La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/08/2006 | SUISSE | N°1P.356/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 août 2006, 1P.356/2006


1P.356/2006 /fzc{T 0/2} Arrêt du 29 août 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallazet Eusebio.Greffière: Mme Angéloz. X. ________,recourant, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de cassation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. procédure pénale (modification des règles de conduite), recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton deGenève du 12 mai 2006. Faits: A.Par jugement du 25 novembre 1996, le Tribunal de pr

emière instance du cantonde Genève a prononcé le divorce des époux...

1P.356/2006 /fzc{T 0/2} Arrêt du 29 août 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallazet Eusebio.Greffière: Mme Angéloz. X. ________,recourant, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de cassation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. procédure pénale (modification des règles de conduite), recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton deGenève du 12 mai 2006. Faits: A.Par jugement du 25 novembre 1996, le Tribunal de première instance du cantonde Genève a prononcé le divorce des époux X.________ et condamné X.________ àpayer à son épouse une pension mensuelle de 4000 francs, montant fixé sur labase d'une estimation de la capacité contributive du débiteur, compte tenu del'impossibilité de déterminer avec exactitude les revenus de ce dernier, quiexploitait diverses sociétés. Ce jugement a été confirmé sur recours pararrêt de la Cour de justice genevoise du 20 juin 1997, que X.________ aattaqué par un recours de droit public et un recours en réforme au Tribunalfédéral, écartés par arrêts 5P.347/1997 et 5C.240/1997 du 3novembre 1997. Le 8 septembre 2004, le Tribunal de première instance a rejeté une demande demodification du jugement de divorce présentée par X.________. L'appelinterjeté par ce dernier contre ce refus a été écarté par arrêt du 18 mars2005 de la Cour de justice genevoise. Il a été jugé que l'intéressé, quiavait placé à la tête de ses sociétés un de ses ouvriers et sa secrétaire,présentait une situation financière artificielle et n'exploitait en outre pasl'entier de sa capacité de travail. B.Par jugement du 28 août 2005, le Tribunal de police du canton de Genève acondamné X.________, pour violation d'une obligation d'entretien, à la peine,complémentaire à une autre prononcée le 15janvier 2001, de 10 moisd'emprisonnement - et non 6 mois, comme le mentionne par inadvertance l'arrêtattaqué - avec sursis pendant 5 ans, au motif que celui-ci ne s'était pasacquitté de la pension alimentaire due pour son épouse. L'octroi du sursis aété subordonné à des règles de conduite, à savoir le versement à la partiecivile, soit le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensionsalimentaires (SCARPA) chargé de l'encaissement de la pension due à l'épouse,d'un montant mensuel de 1500 francs à titre de contributions courantes et,jusqu'à extinction de la créance, d'un montant mensuel de 500 francs à titred'arrièré de contributions impayées. Sur appel de X.________, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise,par arrêt du 3 mai 2004, a partiellement modifié ce jugement, en ce sensqu'elle a réduit à 1000 francs le montant mensuel à verser à la partie civileà titre de contributions courantes. C.Le 23 mai 2005, X.________ a déposé auprès de la Chambre pénale de la Cour dejustice une requête de modification des règles de conduite fixées parcelle-ci dans son arrêt du 3 mai 2004, produisant à l'appui diverses pièces,notamment des fiches de salaires, des avis de primes d'assurance-maladiecomplémentaire et un justificatif du loyer de son logement. Au cours de laprocédure, il a fait valoir, document à l'appui, qu'il avait versé une sommede 17'250 francs au SCARPA, la pièce produite ne contenant toutefois aucuneinformation quant à l'origine des fonds versés; il n'a par ailleurs pasfourni d'explications à ce sujet lors de l'audience du 24 octobre 2005. Par arrêt du 19 décembre 2005, la Chambre pénale a écarté la requête.Appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle s'est ditconvaincue que le requérant dissimulait certaines sources de revenus. Al'appui, elle a notamment relevé que le montant du salaire allégué (3080,55francs net selon les fiches de salaire produites) ne couvrait pas celui descharges incompressibles, pouvant être évalué à 3293,70 francs, du requérantet de sa nouvelle épouse, de sorte qu'il était difficilement compréhensibleque celui-ci puisse s'offrir une assurance-maladie complémentaire d'unmontant mensuel de 259,30francs; en outre, s'il était louable que lerequérant se soit acquitté le 14 octobre 2005 du montant de l'arrièré enfaveur du SCARPA, un tel geste n'était pas en adéquation avec les revenusqu'il disait tirer de son activité lucrative; le requérant n'avait parailleurs jamais fourni d'explications quant au fait qu'il n'exploitait pas sacapacité totale de travail depuis qu'il avait retrouvé le même emploi en2003, après s'être mis volontairement au chômage. Saisie d'un pourvoi de X.________, la Cour de cassation genevoise l'a rejetépar arrêt du 12 mai 2006, considérant comme infondés les griefs de violationdu droit d'être entendu et d'arbitraire dans l'appréciation des preuvessoulevés devant elle. D.X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Se plaignantd'une violation de son droit d'être entendu, d'une violation de laprésomption d'innocence et d'arbitraire, il conclut à l'annulation de l'arrêtattaqué, en sollicitant l'assistance judiciaire. Le Procureur général conclut au rejet du recours, sans formulerd'observations. L'autorité cantonale se réfère à son arrêt. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Aux termes de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est recevablequ'à l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale. Il endécoule notamment que seuls peuvent être soulevés dans un recours de droitpublic les griefs qui, pouvant l'être, ont été soumis à l'autorité cantonalede dernière instance, à moins que la cognition de cette dernière quant à cesgriefs ait été plus restreinte que celle du Tribunal fédéral saisi d'unrecours de droit public (ATF 126 II 377 consid. 8b p. 395 et les arrêtscités). 2.Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral ne peut entrer enmatière que sur les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisammentmotivés dans le recours (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid.1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid.1.6 p. 189). 3.Invoquant notamment l'art. 29 al. 2 Cst., le recourant se plaint d'uneviolation de son droit d'être entendu. Il fait valoir que la Chambre pénale,en retenant qu'il dissimulait des revenus, se serait fondée sur un état defait différent de celui retenu dans son précédent arrêt du 3 mai 2004, sansqu'il ait pu s'expliquer à ce sujet. 3.1 De l'arrêt attaqué et au demeurant de son recours cantonal, il ressortqu'en instance cantonale le recourant s'est exclusivement plaint d'uneviolation de son droit d'être entendu par la Chambre pénale au motif quecette dernière aurait retenu qu'il avait payé l'arrièré des contributionsdues à son épouse et les primes de l'assurance-maladie de base sans qu'il aitpu se déterminer à ce sujet. Il n'a en revanche pas fait valoir que laChambre pénale aurait violé la garantie qu'il invoque en retenant, sans qu'ilait pu s'expliquer à ce propos, le fait, selon lui nouveau, qu'il avaitdissimulé des revenus. Il ne démontre en tout cas pas l'avoir fait et neprétend pas que la Cour de cassation cantonale aurait omis de statuer surcette critique en violation de son droit d'être entendu. Tel qu'il estsoulevé dans le recours de droit public, le grief de violation du droitd'être entendu est donc nouveau et, partant, irrecevable. Au demeurant, contrairement à ce que soutient le recourant, le constat de laChambre pénale, selon lequel il dissimule des revenus, ne constitue pas unfait nouveau imprévisible. Appelée à se prononcer sur une modification desrègles de conduite, sollicitée par le recourant au motif que ses revenusavaient diminué, la Chambre pénale devait examiner ce qu'il en était, sur labase des éléments de preuve qui lui étaient soumis. A l'issue de cet examen,elle est parvenue à la conclusion que les revenus du recourant, tels qu'ilsrésultaient des éléments de preuve dont elle disposait, ne permettaient pasde s'expliquer son train de vie, qu'il dissimulait certains revenus et qu'iln'était dès lors pas établi qu'il ne puisse plus s'acquitter du montant qu'ilavait été astreint à verser. En retenant que le recourant dissimulait desrevenus, elle n'a donc fait qu'indiquer ce qui, au terme de l'examen auquelelle devait procéder, l'amenait à écarter la demande de modification desrègles de conduite. 4.Le recourant invoque une violation de la présomption d'innocence, garantiepar l'art. 32 al. 1 Cst., à raison d'un renversement du fardeau de la preuve. La règle selon laquelle le fardeau de la preuve incombe à l'accusation estune composante du principe "in dubio pro reo" découlant de la présomptiond'innocence. Il s'agit d'une garantie accordée dans la procédure pénale àtoute personne "jusqu'à ce qu'elle fasse l'objet d'une condamnation entrée enforce" (art. 32 al. 1 Cst.) ou, autrement dit, à l'accusé, comme le précisel'art. 6 ch. 2 CEDH, qui consacre une garantie similaire. Elle peut donc êtreinvoquée par celui qui fait l'objet d'une accusation en matière pénale,c'est-à-dire qui est exposé à un verdict de culpabilité ou à une sanction,même administrative ou disciplinaire si elle revêt un caractère punitif (cf.ATF 115 Ia 406 consid.3b/aa p. 409/410). Le recourant, qui a été condamnépar un jugement entré en force, ne peut donc s'en prévaloir dans le cadre dela présente procédure, qui porte, non pas sur une accusation en matièrepénale, mais sur la modification d'une règle de conduite. Le grief est parconséquent irrecevable. 5.Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. 5.1 De jurisprudence constante, il ne suffit pas, pour qu'il y aitarbitraire, que la décision attaquée apparaisse discutable ou mêmecritiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, et cela nonseulement dans sa motivation mais dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178). L'arbitraire allégué doit par ailleurs êtresuffisamment démontré, sous peine d'irrecevabilité (cf. supra, consid. 2). 5.2 Rien dans l'arrêt attaqué n'indique que la Cour de cassation cantonaleaurait été amenée à examiner si le salaire du recourant avait été arrêtéarbitrairement par la Chambre pénale, en particulier si cette dernière avaitméconnu que celui-ci bénéficie d'un treizième salaire, et le contraire n'estpas établi ni même allégué. Le recours sur ce point est par conséquentirrecevable, faute d'épuisement des instances cantonales. 5.3 En soi, la relation entre les revenus du recourant et le montant de sescharges était pertinente pour déterminer ce qu'il en était de sa capacité àpayer le montant qu'il avait été astreint à verser à titre de règle deconduite. Pour le surplus, il n'est pas établi que le montant des chargesincompressibles du recourant et de sa nouvelle épouse aurait été contesté eninstance cantonale, si ce n'est en prétendant que le recourant avait payé sesprimes d'assurance-maladie complémentaire, mais non ses primesd'assurance-maladie de base. Or, le recourant ne démontre pas en quoi ilétait manifestement insoutenable de considérer que cet argument n'était pasdéterminant, comme l'estime l'arrêt attaqué. Le recours, sur ce point, doitdès lors être rejeté autant qu'il est recevable. 5.4 Les juges cantonaux ont retenu que la nouvelle épouse du recourantconserve une capacité résiduelle de travail de 50 % et n'ont donc pas méconnule certificat médical du 20 octobre 2005, relatif à l'état de santé decelle-ci, produit par le recourant. S'agissant du fait que sa nouvelle épousen'exploite pas la capacité de travail qu'elle conserve, la Chambre pénale, enl'absence d'explications à ce sujet, pouvait, sans arbitraire, y voir unindice de ce que le couple n'est pas dans le besoin. Or le recourant nedémontre pas avoir fourni des explications quant à cette abstention devant laChambre pénale, que cette dernière les aurait méconnues et que la Cour decassation cantonale l'aurait nié arbitrairement. Il n'établit au demeurantpas que c'est en violation de ses droits constitutionnels que la Cour decassation cantonale n'aurait pas tenu compte d'explications qu'il auraitfournies pour la première fois devant elle. 5.5 Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir vu arbitrairementdans le fait qu'il travaille à 75 % pour le compte de la société A.________Sàrl un indice de ce qu'il pourrait en réalité travailler plus, pour avoirméconnu que la situation financière de cette société ne lui permettait pas del'engager à plein temps.Le recourant, après s'être mis volontairement au chômage, a retrouvé, en2003, son emploi auprès de la société précitée, à temps réduit toutefois,alors que, comme il l'admet, la situation de cette société était bénéficiaireen 2003, lorsqu'elle l'a réengagé. On ne saurait par ailleurs perdre de vuele procédé - décrit de manière détaillée sous let.d des pages 4 et 5 de ladécision de première instance et résumé dans l'arrêt attaqué -, par lequel lerecourant avait renoncé volontairement à son emploi, faisant nommer à sonposte la secrétaire de la société, avant de se faire réengager à tempspartiel. Dès lors, même si en 2004 la société qui l'emploie a essuyé despertes, ce dont il s'est d'ailleurs prévalu pour la première fois dans sonrecours cantonal, il n'était pas arbitraire de voir dans le fait qu'il netravaille qu'à temps réduit un indice de ce qu'il n'exploite pas son entièrecapacité de travail. Cela d'autant plus que le recourant, qui a déclaré desrevenus inférieurs à ses charges incompressibles, ne démontre pas ni même neprétend qu'il aurait jamais tenté de trouver un emploi complémentaire et seborne au reste à alléguer, sans l'établir, l'existence d'un lien de causalitéentre les pertes de A.________ Sàrl en 2004 et le fait qu'il travaille àtemps partiel. Le grief est dès lors infondé. 5.6 Le recourant s'en prend à un argument de l'autorité cantonale, selonlequel l'appréciation de la Chambre pénale fait écho à l'arrêt de la Cour dejustice du 18 mars 2005, dont il ressort que les juges civils avaient refuséde modifier le jugement de divorce en considérant, eux aussi, que lerecourant faisait état d'une situation financière artificielle, ne reflétantpas sa capacité contributive réelle. L'argument contesté n'a manifestement pas été déterminant; même s'il devaitêtre écarté, l'arrêt attaqué ne serait donc pas arbitraire dans son résultat.Au demeurant, le recourant allègue vainement que les juges civils avaient àexaminer sa situation financière entre 1997 et 2003, alors que l'autoritécantonale devait examiner sa situation financière au 23 mai 2005. Le sens del'arrêt attaqué, sur le point contesté, est de souligner que, dans le cadrede la procédure en modification du jugement de divorce, le juge civil avaitlui aussi été amené à constater que le recourant faisait état d'une situationfinancière artificielle. Il n'était pas arbitraire d'y voir un indicecorroboratif à l'appui du constat similaire de la Chambre pénale. Lerecourant n'établit d'ailleurs pas le contraire. 5.7 Au vu de ce qui précède, le grief d'arbitraire doit être rejeté dans lamesure où il est recevable. 6.Sous l'intitulé "pertinence
des faits contestés pour le jugement de lacause", le recourant déduit de son grief d'arbitraire qu'il ne peut êtrecontraint, sans violer l'art. 41 ch. 2 CP, de payer une quelconquecontribution au SCARPA. En vain toutefois, au vu du sort de son griefd'arbitraire. Au demeurant, la conclusion qu'il en tire revient à remettre encause la décision initiale fixant les règles de conduite, ce qu'il estirrecevable à faire dans le cadre de la présente procédure, de plus à raisond'une violation de la loi pénale, qui ne peut être invoquée dans un recoursde droit public (art. 269 PPF; art. 84 al. 2 OJ). 7.Le recours de droit public doit ainsi être rejeté dans la mesure où il estrecevable. Comme il était d'emblée dénué de chances de succès, l'assistancejudiciaire ne peut être accordée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant, quisuccombe, supportera les frais (art. 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 3.Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant ainsiqu'au Procureur général et à la Cour de cassation du canton de Genève. Lausanne, le 29 août 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.356/2006
Date de la décision : 29/08/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-29;1p.356.2006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award