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29/08/2006 | SUISSE | N°4C.119/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 août 2006, 4C.119/2006


{T 0/2}4C.119/2006 /ech Arrêt du 29 août 2006Ire Cour civile M. et Mmes les juges Corboz, président, Klett et Kiss.Greffier: M. Thélin. X. ________,demanderesse et recourante, représentée parMe Astyanax Peca, contre Y.________ SA,défenderesse et intimée, représentée par Me Monica Zilla. contrat de travail; résiliation immédiate recours en réforme contre le jugement rendu le 6 mars 2006 par la IIe Courcivile du Tribunal cantonal du canton du Valais. Faits: A.Le 21 février 2002, Y.________ SA a engagé X.________, alors âgée detrente-quatre ans, pour un emploi temporaire en quali

té de secrétaire.L'activité convenue commençait le 4 mars 2002 e...

{T 0/2}4C.119/2006 /ech Arrêt du 29 août 2006Ire Cour civile M. et Mmes les juges Corboz, président, Klett et Kiss.Greffier: M. Thélin. X. ________,demanderesse et recourante, représentée parMe Astyanax Peca, contre Y.________ SA,défenderesse et intimée, représentée par Me Monica Zilla. contrat de travail; résiliation immédiate recours en réforme contre le jugement rendu le 6 mars 2006 par la IIe Courcivile du Tribunal cantonal du canton du Valais. Faits: A.Le 21 février 2002, Y.________ SA a engagé X.________, alors âgée detrente-quatre ans, pour un emploi temporaire en qualité de secrétaire.L'activité convenue commençait le 4 mars 2002 et devait prendre fin le 28novembre 2003; elle s'exerçait à la raffinerie de Collombey, au service deZ.________ S.A. qui est une société active dans la conception et laconstruction des installations pétrolières. Le salaire était fixé à 26 fr. del'heure et une indemnité de 2 fr.90 était due en sus.La secrétaire était subordonnée à un directeur de projets de la sociétélocataire de services. Elle devait travailler de 8h00 à 12h00 et de 13h00 à17h00. Or, une à deux fois par semaine, l'après-midi, elle n'est retournée àson travail qu'entre 13h15 et 13h30. Par ailleurs, selon les directives quilui avaient été communiquées, les personnes étrangères à cette sociétén'avaient pas accès aux locaux de travail; néanmoins, à de nombreusesreprises, elle s'est entretenue dans son bureau avec des employés de laraffinerie ou d'autres entreprises actives dans le périmètre desinstallations. Le 16 septembre 2002, elle a accusé réception d'unavertissement écrit qui lui était adressé par Y.________ SA, daté du 21 août2002, où l'employeuse lui reprochait, parmi divers points, ses arrivéestardives et son «comportement en général», et la menaçait d'un licenciementimmédiat en cas de récidive.Un à deux mois plus tard, X.________ a recommencé d'arriver en retardl'après-midi et de recevoir des visites non autorisées, ce qui a provoqué desprotestations orales et réitérées du directeur de projets.Dans l'après-midi du vendredi 14 février 2003, X.________ était chargée deconduire un véhicule de l'entreprise. Elle a dépassé la vitesse maximum de 25km/h prescrite à l'intérieur de la raffinerie et, alors qu'un autre véhiculeapprochait en sens inverse, elle a fait un brusque écart pour éviter un trourempli d'eau. Un dirigeant de la raffinerie était présent dans cet autrevéhicule; il a observé l'incident et s'en est plaint au directeur de projets.Celui-ci, le même jour et dans les bureaux, a une fois encore surpris lasecrétaire en compagnie d'une personne qui n'avait aucun motif professionnelde s'y trouver. Il a pris contact avec la société employeuse pour réclamerson licenciement.Le lendemain matin, à son domicile, la secrétaire a reçu un appeltéléphonique de Y.________ SA qui lui signifiait son licenciement immédiat. B.Le 20 juin 2003, X.________ a ouvert action contre Y.________ SA devant leJuge de district de Monthey. Sa demande tendait au paiement de 65'597 fr.qu'elle réclamait en conséquence de son licenciement, avec intérêts au tauxde 5% par an dès le 24 février 2003. Contestant toute obligation, ladéfenderesse a conclu au rejet de la demande; elle a pris des conclusionsreconventionnelles dont elle s'est par la suite désistée. La Caisse dechômage compétente a annoncé qu'elle se subrogeait à la demanderesse àconcurrence des prestations qu'elle lui versait.Après clôture de l'instruction, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal astatué sur la demande le 6 mars 2006. Elle a donné gain de cause à ladéfenderesse. Les arrivées tardives et les visites non autorisées n'étaienten principe pas des manquements suffisamment graves pour justifier unerésiliation abrupte du contrat de travail; néanmoins, par le fait qu'elleavait répété ces comportements en dépit d'un avertissement écrit del'employeuse et des remontrances ultérieures du chef de projets, lademanderesse avait progressivement détruit le lien de confiance qui doit setrouver à la base des rapports de collaboration. Il n'était pas nécessaired'examiner si la faute commise dans la conduite d'un véhicule pouvait aussijustifier la résiliation abrupte. C.Agissant par la voie du recours en réforme, la demanderesse requiert leTribunal fédéral de modifier l'arrêt de la IIe Cour civile en ce sens que ladéfenderesse soit condamnée à lui verser 65'597 fr. avec intérêts au taux de5% par an dès le 24 février 2003. A titre subsidiaire, elle conclut àl'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale.La défenderesse conclut au rejet du recours.Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours dedroit public que la demanderesse a introduit contre le même prononcé. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est formé par une partie qui a succombé dans ses conclusions. Ilest dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale parun tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont lavaleur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en tempsutile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est enprincipe recevable.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Sous réserved'exceptions qui ne sont pas réalisées dans la présente affaire, le Tribunalfédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faitsconstatés dans la décision attaquée (art. 63 al. 2 et 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4 p. 140). La partie recourante n'est pasautorisée à critiquer l'appréciation des preuves ni à alléguer des faitsnouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dans la présente affaire, la demanderessemet en doute les constatations de la IIe Cour civile et, dans une largemesure, elle fonde son argumentation sur une version des faits autre quecelle retenue par cette autorité; en outre, elle allègue nouvellement que ladéfenderesse aurait pu lui attribuer une mission auprès d'un autre de sesclients. Ces procédés sont irrecevables et ils ne peuvent pas être pris enconsidération.Le Tribunal fédéral ne peut pas juger au delà des conclusions des partiesmais il n'est pas lié par les motifs que celles-ci invoquent (art. 63 al. 1OJ) et il apprécie librement la portée juridique des faits (art. 43 al. 4, 63al. 3 OJ). 2.Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de travail etque celui-ci était conclu pour une durée déterminée, dont l'échéance étaitfixée au 28 novembre 2003. Le contrat n'était donc pas susceptible d'unerésiliation ordinaire avec observation d'un délai de congé, selon l'art. 335al. 1 CO, mais une résiliation immédiate pour de justes motifs, selon l'art.337 CO, pouvait entraîner son expiration avant la date convenue (UllinStreiff et Adrian von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 6e éd.,2006, ch. 4 ad art. 337 CO).D'après l'art. 337 al. 2 CO, on considère notamment comme de justes motifstoutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettentpas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports detravail. Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifsdoit être admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, les faitsinvoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte durapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seulun manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat dutravailleur. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner unerésiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Parmanquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d'uneobligation imposée par le contrat mais d'autres faits peuvent aussi justifierune résiliation immédiate (cf. ATF 129 III 380 consid. 2.2).Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4CC), si le congé abrupt répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Acette fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier,notamment la position et la responsabilité du travailleur, la nature et ladurée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance desmanquements. Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décisiond'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-cis'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudenceen matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui,dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elleignore des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; enoutre, le Tribunal fédéral redresse les décisions rendues en vertu d'unpouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestementinjuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 130III 213 consid. 3.1 p. 220; 129 III 380 consid. 2 p. 382). 3.Dans sa discussion du cas, la IIe Cour civile admet que ni les arrivéestardives ni les visites de personnes étrangères à l'entreprise neconstituaient des manquements graves; elle constate toutefois qu'en raison deces faits, la demanderesse a reçu, le 16 septembre 2002, un avertissementécrit avec la menace textuelle d'un licenciement immédiat en cas de récidive,et qu'après, par son directeur de projets, la société locataire de services aderechef et à plusieurs reprises adressé des avertissements oraux sur lesmêmes sujets, «attirant l'attention de l'employée sur le fait [que lasociété] n'entendait pas tolérer de tels comportements». En raison de cesavertissements et de la durée résiduelle du contrat, supérieure à neuf mois,la défenderesse était fondée à licencier abruptement la demanderesse lorsque,le 14 février 2003, cette dernière s'est une fois encore entretenue avec unepersonne qui ne devait pas être reçue dans les locaux de travail.La violation persistante et délibérée de l'horaire de travail oud'instructions données par l'employeur, concernant par exemple l'accès destiers aux locaux de travail, peut entraîner une résiliation immédiate ducontrat si cette mesure a été précédée d'un avertissement comportant lamenace claire d'un renvoi immédiat (cf. ATF 108 II 301 consid. 3b p.303;voir aussi ATF 127 III 153 consid. 1b p. 156/157). La demanderesse a reçu unavertissement satisfaisant à cette exigence, le 16 septembre 2002, en rapportavec les arrivées tardives et les visites non autorisées. Dans les moissuivants, elle a repris le comportement déjà stigmatisé et elle a alors reçude nouveaux avertissements, donnés de vive voix par le directeur de projets.Il n'est pas constaté que ces avertissements-ci auraient comporté la menaced'une sanction moins grave que le licenciement (cf. ATF 108 II 301 consid. 3cp. 304) et il ne ressort pas non plus du jugement qu'ils auraient fait suiteà des manquements sans rapport avec ceux précédemment critiqués (cf.ATF 127III 153 consid. 2b p. 159). Au regard de ces circonstances, en jugeant que larécidive survenue le 14 février 2003 pouvait entraîner la rupture du contrat,la IIe Cour civile a usé de son pouvoir d'appréciation dans les limites del'art. 337 al. 2 et 3 CO. Son prononcé se révèle conforme au droit fédéral,ce qui conduit au rejet du recours. 4.La procédure du recours en réforme n'est pas gratuite car le montant de lademande, qui détermine la valeur litigieuse selon l'art. 343 al. 2 CO, étaitsupérieur au plafond de 30'000 fr. prévu par cette disposition (ATF 122 III495 consid. 4; 115 II 30 consid. 5b p. 41). A titre de partie qui succombe,la demanderesse doit acquitter l'émolument judiciaire et les dépens auxquelsl'autre partie peut prétendre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2.La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 3'000 fr. 3.La demanderesse acquittera une indemnité de 3'500 fr. à verser à ladéfenderesse à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal cantonal du canton du Valais. Lausanne, le 29 août 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.119/2006
Date de la décision : 29/08/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-29;4c.119.2006 ?
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