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30/08/2006 | SUISSE | N°4C.114/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 août 2006, 4C.114/2006


{T 0/2}4C.114/2006 /ech Arrêt du 30 août 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Alec Reymond, contre X.________,défenderesse et intimée, représentée par Me Saverio Lembo, ,B.________,appelée en cause et intimée, représentée parMe Bernard Haissly. contrat de compte joint; responsabilité de la banque; dommage; LDIP (recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicegenevoise du 17 février 2006). Faits: A.A.a C.________, né en 1906, e

t B.________, née en 1911, tous deux denationalité française, se s...

{T 0/2}4C.114/2006 /ech Arrêt du 30 août 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Alec Reymond, contre X.________,défenderesse et intimée, représentée par Me Saverio Lembo, ,B.________,appelée en cause et intimée, représentée parMe Bernard Haissly. contrat de compte joint; responsabilité de la banque; dommage; LDIP (recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicegenevoise du 17 février 2006). Faits: A.A.a C.________, né en 1906, et B.________, née en 1911, tous deux denationalité française, se sont mariés en France en septembre 1930. Le couplea eu deux enfants, A.________, né en 1931, domicilié au Canada, etD.________, née en 1933, domiciliée en Suisse. Les époux C.B.________ étaient soumis au régime légal français de lacommunauté de biens meubles et acquêts, auquel ils ont ajouté une claused'attribution intégrale de la communauté en usufruit au survivant d'entreeux, selon acte notarié dressé le 28 juillet 1992. Le 31 janvier 1998, C.________ est décédé à Cannes où il résidait. A teneurde la déclaration de succession établie les 24 et 27juillet 1998, latotalité des biens issus de la succession, d'une valeur de FF 6'008'950, aété dévolue à B.________ en usufruit, A.________ et D.________ en étant lesnus-propriétaires. A.b Le 26 novembre 1957, C.________, son épouse et leurs deux enfants, ainsique E.________, décédée par la suite, ont conclu avec la Banque Y.________ àGenève (dont les droits et obligations ont été repris depuis lors parX.________ et Cie; ci-après: la Banque) un contrat de compte joint intitulé"SIP ...". La convention de compte joint instituait une clause de solidaritéactive entre les déposants pour toutes sommes et valeurs entrées en compte,ceux-ci se donnant réciproquement mandat et procuration pour gérer etadministrer le dépôt et le compte courant, chaque déposant ayant le pouvoirde retirer toutes valeurs, tous titres et toutes sommes faisant partie dudépôt ou figurant au crédit de leur compte joint et d'en donner valablequittance et décharge par la signature de l'un d'entre eux. La conventionautorisait également chacun des déposants, par sa seule signature, à gérer lecompte et à donner des ordres à cet effet, les déposants déclarant relever etgarantir solidairement la banque de tout dommage pouvant résulter pour eux del'exécution de la convention, notamment du retrait du dépôt par l'un d'entreeux. Une élection en faveur du droit et des tribunaux suisses était prévue.Le 2 mai 1962, les pouvoirs des deux enfants du couple C.B.________ sur lecompte SIP ... ont été annulés (E.________ étant décédée entre-temps). Lecompte est devenu un compte joint des époux C.B.________. Ceux-ci onttoutefois conféré par instructions un droit de regard à leurs enfants, quipouvaient "émettre leur opinion et renseigner leur père". Les instructionsdonnées à la Banque précisaient encore qu'au décès des co-titulaires, lesavoirs du compte seraient attribués à parts égales entre les deux enfants ducouple. Le même jour, C.________ et B.________ ont signé une conventionsimilaire à celle du 26 novembre 1957 portant sur l'ouverture du compte jointSIP .... Ce document contenait la même clause de solidarité active que celleprévue dans la convention de 1957 et un pouvoir de disposition identique. Au 31 décembre 1997, les avoirs déposés sur le compte SIP ... auprès de laBanque s'élevaient à FF 5'297'347'000 (recte: CHF5'297'947), sous forme detitres et de liquidités. Le 13 mars 1998, après le décès de son époux, B.________ a donné l'ordre à laBanque de clôturer le compte SIP ... et de transférer l'intégralité desavoirs sur un nouveau compte ouvert à son seul nom, dans le mêmeétablissement, sous l'intitulé "CBK ...". Le 18 mars 1998, B.________ ademandé à la Banque de lui remettre une somme de CHF 1'845'000 parprélèvement sur le compte SIP ..., qui a été clôturé le 9 avril 1998. A.c Le 11 janvier 2001, A.________ a déposé plainte pénale à Genève contreinconnu pour gestion déloyale. Il indiquait avoir appris, deux ans après lamort de son père, l'existence d'avoirs en Suisse indûment soustraits par destiers. Le classement de cette plainte pénale par le Ministère public a étéconfirmé par la Chambre d'accusation le 10 mai 2001, au motif qu'en présenced'un compte joint, B.________ pouvait utiliser les valeurs patrimoniales luiappartenant, dès lors qu'elle avait l'usufruit de l'entier de la succession. Le 27 juin 2001, A.________ a déposé une nouvelle plainte pénale à l'encontrede B.________ et de D.________ pour faux dans les titres. Il soutenait ne pasavoir signé la convention de compte joint du 26 novembre 1957, sa signatureayant été imitée, et il contestait l'authenticité de la convention du 2 mai1962. Le classement de cette plainte pour des motifs de forme n'a faitl'objet d'aucun recours. A.d Le 26 juillet 2001, A.________ a déposé en France une action enliquidation de partage de la succession de son père devant le Tribunal deGrande Instance de Grasse. Il a notamment demandé le rattachement à lasuccession de divers biens que B.________ et D.________, ainsi que safamille, auraient reçus du vivant de C.________, parmi lesquels figuraiententre autres des valeurs issues du compte joint dont son père était titulaireà Genève. Dans le cadre des procédures menées en France, A.________ a obtenu diversessaisies conservatoires en juin et en juillet 2003, affectant les avoirs deB.________. Par jugements des 2 février et 29mars 2005, les Tribunaux deGrande Instance de Paris et de Grasse ont rejeté les requêtes en rétractationformées par B.________ au motif essentiel qu'il n'appartenait pas au juge del'exécution de la saisie de trancher des contestations de fond. Dans ces deuxdécisions, il a été relevé que A.________ avait allégué avoir découvertpostérieurement à la déclaration de la succession l'existence de valeursdépassant CHF 5'000'000 sur un compte en Suisse dont il revendiquait lequart. B.Le 16 avril 2003, A.________ a déposé, auprès des autorités judiciairesgenevoises, une demande en paiement à l'encontre de la Banque, lui réclamantla somme de 1'324'486,75 fr. avec intérêt à 5 % dès le 31 mars 1998, ce quicorrespondait au montant qu'il estimait devoir lui revenir en sa qualitéd'héritier, sur les avoirs bancaires sis en Suisse. Il a invoqué laresponsabilité de la Banque, lui reprochant, en sa qualité de mandataire,d'avoir laissé sa mère disposer du compte sans se préoccuper des droits desautres héritiers. La Banque a conclu au rejet de la demande. B.________, appelée en cause, aégalement proposé le rejet de la demande et des prétentions récursoiresformées à son encontre par la Banque. Par jugement du 20 mars 2005, le Tribunal de première instance a déboutéA.________ des fins de sa demande. Statuant sur appel de A.________, la Chambre civile de la Cour de justice,par arrêt du 17 février 2006, a confirmé le jugement du 20mars 2005. C.Contre l'arrêt du 17 février 2006, A.________ (le demandeur) interjette unrecours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de ladécision entreprise et à la condamnation de la Banque à lui verser la sommede 1'324'486,75 fr. plus intérêt à 5 % l'an dès le 31mars 1998.Tout en s'en remettant à justice quant à la recevabilité formelle du recours,la Banque (la défenderesse) propose, sur le fond, son rejet dans la mesure desa recevabilité. B.________ (l'appelée en cause) conclut, pour sa part, à ceque le recours soit déclaré irrecevable en tant qu'il s'écarte de l'état defait contenu dans l'arrêt du 17 février 2006 et, au surplus, à ce qu'il soitrejeté dans la mesure de sa recevabilité. Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de sarecevabilité, le recours de droit public formé parallèlement par A.________. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Interjeté par le demandeur qui a été entièrement débouté de sesconclusions et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instancecantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestationcivile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ),le recours en réforme paraît en principe recevable, puisqu'il a été déposé entemps utile (art. 32 al. 2 et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art.55 OJ). 2.Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peutêtre présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou demoyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).Dans la mesure où le demandeur se fonde sur des faits ne ressortant pas del'arrêt entrepris, sans se prévaloir des exceptions qui lui permettraient des'en écarter, son recours n'est pas admissible. 3.La cause revêt indéniablement des aspects internationaux, de sorte que leTribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, doit vérifier d'office etavec un plein pouvoir d'examen le droit applicable (ATF 131 III 153 consid.3). 3.1 Dans l'action en responsabilité, objet de la présente procédure, ledemandeur reproche à la banque d'avoir manqué à son devoir de diligence enremettant à sa mère, en mars 1998, sur la base d'une convention du 2 mai1962, l'ensemble des avoirs figurant sur un compte joint dont elle étaitco-titulaire avec son époux décédé. 3.2 Comme les manquements que le demandeur fait grief à la banque d'avoircommis sont postérieurs à l'entrée en vigueur de la LDIP, le 1er janvier1989, il convient d'examiner le droit applicable en fonction de cette loi,peu importe que la convention sur la base de laquelle la banque a remis lesfonds date de 1962 (cf. art. 196 al. 2 LDIP;Knoepfler/Schweizer/Othenin-Girard, Droit international privé suisse, 3eéd.Berne 2005, N 204a). 3.3 Le litige opposant le recourant à la banque est lié à un conflitsuccessoral et familial. A cet égard, il convient de distinguer le droitrégissant l'objet principal du litige, à savoir l'éventuelle responsabilitéde la banque envers le demandeur, du droit applicable aux questionspréjudicielles liées aux relations familiales du demandeur. 3.3.1 La détermination du droit applicable se fait à la lumière des règles deconflits du for (Dutoit, Commentaire de la LDIP, 4e éd. Bâle 2005, N 2 adart. 5 LDIP; Knoepfler/Schweizer/Othenin-Girard, op. cit., N 314; cf. parexemple ATF 128 III 295 consid. 2a), soit en l'occurrence en fonction dudroit international privé suisse, à défaut de convention internationale (cf.art. 1 al. 2 LDIP). S'agissant des aspects liés à la succession de C.________, ressortissantfrançais domicilié à Cannes au moment de son décès, le droit français estapplicable. En effet, l'art. 91 al. 1 LDIP prévoit que la succession d'unepersonne qui a eu son dernier domicile à l'étranger est régie par le droitque désignent les règles de droit international privé de l'Etat dans lequelle défunt était domicilié. Or le droit international privé français soumetles successions mobilières à la loi interne du domicile du défunt(Lassouarn/Bourel/de Vareilles-Sommières, Droit international privé, PrécisDalloz, 8e éd. Paris 2004, N 430; cf. ATF 119 II 281 consid. 4b p. 286). Cemême droit détermine également en quoi consiste la succession et qui estappelé à succéder (cf. art. 92 LDIP). Quant aux questions découlant du régimematrimonial des époux C.B.________, elles relèvent aussi du droit français,la France étant le pays dans lequel les époux étaient domiciliés (cf. art. 54al. 1 LDIP). 3.3.2 Quant au droit applicable à l'action en responsabilité, il ressort del'arrêt attaqué que la première convention d'ouverture de compte du 26novembre 1957 comportait une clause d'élection de droit en faveur du droitsuisse. Comme il a été constaté, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral eninstance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que la seconde convention du 2 mai1962 était similaire à la première, force est d'admettre qu'elle contenaitune clause identique. Reste à déterminer si cette clause est opposable au demandeur qui n'était paspartie à la convention conclue en 1962 entre ses parents et la défenderesse.Celui-ci, en sa qualité d'héritier (cf. art. 724 CC français) d'un destitulaires du compte joint, peut en principe se prévaloir des relationscontractuelles nouées entre son père et la banque (art. 405 al. 1 CO; ATF 94II 167 consid. 4a p. 171), ce d'autant qu'il n'apparaît pas que les épouxC.B.________ avaient prévu de mettre fin à la relation avec la banque audécès de l'un d'entre eux (cf. ATF 94 II 313 consid. 3), puisque le comptejoint ne devait passer à leurs enfants qu'après le décès des deuxco-titulaires. Par conséquent, dans la mesure où l'on envisage l'action dudemandeur sous l'angle contractuel, la clause d'élection de droit figurantdans la convention est applicable, de sorte que l'éventuelle responsabilitéde la défenderesse doit être examinée en vertu du droit suisse (art. 116LDIP). La conclusion serait du reste la même si l'on considère que l'action dudemandeur envers la défenderesse est de nature délictuelle, la banque ayantagi en Suisse (cf. art. 133 al. 2 LDIP). 4.Selon l'arrêt attaqué, les prétentions du demandeur ont été rejetées sur labase d'une double motivation. En résumé, la cour cantonale a d'une partconsidéré que, compte tenu de la structure juridique du compte joint adoptéepar les époux C.B.________, on ne pouvait reprocher à la banque d'avoirmanqué à son devoir de diligence en libérant les fonds en faveur de l'appeléeen cause, en sa qualité de co-titulaire du compte. Elle a, d'autre part,relevé que la mise en oeuvre de la responsabilité de la banque se heurtait àl'objection de l'inexistence d'un dommage dont le demandeur n'avait pasapporté la preuve. Comme l'exige la jurisprudence (ATF 119 Ia 13 consid. 2; 117 II 630 consid.1b p. 631), le demandeur a critiqué ces deux motivations, de sorte qu'ilconvient d'entrer en matière. 5.Que l'on envisage la responsabilité de la banque sous l'angle de laresponsabilité contractuelle, plus particulièrement de l'art. 398 al.1CO,puisque les dispositions sur le mandat s'appliquent en principe au contrat decompte joint (ATF 94 II 167 consid. 2, 313 consid. 2), ou sous l'angle de laresponsabilité délictuelle (art. 41 CO), il faut, dans les deux hypothèses,que le demandeur ait subit un dommage (cf.Tercier, Les contrats spéciaux, 3eéd. Zurich 2003, no4726; Werro, Commentaire romand, N 7 ad art. 41 CO). Sicette condition n'est pas réalisée, aucune action en responsabilité n'estenvisageable.
5.1 Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontairede la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel dupatrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événementdommageable ne s'était pas produit (ATF 132 III 186 consid. 8.1, 321 consid.2.2.1 p. 324 et les arrêts cités). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunalfédéral n'intervient que si l'autorité cantonale a méconnu la notionjuridique du dommage. En revanche, savoir s'il y a eu un dommage et quelle enest la quotité est une question de fait qui lie le Tribunal fédéral eninstance de réforme (ATF 130 III 145 consid. 6.2). Ainsi, lorsque le jugeexamine si le dommage doit être tenu ou non pour vraisemblable, il tranche unpoint de fait (cf. ATF 122 III 219 consid. 3b p. 223). En principe, seul le dommage actuel doit être pris en considération(Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, Berne 1982, p. 218 N 12 ss),c'est-à-dire le dommage qui était réalisé au moment du prononcé du jugementde dernière instance cantonale dans lequel des faits nouveaux pouvaientencore être pris en compte (ATF 125 III 14 consid. 2c p. 17). Le dommagefutur peut, à certaines conditions, être réparé en matière de lésionscorporelles (cf. art. 46 al. 2 CO; Werro, op. cit., N18 ad art. 42 CO; ATF132 III 321 consid. 3). Dans tous les cas cependant, le défendeur ne peutêtre condamné à réparer un dommage futur hypothétique (cf. ATF 129 III 18consid. 2.4 p. 24). L'art. 42 al. 2 CO s'applique non seulement à l'évaluation du dommage, maisaussi lorsque la survenance de celui-ci ne peut être prouvée de manièrestricte (ATF 122 III 219 consid. 3a p. 221); cette disposition, qui tend àinstaurer une preuve facilitée en faveur du lésé, ne libère toutefois pas lapartie qui actionne en responsabilité de la charge de fournir au juge, dansla mesure où cela s'avère possible et exigible, tous les éléments de faitconstituant des indices de l'existence du dommage (cf. ATF 131 III 260consid. 5.1). L'octroi de dommages-intérêts suppose que la survenance dudommage ne constitue pas une simple possibilité, mais qu'elle apparaissecomme une quasi-certitude (ATF 122 III 219 consid. 3a in fine et lesréférences citées). 5.2 En l'espèce, il ressort de l'arrêt entrepris qu'avant le décès de sonpère, le demandeur n'était pas l'ayant droit économique des fonds et destitres se trouvant sur le compte joint auprès de la défenderesse, de sorteque, comme l'a retenu à juste titre la cour cantonale, ses prétentions nepeuvent découler que de sa qualité d'héritier. Il a également été constatéque, par acte notarié du 28 juillet 1992, les époux C.B.________ avaientprévu que le conjoint survivant recueillerait, outre sa part de communauté,l'usufruit de la part du conjoint décédé en premier. Selon le droit français régissant les questions préjudicielles (cf. supraconsid. 3.3.1), que le Tribunal fédéral peut appliquer (art. 65 OJ; Poudret,COJ II, Berne 1990, N 2.2 et 3 ad art. 65 OJ; ATF 126 III 492 consid. 3c/bb),l'appelée en cause, en sa qualité d'usufruitière, a le droit d'exiger laremise des biens et d'en jouir comme si elle en était propriétaire, mais à lacharge d'en conserver la substance (cf. art. 578CC français). Si l'usufruitporte sur des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme del'argent, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge derendre, à la fin de l'usufruit, leur valeur estimée à la date de larestitution (cf. art. 587 CC français). L'usufruitier n'engage saresponsabilité que s'il adopte un mode de jouissance ne lui permettant pas derespecter son obligation de garde et de conservation de la substance desbiens (Henry/Jacob/Venandet/Tisserand-Martin/Wiederkehr, Méga Code civil, 6eéd. Dalloz 2005, N 8 ad art. 578 CC). Le demandeur ne peut donc se prévaloird'un dommage résultant de la seule remise par la banque des fonds et destitres se trouvant sur le compte. Il ne peut être lésé que s'il s'avérait queles biens en question ou leur contre-valeur étaient sortis du patrimoine desa mère, en sa qualité d'usufruitière, de sorte qu'à son décès lesnus-propriétaires ne seraient plus en mesure d'en obtenir la contre-valeur.Or, aucun élément dans l'arrêt attaqué ne permet de retenir que ce cas defigure serait réalisé en l'espèce. Au contraire, il apparaît que le demandeura entamé des procédures judiciaires en France demandant le rattachement à lasuccession de divers biens, notamment issus du compte joint auprès de ladéfenderesse; dans ce cadre, il a obtenu diverses saisies conservatoiresaffectant les avoirs de sa mère et dont le but est en particulier de protégerles droits qu'il prétend détenir sur le compte litigieux en Suisse. Parconséquent, tant que l'issue de ces procédures n'est pas connue, le dommagedu défendeur n'apparaît que comme une simple éventualité, soit comme undommage futur hypothétique. Sur la base de ces éléments, on ne voit pas que l'on puisse reprocher à lacour cantonale de ne pas avoir admis l'existence d'un dommage juridiquesuffisamment prévisible et certain pour fonder une action en responsabilité. 5.3 Les critiques du demandeur relatives au dommage ne peuvent par ailleursêtre suivies. 5.3.1 Celui-ci reproche tout d'abord à la cour cantonale de n'avoir pas tenucompte des faits allégués et offerts en preuve de nature à établir sondommage. Ce faisant, il présente des éléments de fait ne ressortant pas del'arrêt attaqué, perdant de vue que le recours en réforme ne permet pas deremettre en cause l'appréciation des preuves et l'établissement des faits(cf. supra consid. 2; ATF 131 III 153 consid. 6.5. in fine et les arrêtscités). Pour partie, ses critiques se recoupent du reste avec les griefsd'arbitraire et de violation du droit d'être entendu invoqués parallèlementdans le recours de droit public et qui ont été rejetés dans la mesure de leurrecevabilité par arrêt de ce jour (cf.cause 4P.84/2006). 5.3.2 En second lieu, le demandeur invoque une violation de l'art. 8CC. Ilsoutient en substance que la cour cantonale lui a refusé le droit de prouverl'exactitude des faits pertinents qu'il a valablement articulés et quitendaient à établir son dommage effectif. Il lui reproche également d'avoirinterprété les déclarations d'un témoin dont elle-même n'a pas autorisél'audition. L'art 8 CC règle, pour tout le domaine du droit civil fédéral, la répartitiondu fardeau de la preuve et, partant, les conséquences de l'absence de preuve(ATF 129 III 18 consid. 2.6; 125 III 78 consid. 3b). Il confère à la partiechargée du fardeau de la preuve la faculté de prouver ses allégations dansles contestations relevant de ce domaine, pour autant que les faits alléguéssoient juridiquement pertinents et que l'offre de preuve correspondantesatisfasse, quant à sa forme et à son contenu, aux exigences du droitcantonal (ATF 129 III 18 consid. 2.6). Ainsi, le juge viole le droit à lapreuve lorsqu'il ne donne pas suite aux offres de preuve d'une partie sur desfaits pertinents pour l'appréciation juridique de la cause; ce grief peutêtre soulevé par la voie du recours en réforme (ATF 114 II 289 consid. 2a).Cependant, l'art. 8 CC ne dicte pas sur quelles bases et comment le juge doitformer sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 3d p. 25). Cette disposition nesaurait ainsi être invoquée pour faire corriger l'appréciation des preuvesqui ressortit au juge du fait (ATF 130 III 321 consid. 5; 127 III 253 consid.3a). Le refus de certaines preuves ne viole pas l'art. 8 CC lorsqu'il estprononcé à la suite d'une appréciation anticipée des preuves; il peut tout auplus être attaqué par la voie du recours de droit public fondé sur laviolation des art. 9 et 29 al. 2 Cst., pour arbitraire dans l'appréciationdes preuves ou dans l'application du droit cantonal, ou encore pour violationdu droit d'être entendu (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 114 II 289 consid.2a). En l'espèce, la question de savoir si l'appréciation à laquelle s'est livréela cour cantonale pour refuser de procéder aux offres de preuves du demandeurrelève du recours de droit public. Le demandeur ne s'y est du reste pastrompé, puisqu'il a utilisé cette voie de droit pour se plaindre, sur cepoint, d'une violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst. Quant aux constatations dela cour cantonale concernant le témoin cité par le demandeur, il s'agitégalement d'une question relevant de l'établissement des faits. Les critiquesformulées dans le recours en réforme sous le couvert de l'art. 8 CC sur cespoints sont donc irrecevables. Au demeurant, comme on l'a vu (cf. supra consid. 5.2), on ne peut exclurel'éventualité que le demandeur subisse un dommage, ce que la cour cantonaleadmet du reste elle-même. Si celui-ci doit être débouté de son action enresponsabilité, c'est avant tout parce que l'atteinte au patrimoine qu'ilinvoque n'est, en l'état actuel, pas suffisamment certaine pour qu'ellepuisse être prise en compte, étant rappelé que le dommage futur hypothétiquen'est pas réparé dans l'ordre juridique suisse. Dans ce contexte, on ne voitpas quelles offres de preuve de nature à modifier cette appréciationjuridique auraient pu être refusées au demandeur en violation de l'art. 8 CC. Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté dans la faible mesure desa recevabilité. 6.Compte tenu de l'issue du litige, le demandeur supportera les frais et dépens(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 13'000 fr. est mis à la charge du demandeur. 3.Le demandeur versera tant à la défenderesse qu'à l'appelée en cause uneindemnité de 15'000 fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice genevoise. Lausanne, le 30 août 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.114/2006
Date de la décision : 30/08/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-30;4c.114.2006 ?
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