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31/08/2006 | SUISSE | N°5P.320/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 août 2006, 5P.320/2005


{T 1/2}5P.320/2005 Arrêt du 31 août 2006IIe Cour civile MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. Cité-Joie,recourante, représentée par Me Nicolas Saviaux, avocat, contre 1. Zurich Compagnie d'Assurances sur la Vie,intimée, représentée par Me Henri Baudraz, avocat, 2. Commune de Lausanne, intimée, représentéepar Me Daniel Pache, avocat, art. 9 et 29 Cst. (responsabilité du propriétaire foncier), recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre desrecours du Tribunalcantonal du canton de Vaud du20 avril 2005. Faits: A.Zurich

Compagnie d'Assurances sur la Vie (ci-après: Zurich Assurance...

{T 1/2}5P.320/2005 Arrêt du 31 août 2006IIe Cour civile MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. Cité-Joie,recourante, représentée par Me Nicolas Saviaux, avocat, contre 1. Zurich Compagnie d'Assurances sur la Vie,intimée, représentée par Me Henri Baudraz, avocat, 2. Commune de Lausanne, intimée, représentéepar Me Daniel Pache, avocat, art. 9 et 29 Cst. (responsabilité du propriétaire foncier), recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre desrecours du Tribunalcantonal du canton de Vaud du20 avril 2005. Faits: A.Zurich Compagnie d'Assurances sur la Vie (ci-après: Zurich Assurances) estpropriétaire des parcelles nos 2025 et 2032 du registre foncier de Lausanne,sises à l'avenue des Oiseaux 4 et 2 à Lausanne. La Commune de Lausanne(ci-après: la Commune) est quant à elle propriétaire de la parcelle n°2026,sise à la rue de la Borde 51 à 57bis / rue des Crêtes à Lausanne. José-Louis Truan est architecte au sein de José-Louis Truan SA. Il est lepère spirituel d'un projet de logements subventionnés à la rue de la Borde 51à 57bis à Lausanne. La Commune avait initialement proposé ce projet à lasociété coopérative Colosa. Celle-ci l'avait refusé notamment parce qu'ilexistait un rapport géologique faisant état d'un terrain délicat, si bien quela construction d'un immeuble à logements subventionnés aurait coûté tropcher. Le rapport géologique en question était un rapport établi le 31 octobre 1986par Jean-François Nicod, Sert ingénieurs-conseils SA, qui présentait lesrésultats d'une expertise géotechnique réalisée à la demande de l'Atelierd'architecture de Lully sur les terrains sis à la rue de la Borde 53 à 57bisà Lausanne, en vue de définir les conditions du sol et d'en déduire desrecommandations pour la construction d'immeubles d'habitation et de garages.Il en ressortait notamment que le terrassement en partie haute du terrainsous le mur de soutènement existant pouvait conduire à de graves difficultésà cause de la présence des remblais et de la moraine argileuse, et que lesbords de l'excavation devraient être soutenus par un système de paroi ancréedans la molasse gréseuse. B.Cité-Joie (ci-après: la Coopérative) est une société coopérative dont le butest l'étude et la construction de logements à loyers modestes. Intéressée parle projet de logements subventionnés précité, elle a entamé des discussionsavec la Commune en mars 1993. Le 3 janvier 1995, la Coopérative et José-Louis Truan SA ont conclu uncontrat d'architecte portant notamment sur l'examen, la mise à l'enquête, lessoumissions, les adjudications et la direction des travaux de constructiondes immeubles sur la parcelle en cause. José-Louis Truan SA a informé laCoopérative du rapport géotechnique de Sert ingénieurs-conseils SA du 31octobre 1986, rapport que la Commune de Lausanne ne pouvait ignorer. Le 17 octobre 1995, Mario Fellrath, bureau d'ingénieur civil, a conclu avecla Coopérative un contrat portant sur le projet et la direction, y compris lecontrôle de l'exécution, des travaux préparatoires, des terrassements et dela structure du bâtiment sis à la rue des Crêtes. Par acte authentique du 7 janvier 1997, la Commune et la Coopérative ontconvenu de constituer sur la parcelle n° 2026 un droit de superficie enfaveur de la Coopérative pour les deux immeubles qu'elle projetait d'yédifier (l'un sur la rue de la Borde et l'autre sur la rue des Crêtes) avecl'appui financier des pouvoirs publics. L'art. 14 al.3 de ce contratdisposait que la Commune n'assumait aucune garantie quant à la nature du sol. C.Les travaux d'excavation ont débuté en janvier 1997. Alors que les travaux deterrassement étaient exécutés sous la direction de Mario Fellrath etJosé-Louis Truan, les premiers mouvements de terrain ont eu lieu. À lami-mars 1997, un remblayage d'urgence de 1'500 m3 a été exécuté en raison demouvements de terrain très importants. Le 8 avril 1997, Zurich Assurances a établi un rapport photographique dont ilressort qu'un décollement affecte son terrain et que des ancrages permanentsont été fixés au sous-sol de ses parcelles nos2025 et 2032. Les ancrages ontété posés par la Coopérative et ses mandataires. Zurich Assurances a demandé et obtenu, auprès du Président du Tribunal civildu district de Lausanne, un constat d'urgence ainsi que des mesurespréprovisionnelles et provisionnelles ordonnant à la Coopérative de cessertous les travaux autres que ceux de consolidation. Après que le Président du Tribunal civil du district de Lausanne eut prisacte d'un accord intervenu entre les parties sur les mesures provisionnelleset constaté la caducité de celles-ci, les travaux de construction de la ruede la Borde 51 à 57bis ont pu reprendre au début du mois de novembre 1997.Ils ont été achevés en 1999. D.Le 14 novembre 1997, Zurich Assurances a ouvert action devant la Cour civiledu Tribunal cantonal du canton de Vaud contre la Coopérative et la Commune,en concluant au paiement par celles-ci, solidairement entre elles ou chacunepour la part que Justice dirait, du montant de 200'000 fr. plus intérêts à 5%l'an dès le jour de la demande. La Coopérative a conclu au rejet de lademande. La Commune a conclu principalement au rejet de la demande etsubsidiairement à ce que la Coopérative soit tenue de la relever de toutecondamnation. La Coopérative a conclu au rejet des conclusions récursoires dela Commune. En cours d'instance, la demanderesse a augmenté ses conclusions à305'000 fr. plus intérêts. Les parties ont admis que les événements de 1997 avaient démontré que MarioFellrath avait sous-estimé la nature du sol, et surtout du sous-sol de laparcelle litigieuse. Elles ont admis que ce faisant, Mario Fellrath avait agicontrairement aux règles de l'art et que cet élément était en rapport decausalité naturelle et adéquate avec les dommages occasionnés aux immeublesde la demanderesse. La Cour civile a ordonné une expertise judiciaire, dont il ressort ensubstance que les parcelles nos 2025 et 2032 ont subi ensemble unemoins-value de 160'000 fr. en raison de la présence des ancrages permanentset que le coût de la remise en état des aménagements extérieurs endommagéspeut être évalué à 145'000 fr., TVA incluse. E.Par jugement du 6 octobre 2004, la Cour civile a condamné les défenderesses,solidairement entre elles, à payer à la demanderesse la somme de 305'000 fr.avec intérêt à 5% l'an dès le 12 décembre 1997 (I). Elle a en outre dit quela Coopérative était tenue de relever la Commune de tout montant versé enpaiement de la somme ainsi allouée ainsi que des dépens mis à sa charge (II),et a statué sur les frais et dépens (III à VI). La motivation en droit de cejugement est en substance la suivante:E.aSelon l'art. 679 CC, celui qui est atteint ou menacé d'un dommage parcequ'un propriétaire excède son droit peut actionner ce propriétaire pour qu'ilremette les choses en l'état ou prenne des mesures en vue d'écarter ledanger, sans préjudice de tous dommages-intérêts. Cette disposition prévoitainsi, outre les actions défensives, l'action en dommages-intérêts. Laqualité pour agir appartient à celui qui, notamment en qualité depropriétaire, est entravé ou atteint dans l'utilisation, la jouissance oul'exploitation de son fonds. La qualité pour défendre à l'action en dommages-intérêts appartient aupropriétaire du fonds d'où proviennent les immissions. Elle appartientégalement au titulaire d'un droit réel limité ou d'un droit personnel sur cefonds. En particulier, le superficiaire est tenu comme un propriétaire desdommages causés au fonds voisin par un exercice excessif de son droit.Lorsque le titulaire d'un droit réel limité ou d'un droit personnel peut êtrerecherché, il convient cependant d'examiner d'après les circonstancesconcrètes si le demandeur peut également diriger son action contre lepropriétaire, parce que celui-ci a contribué à causer le dommage; une tellecontribution doit en principe être admise dès que le fonds a été mis àdisposition en vue d'un certain usage, dont est ensuite résultée l'atteinte. En l'espèce, la demanderesse, propriétaire des parcelles nos 2025 et 2032 quisont voisines de la parcelle en construction d'où proviennent les immissions,peut agir à la fois contre la Coopérative, qui est titulaire d'un droit desuperficie octroyé dans le but d'y construire des immeubles comprenant desappartements à loyer modéré, et contre la Commune, qui, en mettant àdisposition son bien-fonds dans ce but, pourrait avoir contribué à causer ledommage. E.b L'art. 679 CC institue une responsabilité causale du propriétaire et desbénéficiaires de droits réels limités, qui répondent en outre des actes detoute personne qui utilise avec leur accord le fonds en question. Laréparation du dommage est subordonnée à trois conditions: un excès dansl'utilisation du fonds d'où proviennent les immissions - qui constituent lesconséquences indirectes de cette utilisation sur le fonds voisin -, uneatteinte aux droits du voisin et un rapport de causalité naturelle etadéquate entre l'excès et l'atteinte. L'excès doit se produire sur un autrefonds et consister dans la violation des règles de voisinage au sens des art.684 ss CC. L'art.684 CC est concrétisé notamment par l'art. 685 al. 1 CC,aux termes duquel le propriétaire qui fait des fouilles ou des constructionsne doit pas nuire à ses voisins en ébranlant leur terrain, en l'exposant à undommage ou en compromettant les ouvrages qui s'y trouvent. En l'espèce, il ne fait pas de doute que les mouvements de terrain qui ontaffecté les biens-fonds de la demanderesse à la suite des travauxd'excavation et de terrassement sur la parcelle n° 2026 constituent desimmissions excessives, qui sont une conséquence indirecte de la constructionentreprise par la Coopérative sur cette parcelle. Il n'est pas contestableque cette atteinte indirecte a entraîné un dommage. Le rapport d'expertisefait état d'un dommage de 145'000 fr. pour la remise en état des aménagementsextérieurs, et il n'existe aucun motif valable de s'en écarter. E.c S'agissant des ancrages fixés sur les biens-fonds de la demanderesse, ilsconstituent une atteinte directe à sa propriété, dont la réparation doit êtreexaminée à la lumière des conditions de la responsabilité aquilienne.Cependant, l'art. 701 CC prévoit que si quelqu'un ne peut se préserver oupréserver autrui d'un dommage imminent ou d'un danger présent qu'en portantatteinte à la propriété d'un tiers, celui-ci est tenu de souffrir cetteatteinte, pourvu qu'elle soit de peu d'importance en comparaison du dommageou du danger qu'il s'agit de prévenir (al. 1); le propriétaire peut, s'il asubi un préjudice, réclamer une indemnité équitable (al. 2).En l'espèce, la fixation des ancrages constitue une mesure urgente etappropriée afin de préserver l'intégrité matérielle des immeubles de lademanderesse et surtout l'intégrité physique de leurs occupants. Cette mesurea permis de stabiliser le terrain et d'éviter un dommage plus grave. Lademanderesse doit par conséquent souffrir cette atteinte à son droit depropriété, mais elle peut prétendre à une indemnité. L'expert a évalué lepréjudice de la demanderesse à 160'000 fr. au titre de la moins-valueaffectant ses parcelles nos 2025 et 2032 en raison de la présence des quatreancrages permanents dans le sous-sol de celles-ci, et il n'y a pas lieu deréduire ce montant au sens des art. 43 et 44 CO. E.d La responsabilité des défenderesses pour le dommage causé à lademanderesse est solidaire au sens de l'art. 50 CO. Les défenderessesrépondent en effet du dommage, qu'elles ont provoqué en agissant de concertdans le cadre de l'octroi d'un droit de superficie, en vertu des mêmes causesde responsabilité. E.e S'agissant des conclusions récursoires prises par la Commune contre laCoopérative, le juge use librement de son pouvoir d'examen, s'agissant dedeux responsabilités causales. Toutefois, le contrat de superficie conclu parles défenderesses contient à son art.14 al. 3 une clause d'exclusion quant àla nature du sol. Les dispositions légales concernant la garantie dans lavente d'immeubles peuvent s'appliquer par analogie à un contrat prévoyant undroit de superficie distinct et permanent, qui constitue un immeuble au sensde l'art. 655 al. 2 ch. 2 CC. Toutefois, comme ces dispositions ne sont pasimpératives, les parties sont libres de prévoir une clause d'exclusion degarantie, comme elles l'ont fait en l'espèce. Une telle clause est valable sielle renferme exactement la volonté des parties et ne constitue pas unesimple clause de style. La détermination de la portée d'une clause excluantou limitant la responsabilité ressortit à l'interprétation du contrat. Dans le cas présent, la clause prévue à l'art. 14 du contrat de superficieest claire et énoncée en termes simples. Elle se rapporte spécialement à lanature du sol, excluant toute garantie en raison des conséquences dues à cetélément. Elle vient compléter l'alinéa précédent de l'art. 14 qui prévoitplus généralement que "[l]e terrain objet du droit de superficie, est mis àdisposition dans son état le jour de la signature du présent acte, favoriséet grevé des servitudes actives et passives alors inscrites au Registrefoncier". Il s'ensuit que la clause litigieuse n'est manifestement pas uneclause de style et que la volonté réelle des parties au contrat de superficieétait sans aucun doute de libérer la Commune de toute responsabilité relativeaux conséquences que pouvait engendrer la nature délicate du sol. En tous lescas, c'est bien là le sens que chacune des défenderesses pouvait et devaitraisonnablement prêter à cette déclaration de volonté. C'est ainsi à tort quela Coopérative prétend avoir été victime de dol en ce sens que la Communeaurait inséré cette clause d'exclusion de garantie en lui cachant lavéritable nature du sol. Il est en effet établi que José-Louis Truan SA avaitconnaissance du rapport géotechnique de Sert ingénieurs-conseils SA du 31octobre 1986 faisant état d'un terrain difficile de la parcelle en cause etque José-Louis Truan en avait informé la Coopérative. Cela étant, les conclusions récursoires prises par la Commune contre laCoopérative doivent être admises. La Coopérative a déposé un recours en réforme au Tribunal fédéral contre lejugement de la Cour civile du 6 octobre 2004. Elle a conclu avec suite defrais et dépens à sa réforme en ce sens que les conclusions de la demandesoient rejetées, subsidiairement que l'action récursoire de la Commune soitrejetée; à titre plus subsdiaire, elle a conclu à l'annulation du jugementattaqué.La Commune a elle aussi déposé un recours en réforme au Tribunal fédéralcontre le jugement de la Cour civile du 6 octobre 2004. Elle a conclu avecsuite de frais et dépens à sa réforme en ce sens que les conclusions de lademande soient rejetées.Parallèlement, la Coopérative et la Commune ont chacune formé un recours ennullité auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton deVaud contre le jugement de la Cour civile. Par ordonnances du 8 février 2005,le Président de la cour de céans a suspendu
l'instruction des recours enréforme jusqu'à droit connu sur les recours en nullité cantonaux pendantsdevant la Chambre des recours. Par arrêt du 20 avril 2005, celle-ci a rejetéles recours en nullité. La Coopérative ayant annoncé son intention de persister dans ses moyens parle dépôt d'un recours de droit public au Tribunal fédéral lorsque lesconsidérants de l'arrêt du 20 avril 2005 précité lui seraient parvenus, lePrésident de la cour de céans, par ordonnances du 26 mai 2005, a suspendul'instruction des recours en réforme jusqu'à droit connu sur les éventuelsrecours de droit public des défenderesses contre l'arrêt du 20 avril 2005 dela Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud (sous réservede dérogation à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ), respectivementjusqu'à ce que les délais pour interjeter un recours de droit public contrecet arrêt soient arrivés à échéance sans avoir été utilisés. F.En temps utile, la Coopérative a interjeté un recours de droit public contrel'arrêt de la Chambre des recours du 20 avril 2005, en concluant à sonannulation. Il n'a pas été requis d'observations sur le recours de droitpublic. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Conformément à la règle de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient d'examiner enpremier lieu le recours de droit public. Formé en temps utile (art. 89 al.1OJ), pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1let. a OJ), contre une décision finale (cf. art. 87 OJ) prise en dernièreinstance cantonale (art. 86 al. 1 OJ), ce recours est en principe recevable. 2.2.1La Chambre des recours était saisie d'un grief par lequel la recourantereprochait à la Cour civile d'avoir procédé à une appréciation arbitraire despreuves pour avoir écarté de manière systématique les témoignages de CorinneAnne Favre Perreaud (présidente du conseil d'administration de la recourante)et de Jean-Marie Terrapon (secrétaire du conseil d'administration de larecourante) dans la mesure où ils n'étaient pas corroborés par d'autreséléments probants. Elle a considéré qu'il n'y avait nul arbitraire à écartercertaines dépositions, ou à ne les retenir que très restrictivement, lorsqueles témoins en question avaient non seulement des liens étroits et personnelsavec l'une des parties, au point de connaître la procédure, mais encorepouvaient avoir un intérêt, direct ou indirect, à l'issue du procès en leurqualité d'administrateurs de la société en cause. La Chambre des recours a ensuite examiné le grief par lequel la recourantereprochait à la Cour civile d'être tombée dans l'arbitraire, ainsi qued'avoir violé l'égalité de traitement entre les parties, pour avoir retenu ladéposition de l'architecte José-Louis Truan sur le fait que ce témoin avaitinformé la recourante du rapport géologique établi le 31 octobre 1986 parSert ingénieurs-conseils SA, nonobstant que celui-ci eût lui aussi un intérêtà l'issue du procès. Elle a considéré que la Cour civile n'était pas tenued'indiquer les raisons pour lesquelles elle retenait les dires de José-LouisTruan (art. 300 al. 2 CPC/VD a contrario) et que, les témoignages étant peséschacun pour lui-même et non pas comptés, la recourante ne pouvait rien tirerdu principe de l'égalité de traitement en matière d'appréciation destémoignages par le juge; nonobstant que l'architecte Truan fût concerné parle litige, il n'était pas arbitraire de la part de la Cour civile de retenirson témoignage sur le point de fait précité. 2.2 Dans son recours de droit public, la recourante fait grief à la Chambredes recours d'avoir appliqué "deux poids, deux mesures", en écartant d'unepart les dépositions des témoins Favre Perreaud et Terrapon parce qu'ilsavaient un intérêt, direct ou indirect, à l'issue du procès, tout en retenantd'autre part la déposition de l'architecte Truan, lors même que celui-ciavait un intérêt direct à l'issue du procès puisqu'il est recherché enresponsabilité par la recourante dans un autre procès pendant devant la Courcivile. Or le témoin Truan avait évidemment intérêt à déclarer qu'il avaitinformé la recourante, par ses organes, du rapport de Sertingénieurs-conseils SA; en effet, réputée être au courant de la nature duterrain, la Coopérative n'aurait plus pu s'en prendre à son mandataire, ni àla Commune. La recourante soutient que la Cour civile a ainsi retenu en sadéfaveur un fait important, sur la seule base du témoignage de l'architecteTruan et bien que celui-ci eût un intérêt décisif au litige, alors qu'elle aécarté les dépositions des témoins Favre Perreaud et Terrapon au motif queces derniers avaient un intérêt à l'issue du procès. 2.3 Contrairement à ce que soutient la recourante, le fait que la Cour civileait écarté les dépositions des témoins Favre Perreaud et Terrapon - ou plutôtne les ait retenues que très restrictivement - parce que ces témoins, en leurqualité d'administrateurs de la recourante, avaient des liens étroits etpersonnels avec celle-ci et pouvaient avoir un intérêt (direct ou indirect) àl'issue du procès, n'impliquait pas qu'il fallût pareillement écarter, demanière générale, la déposition du témoin Truan. En effet, ce dernier,contrairement aux précités, n'est pas un organe d'une partie au présentlitige et n'a pas de liens étroits et personnels avec une partie au présentlitige. Il n'a pas non plus en soi d'intérêt à ce que le présent litige soittranché au détriment de la recourante, ce qui se serait opposé à ce que sadéposition pût de manière générale faire foi en défaveur de celle-ci. Cela étant, il n'y avait rien d'insoutenable à prendre en considération letémoignage de l'architecte Truan en appréciant la force probante de sesdéclarations au regard de l'ensemble des circonstances pertinentes.S'agissant spécifiquement de la question de savoir si la recourante avait euconnaissance par José-Louis Truan SA du rapport de Sert ingénieurs-conseilsSA, comme l'alléguait la Commune dans sa réponse (allégué 293), il n'apparaîtpas arbitraire de ne pas écarter la déposition du témoin Truan du seul faitque celui-ci peut avoir un intérêt, dans un autre contexte, à confirmer qu'ila bien informé la recourante de ce rapport. La Cour civile pouvait aucontraire apprécier la force probante et la fiabilité de cette déclaration auregard de toutes les circonstances pertinentes, notamment la manière dont ila répondu sur tous les points (18 allégués) qui ont fait l'objet de sonaudition. Sur le vu des éléments soumis au Tribunal fédéral, la façon dontelle l'a fait, à laquelle la Chambre des recours n'a rien trouvé à redire,échappe au grief d'arbitraire. 2.4 Comme elle l'avait déjà fait devant la Chambre des recours, la recourantesoutient qu'une trentaine d'allégués de sa réponse et de sa duplique auraientdû figurer dans l'état de fait du jugement de la Cour civile, dès lors qu'ilsétaient confirmés par les témoins Favre Perreaud et Terrapon; ne pas avoirretenu ces allégués l'aurait empêchée d'invoquer avec succès, du moinsd'étayer, sa thèse selon laquelle elle aurait été victime de dol de la partde la Commune (cf.lettre E.e supra). La Chambre des recours a exposé de manière circonstanciée, sur près de 5pages, pourquoi la Cour civile pouvait sans arbitraire ne pas retenir lesallégués en question. Or dans son recours de droit public, la recourante seborne, de manière purement appellatoire, à affirmer derechef que les alléguésen question auraient dû être retenus; elle ne discute nullement la motivationdétaillée de l'arrêt de la Chambre des recours sur ce point, mais procèdecomme elle le ferait dans le cadre d'un appel dirigé contre le jugement depremière instance. Une telle argumentation ne satisfait manifestement pas auxexigences posées à la motivation du recours de droit public par l'art. 90 al.1 let. b OJ (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312; 117 Ia 10 consid. 4b; 110 Ia 1consid. 2a; 107 Ia 186 et la jurisprudence citée) et se révèle ainsiirrecevable (ATF 123 II 552 consid. 4d; 117 Ia 341 consid. 2c; 114 Ia 317consid. 2b). 3.3.1La recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir violé son droit d'êtreentendu, tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., pour avoir failli à leurdevoir de motiver leur décision d'écarter le grief dirigé contre laconstatation que la clause d'exclusion de garantie quant à la nature du solcontenue à l'art.14 al. 3 du contrat de superficie (cf.lettre E.e supra)correspondait à la réelle et commune intention des parties. Ce serait enoutre arbitrairement, selon elle, que la Chambre des recours a admis que lavolonté réelle et commune des parties était d'exempter la Commune de saresponsabilité par le bais de l'art.14 al. 3 du contrat de superficie. 3.2 Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu, tel qu'il est garantipar l'art. 29 al. 2 Cst., implique notamment l'obligation pour le juge demotiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre etexercer ses droits de recours à bon escient; le juge doit ainsi mentionner,au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sadécision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de laportée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause, mais aussi à ceque l'autorité de recours puisse contrôler l'application du droit; le jugen'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits,moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contrairese limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 129 I232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b; 122 IV 8 consid. 2c et les arrêtscités). 3.3 En l'espèce, la Chambre des recours a dûment traité les griefs de larecourante, puisqu'après avoir rappelé la motivation du jugement de premièreinstance sur le point litigieux, elle a considéré que la volonté des partiesde libérer la défenderesse de toute responsabilité quant à la nature du solpouvait être retenue sans arbitraire sur la base de l'ensemble des faitsétablis; elle a en effet exposé que l'argumentation de la recourante à cetégard se limitait à une simple affirmation, voire à des questions laisséessans réponse. Il ne saurait dès lors être question à cet égard d'uneviolation de l'art. 29 al.2 Cst. Quant au grief d'arbitraire soulevé par larecourante, il est purement appellatoire, la recourante se bornant à soutenirà nouveau sa propre thèse en procédant par affirmations péremptoires etquestions sans réponse. À cet égard, le recours se révèle ainsi irrecevable(cf. consid. 2.4 in fine supra). 4.4.1La recourante reproche enfin aux juges cantonaux d'avoir violé son droitd'être entendu, au sens rappelé plus haut (cf. consid. 3.2 supra), pour avoirconsidéré, s'agissant des griefs ciblés sur l'expertise judiciaire (cf.lettre D in fine supra), que la Cour civile n'avait pas à indiquer lesraisons pour lesquelles elle tenait ces griefs pour dénués de fondement, etqu'elle aurait même été en droit de ne faire état ni desdits griefs ni deleur caractère considéré comme sans fondement, dès lors que la libreappréciation des preuves (art. 5 al. 3 CPC/VD) excluait l'obligation pour lejuge de donner les motifs de sa conviction, sous réserve des cas prévus àl'art. 300 al. 2 CPC/VD. La recourante relève que si cela était vrai, ilfaudrait alors constater que l'art. 5 al. 3 CPC/VD violerait l'art. 29 al. 2Cst. et l'obligation de motiver qui en découle. 4.2 Les affirmations précitées de la Chambre des recours sont assurémentdifficilement conciliables avec la jurisprudence relative à l'art. 29 al. 2Cst., que les juges cantonaux ont eux-même rappelée immédiatement auparavantdans leur arrêt. Il convient toutefois de ne ne pas s'arrêter à cetteformulation malheureuse. En effet, il appert que la Chambre des recours n'ena pas moins dûment vérifié la motivation du jugement de première instance,pour constater que celle-ci était claire et suffisante et qu'elle permettaitdu reste à la Coopérative - de même qu'à la Commune - de l'attaquer en lacritiquant de manière détaillée. Dans ces conditions, on ne saurait parler deviolation de l'art. 29 al. 2 Cst. 4.3 La Chambre des recours a par ailleurs examiné les griefs d'arbitrairesoulevés par la recourante à l'encontre de l'expertise judiciaire. Aprèsavoir résumé ces griefs, elle a exposé que l'expert fixait les montants desdommages, à la page 7 de son rapport, en se référant aux diverses annexes,qui constituaient en quelque sorte le corps de l'expertise; il s'agissait làd'un rapport qui n'avait rien de sommaire et qui était motivé de manièredétaillée par les annexes qui en faisaient partie intégrante, de sorte qu'iln'était nullement arbitraire de la part de la Cour civile de tenir cetteexpertise pour probante et de suivre ses conclusions. Dans son recours de droit public, la recourante, sans discuter cettemotivation, reproche à la Chambre des recours d'être tombée dans le mêmetravers que la Cour civile pour s'être fiée sans aucun esprit critique à unrapport d'expertise "lacunaire et non convaincant". Ce sont cependant lesgriefs de la recourante qui se révèlent peu convaincants. Ainsi, tant pour leposte de 145'000 fr. (frais de remise en état des aménagements extérieursendommagés) que pour celui de 160'000 fr. (indemnité pour la moins-value liéeà la présence d'ancrages permanents), la recourante reproche à l'expertd'avoir évalué lui-même le montant du dommage, sans se fonder sur "undocument neutre et objectif émanant d'un tiers professionnel en la matière".Elle ne démontre toutefois en rien pourquoi l'expert, choisi pour sesconnaissances spéciales lui permettant de certifier l'existence et la quotitédu dommage allégué (cf.art. 220 CPC/VD), aurait dû faire appel à d'autresexperts pour étayer ses conclusions. Quant à l'argument selon lequel leprincipe même d'un dommage lié à la présence d'ancrages ne pouvait pas êtreretenu, dès lors qu'il n'était pas établi que la présence desdits ancragesportait atteinte à la propriété de la demanderesse en l'entravant dans sespossibilités d'utiliser et d'exploiter son bien-fonds, il ne porte pas surl'appréciation des preuves, mais sur l'application du droit. Or celle-ci doitêtre critiquée non par la voie du recours de droit public, qui se révèleirrecevable à cet égard, mais par celle du recours en réforme, ce que larecourante a d'ailleurs fait. La question sera donc examinée dans le cadre durecours en réforme. 5.Il résulte de ce qui précède que le recours de droit public, mal fondé entant qu'il est recevable, doit être rejeté dans cette même mesure. Larecourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens, puisque les intiméesn'ont pas été invitées à répondre au recours et n'ont en conséquence pasassumé de frais en relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral(art. 159 al. 1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédéraled'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 31 août 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.320/2005
Date de la décision : 31/08/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-31;5p.320.2005 ?
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