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31/08/2006 | SUISSE | N°1A.122/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 août 2006, 1A.122/2005


{T 0/2}
1A.122/2005 / 1A.134/2005
1P.288/2005 / svc
1P.288/2005 / hsf

Séance du 31 août 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, Aeschlimann, Fonjallaz et
Eusebio.
Greffier: M. Jomini.

1A.122/2005 et 1P.288/2005
Eole-Res S.A.,
recourante, représentée par Me Sven Engel, avocat,

contre

A.________ et consorts,
la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage ainsi que
l'Association Patrimoine Suisse (ci-après: A.________
et consorts),
intimés, représentés par

Me Marie Tissot, avocate,
Tribunal administratif de la République et canton
de Neuchâtel, case postale 3174, 2001 Neuchâtel ...

{T 0/2}
1A.122/2005 / 1A.134/2005
1P.288/2005 / svc
1P.288/2005 / hsf

Séance du 31 août 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, Aeschlimann, Fonjallaz et
Eusebio.
Greffier: M. Jomini.

1A.122/2005 et 1P.288/2005
Eole-Res S.A.,
recourante, représentée par Me Sven Engel, avocat,

contre

A.________ et consorts,
la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage ainsi que
l'Association Patrimoine Suisse (ci-après: A.________
et consorts),
intimés, représentés par Me Marie Tissot, avocate,
Tribunal administratif de la République et canton
de Neuchâtel, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1,
Département de la gestion du territoire de la République et canton de
Neuchâtel, 2001 Neuchâtel 1, autorité intéressée,
Conseil communal de la commune de Fontaines, 2046 Fontaines, autorité
intéressée,
Conseil communal de la commune des Hauts-Geneveys, 2208 Les Hauts-Geneveys,
autorité intéressée.

1A.134/2005
Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel, 2001 Neuchâtel 1,
recourant,

contre

A.________ et consorts,
intimés, représentés par Me Marie Tissot, avocate,
Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, case postale
3174, 2001 Neuchâtel 1,
Eole-Res S.A.,
partie intéressée, représentée par Me Sven Engel, avocat,
Conseil communal de la commune de Fontaines, 2046 Fontaines, autorité
intéressée,
Conseil communal de la commune
des Hauts-Geneveys, 2208 Les Hauts-Geneveys, autorité intéressée.

plan d'affectation cantonal (parc éolien du Crêt-Meuron),

recours de droit administratif (1A.122/2005, 1A.134/2005) et recours de droit
public (1P.288/2005) contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Neuchâtel du 31 mars 2005.

Faits:

A.
En 1997, l'administration cantonale neuchâteloise a engagé une étude
préliminaire visant à évaluer les sites potentiels les plus favorables pour
des installations de production d'énergie éolienne. Le site du Crêt-Meuron a
été retenu, avec d'autres, dans le cadre de cette étude. Ce site, au lieu-dit
"Derrière Tête-de-Ran" à environ 1'300 m d'altitude, se trouve à proximité du
col de la Vue-des-Alpes, à quelques kilomètres de la ville de La
Chaux-de-Fonds, sur le territoire des communes de Fontaines et des
Hauts-Geneveys.
Le site du Crêt-Meuron est compris dans le périmètre du "plan des sites
naturels du canton" annexé au décret du 14 février 1966 concernant la
protection des sites naturels du canton (ci-après: le décret de 1966 [RSN
461.303]). Ce site fait partie des "zones de crêtes et de forêts", en
principe non constructibles. Le plan d'aménagement (plan général
d'affectation) de la commune des Hauts-Geneveys, entré en vigueur le 30 mai
1995, classe le site du Crêt-Meuron - pour la partie située sur le territoire
de cette commune - dans la zone de crêtes et forêts, qualifiée de zone à
protéger et de zone d'affectation cantonale. Quant au plan d'aménagement de
la commune de Fontaines, en vigueur depuis le 27 juin 2001, il classe le
reste de ce site à la fois dans la zone de crêtes et forêts (zone
d'affectation cantonale) et dans la zone agricole (zone d'affectation
communale).

B.
Après l'étude préliminaire précitée, l'administration cantonale a élaboré,
puis mis en consultation en juin 2001, une nouvelle fiche de coordination
9-0-04 du plan directeur cantonal. L'objet de cette fiche est ainsi décrit:
"Planification cantonale pour l'implantation de deux parcs d'éoliennes en vue
de la production d'énergie électrique; le premier parc est planifié sur le
site du Crêt-Meuron; le deuxième parc doit encore être déterminé". Deux
services cantonaux, celui de l'aménagement du territoire et celui de
l'énergie, sont désignés comme "instance cantonale de coordination". En ce
qui concerne l'état de la coordination, la fiche indique qu'il s'agit de
"mesures arrêtées". Le 29août 2001, le Conseil d'Etat de la République et
canton de Neuchâtel a complété le plan directeur cantonal en y insérant la
fiche 9-0-04. Cette adjonction a été approuvée par le Conseil fédéral le
4décembre 2001.

C.
Un projet de parc éolien au Crêt-Meuron a été mis au point par le service
cantonal de l'énergie, l'association Suisse-Éole (association pour la
promotion de l'énergie éolienne en Suisse) et la société anonyme française
Eole-Res S.A., présentée comme le "développeur" du projet. Le Département
cantonal de la gestion du territoire (DGT-ci-après: le département
cantonal) a élaboré, puis adopté le 20décembre 2001, un projet de plan
d'affectation cantonal, avec un périmètre général de 111.5 ha et des
"périmètres d'évolution" (cercles d'un diamètre de 50 m) pour sept éoliennes
réparties dans le périmètre général. Le plan figure encore trois autres
périmètres d'évolution (pour un mât de mesures, un bâtiment technique et un
parking), des chemins d'accès, des périmètres de revitalisation des pâturages
boisés ainsi que des emplacements de mares à créer (mesures de compensation).
Il reprend pour le reste les données relatives à l'affectation des zones
selon le plan annexé au décret de 1966 ou selon les plans communaux.
Le règlement du plan d'affectation cantonal (RPAC) prévoit que ce plan (PAC)
définit les règles d'utilisation du sol applicables aux constructions et
installations nécessaires au parc éolien; pour autant que ce règlement n'en
dispose pas autrement, les prescriptions des règlements sur les constructions
des communes de Fontaines et des Hauts-Geneveys demeurent applicables (art. 2
RPAC). Les dispositions de l'art. 2 du décret de 1966 sont également
applicables, sauf à l'intérieur des périmètres d'évolution (art. 4 ch. 1
RPAC). L'art.5 ch. 2 RPAC définit les caractéristiques des sept éoliennes:
chacune est constituée d'un mât de 60 m de haut sur lequel est fixé un rotor
à trois pales de 66 m de diamètre; la hauteur totale d'une éolienne ne doit
pas dépasser 93 m.
Le règlement du plan d'affectation cantonal impose par ailleurs au
"propriétaire-exploitant du parc éolien" plusieurs charges ou obligations,
notamment à propos de l'entretien des installations (art.11 ch. 2 RPAC), de
leur démontage après leur mise hors service (art. 10 ch. 2 RPAC), ou de la
réalisation d'infrastructures (art. 9 ch.3RPAC). L'art. 14 RPAC dispose que
la délivrance du permis de construire - après l'entrée en vigueur du plan -
sera subordonnée à la constitution d'un droit de superficie renouvelable pour
l'exploitation des installations, inscrit au registre foncier au titre de
servitude personnelle en faveur du propriétaire-exploitant du parc éolien.
Pendant l'élaboration de ce projet, Eole-Res S.A. a du reste signé des
conventions avec certains propriétaires de terrains dans le périmètre général
(X.________, Y.________ et Z.________, notamment) afin d'être autorisée à
mener des études et aussi en vue de préparer la conclusion de baux.

D.
Le projet de plan d'affectation cantonal a été mis à l'enquête publique du 11
au 31 janvier 2002. Le dossier comprenait, outre le plan et le règlement, un
document intitulé "rapport de conformité selon art.47OAT/notice d'impact
sur l'environnement", établi par le bureau d'ingénieurs Urbaplan, à
Neuchâtel.
Plusieurs particuliers, surtout des propriétaires de résidences secondaires
dans les environs - il s'agit de A.________ et consorts, ainsi que deux
organisations - la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du
paysage ainsi que l'Association Patrimoine Suisse - ont formé opposition
(ci-après: les opposants, ou A.________ et consorts).
Le département cantonal a écarté ces oppositions par trois décisions
motivées, rendues le 18 février 2003 (la première sur l'opposition de la
Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage, la deuxième
sur l'opposition de l'Association Patrimoine Suisse, et la troisième sur
l'opposition des particuliers).

E.
Les opposants ont recouru auprès du Tribunal administratif cantonal contre
les décisions du département cantonal. Les deux recours - l'un formé par les
deux organisations, l'autre par les particuliers - ont été joints. Le
Tribunal administratif a, par un arrêt rendu le 31 mars 2005, admis les
recours et annulé les décisions attaquées. En substance, il a effectué une
pesée des intérêts en présence, retenant notamment que la planification du
parc éolien devait répondre à des exigences au moins aussi sévères que celles
prévues pour l'octroi d'une dérogation selon l'art. 24 LAT. Il a considéré
que la zone de crêtes dans laquelle s'inscrit le périmètre du plan
d'affectation cantonal litigieux bénéficiait d'une protection particulière;
on ne pouvait par ailleurs pas déduire des textes constitutionnels et légaux
relatifs à la production d'énergies renouvelables que la construction de
parcs éoliens devrait être privilégiée par rapport aux impératifs liés à la
protection de la nature et du paysage. Le Tribunal administratif a qualifié
d'"extrêmement faible, sinon quasi insignifiant" l'intérêt, ou l'utilité
concrète, à augmenter la production d'énergie par la réalisation d'un parc
éolien; l'intérêt à la préservation des espaces naturels devait donc
l'emporter. A ce propos, il a considéré que les éoliennes seraient bien
visibles depuis de nombreux sites, dans un rayon de plusieurs kilomètres
(sommet de Tête-de-Ran, Vue-des-Alpes, haut de la ville de La Chaux-de-Fonds,
versant nord de la vallée de La Sagne, notamment); l'impact sur le paysage
serait important, aussi dans la région de Tête-de-Ran, qui est un site
particulièrement fréquenté en tant que zone de délassement. D'après cet
arrêt, la plus grande partie du périmètre du plan d'affectation cantonal est
situé dans une région pratiquement vierge de toute autre construction ou
installation; au nord-est de ce périmètre, il se trouve toutefois un téléski
et une ligne électrique aérienne à haute-tension.
Dans la procédure de recours au Tribunal administratif, Eole-ResS.A. a été
qualifiée de tiers intéressé, en tant qu'auteur du projet de parc éolien.
Cette société a pu déposer une réponse et participer à l'administration des
preuves. Un émolument judiciaire a été mis à sa charge.
Les autorités des communes de Fontaines et des Hauts-Geneveys ont également
été invitées à participer à la procédure comme tiers intéressés. Elles se
sont prononcées dans le sens d'un rejet des recours. Les propriétaires des
immeubles compris dans le périmètre du plan d'affectation cantonal n'ont en
revanche pas participé à la procédure judiciaire.

F.
Agissant par la voie du recours de droit public (cause 1P.288/2005), Eole-Res
S.A. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif.
Invoquant la garantie de la propriété (art. 26 al.1 Cst.) ainsi que la
liberté économique (art. 27 Cst.), elle qualifie cette décision d'arbitraire,
notamment à cause d'une pesée incomplète des intérêts en jeu.

A. ________ et consorts concluent au rejet du recours, dans la mesure où il
est recevable.
Le département cantonal conclut à l'admission du recours de droit public.
Les conseils communaux de Fontaines et des Hauts-Geneveys n'ont pas déposé de
réponse.

G.
Agissant en outre par la voie du recours de droit administratif (cause
1A.122/2005), Eole-Res S.A. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif et de statuer au fond, ou éventuellement de renvoyer
la cause au département cantonal. Elle reproche à la juridiction cantonale,
principalement, un abus et un excès de son pouvoir d'appréciation, en
violation de prescriptions de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire
(art. 2 al. 3, art. 24 let. b et art. 33 al. 3 let. b LAT).

A. ________ et consorts concluent au rejet du recours, dans la mesure où il
est recevable.
Le département cantonal conclut à l'admission du recours de droit
administratif.
Les conseils communaux de Fontaines et des Hauts-Geneveys n'ont pas déposé de
réponse.
L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (actuellement:
Office fédéral de l'environnement) a déposé des observations écrites.
L'Office fédéral du développement territorial a renoncé à se déterminer.

H.
Agissant par la voie du recours de droit administratif (cause 1A.134/2005),
le Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel demande au Tribunal
fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et de statuer au fond. Il
dénonce une violation de l'art. 24 let. b LAT, en reprochant au Tribunal
administratif d'avoir exercé incomplètement son pouvoir d'examen qui l'oblige
pourtant à peser tous les intérêts en présence.

A. ________ et consorts concluent au rejet du recours, dans la mesure où il
est recevable.
Eole-Res S.A. a renoncé à répondre au recours. Les conseils communaux de
Fontaines et des Hauts-Geneveys n'ont pas non plus déposé de réponse.
L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage a déposé des
observations écrites. L'Office fédéral du développement territorial a renoncé
à se déterminer.

I.
Une délégation du Tribunal fédéral a procédé le 12 décembre 2005 à une
inspection locale, en présence des parties et des intéressés. La délégation
s'est rendue sur le site du Crêt-Meuron et à La Chaux-de-Fonds (quartier du
lycée Blaise-Cendrars).
Les parties et les intéressés ont pu ensuite déposer par écrit des
observations finales.

J.
L'Office fédéral de l'énergie a également déposé un recours de droit
administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du 31 mars 2005 (cause
1A.124/2005). Cette affaire a été traitée séparément et, par un arrêt rendu
le 17 juin 2005, le Tribunal fédéral a déclaré ce recours irrecevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Il y a lieu de joindre les trois causes 1P.288/2005, 1A.122/2005 et
1A.134/2005 pour statuer en un seul arrêt.

2.
En raison de la règle de la subsidiarité du recours de droit public (art.84
al. 2 OJ), il convient d'examiner en premier lieu la recevabilité des deux
recours de droit administratif, formés par Eole-Res S.A. et par le Conseil
d'Etat.

2.1 Conformément à l'art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 5 al. 1 PA, la
voie du recours de droit administratif est ouverte contre les décisions
(prises en dernière instance cantonale - art. 98 let. g OJ) fondées sur le
droit public fédéral. En matière d'aménagement
du territoire, la loi énumère
les décisions pouvant faire l'objet d'un recours de droit administratif. Il
s'agit, selon l'art. 34 al. 1 LAT, des décisions sur des indemnisations
résultant de restrictions apportées au droit de propriété, sur la
reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de constructions
et d'installations sises hors de la zone à bâtir et sur des demandes de
dérogation en vertu des art. 24 à 24d LAT. L'art.34 al. 3 LAT dispose que
les autres décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance
sont définitives, le recours de droit public au Tribunal fédéral étant
réservé.
La contestation porte en l'espèce sur un plan d'affectation au sens des art.
14 ss LAT, à savoir un plan réglant le mode d'utilisation du sol dans son
périmètre. En vertu de l'art. 34 LAT, seule la voie du recours de droit
public est donc en principe ouverte. La jurisprudence admet cependant qu'une
décision relative à l'adoption d'un plan d'affectation fasse l'objet d'un
recours de droit administratif lorsque l'application d'autres prescriptions
du droit fédéral - en matière de protection de l'environnement, notamment -
est en jeu (ATF 132 II 209 consid. 2.2.2 p. 214; 129 I 337 consid. 1.1 p.
339; 125 II 10 consid. 2a p. 13; 123II88 consid. 1a p. 91, 231 consid. 2 p.
234; 121 II 72 consid. 1b p.75 et les arrêts cités). En pareil cas, on est
en présence d'une décision fondée non seulement sur la législation en matière
d'aménagement du territoire, mais également sur des prescriptions spéciales
du droit public fédéral au sens de l'art. 5 al. 1 PA. Par conséquent, dans
cette mesure, les règles de la procédure de recours de droit administratif
s'appliquent (art. 97 ss OJ). Dans la mesure en revanche où la contestation
porte sur d'autres éléments du plan, sans qu'il y ait un rapport de connexité
suffisamment étroit entre l'application du droit administratif fédéral et
celle des normes en matière d'aménagement du territoire, l'art. 34 al. 3 LAT
exclut tout autre recours au Tribunal fédéral que le recours de droit public
(ATF128 I 46 consid. 1b/aa p. 49; 123 II 359 consid. 1a/aa p. 361 et les
arrêts cités).
Dans le cas particulier, le Tribunal administratif a d'abord considéré que la
réalisation du projet de parc éolien supposait l'élaboration préalable d'un
plan d'affectation, à cause des dimensions et des incidences d'une telle
installation, et que par conséquent l'octroi d'une simple autorisation de
construire dérogatoire sur la base de l'art.24LAT, sur des terrains hors de
la zone à bâtir, n'était pas admissible. Cela n'est pas contesté et cette
conception est conforme à la jurisprudence qui prescrit cette "obligation
d'aménager" (au sens de l'art. 2 al. 1 LAT) pour les installations
importantes (cf. notamment ATF 129 II 321 consid. 3.1 p. 326 et les arrêts
cités). On ne saurait donc, en pareil cas, retenir que l'adoption du plan
d'affectation spécial tendrait à éluder les prescriptions des art. 24 ss LAT
(cf. ATF 124II391 consid. 2c p. 394). Cela étant, le Tribunal administratif
a considéré qu'il fallait soumettre l'adoption du plan d'affectation
litigieux à des exigences "au moins aussi sévères que pour l'octroi d'une
dérogation selon l'art. 24 LAT", et il s'est référé, dans la pesée des
intérêts, à la jurisprudence concernant cette disposition. Ce faisant, il n'a
pas statué sur la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone
de constructions et d'installations sises hors de la zone à bâtir, ni sur des
demandes de dérogation en vertu des art. 24 à 24d LAT. Au contraire, il a
retenu que lors de l'adoption d'un plan d'affectation spécial dans un
périmètre classé auparavant hors de la zone à bâtir, les deux conditions
énoncées à l'art. 24 LAT - l'implantation imposée par la destination et
l'absence d'intérêt prépondérant opposé - n'étaient pas directement
applicables mais qu'elles entraient également en considération (à ce propos,
cf. infra, consid. 4.2). En outre, la recourante Eole-Res S.A. ne se plaint
pas du choix de la procédure du plan d'affectation plutôt que de celle de
l'autorisation dérogatoire selon l'art. 24 LAT; en tant que promoteur ou
"développeur" du projet, elle a du reste adhéré au choix des autorités
d'élaborer un plan d'affectation cantonal (cf. ATF 117 Ib 9 consid. 2b p.
12). On ne se trouve donc pas dans un cas où la voie du recours de droit
administratif est exceptionnellement ouverte sur la base de l'art.34 al. 1
LAT.
Par ailleurs, il ressort du dossier de l'enquête publique - spécialement du
rapport de conformité/notice d'impact - que les auteurs du projet ont examiné
ses effets sur certains biotopes compris dans le périmètre, sur les forêts et
pâturages boisés, et qu'ils ont évalué le bruit ainsi que le rayonnement
électromagnétique des éoliennes au regard des prescriptions du droit fédéral
de la protection de l'environnement. Ces questions n'ont toutefois pas été
traitées par le Tribunal administratif, qui a annulé la décision d'adoption
du plan d'affectation cantonal pour d'autres motifs. En outre, aucun des deux
recourants ne reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé les
prescriptions du droit fédéral sur la protection de la nature, des forêts ou
de l'environnement. L'application de ces prescriptions n'est pas en jeu,
devant le Tribunal fédéral, de sorte qu'il n'y a pas là, non plus, de motif
de déroger à la règle de l'art. 34 al. 3 LAT. Enfin, la loi fédérale sur
l'énergie, du 26 juin 1998 (LEne, RS 730.0), qui fait partie du droit public
fédéral au sens de l'art. 5 PA, ne constitue pas le fondement de la décision
attaquée, cette législation ne contenant pas de normes directement
applicables par les autorités cantonales lors de l'adoption des plans
d'affectation. Il s'ensuit donc que seule la voie du recours de droit public
est ouverte.

2.2 Dans l'arrêt 1A.124/2005 du 17 juin 2005 (recours de l'Office fédéral de
l'énergie), le Tribunal fédéral a indiqué que l'arrêt du Tribunal
administratif pouvait être attaqué par la voie du recours de droit
administratif (consid. 1.2). Ce considérant n'était toutefois pas décisif car
l'office fédéral concerné n'avait, de toute manière, pas qualité pour
recourir au Tribunal fédéral, ni par la voie du recours de droit
administratif (consid. 1.3 de l'arrêt 1A.124/2005), ni par celle du recours
de droit public, en cas de conversion du recours; une autorité fédérale ne
peut en effet pas saisir le Tribunal fédéral selon la procédure des art. 84
ss OJ (ATF 129 II 225 consid. 1.5 p. 231). Sur cette question formelle, le
considérant 1.2 de l'arrêt précité ne contenait pas d'arguments décisifs pour
le sort du recours 1A.124/2005; on ne saurait en déduire l'existence d'une
jurisprudence ouvrant plus largement la voie du recours de droit
administratif, nonobstant le régime spécial de l'art. 34 LAT.
Les recours de droit administratif 1A.122/2005 et 1A.134/2005 sont par
conséquent irrecevables.

3.
Il convient dès lors d'examiner la recevabilité du recours de droit public
formé par Eole-Res (1P.288/2005).

3.1 Le plan litigieux est un plan d'affectation cantonal au sens des art. 22
ss de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire du 2octobre 1991
(LCAT; RSN 701.0). Selon ces dispositions -auxquelles renvoie du reste
l'art. 9 du décret de 1966 pour les cas de modification du plan des zones de
crêtes et de forêts -, la décision du département cantonal sur les
oppositions (art. 26 LCAT) ne confère pas force obligatoire au nouveau plan,
puisqu'il doit encore être soumis à la sanction du Conseil d'Etat (art. 28
al. 1 LCAT). Dans le cas particulier, on peut néanmoins admettre qu'après la
procédure de recours cantonale, cette sanction ne représente qu'une simple
formalité; l'arrêt du Tribunal administratif a donc un caractère final au
sens des art. 86 et 87 OJ (arrêt non publié 1A.120/2001 du 18 janvier 2002
dans la cause B., consid. 1.2 ainsi que les références citées).

3.2 La qualité pour agir par la voie du recours de droit public est définie à
l'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à celui qui est atteint par
l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés. Le
recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à préserver
des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 129 I 113 consid. 1.2
p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126I43 consid. 1a p. 44 et les
arrêts cités).
La recourante se définit, dans ses écritures adressées au Tribunal fédéral,
comme le "développeur" du parc éolien. Elle est une société (société anonyme
du droit français) spécialisée dans la conception, le développement, le
financement, la construction et l'exploitation des parcs éoliens; elle a été
mandatée pour concevoir et réaliser celui du Crêt-Meuron. Elle se qualifie de
"destinataire" du plan d'affectation cantonal. Des propriétaires de terrains
compris dans son périmètre ont conclu avec elle des promesses de baux à loyer
et ces droits personnels sur la surface nécessaire à l'implantation des
éoliennes seront transformés en droits de superficie lors de l'entrée en
vigueur du plan. La recourante fait valoir que la décision attaquée la prive
intégralement de toute possibilité de réaliser son projet de parc éolien, et
elle affirme avoir qualité pour se plaindre d'une violation de la garantie de
la propriété (art. 26 al. 1 Cst.).
Selon la jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit des
constructions, la qualité pour former un recours de droit public pour
violation de la garantie de la propriété n'est pas reconnue uniquement à
celui qui est titulaire du droit de propriété sur un immeuble (art. 641 CC)
et qui se plaint d'une restriction des droits découlant de son statut de
propriétaire foncier. Le titulaire de droits réels restreints ou de droits
contractuels sur un immeuble peut aussi se prévaloir de cette garantie,
notamment en cas de restriction de la possession (ATF 128 I 295 consid. 6a
p. 311; 120 Ia 120 consid. 1b p.121; à propos de la qualité pour recourir
d'un locataire, cf. arrêt non publié 1P.771/2001 du 5 mai 2003, consid. 2,
résumé in ZBl 105/2004 p. 111). La situation particulière du
"promettant-acquéreur" d'un bien-fonds, auteur d'une demande de permis de
construire, a également été examinée au regard de l'art. 88 OJ. Dans un arrêt
rendu en 1968, le Tribunal fédéral a changé sa jurisprudence pour reconnaître
désormais la qualité pour recourir contre le refus du permis à la personne
qui avait demandé cette autorisation alors qu'elle n'était ni propriétaire du
fonds, ni titulaire d'un autre droit sur celui-ci (ATF 94 I138 consid. 1 p.
140). Il est en effet courant que cette situation se présente, le
propriétaire actuel donnant son accord au futur constructeur pour effectuer
ces démarches administratives et le droit cantonal admettant que ce dernier
soit le requérant du permis de construire. Cette nouvelle jurisprudence a été
confirmée peu après (ATF 97 I 262 consid. 6 p. 266; cf. également ATF 105 Ia
43 consid.1c p. 46).
Dans la présente affaire, la situation juridique de la recourante est
comparable à celle du "promettant-acquéreur" qui conteste le refus d'un
permis de construire qu'il avait requis. Le plan d'affectation cantonal (plan
d'affectation spécial) a été établi en vue de la réalisation du projet de la
recourante, et le département cantonal a posé comme condition à la
réalisation de ce projet l'acquisition par la recourante de droits réels
restreints (droits de superficie). Cette condition devrait, selon le
règlement du plan litigieux, être réalisée dans une phase ultérieure de la
procédure administrative, au moment de l'octroi des autorisations de
construire (art. 14 RPAC). L'obligation d'adopter préalablement un plan
d'affectation spécial (cf. supra, consid. 2.1) a en quelque sorte pour effet
de différer la phase où la recourante devra demander les permis de construire
pour ses installations et, parallèlement, obtenir des droits réels sur les
biens-fonds concernés. Néanmoins, la recourante a seule participé à la
procédure administrative, à l'exclusion des actuels propriétaires fonciers,
et elle a manifesté clairement son intention de construire puis d'exploiter
le parc éolien; son statut spécial d'auteur du projet lui a ainsi été reconnu
par les autorités cantonales. Avant le changement d'affectation et la
création d'une zone spéciale pour les éoliennes, il n'est au demeurant pas
certain que les dispositions de la législation fédérale sur le droit foncier
rural (LDFR; RS 211.412.11), qui pose des restrictions de droit public à
l'acquisition d'immeubles agricoles (art. 58ss LDFR), voire celles de la loi
fédérale sur le bail à ferme agricole (LBFA; RS 221.213.2) eussent permis à
la recourante d'acquérir des droits réels sur les biens-fonds inclus dans le
périmètre du plan, ou de conclure des baux à ferme. Dans ces circonstances
particulières, la recourante peut se prévaloir de la garantie de la propriété
pour se plaindre de l'annulation d'une mesure d'aménagement du territoire
destinée à lui permettre d'utiliser, pour ses activités, le périmètre
litigieux. Elle satisfait donc, de ce point de vue, aux exigences de
l'art.88 OJ.

3.3 Il n'y a pas lieu d'examiner si la recourante, en tant que société
anonyme dont le siège est en France, peut également invoquer la liberté
économique (art. 27 Cst.). Selon la jurisprudence récente, les personnes
morales étrangères ne bénéficient en effet de cette garantie
constitutionnelle qu'à certaines conditions, qu'il n'est pas nécessaire de
rappeler ici (cf. ATF 131 I 223 consid. 1.1 p. 226). La recourante se prévaut
de l'art. 27 Cst. pour justifier sa qualité pour agir selon l'art. 88 OJ et
pour prétendre qu'en tant que "développeur" de parcs éoliens, elle aurait un
droit conditionnel à l'utilisation du terrain et à l'usage de l'énergie
éolienne. Or les griefs du recours de droit public concernent l'application
des règles et principes de l'aménagement du territoire, en particulier au
sujet de la pesée des intérêts à effectuer lors de l'adoption d'un plan
d'affectation; en d'autres termes, la recourante ne fait pas valoir que
l'annulation du plan litigieux poursuivrait des objectifs de politique
économique étrangers aux fins de l'aménagement du territoire. On ne saurait
donc voir, dans l'invocation de l'art. 27 Cst. par la recourante, un grief
distinct de celui de violation de l'art. 26 al. 1 Cst.

3.4 Les autres
conditions légales de recevabilité du recours de droit public
sont remplies. Il y a lieu d'entrer en matière.

4.
La recourante qualifie la décision attaquée d'arbitraire, parce qu'elle
serait en contradiction évidente avec la situation de fait. Elle reproche au
Tribunal administratif une appréciation insoutenable des intérêts en jeu, en
particulier de l'intérêt public que représente la production de l'énergie
éolienne. Elle soutient également que ce Tribunal, s'arrogeant la compétence
de statuer en opportunité - contrôle pour lequel il doit s'imposer une
certaine retenue, par rapport aux choix politiques qu'il n'aurait ni la
vocation ni les moyens de contrôler -, n'a pas pris en considération tous les
intérêts en jeu, et a donc exercé de manière incomplète son pouvoir de
cognition. Elle fait grief aux juges cantonaux, en substance, d'avoir ignoré
les aspects favorables au projet pour n'en retenir que les rares aspects
négatifs, notamment en surestimant l'importance du paysage.

4.1 En adoptant le plan d'affectation cantonal litigieux, le département
cantonal a pris une décision tendant à modifier (après l'approbation par le
Conseil d'Etat - cf. supra, consid. 3.1) le régime juridique d'une zone ayant
principalement les caractéristiques d'une zone à protéger au sens de l'art.
17 LAT, et accessoirement celles d'une zone agricole au sens de l'art. 16
LAT. Ce régime juridique a été défini par le plan cantonal annexé au décret
de 1966 ainsi que, plus tard, par les plans d'aménagement des communes de
Fontaines et des Hauts-Geneveys.
Le décret de 1966 définit, dans son périmètre, trois genres de zones: les
zones de crêtes et de forêts, les zones de vignes et de grèves, les zones de
constructions basses (art. 1er al. 2). Les zones de crêtes et de forêts sont,
en vertu de l'art. 2 al. 1 du décret de 1966 - article révisé en 1988 -,
"soumises aux dispositions applicables aux zones situées hors de la zone
d'urbanisation telles qu'elles sont prévues par la loi cantonale sur
l'aménagement du territoire (LCAT), du 24 juin 1986". L'art. 8 de ce décret
prévoit en outre qu'il n'a pas pour effet, dans le périmètre général de ces
zones, de "restreindre (...) l'édification de bâtiments servant à des fins
d'utilité publique". Le décret de 1966, dans sa teneur actuelle, ne définit
pas plus précisément le régime applicable au site du Crêt-Meuron. Avant la
révision de 1988, l'art. 2 al. 1 du décret interdisait d'édifier, dans les
zones de crêtes et de forêts, "des bâtiments servant à un but étranger à
l'économie agricole, viticole ou forestière"; il contenait déjà la réserve de
l'art. 8 al. 1 au sujet des bâtiments d'utilité publique (cf. ancien Recueil
de la législation neuchâteloise, tome III, p. 696).
Actuellement, depuis la révision de 1988 - qui avait pour but d'adapter ce
plan cantonal aux exigences de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire, comme cela est exposé dans l'arrêt attaqué (cf. également arrêt
1A.120/2001 du 18 janvier 2002 déjà cité, à propos d'une réduction des zones
de constructions basses au lieu-dit Chaumont) -, on peut considérer que la
zone de crêtes et de forêts au Crêt-Meuron est une zone à protéger au sens de
l'art. 17 al. 1 let. b LAT ("paysages d'une beauté particulière, d'un grand
intérêt pour les sciences naturelles ou d'une grande valeur en tant
qu'éléments du patrimoine culturel"), inconstructible sous réserve
éventuellement de la possibilité d'y édifier des constructions agricoles ou
forestières. En résumé, le plan annexé au décret de 1966 est donc
actuellement un plan d'affectation au sens des art. 14 ss LAT; c'est du reste
ainsi que le Tribunal administratif a interprété la portée des mesures
d'aménagement prévues, à l'endroit litigieux, par le décret de 1966.

4.2 En révisant le décret de 1966 après l'entrée en vigueur de la loi
fédérale sur l'aménagement du territoire, le législateur cantonal y a
également introduit un renvoi aux règles de procédure applicables aux plans
d'affectation cantonaux (art. 9 al. 1 du décret, renvoyant aux art. 25 à 30
LCAT). Si, dans le périmètre général du plan des sites naturels (art. 1er du
décret), les autorités cantonales envisagent une modification partielle ou
ponctuelle de la limite des zones, ce projet doit être établi par le service
chargé de l'aménagement du territoire (art. 25 al. 1 LCAT) et il incombe au
département de statuer sur les oppositions (art. 26 al. 2 LCAT). Ces
modifications peuvent intervenir lorsque sont réunies les conditions prévues
par le droit fédéral et le droit cantonal pour l'adaptation des plans
d'affectation.
L'art. 21 al. 2 LAT dispose que lorsque les circonstances se sont
sensiblement modifiées, les plans d'affectation feront l'objet des
adaptations nécessaires. Le législateur fédéral a ainsi choisi une solution
de compromis entre deux exigences contradictoires: d'une part, l'aménagement
du territoire étant un processus continu, et la détermination des différentes
affectations impliquant des pesées d'intérêts fondées sur des circonstances
changeantes et des pronostics qui ne se confirment jamais entièrement,
l'adaptation périodique des plans d'affectation est indispensable pour
assurer, progressivement, leur conformité aux exigences légales; d'autre
part, il faut tenir compte des intérêts privés et publics dont la protection
nécessite une certaine sécurité juridique (cf. Thierry Tanquerel, Commentaire
LAT, Zurich 1999, art. 21, nos 11 ss). La jurisprudence souligne que, pour
apprécier l'évolution des circonstances et la nécessité d'adapter un plan
d'affectation, une pesée des intérêts s'impose (ATF 131 II 728 consid. 2.4.
p. 733). L'intérêt à la stabilité du plan, que les propriétaires fonciers
peuvent invoquer dans certaines circonstances, doit être mis en balance avec
l'intérêt à l'adoption d'un nouveau régime d'affectation, qui peut lui aussi
être protégé par la garantie de la propriété (cf. ATF 120 Ia 227 consid. 2 p.
232-234). Selon les cas, des intérêts publics pourront également justifier
soit la stabilité du plan, soit son adaptation. Il incombe donc à l'autorité
appelée à statuer sur un projet de modification d'un plan en vigueur
d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, une pluralité d'intérêts
(cf. ATF 128 I 190 consid. 4.2 p. 198).
La jurisprudence a eu l'occasion de préciser, à propos de l'élaboration d'un
plan d'affectation spécial en vue de la réalisation d'une installation non
susceptible d'obtenir une autorisation dérogatoire hors de la zone à bâtir, à
cause de ses dimensions voire de ses incidences sur la planification locale
ou sur l'environnement (cf. supra, consid.2.1), que la révision partielle du
plan d'affectation - par l'adoption d'un plan d'affectation spécial - ne
devait pas être soumise à des exigences moins strictes que l'octroi d'une
dérogation selon l'art. 24 LAT. Cela signifie que l'autorité qui établit le
plan d'affectation doit vérifier que l'implantation des constructions ou
installations à l'endroit retenu est imposée par leur destination (cf. art.
24 let. a LAT), et qu'elle doit examiner si aucun intérêt prépondérant ne
s'oppose au projet (cf. art. 24 let. b LAT). En d'autres termes, l'autorité
de planification doit procéder à une pesée générale des intérêts et, dans ce
cadre, évaluer d'éventuels emplacements alternatifs (cf. ATF 124 II 391
consid. 2c p. 393; 116 Ib 50 consid. 3b p. 55; 115 Ib 508 consid. 6b p. 514;
arrêt 1A.79/1996 du 9 août 1996 consid. 4d/cc, publié in ZBl 98/1997 p. 231;
Tanquerel, op. cit., art. 21, n. 50-51; Peter Hänni, Planungs-, Bau- und
besonderes Umweltschutzrecht, 4e éd. Berne 2002, p. 532). Il n'en demeure pas
moins que si, avec l'évolution des circonstances, une mise en oeuvre correcte
des buts et principes de l'aménagement du territoire (art. 1 et 3 LAT) ainsi
qu'une concrétisation des objectifs du plan directeur cantonal commandent de
réviser un plan d'affectation, dans un périmètre restreint et en vue de la
réalisation d'un projet particulier, l'autorité de planification doit pouvoir
prendre les décisions nécessaires sans être limitée par une interprétation
stricte des critères de l'art. 24 LAT. Cette autorité n'est en effet pas dans
la même position que celle qui délivre des autorisations ou des dérogations
en veillant à ne pas mettre en péril la réalisation du plan d'affectation en
vigueur.
Dans le périmètre du plan des sites naturels du canton, selon l'art. 1er du
décret de 1966, le droit cantonal énonce des prescriptions complémentaires à
celles de l'art. 21 al. 2 LAT. L'art. 9 al. 2 de ce décret permet à
l'autorité cantonale, "pour des raisons esthétiques, économiques ou
financières ou encore pour des raisons liées aux impératifs d'aménagement du
territoire", de "réviser le périmètre des différentes zones et créer ou
supprimer des zones de constructions basses"; la surface totale des zones de
crêtes, de forêts et de constructions basses ne doit cependant pas être
réduite à moins de 370 km² (art. 9 al. 2 let. b). En l'occurrence, le plan
d'affectation cantonal prévoit, dans la plus grande partie de son périmètre,
le maintien du régime applicable dans les zones de crêtes et de forêts, sauf
à l'intérieur des périmètres d'évolution délimités pour sept éoliennes, un
mât de mesures, un bâtiment technique et un parking (art. 4 ch. 1 RPAC). Le
maintien, dans le canton, d'une surface globalement suffisante de zones de
crêtes et de forêts n'est à l'évidence pas compromis. Des "impératifs
d'aménagement du territoire" peuvent par ailleurs être invoqués pour
justifier l'adoption du projet litigieux. En somme, l'art. 9 al. 2 du décret
de 1966 n'impose pas, dans le cas particulier, une pesée des intérêts selon
des critères différents de ceux développés par la jurisprudence au sujet de
l'art. 21 al. 2 LAT.
Pour définir le cadre de la contestation, le Tribunal administratif a exposé
que la question de la compatibilité entre le projet de parc éolien et les
dispositions du décret de 1966 ne se posait pas en tant que telle; la force
normative du plan d'affectation cantonal contenu dans le décret de 1966,
adopté par le législateur et le peuple (référendum du 20 mars 1966), n'était
formellement pas supérieure à celle du plan d'affectation cantonal spécial
pour le parc éolien. Ces considérations sont correctes, au regard de la règle
de l'art. 21 al.2LAT. On ne saurait en effet, sur la base du droit fédéral,
poser comme principe l'intérêt à la stabilité du plan des sites naturels
annexé au décret de 1966.

4.3 Quand la contestation porte sur la modification d'un plan d'affectation,
les parties admises à se prévaloir de la garantie de la propriété (art. 26
al. 1 Cst.) peuvent se plaindre du fait que les nouvelles restrictions qui
leur sont imposées ne sont pas justifiées par un intérêt public (cf. art. 36
al. 2 Cst.) ni conformes au principe de la proportionnalité (cf. art. 36 al.
3 Cst.). Elles peuvent en d'autres termes critiquer sous cet angle
l'application des règles d'aménagement du territoire et le résultat de la
pesée des intérêts. Ces questions relèvent en principe du contrôle de la
légalité, les intérêts à prendre en compte étant protégés par des normes du
droit fédéral ou cantonal, dans le domaine de l'aménagement du territoire
proprement dit (art. 1, 3, 14ss LAT notamment) ou dans d'autres domaines
juridiques (cf. ATF 121II378 consid. 1e/bb p. 384; 117 Ia 430 consid. 4b p.
432; 115 Ia 350 consid. 3d p. 353; 114 Ia 371 consid. 4b p. 373). Dans le
cadre de la juridiction constitutionnelle, le Tribunal fédéral examine en
principe librement si les mesures d'aménagement du territoire répondent à un
intérêt public et respectent le principe de la proportionnalité; il s'impose
toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de
circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF
129 I 337 consid. 4.1 p. 344; 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les arrêts
cités). Les constatations de fait, dans la procédure de recours de droit
public, ne sont revues que sous l'angle de l'arbitraire et le grief de
violation de l'art. 9 Cst. n'a dans cette mesure, en cas de contestation du
résultat de la pesée des intérêts, pas de portée indépendante (cf. ATF
122I168 consid. 2c p. 173; 119 Ia 362 consid. 3a p. 366).
Ces mêmes règles s'appliquent lorsqu'un projet de révision du plan est adopté
par l'autorité de planification puis finalement annulé par l'autorité
cantonale de recours. Les intéressés peuvent alors faire valoir devant le
Tribunal fédéral que le maintien du régime d'affectation en vigueur -
conséquence de l'annulation du nouveau plan - n'est plus justifié, vu
l'évolution des circonstances (cf. art. 21 al.2 LAT), et que le refus du
nouveau plan porte atteinte à la garantie de la propriété, la révision
envisagée permettant de lever des restrictions dépourvues d'intérêt public ou
disproportionnées (cf. ATF 120 Ia 227 consid. 2c p. 233).

4.4 Dans la pesée des intérêts qu'il a effectuée, en appliquant par analogie
les critères de l'art. 24 LAT, le Tribunal administratif a en premier lieu
considéré que l'implantation du projet du parc éolien sur le site du
Crêt-Meuron était imposée par sa destination (cf. art. 24 let.a LAT). Il a
notamment retenu à ce propos qu'il n'était pas nécessaire que l'emplacement
proposé constituât l'unique possibilité car il suffisait de pouvoir se fonder
sur des motifs importants et objectifs justifiant la réalisation de la
construction à l'endroit prévu. Cette conclusion n'est pas contestée par la
recourante; quant aux opposants intimés, ils ne discutent pas cet aspect. Il
convient néanmoins de mentionner, dans ce contexte, quelques éléments
complémentaires.
Avant l'adoption (par le département cantonal) du plan d'affectation cantonal
litigieux, le Conseil d'Etat s'était déjà prononcé sur le choix du site du
Crêt-Meuron, dans le cadre d'une adaptation du plan directeur cantonal
(nouvelle fiche de coordination 9-0-04). Le Tribunal administratif a renoncé,
dans l'arrêt attaqué, à examiner la validité de cette fiche. D'un point de
vue formel, on ne voit cependant pas en quoi cette fiche serait critiquable:
elle a été approuvée par le Conseil fédéral conformément à l'art. 11 LAT et
elle contient des indications susceptibles de figurer dans le plan directeur
cantonal, en vertu de l'art. 8 LAT (cf. également art. 5 de l'ordonnance sur
l'aménagement du territoire [OAT; RS 700.1]). Cela étant, le Tribunal
administratif
ne s'est pas considéré comme lié par cette "planification
cantonale pour l'implantation de deux parcs d'éoliennes" (selon le libellé de
la fiche), de sorte qu'il n'y a pas lieu de contrôler, dans la présente
procédure, le contenu du plan directeur cantonal (cf. ATF 113 Ib 299).
L'arrêt attaqué rappelle toutefois certaines données, qui sont à la base de
cette fiche de coordination: l'arc jurassien se prête bien à l'installation
d'éoliennes et le canton de Neuchâtel présente des caractéristiques
particulièrement favorables pour la production d'énergie éolienne, d'après
des études effectuées sur le plan national. Il ressort par ailleurs des
décisions du département cantonal du 18 février 2003 écartant les oppositions
au projet de plan d'affectation que, dans ce canton, les secteurs favorables
à l'installation d'éoliennes se trouvent en zone de crêtes et de forêts (à
une altitude supérieure à 800 m), et que le site de Crêt-Meuron a en outre
les qualités topographiques nécessaires (pente et surface notamment).

4.5 C'est dans le cadre de la pesée générale des intérêts - ou de
l'application par analogie de l'art. 24 let. b LAT - que le Tribunal
administratif a accordé une importance prépondérante à la protection de
l'environnement naturel ou, en d'autres termes, à la conservation des sites
naturels et des territoires servant au délassement, conformément au principe
énoncé à l'art. 3 al. 2 let. d LAT. Cette pesée des intérêts est critiquée
par la recourante, qui fait valoir que l'adoption du plan d'affectation
cantonal s'inscrit dans une politique publique (ensemble d'activités
normatives et administratives) fédérale et cantonale en faveur du
développement des énergies renouvelables. Elle reproche d'une part au
Tribunal administratif une compréhension objectivement insoutenable de
l'intérêt public que représente la production d'énergie éolienne. D'autre
part, elle prétend que l'appréciation de la valeur du paysage est arbitraire.

4.5.1 La politique énergétique en Suisse est une politique publique dont les
bases constitutionnelles et légales figurent dans des normes fédérales et
cantonales. Au niveau fédéral, l'art. 89 Cst. dispose que dans les limites de
leurs compétences respectives, la Confédération et les cantons s'emploient à
promouvoir un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr,
économiquement optimal et respectueux de l'environnement, ainsi qu'une
consommation économe et rationnelle de l'énergie (al. 1). La Confédération
fixe les principes applicables à l'utilisation des énergies indigènes et des
énergies renouvelables et à la consommation économe et rationnelle de
l'énergie (al. 2); elle favorise le développement des techniques
énergétiques, en particulier dans les domaines des économies d'énergie et des
énergies renouvelables (al. 3). La loi fédérale sur l'énergie, du 26 juin
1998 (LEne; RS 730.0), reprend dans l'énoncé de ses buts les principes de
l'art. 89 al. 1 Cst. (art. 1 al. 1 LEne) en précisant notamment qu'elle vise
à encourager le recours aux énergies indigènes et renouvelables (art. 1 al. 2
let. c LEne). D'après cette loi, la politique énergétique fait l'objet d'une
coordination et d'une collaboration entre Confédération, cantons, milieux
économiques et autres organisations (art. 2 LEne). L'approvisionnement en
énergie (la production, la transformation, le stockage notamment), qui relève
des entreprises de la branche énergétique (art. 4 LEne), doit selon les
principes directeurs de l'art. 5 LEne être sûr, économique et compatible avec
les impératifs de l'environnement; sur ce dernier point, cela implique une
utilisation mesurée des ressources naturelles, le recours aux énergies
renouvelables et la prévention des effets gênants ou nuisibles pour l'homme
et l'environnement (art. 5 al.3LEne). La notion d'énergie renouvelable est
définie à l'art. 1 let. f de l'ordonnance sur l'énergie (OEne; RS 730.01): on
entend par là la force hydraulique, l'énergie solaire, la géothermie, la
chaleur ambiante, l'énergie éolienne et la biomasse (en particulier le bois,
mais sans les ordures dans les usines d'incinération et dans les décharges).
En droit cantonal, l'art. 5 de la Constitution cantonale (Cst./NE;
RS131.233) énumère les tâches de l'Etat et des communes; cette liste
mentionne l'approvisionnement en eau et en énergie, la gestion parcimonieuse
des ressources non renouvelables, ainsi que l'encouragement à l'utilisation
des ressources renouvelables (art. 5 al.1 let. l Cst./NE). La loi cantonale
sur l'énergie (LCEn; RSN 740.1) énonce, dans la définition de ses buts et des
principes de l'approvisionnement énergétique, des normes analogues à celles
de la loi fédérale (cf. art. 1er et 30 LCEn). A propos des "énergies
indigènes" (note marginale), l'art. 31 LCEn dispose que le canton et les
communes mènent une politique active en vue de la mise en valeur des
ressources énergétiques indigènes, notamment la force hydraulique, l'énergie
solaire, la géothermie, la chaleur et le froid de l'environnement, la
biomasse, dont le bois, l'énergie éolienne et les ordures.
L'arrêt attaqué, qui cite ces différentes normes, relève à juste titre que ni
le constituant ni le législateur - au niveau fédéral ou cantonal - n'ont fixé
de "hiérarchie des valeurs" parmi les tâches de l'Etat, dont font également
partie la sauvegarde du paysage et la protection de l'environnement en
général. Le Tribunal administratif retient également que si ces normes
prônent une utilisation accrue des énergies renouvelables, aucune priorité
n'est donnée à l'une ou l'autre des sources de production.
L'arrêt attaqué mentionne un autre instrument de la politique énergétique en
Suisse, le programme "SuisseEnergie", lancé en janvier 2001 à la suite d'un
précédent programme "Energie 2000". Ce programme est un instrument de
coordination pour l'administration fédérale et qui sert notamment à mettre en
oeuvre la collaboration avec les cantons et d'autres organisations (cf.
Riccardo Jagmetti, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht - tome VII,
Energierecht, Bâle 2005, n° 1329 p. 44). Dans un document publié en 2001,
l'Office fédéral de l'énergie a défini le cadre et les objectifs de
"SuisseEnergie". Ces objectifs sont qualifiés de "valeurs indicatives
politiques"; ils prévoient une augmentation de la part des "autres énergies
renouvelables" (à distinguer de la production hydroélectrique) dans la
production de courant électrique et de chaleur. "SuisseEnergie" préconise de
soutenir les sources d'énergie renouvelables, les cantons étant chargés de
développer et financer leurs propres programmes pour lesquels ils devraient
recevoir des contributions globales fédérales (cf. art. 15 LEne). Le
programme fédéral fixe encore des principes pour la collaboration avec des
organisations privées (Agences), notamment l'Agence suisse des énergies
renouvelables et de l'efficacité énergétique (ASER), qui regroupe différents
réseaux existants, dont Suisse-Éole.
Il apparaît ainsi que, dans le cadre fixé par le droit fédéral, les cantons
ont une grande latitude pour choisir les mesures de politique énergétique
qu'ils entendent mettre en oeuvre dans le domaine des nouvelles énergies
renouvelables (cf. Jagmetti, op. cit., n° 7105 p.851). Il appartient ainsi
au seul droit cantonal de régler les conditions d'autorisation pour une
installation de production d'énergie éolienne, l'utilisation du vent n'étant
au demeurant pas soumise à l'exigence d'une concession (cf. Jagmetti, op.
cit., n°s 7301 ss p. 865). Des mesures d'aménagement du territoire prises à
cet effet ne sont pas contraires aux buts et principes des art. 1 et 3 LAT.
D'après ces dispositions, il incombe aux autorités de soutenir par des
mesures d'aménagement les efforts en vue de garantir des sources
d'approvisionnement suffisantes dans le pays (art. 1 al. 2 let. d LAT), cette
norme visant notamment l'approvisionnement en énergie (cf. Pierre Tschannen,
Commentaire LAT, art. 1 n. 40).

4.5.2 Dans le canton de Neuchâtel, le Conseil d'Etat et l'administration
cantonale ont décidé, dans le cadre de la politique énergétique cantonale, de
prendre des mesures d'aménagement du territoire permettant l'implantation de
deux parcs d'éoliennes en vue de la production d'énergie électrique. Un
processus complet de planification a été engagé - adaptation du plan
directeur cantonal puis adoption d'un plan d'affectation spécial -,
conformément à la règle de l'art. 2 al. 1 LAT (obligation d'établir des plans
d'aménagement pour les tâches dont l'accomplissement a des effets sur
l'organisation du territoire). Les régions supérieures du canton, dans l'arc
jurassien, se prêtent bien à la production d'énergie éolienne (ou mieux que
plusieurs autres régions du pays), à cause du régime des vents. Le projet
litigieux, sur le site du Crêt-Meuron, a été développé avec l'appui de
l'administration cantonale et d'une organisation privée (Suisse-Éole)
participant à l'Agence suisse des énergies renouvelables et de l'efficacité
énergétique (ASER), qui est un partenaire reconnu pour la mise en oeuvre de
la politique énergétique nationale, selon le programme "SuisseEnergie".
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a apprécié l'intérêt à la
réalisation du parc éolien du Crêt-Meuron en évaluant l'importance de la
production d'électricité dans le marché global. Cette production nette serait
de 14.35 GWh/an, soit 1.43 % de la consommation d'électricité du canton. Avec
l'autre parc éolien mentionné dans la fiche de coordination du plan directeur
cantonal, la production globale atteindrait 25 GWh/an, soit 2.5 % de la
consommation cantonale. Le parc éolien du Crêt-Meuron ne serait en outre voué
qu'à la production d'énergie et non pas à la recherche ou au développement.
Sur la base de ces chiffres, en affirmant apprécier l'utilité concrète de
l'installation litigieuse, le Tribunal administratif a qualifié l'intérêt
poursuivi par la recourante d'extrêmement faible, voire de quasi
insignifiant.
Cette appréciation est critiquable. En Suisse, les nouvelles énergies
renouvelables - l'énergie éolienne, l'énergie solaire, la géothermie, la
chaleur ambiante et la biomasse - ont nécessairement un rôle secondaire, par
rapport à l'énergie renouvelable actuellement la plus utilisée pour la
production de courant électrique, à savoir la force hydraulique. Dans le
domaine des énergies renouvelables, il est clair que la politique énergétique
doit tendre non seulement à exploiter pleinement le potentiel hydraulique
mais également à augmenter la part des nouvelles énergies renouvelables;
celle-ci, en l'état, est destinée à demeurer proportionnellement faible,
quelle que soit l'efficacité des mesures promotionnelles, à cause de
l'importance prépondérante de la force hydraulique (à propos de l'importance
respective des différentes sources d'énergie dans la consommation en Suisse,
cf. Jagmetti, op. cit., n° 7103 p. 850). Ce critère quantitatif retenu par le
Tribunal administratif, en fonction du marché global de l'électricité dans le
canton ou dans le pays, n'est pas déterminant.
En outre, le Tribunal administratif est certes fondé à considérer que la
non-réalisation du parc éolien litigieux ne compromettrait pas directement
l'approvisionnement en électricité en Suisse ou dans le canton, et qu'il n'y
a pas de nécessité de disposer dans un proche avenir de nombreuses nouvelles
sources de courant. Néanmoins, les objectifs de la politique énergétique,
dans le domaine des énergies renouvelables, ne consistent pas uniquement à
garantir le maintien du statu quo, dans l'hypothèse - retenue par le Tribunal
administratif - d'une offre de courant surabondante en Suisse et en Europe;
ces objectifs tendent plutôt à favoriser les diverses sources d'énergies
renouvelables, à plus long terme (voir notamment le document déjà cité de
l'Office fédéral de l'énergie de 2001, sur le programme "SuisseEnergie"). Un
récent message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les
installations électriques et à la loi fédérale sur l'approvisionnement en
électricité, cité par la recourante (message du 3 décembre 2004, FF 2005
1493), mentionne, comme motifs justifiant d'accorder une importance plus
grande au développement des énergies renouvelables, l'existence de ressources
fossiles limitées, la problématique du CO2 et la forte dépendance à l'égard
de l'étranger; il en déduit qu'un passage à des systèmes énergétiques
nouveaux est inexorable à long terme et qu'afin d'éviter un changement
radical d'ici à quelques dizaines d'années, il faut introduire dès
aujourd'hui de nouvelles technologies sur le marché, notamment pour produire
de l'électricité à partir d'énergies renouvelables (FF 2005 1506). Il n'y a
pas lieu d'examiner plus avant, dans le présent arrêt, la politique
énergétique de la Confédération ou du canton de Neuchâtel; il suffit en effet
d'exposer dans quel cadre s'inscrivent les mesures d'encouragement de
l'énergie éolienne. Le développement de cette énergie est clairement conforme
aux programmes des autorités, là où la géographie le permet, soit
spécialement dans l'arc jurassien et notamment dans le canton de Neuchâtel.
La recourante relève en outre qu'un marché existe pour l'énergie éolienne, en
dépit de coûts de production actuellement plus élevés. Cela n'est pas
contesté. Il ressort du "rapport de conformité/notice d'impact" que les
éoliennes projetées sont, de ce point de vue, plus compétitives que des
éoliennes de la génération précédente (notamment à cause de la hauteur du
rotor). La recourante relève encore que le projet litigieux constitue
l'essentiel des possibilités de production de nouvelles énergies
renouvelables à court terme (d'ici à 2010) dans le canton de Neuchâtel, ce
qui n'est pas non plus contesté. La politique énergétique d'un canton peut au
demeurant privilégier une ou plusieurs sources d'énergies renouvelables.
En résumé, si l'on fait abstraction de la part proportionnellement faible de
l'énergie éolienne dans la production et la consommation globales
d'électricité, ce qui n'est pas un élément déterminant, on doit admettre que
le projet litigieux a une importance certaine. Compte tenu des objectifs de
la politique énergétique fédérale et cantonale, il existe un intérêt public
certain à réaliser une installation de production d'énergie éolienne telle
que celle pour laquelle le plan d'affectation cantonal a été élaboré. Au
surplus, avant toute expérience de production
d'énergie éolienne dans le
canton de Neuchâtel, et compte tenu de l'existence actuellement d'un seul
autre parc éolien aux caractéristiques comparables dans l'arc jurassien, il
n'est pas soutenable de retenir d'emblée le caractère prétendument
insignifiant de cette nouvelle énergie renouvelable dans le marché global de
l'électricité. Cet intérêt public doit donc être admis en l'état, étant
précisé que le résultat de ces expériences, ou l'évolution d'autres
circonstances comme la consommation globale d'électricité - la politique
énergétique tendant également à favoriser les économies -, pourraient à
l'avenir justifier une appréciation différente de l'importance de l'énergie
éolienne en Suisse.

4.5.3 Face à l'intérêt public que représente la réalisation d'un parc éolien,
comme élément de la politique énergétique cantonale, le Tribunal
administratif a pris en considération l'intérêt public à la sauvegarde des
sites protégés du canton ou à la préservation des espaces naturels; il a
accordé une importance prépondérante à ce dernier intérêt.
A ce propos, le Tribunal administratif a rappelé que les autorités
cantonales, nonobstant quelques révisions du texte du décret de 1966, avaient
conservé la volonté de maintenir la protection des crêtes. Les zones de
crêtes et de forêts couvrent toutefois une part importante du territoire
cantonal. Le site du Crêt-Meuron est du reste inclus dans un périmètre
(teinté en jaune sur le plan annexé au décret de 1966) qui s'étend d'une
extrémité du canton à l'autre (de la région de Chasseral à La Côte-aux-Fées),
et la ville voisine de la Chaux-de-Fonds est elle-même entourée de zones de
crêtes et de forêts. Tous les terrains classés dans ces zones n'ont
évidemment pas les mêmes caractéristiques naturelles ou paysagères. La
stabilité du régime d'affectation prévu par cet ancien acte législatif ne
doit pas être garantie de la même manière dans chaque secteur des crêtes
jurassiennes; l'évolution des circonstances depuis 1966, voire depuis 1988
(date de l'adaptation du décret aux exigences de la LAT), peut justifier
l'adoption d'autres mesures de planification à certains endroits (art. 21 al.
2 LAT; cf. supra, consid. 4.2), sans mettre en péril la cohérence des mesures
de protection décidées il y a quarante ans.
Concrètement, le plan d'affectation cantonal litigieux n'implique pas la
constructibilité de l'ensemble des terrains concernés. A l'extérieur des
"périmètres d'évolution" délimités pour sept éoliennes et trois installations
annexes, le régime de la zone de crêtes et de forêts demeure applicable (cf.
supra, consid. 4.2 in fine). En d'autres termes, ce plan d'affectation
cantonal n'a pas des effets comparables à ceux d'un classement en zone de
constructions basses, au sens des art.3ss du décret de 1966, ou d'une
affectation dans une zone à bâtir ordinaire; en définissant de façon
restrictive les possibilités de construction dans ces pâturages, il ne permet
pas une modification fondamentale de l'utilisation du sol. L'autorité
cantonale de planification a en outre prévu, selon la fiche de coordination
9-0-04 du plan directeur cantonal, de limiter à deux le nombre de parcs
éoliens sur le territoire du canton; cela signifie que les cas de
déclassement de terrains en zone de crêtes et de forêts pour réaliser des
objectifs de politique énergétique devraient demeurer très rares. En adoptant
des mesures de planification pour le projet litigieux - et pour un second
parc éolien, à un endroit non encore déterminé et au sujet duquel le dossier
ne donne du reste aucune indication concrète -, ni le Conseil d'Etat ni le
département cantonal n'ont décidé un démantèlement progressif du régime de
protection des sites naturels du canton.
Cela étant, le Tribunal administratif relève à juste titre certaines
caractéristiques du projet litigieux, qui le distinguent d'autres projets
d'urbanisation: la dimension des éoliennes (hauteur du moyeu à l'axe du
rotor: 60 m; diamètre des pales: 66 m; hauteur totale: 93 m);
l'infrastructure nécessaire (un mât de mesure de 60 m, des nouveaux chemins
carrossables sur une longueur de 1.8 km); la probabilité que le parc éolien
devienne une attraction touristique (il pourrait attirer 20'000 visiteurs par
an). La dimension des éoliennes et du mât de mesure, à savoir leur impact
visuel, est sans conteste l'élément le plus important. En effet, l'extension
du réseau de voies d'accès ne représente pas une atteinte sensible au site du
Crêt-Meuron, étant donné qu'il existe déjà de nombreux chemins, carrossables
ou non, dans les pâturages et forêts de la région de Tête-de-Ran/La
Vue-des-Alpes, où se trouvent plusieurs installations touristiques (remontées
mécaniques pour skieurs, restaurants, notamment). En outre, les autorités
conservent la possibilité d'empêcher la plupart des effets négatifs d'un
afflux de touristes ou de promeneurs dans un site naturel déjà largement
ouvert au public - le Tribunal administratif qualifie la région de
Tête-de-Ran de "site particulièrement fréquenté en tant que zone de
délassement" -, en réglementant l'accès en véhicule et le stationnement, en
balisant les chemins de randonnée, en protégeant spécialement des biotopes,
etc. Ainsi, c'est bien l'impact visuel des éoliennes qui représente
l'atteinte la plus sensible au site, qui manifestement mérite d'être protégé.
L'arrêt attaqué mentionne les endroits où cet impact visuel serait important.
Il s'agit de lieux d'une part relativement proches du parc éolien (le sommet
de Tête-de-Ran, à environ 300 m, le col de la Vue-des-Alpes, à 2.5 km) et de
lieux plus éloignés (le versant nord de la vallée de La Sagne, à 4 km, et un
quartier supérieur de la ville de La Chaux-de-Fonds, à 5 km). Or, sur le site
lui-même (le long de la combe menant du col de la Vue-des-Alpes à
Tête-de-Ran), les éoliennes s'ajouteraient à d'autres installations
techniques - ligne à haute tension, remontées mécaniques (à savoir un téléski
dans le périmètre du plan d'affectation cantonal et quatre autres à proximité
directe), notamment -, ce qui relativiserait dans une certaine mesure leur
impact visuel. Par ailleurs, le fait que les éoliennes seraient visibles
depuis un quartier de La Chaux-de-Fonds n'est pas un élément décisif car la
présence d'installations techniques ou d'ouvrages imposants à proximité d'une
grande ville n'est pas singulière; c'est un inconvénient, ou une
caractéristique, dont les citadins s'accommodent généralement, pour autant
que d'autres parties du paysage conservent leur aspect naturel, ce qui est le
cas à La Chaux-de-Fonds. Cela étant, les éoliennes ne seraient pas visibles
de la plupart des quartiers de cette ville, ni depuis le Val-de-Ruz (au sud
et à l'est du Crêt-Meuron), ni de nombreux autres endroits de la région.
C'est pourquoi il n'y a pas lieu de surestimer leur impact visuel -
indépendamment de la question de savoir si la vue d'éoliennes dans un paysage
jurassien peut être appréciée de manière positive par des habitants ou des
promeneurs. Dans le cas particulier, comme il se trouve déjà sur le site du
Crêt-Meuron ou dans les environs immédiats plusieurs constructions ou
installations (l'auberge de Gümmenen, l'hôtel de Tête-de-Ran, une ligne
électrique, une installation de télécommunications sur le sommet de
Tête-de-Ran, des remontées mécaniques pour skieurs), et que ce site, proche
d'une grande ville, est déjà très fréquenté par des promeneurs et des
skieurs, l'intérêt à en assurer une protection renforcée est moindre que pour
d'autres sites naturels, moins accessibles et plus préservés. Par ailleurs,
les éoliennes, relativement dispersées dans le périmètre du plan
d'affectation cantonal, ne seraient visibles que depuis quelques lieux des
environs, de sorte que l'atteinte au paysage serait moins sensible que dans
d'autres emplacements.

4.5.4 En décidant d'annuler le plan d'affectation cantonal pour des motifs de
protection du site, le Tribunal administratif n'a en réalité pas évalué
concrètement les atteintes supplémentaires qui seraient causées au
Crêt-Meuron et dans les environs par les éoliennes, compte tenu des atteintes
déjà existantes. Comme cela est retenu dans l'arrêt attaqué sur la base de
constatations faites au parc éolien du Mont-Soleil (dans le canton de Berne),
il est certain que de grandes éoliennes, toujours implantées à l'écart des
agglomérations, ont un impact important sur le paysage, mais cela ne permet
pas d'exclure, en quelque sorte par principe, de tels projets dans des sites
non construits méritant protection. Il n'est pas rare que d'autres ouvrages
servant à la production d'énergie - des lacs d'accumulation avec barrages,
des ouvrages hydroélectriques le long des rivières, etc. - doivent eux aussi
être réalisés dans des sites naturels méritant d'être préservés, sans pour
autant qu'une protection absolue soit prescrite, et l'intérêt public à la
conservation du site ne l'emporte pas (cf. par exemple ATF 119 Ib 254 consid.
8e p. 279). Il convient d'ailleurs de relever à ce propos que la région de
Tête-de-Ran ne fait pas partie des objets portés à l'inventaire fédéral des
paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale (inventaire IFP,
annexé à l'ordonnance concernant l'inventaire fédéral des paysages, sites et
monuments naturels [OIFP; RS 451.11]), contrairement à d'autres sites
naturels caractéristiques du Jura ou du Haut-Jura dans le canton de Neuchâtel
(cf. objets IFP n° 1002, Le Chasseral; n° 1003, Tourbière des
Ponts-de-Martel; n° 1004, Creux-du-Van; n° 1005, Vallée de la Brévine; n°
1006, Vallée du Doubs). Il en résulte que le Tribunal administratif a
accordé, dans le cas particulier, une importance excessive à l'atteinte au
paysage et, corollairement, qu'il n'a pas suffisamment pris en considération
l'intérêt public à réaliser une installation de production d'énergie
éolienne, conformément aux objectifs de la politique énergétique fédérale et
cantonale (cf. supra, consid. 4.5.2). En d'autres termes, une pesée correcte
des intérêts en jeu imposait au Tribunal administratif de ne pas empêcher,
par principe, la réalisation d'un parc éolien au Crêt-Meuron.

4.5.5 Les griefs de la recourante à propos de la pesée des intérêts effectuée
par le Tribunal administratif sont donc fondés. Comme cela a été exposé plus
haut (consid. 4.3), le contrôle de la pesée des intérêts relève de l'examen
de la légalité, et non pas de l'opportunité. Dans l'arrêt attaqué,
l'annulation des décisions relatives à l'adoption du plan d'affectation
cantonal n'est du reste pas justifiée par des motifs d'opportunité, mais elle
est fondée sur l'application de normes du droit de l'aménagement du
territoire. C'est l'application déficiente de ces règles de droit que le
Tribunal fédéral doit sanctionner dans le présent arrêt, en admettant le
recours de droit public. Ce recours a une nature par principe exclusivement
cassatoire et la recourante a, précisément, conclu à l'annulation de l'arrêt
attaqué. Ces conclusions doivent être admises, sans qu'il y ait lieu de se
prononcer sur le contenu de la nouvelle décision que le Tribunal
administratif sera amené à rendre dans la présente contestation.

5.
Vu le sort des deux recours de droit administratif, d'une part, et du recours
de droit public, d'autre part, et compte tenu des circonstances particulières
de ce litige, il se justifie de ne pas percevoir d'émolument judiciaire. Les
dépens, auxquels peuvent prétendre Eole-Res S.A. (dans la cause 1P.288/2005)
et les intimés A.________ et consorts (dans les causes 1A.122/2005 et
1A.134/2005) - les autorités cantonales et communales n'y ayant quant à elles
pas droit (art. 159 al. 2 OJ) -, doivent être compensés.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1P.288/2005, 1A.122/2005 et 1A.134/2005 sont jointes.

2.
Le recours de droit administratif formé par le Conseil d'Etat de la
République et canton de Neuchâtel (1A.134/2005) est irrecevable.

3.
Le recours de droit administratif formé par Eole-Res S.A. (1A.122/2005) est
irrecevable.

4.
Le recours de droit public formé par Eole-Res S.A. (1P.288/2005) est admis et
l'arrêt rendu le 31 mars 2005 par le Tribunal administratif de la République
et canton de Neuchâtel est annulé.

5.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

6.
Les dépens sont compensés.

7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de Eole-Res S.A. et
de A.________ et consorts, au Conseil d'Etat et au Tribunal administratif de
la République et canton de Neuchâtel, aux conseils communaux des communes de
Fontaines et des Hauts-Geneveys, à l'Office fédéral du développement
territorial et à l'Office fédéral de l'environnement.

Lausanne, le 31 août 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.122/2005
Date de la décision : 31/08/2006
1re cour de droit public

Analyses

Aménagement du territoire, zones à protéger, politique énergétique, pland'affectation cantonal pour un parc d'éoliennes. Modification de l'affectation d'un périmètre classé dans une zone àprotéger au sens de l'art. 17 al. 1 LAT; rappel des critères de l'art. 21al. 2 LAT (consid. 4.1 et 4.2). Pesée des intérêts, dans une contestation sur une mesure d'aménagement duterritoire, dans le cadre des exigences de l'intérêt public et de laproportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst. en relation avec l'art. 26 al. 1Cst.); examen de l'importance respective de l'intérêt à la conservation d'unsite naturel, d'une part, et de l'intérêt à la mise en oeuvre de lapolitique publique fédérale et cantonale en faveur du développementd'énergies renouvelables, d'autre part (consid. 4.3-4.5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-31;1a.122.2005 ?
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