcersur la recevabilité de l'action en libération de dette formée par laplaignante le 30 juillet 2003 auprès de la Cour internationale, qui l'a reçuele 4 août 2003. Il incombe, en effet, à cette juridiction d'examiner d'officesi la demande précitée est recevable quant à la forme et si les délaisrelatifs à l'ouverture de l'action en libération de dette et à saconstitution ont été observés. Cette problématique fait d'ailleurs partieintégrante de l'acte de mission du Tribunal arbitral (cf. consid. B). Aussi, force est d'admettre, et les parties ne le contestent pas, qu'uneaction en libération de dette a été déposée le 30 juillet 2003, ce dont lapoursuivie avait informé l'Office par courrier du 13 mai 2004, que cetteaction est encore pendante, et que par conséquent la poursuite n°03 116.062A n'était pas périmée lorsque la poursuivante a requis sa continuation le 13octobre 2004, le commandement de payer ayant été notifié le 27 février 2003. Il découle, par ailleurs, de ce qui précède que le séquestre n°03 070.378 Gn'a pas cessé de produire ses effets (art. 279 et 280 LP). (...) Certes, il appert que la plaignante fait elle-même valoir que son action estirrecevable et que la poursuivante, prenant acte de cet «aveu» conclut à ceque la saisie provisoire soit convertie en saisie définitive. La Commission de céans considère toutefois que la question de la recevabilitéde l'action en libération de dette fait l'objet du litige pendant devant leTribunal arbitral et que ce n'est qu'à compter du moment où ledit Tribunalaura statué sur la recevabilité de cette action, le cas échéant, s'ill'admet, sur le fond, que les conditions de l'art. 83 al. 3 LP serontréalisées et que la saisie provisoire deviendra définitive."Les motifs pour lesquels il a été jugé que la poursuite concernée n'était paspérimée, ni le séquestre caduc, sont ainsi clairs. Partant, la question de lapéremption de la poursuite n°03 116.062 A et de la caducité du séquestren°03 070.378 G ayant déjà été tranchée, elle n'a plus à être réexaminée. G.b .bIl sied encore de relever que l'Office s'est conformé à la décision dela Commission de surveillance du 3 mars 2003 en décidant de convertir lasaisie provisoire en saisie définitive suite à la sentence incidente duTribunal arbitral du 30 août 2005 déclarant irrecevable la demande d'unesentence intermédiaire formée par Noga (cf. lettre E supra). En retenant queles deux parties étaient d'accord sur le fait qu'en tant qu'action enlibération de dette, la demande d'arbitrage était tardive, le Tribunalarbitral a en effet de facto rendu une décision d'irrecevabilité, ceconformément à la décision de la Commission de surveillance du 3 mars 2005. H.Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral, laFédération de Russie conclut à l'annulation de cette décision. Elle aprésenté une demande d'effet suspensif qui a été rejetée, dès lors que cettemesure a déjà été prise dans le cadre du recours LP (cf. art. 19 al. 1 LP etart. 75 ss OJ) connexe (7B.55/2006), lequel sera traité après le recours dedroit public (art. 57 al. 5 OJ en corrélation avec l'art. 81 OJ). L'intimée aconclu avec suite de dépens à l'irrecevabilité du recours de droit public,subsidiairement à son rejet. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 La décision attaquée, qui émane de l'autorité cantonale unique desurveillance au sens de l'article 13 al. 1 LP (art. 10 al. 1 LaLP/GE, RSG E 360), a été prise en dernière instance cantonale au sens de l'art. 86 al. OJ.Il s'agit par ailleurs d'une décision finale (cf. art. 87 OJ), contrelaquelle la recourante a manifestement qualité pour interjeter un recours dedroit public (art. 88 OJ), ce qu'elle a fait en temps utile (art. 89 al. 1OJ). Le recours est par ailleurs recevable au regard du principe de lasubsidiarité absolue du recours de droit public énoncé à l'art. 84 al. 2 OJ.En effet, comme l'art. 43 al. 1 OJ, applicable par renvoi de l'art. 81 OJ,réserve le recours de droit public pour violation des droits constitutionnelsdes citoyens, les griefs constitutionnels - tels que celui tiré del'appréciation arbitraire des preuves (cf. ATF 132 III 1 consid. 3.1; 129 III618 consid. 3 et les références citées) - ne peuvent être invoqués que parcette voie (ATF 126 III 30 consid. 1c; 122 III 34 consid. 1; 119 III 70consid. 2; 113 III 86 consid. 3; 107 III 11 consid. 3). En revanche, laviolation du droit fédéral, y compris les traités internationaux conclus parla Confédération, ne peut être invoquée que dans un recours LP (art. 19 al. 1LP, art. 79 al. 1 et 43 al. 1 OJ en corrélation avec l'art. 81 OJ; ATF 119III 70 consid. 2). 1.2 Conformément à l'art. 57 al. 5 OJ, applicable par renvoi de l'art. 81 OJ,le recours de droit public doit être traité avant le recours LP. 1.3 Dès lors que les allégations, preuves ou faits nouveaux sont irrecevablesdans le cadre d'un recours de droit public (ATF 124 I 208 consid. 4b; 119 II6 consid. 4a; 118 III 37 consid. 2a et les arrêts cités), le Tribunal fédérals'en tient aux faits constatés par l'autorité cantonale, à moins que lerecourant ne démontre que ces constatations sont arbitrairement fausses ouincomplètes (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p.26). En l'espèce, le Tribunalfédéral ne pourra donc pas tenir compte des compléments, modifications ouprécisions de l'état de fait retenu par l'autorité cantonale que larecourante entendrait apporter dans la partie "en fait" de son mémoire derecours, dans la mesure où l'on n'y trouve aucun grief de violation de droitsconstitutionnels des citoyens qui soit motivé conformément aux exigences del'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3).1.4 Avant d'examiner les griefs de la recourante, il sied de souligner que lelitige, tel qu'il est soumis au Tribunal fédéral, ne porte pas sur laquestion des immunités de juridiction et d'exécution auxquelles la Fédérationde Russie a déclaré renoncer dans le Protocole d'accord du 31 juillet 2002(cf. lettre A supra), ni sur la légalité de la saisie des tableaux prêtéspour exposition à la Fondation Pierre Gianadda par le Musée national desBeaux-Arts Pouchkine de Moscou, puisque cette saisie a été levéedéfinitivement par décision du Conseil fédéral du 16 novembre 2005 (cf.lettre G.b supra). 2.2.1La recourante reproche d'abord à l'autorité cantonale une constatationarbitraire des faits pour n'avoir pas pris en compte et apprécié à sa justevaleur le paragraphe 2.3 du Protocole d'accord du 31 juillet 2002, quiindique sans ambiguïté que les paiements résultant dudit Protocole d'accorddoivent être versés par la Fédération de Russie sur un compte tiers de Nogaouvert auprès d'une banque à Luxembourg. En méconnaissant que les partiesauraient ainsi expressément élu un for d'exécution au Luxembourg, l'autoritécantonale aurait considéré à tort qu'il existait un for d'exécution enSuisse. 2.2 Ce grief est dénué de fondement. En effet, la stipulation conventionnelled'un lieu d'exécution ou de paiement doit être distinguée de l'élection, parle débiteur, d'un for d'exécution forcée au sens de l'art. 50 al. 2 LP (ATF119 III 54 consid. 2f; 89 III 1, p. 4; 86 III 81 consid. 2; Schüpbach,Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n.11 ad art. 50 LP;Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et lafaillite, 1999, n.41 et 44 ad art. 50 LP; Fritzsche/Walder, Schuldbetreibungund Konkurs, Band I, 1984, § 11 n.16; Schmid, Kommentar zum Bundesgesetzüber Schuldbetreibung und Konkurs, 1998, n. 35 et 36 ad art. 50 LP; BlSchK2005 p. 232). Le domicile élu au sens de cette disposition est le lieu où ledébiteur a manifesté la volonté de pouvoir être poursuivi en exécution de sonobligation, quand bien même ce for de poursuite ne coïnciderait pas avec lelieu d'exécution stipulé entre les parties (ATF 89 III 1, p. 4-5; Schmid, op.cit., n. 33 et 35 ad art. 50 LP). En l'espèce, le fait que le paragraphe 2.3du Protocole d'accord du 31 juillet 2002 prévoit que les paiements seronteffectués sur un compte tiers ouvert conjointement auprès d'une banque àLuxembourg au nom des mandataires respectifs des parties, mandatésexpressément par celles-ci pour recevoir les paiements pour le compte deNoga, n'exclut donc nullement l'élection, par la Fédération de Russie, d'unfor de poursuite à Genève. Quant à savoir si, compte tenu des circonstanceset des règles de la bonne foi, on doit admettre une élection de domicile pourl'exécution forcée à Genève, il s'agit d'une question de droit, qui relève durecours LP (cf.consid. 3.2 infra). 3.3.1La recourante reproche ensuite à l'autorité cantonale d'avoir fait desdéductions insoutenables à partir du courrier du 5 février 2005 adressé parl'avocat Schwartz à l'Office. En retenant que la recourante aurait entendu ydire qu'elle voulait, en raison des difficultés liées à l'exécution del'obligation elle-même - qui devait avoir lieu au Luxembourg -, établir unfor d'exécution en Suisse, l'autorité cantonale aurait fait une appréciationarbitraire des faits et des preuves. Considérer le fait de ne pas avoirinvoqué la nullité de la poursuite en raison de l'absence d'un for en Suisse- qui peut pourtant être invoquée en tout temps et doit de toute façon êtreexaminée d'office par les autorités de poursuite - comme la démonstration dela volonté de la recourante d'exécuter ses obligations contractuelles enSuisse serait dès lors totalement insoutenable. 3.2 Ce grief est irrecevable dans le cadre d'un recours de droit public. Eneffet, savoir, sur la base d'un état de fait déterminé, si un débiteur amanifesté la volonté d'élire un for de poursuite au sens de l'art. 50 al.2LP est une question d'interprétation selon le principe de la confiance(Schüpbach, op. cit., n. 12 ad art. 50 LP; Fritzsche/Walder, op. cit., § 11n. 16; Schmid, op. cit., n. 33 ad art. 50 LP; Rep. 1985 p.343), partant unequestion de droit (cf. ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 217 consid. 3;130 III 417 consid. 3.2, 686 c. 4.3.1), qui doit être soulevée par la voie durecours LP et non par celle du recours de droit public (cf. consid. 1.1supra). 4.4.1La recourante fait grief à l'autorité cantonale d'avoir violé son droit,découlant du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., d'obtenirune décision motivée. En effet, il n'apparaîtrait pas, à la lecture de ladécision attaquée, sur quelle base la Commission de surveillance a considéréque les arguments invoqués par la recourante en relation avec la péremptionde la poursuite étaient infondés. Contrairement à ce qu'affirme la Commissionde surveillance, celle-ci n'aurait en effet pas jugé la question de lapéremption de la poursuite dans sa décision du 3 mars 2005, contre laquellela Fédération de Russie n'avait pas à faire recours dans la mesure où legrief de la péremption n'avait pas été abordé, mais uniquement dans celle du9 mars 2006. Or cette dernière décision ne contiendrait aucun élémentjustifiant et expliquant les raisons du rejet de l'argumentaire de larecourante sur la péremption de la poursuite. 4.2 Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu, tel qu'il est garantipar l'art. 29 al. 2 Cst., implique notamment l'obligation pour le juge demotiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre etexercer ses droits de recours à bon escient; le juge doit ainsi mentionner,au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sadécision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de laportée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause, mais aussi à ceque l'autorité de recours puisse contrôler l'application du droit (ATF 129 I232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b; 122 IV 8 consid. 2c et les arrêtscités). 4.3 En l'espèce, la Commission de surveillance a exposé, dans la décisionattaquée, que le grief tiré de la péremption de la poursuite n°03 116.062 Aavait déjà été examiné, pour être déclaré infondé, dans sa précédentedécision du 3 mars 2005; cette décision était entrée en force, de sorte qu'iln'y avait pas lieu de réexaminer ce point en vertu du principe res iudicatapro veritate habetur (cf. lettre G.b.a supra). L'autorité cantonale a rappeléles motifs pour lesquels elle avait considéré, dans sa décision du 3 mars2005, que la poursuite n'était pas périmée, à savoir, en bref: que laFédération de Russie avait, en application de la clause arbitrale contenuedans le Protocole d'accord du 31 juillet 2002, saisi dans le délai de l'art.83 al.2 LP la Cour internationale d'arbitrage de la CCI à Paris d'unedemande d'arbitrage; que cette procédure d'arbitrage était encore pendante;qu'il n'appartenait ni à l'Office ni à la Commission de surveillance, mais auTribunal arbitral, de se prononcer sur la recevabilité de la demanded'arbitrage en tant qu'action en libération de dette; que la poursuite n°03116.062 A n'était donc pas périmée lorsque la poursuivante avait requis sacontinuation le 13 octobre 2004, le commandement de payer ayant été notifiéle 27 février 2003 (cf. lettre G.b.a supra). Après avoir ainsi rappelé lamotivation de sa décision du 3 mars 2005, l'autorité cantonale a considéré ensubstance que le Tribunal arbitral, dans sa sentence incidente du 30 août2005, avait de facto déclaré la demande d'arbitrage irrecevable en tantqu'action en libération de dette, et que l'Office s'était ainsi conformé à ladécision du 3 mars 2005 en décidant de convertir la saisie provisoire ensaisie définitive (cf. art. 83 al. 3 LP) suite à la sentence incidenteprécitée (cf.lettre G.b.b supra). 4.4 Cette motivation est parfaitement claire et permet de saisir l'entier duraisonnement sur lequel l'autorité cantonale a fondé sa décision présentementattaquée en ce qui concerne la question de la péremption alléguée de lapoursuite. Elle est à l'évidence suffisante, contrairement à ce que soutientla recourante, pour que celle-ci ait pu se rendre compte de la portée de ladécision et l'attaquer en connaissance de cause par la voie idoine du recoursLP. Savoir si cette motivation procède d'une correcte application du droitfédéral est une question qui devra être tranchée dans le cadre de l'examen durecours LP connexe interjeté par la recourante (cf.consid. 1.1 supra). 5.En définitive, le recours de droit public, mal fondé en tant qu'il estrecevable, doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante,qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al.1 OJ), ainsi queles frais indispensables occasionnés par la procédure de recours de droitpublic à l'intimée, qui obtient gain de cause (art. 159 al. 1 et 2 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Sont mis à la charge de la recourante:2.1un émolument judiciaire de 50'000 fr.;2.2une indemnité de 50'000 fr. à verser à l'intimée à titre de dépens. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCommission de surveillance
des offices des poursuites et des faillites ducanton de Genève ainsi qu'à l'Office des poursuites de Genève. Lausanne, le 21 septembre 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.136/2006
Date de la décision : 21/09/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-09-21;5p.136.2006 ?
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