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25/08/2006 | SUISSE | N°I.628/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 août 2006, I.628/05


Cause {T 7}I 628/05 Arrêt du 25 août 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Berset Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203Genève, recourant, contre K.________, intimée Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 18 juillet 2005) Faits: A.K. ________, née le 10 novembre 1977, ressortissante turque, est arrivée enSuisse avec ses parents le 3 septembre 1988. Dès fin septembre 1988, lesmédecins du département de pédiatrie de l'hôpital X.________ ont diagnostiquéune hypothyroïdie congénitale, suscep

tible d'entraîner un retard mental légeret des problèmes psycholo...

Cause {T 7}I 628/05 Arrêt du 25 août 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Berset Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203Genève, recourant, contre K.________, intimée Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 18 juillet 2005) Faits: A.K. ________, née le 10 novembre 1977, ressortissante turque, est arrivée enSuisse avec ses parents le 3 septembre 1988. Dès fin septembre 1988, lesmédecins du département de pédiatrie de l'hôpital X.________ ont diagnostiquéune hypothyroïdie congénitale, susceptible d'entraîner un retard mental légeret des problèmes psychologiques. Huit ans plus tard, en sus de cettesymptomatologie, les médecins du même département ont signalé la présenced'une énurésie périodique en 1990-1991, d'une hyperventilation anxieuse aveccrampes douloureuses dès l'âge de 17ans ainsi que d'une dysphagie auxsolides, lesquelles étaient probablement liées à des problèmes familiaux etaux difficultés d'adaptation culturelle (rapport du 20 mai 1996). De 1995 à 1997, K.________ a entrepris un apprentissage de coiffeuse qu'ellen'a pas mené à terme. Le 9 septembre 1997, elle s'est inscrite à l'Officecantonal de l'emploi de Genève (OCE) et a bénéficié d'un emploi temporairefédéral à A.________. Le 3 juin 1998, elle a été hospitalisée, en raison de troubles decomportement et de menaces suicidaires, au département de psychiatrie deY.________ (lésions auto-infligées avec des objets tranchants, projets dedéfenestration). Elle a expliqué au médecin psychiatre de l'hôpitalX.________ qu'elle avait été victime de viols pendant son enfance. L'examengynécologique ayant confirmé sa virginité, les médecins l'ont autorisée àquitter la clinique, le 11 juin 1998, et à se rendre en Turquie pour yrencontrer l'homme auquel ses parents la destinaient. Elle s'est mariée le 28juillet 1998 avec un compatriote et a mis au monde sa première fille ennovembre 1999. Le 20 septembre 2000, elle a déposé une demande de prestations del'assurance-invalidité auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invaliditéde Genève (OCAI) en sollicitant une orientation professionnelle, unreclassement dans une nouvelle profession et l'octroi d'une rente. L'OCAI a confié une expertise médicale au docteur U.________, spécialiste enmédecine interne, qui s'est adjoint le concours du docteur V.________,spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport du 11juin2002, le docteur U.________ a exposé que l'assurée avait une bonnecompréhension et s'exprimait de manière à être comprise, mais que l'anamnèseavait été difficile dans la mesure où l'assurée répondait difficilement auxquestions, où les plaintes étaient peu explicites, floues et où les détailsde la symptomatologie étaient presque impossibles à obtenir (réponses vagueset imprécises). Posant les diagnostics d'hypothyroïdie chronique de l'âgeadulte, partiellement et irrégulièrement traitée, de retard mental léger, delombalgie commune et de tétanie des mains par hyperventilation, il a concluque ces affections ne limitaient pas la capacité de travail de l'assurée.Pour sa part, le docteur V.________ a diagnostiqué un retard mental léger,vraisemblablement attribuable à l'hypothyroïdie congénitale, sans autretrouble mental. L'assurée possédait suffisamment de capacités cognitives etde jugement pour vivre de manière autonome. Cette pathologie n'empêchait pasl'assurée d'exercer à plein temps des métiers pratiques et simples auxquelsl'absence de formation professionnelle la conduisait (manutentionnaire,gardiennage, nettoyage, vente; rapport du 14 mai 2002). Faisant siennes lesconclusions des deux experts, le docteur L.________ du service médical del'assurance-invalidité (SMR) a estimé que l'assurée était en mesure detravailler à 100 % dans une activité simple, sans formation professionnelle,conditionnée par le retard mental léger et la petite taille (rapport du 4octobre 2002). Par décisions du 24 avril 2003, l'OCAI a nié le droit de K.________ à unerente d'invalidité ainsi qu'à des mesures professionnelles. Par acte du 26mai 2003, l'assurée s'est opposée à cette décision en se prévalant de deuxrapports des 17 juillet et 28 août 2003 du docteur M.________, médecintraitant. Ceux-ci ont donné lieu à une nouvelle prise de position du docteurL.________ à l'issue d'un entretien avec le médecin de l'intéressée(compte-rendu du 7 avril 2004). Par décision du 7 juin 2004, l'OCAI a rejetél'opposition de l'assurée. B.Par acte du 21 juin 2004, K.________ a recouru contre cette décision devantle Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève en concluantà l'octroi d'une rente d'invalidité. A l'appui de ses conclusions, elle invoquait, notamment, un certificat dudocteur F.________, médecin au département de psychiatrie de l'hôpitalX.________, attestant d'une incapacité de travail de 100 % dès le 1er avril2004. Après instruction sur ce point, la doctoresse N.________ du SMR aconclu que l'assurée n'avait pas subi de péjoration de son état de santépsychique depuis l'expertise du docteur V.________. Les diagnostics retenuspar le docteur F.________ n'étaient pas définitifs; ce médecin n'avait pasvoulu se prononcer sur la capacité de travail exigible; l'incapacité detravail à 100 % attestée par le docteur F.________ pouvait s'expliquer parles liens de confiance qui unissaient la patiente à son psychiatre traitant(rapport du 4 août 2004). A la demande de la juridiction cantonale, ledocteur F.________ a précisé, le 28 octobre 2004, que l'assurée présentaitune incapacité totale de travail depuis mai 2003 attribuable à un troubledépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques chezune personnalité émotionnellement labile, type impulsif. Il a ajouté quel'état de santé de sa patiente s'était aggravé depuis l'expertise du docteurV.________. La juridiction cantonale a confié une expertise psychiatrique au docteurB.________, lequel a estimé à 50 % la capacité de travail actuelle del'assurée (rapport du 9 avril 2005). Les conclusions de l'expert judiciaireont été contestées par l'OCAI à l'appui d'une détermination du 3 mai 2005 dela doctoresse N.________. Le 30 mai 2005, le docteur B.________ a rendu uncomplément d'expertise. Par jugement du 18 juillet 2005, la juridiction cantonale a admispartiellement le recours au sens des considérants. Elle a annulé la décisionsur opposition du 7 juin 2004 et reconnu le droit de l'assurée à unedemi-rente d'invalidité dès le 1er mars 2004. C.L'OCAI interjette recours de droit administratif contre ce jugement enconcluant à son annulation. Invitée à se prononcer, l'assurée a conclu au rejet du recours. Quant àl'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), il propose l'admission durecours. Considérant en droit: 1.Est litigieux en l'espèce le droit de l'intimée à une rente d'invalidité,plus particulièrement l'incidence des troubles qu'elle présente sur sacapacité de travail. 1.1 Le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment oùles faits juridiquement déterminants se sont produits, étant précisé que lejuge n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou del'état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse(ATF 129 V 4 consid. 1.2). Par conséquent, le droit à une rente del'assurance-invalidité doit être examiné au regard de l'ancien droit pour lapériode jusqu'au 31décembre 2002 et, après le 1er janvier 2003,respectivement le 1erjanvier 2004, en fonction des nouvelles normes de laLPGA et des modifications de la LAI consécutives à la 4ème révision de cetteloi (ATF 130 V 455 et les références; voir également ATF 130 V 329).Toutefois, les principes développés par la jurisprudence en matièred'évaluation de l'invalidité conservent leur pertinence, que ce soit sousl'empire de la LPGA ou de la 4ème révision de la LAI (ATF 130 V 348 consid.3.4), de sorte que l'on peut renvoyer au jugement entrepris sur ce point. 1.2 La loi fédérale du 16 décembre 2005 modifiant la loi fédérale surl'assurance-invalidité est entrée en vigueur le 1er juillet 2006 (RO 20062003) apportant des modifications concernant notamment la procédure conduitedevant le Tribunal fédéral des assurances (art.132 al. 2 et 134 OJ).Toutefois, le présent arrêt n'est pas soumis au nouveau droit, du moment quele recours de droit administratif a été formé avant le 1er juillet 2006 (ch.II let. c des dispositions transitoires relatives à la modification du 16décembre 2005). 2.Au plan somatique, on doit admettre que la capacité de travail est entière,au regard du rapport du 11 juin 2002 du docteur U.________. Selon lesconclusions de l'expert, en ce qui concerne l'hypothyroïdie, on pouvaitexclure les limitations; la capacité de travail était entière. En regard desplaintes douloureuses, exprimées au niveau de la région lombaire, àl'anamnèse, il n'y avait aucune limitation objective, au status, aucuneraideur relevée dans l'examen de la colonne dorso-lombaire; en l'absence delimitation comme d'anomalie radiologique, il n'y avait pas lieu de retenird'entrave à la capacité de travail. Les crampes douloureuses des mains ontfait l'objet d'un bilan approfondi; elles ont été imputées à un étatémotionnel exacerbé et mises en relation avec une hyperexcitabiliténeuro-musculaire de type tétanie par hyperventilation; ces manifestationsétaient occasionnelles et transitoires, elles ne pouvaient être retenuescomme limitation à la capacité de travail. A l'issue de l'expertise, onpouvait retenir une capacité de travail de 100%, exigible dans un emploisimple et pratique, en raison de l'absence de formation et de compétitivitédu sujet. 2.1 Sous l'angle psychique, la juridiction cantonale a repris à son compteles conclusions de l'expertise judiciaire et retenu que l'intimée souffraitd'une atteinte à la santé psychique réduisant sa capacité de travail à 50 %,dès mars 2003. Toutefois, elle a retenu que cette incapacité devaitdisparaître, «moyennant un suivi régulier durant une année de traitementprescrit», dès avril 2006, soit une année après la date de l'expertisejudiciaire. 2.2 L'OCAI critique la valeur probante de l'expertise judiciaire, plusparticulièrement le taux d'incapacité de travail de 50% fixé par le docteurB.________. Il invoque l'imprécision des diagnostics de l'expert et l'absenced'éléments objectifs en faveur d'une aggravation de l'état de santé psychiquede l'assurée depuis l'expertise du docteur V.________. Mettant l'accent surle peu de gravité des atteintes à la santé selon les dires mêmes de l'expertjudiciaire, il considère que celles-ci ne justifient pas le taux d'incapacitéde travail de 50 %. Il ajoute que la problématique psychique est attribuableen grande partie à des facteurs étrangers à l'invalidité (migration,problèmes familiaux et conjugaux, facteurs socio-culturels), si bien que detoute manière les diagnostics retenus ne sauraient avoir valeur de maladie ausens des art. 8 LPGA et 4 LAI. A son avis, même si l'expertise judiciairedevait être considérée comme pleinement probante, il se justifierait des'écarter de la capacité de travail fixée par son auteur en l'absenced'atteinte à la santé invalidante au sens de la loi. L'OCAI reproche en outreau docteur B.________ de n'avoir pas tenu compte, dans son estimation, durefus constant de l'assurée de suivre un traitement médical, alors qu'au direde ce médecin, la prise régulière d'un seul médicament aurait pu soignerefficacement non seulement la dépression, mais également le trouble anxieux(soit les deux affections principales retenues par l'expert judiciaire). 2.3 L'OFAS s'en prend également à l'expertise et à l'appréciation de celle-cipar les premiers juges. Il expose qu'une analyse des pièces du dossier parson service médical conclut sans ambiguïté à l'absence d'atteinte à la santéinvalidante. Il fait grief au docteur B.________ d'avoir estimé à 50 % lacapacité de travail de l'assurée, alors que dans le même temps l'expertjudiciaire laisse entendre que cette capacité serait entière si l'intéresséeavait suivi les traitements proposés par ses médecins traitants. 3.3.1En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs desconclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étantprécisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de lajustice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné.Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'uneexpertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ouqu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions demanière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent desopinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence desdéductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétationdivergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, uneinstruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale(ATF125V352 consid.3b/aa et les références). 3.2 Selon l'expertise du docteur B.________, l'intimée souffre, au sens de laCIM-10, de douleurs somatoformes (à l'exclusion d'un trouble somatoformedouloureux), de dépression, d'anxiété et de trouble de la personnalité. Dansles réponses aux questions (chapitre6 de l'expertise), sous «diagnosticsavec influence essentielle sur la capacité de travail», l'expert retient untrouble dépressif récurrent, épisode actuel léger à moyen et un troubleanxieux «pour le moment non spécifié». Les limitations dues à ces deuxtroubles concernent les capacités cognitives (attention, motivation),physiques (fatigue) et comportementales (capacité d'autonomie). Au titre de«diagnostics sans influence essentielle sur la capacité de travail»,l'expert évoque un retard mental léger, une dysthymie et un probable troublemixte de la personnalité (traits passifs-agressifs et borderline). Examinantchacun de ces diagnostics sous l'angle de la répercussion sur la capacité detravail (fin du chapitre 5), l'expert précise que la dysthymie est un étatsub-dépressif en principe non incapacitant. Le trouble dépressif récurrentpeut entraîner des incapacités de travail temporaires (quelques semaines),partielles ou totales en cas d'épisode dépressif moyen ou sévère, ou parfoisdes incapacités de longue durée lorsque les épisodes dépressifs résistent autraitement ou laissent peu d'intervalles libres de dépression. Or ce n'étaitpas le cas ici, l'expertisée n'ayant jamais réellement présenté d'épisodedépressif sévère durable ou résistant au traitement. Le trouble de lapersonnalité, qui n'est pas en soi invalidant, n'était pas sévère puisqu'à cejour une seule crise était documentée, celle de 1998, survenue juste avant lemariage de l'assurée. Quant au trouble anxieux, qui était probablement leplus limitant des troubles, il était difficile de le préciser et de leconsidérer comme invalidant. Pour autant que la patiente accepte des'investir davantage dans l'exploration de ses troubles et dans leurtraitement, il devrait être possible
d'en préciser la nature et d'appliquerle traitement approprié. Le refus de l'assurée était dommageable car letraitement proposé pouvait être efficace non seulement sur la dépression maiségalement sur le trouble anxieux. En tenant compte de l'ensemble des troublespsychiques, des limitations cognitives et comportementales que ceux-cientraînaient, il paraissait raisonnable à l'expert d'estimer la capacité detravail à 50%. Avec un traitement bien suivi et bien investi, la capacité detravail pourrait être portée à 100%. Dans le complément d'expertise requis par la juridiction cantonale du 30 mai2005, l'expert précise que le trouble dépressif est documenté à partir demars 2003. Le trouble anxieux était difficile à cerner et à dater carl'anamnèse était floue et la symptomatologie peu documentée. Lesrépercussions fonctionnelles de la dépression et de l'anxiété étaient duesaux manifestations cognitives et comportementales de ces troubles, communesaux deux affections: fatigue physique et mentale, difficulté de concentrationet de mémoire, résistance diminuée aux stress quotidiens, comportementd'évitement; ces facteurs contribuaient à diminuer l'endurance à l'effort etla capacité d'assumer les exigences d'un travail régulier. Le troubleanxieux, en dépit de sa nature non définie, était bien réel et motivait, entenant compte de l'ensemble des troubles psychiques, une incapacité detravail «actuelle» de 50 %. L'expert n'avait guère de doute quant àl'existence d'un trouble anxieux sérieux, même si la nature exacte du troublerestait à préciser; en revanche, en l'absence de pronostic fondé sur undiagnostic précis, il était hasardeux de considérer le trouble anxieux commeinvalidant. A la question de savoir en quoi son appréciation se distinguaitde celle du docteur V.________, l'expert a répondu que le trouble dépressifs'était aggravé dans l'intervalle et que son évaluation du trouble anxieuxétait différente de celle de son confrère. Par ailleurs, tous les diagnosticsretenus selon la CIM-10 étaient distincts les uns des autres. 3.3 On doit convenir avec l'office recourant que les conclusions de l'expertjudiciaire, relatives à l'incapacité de travail de la recourante en raisondes troubles psychiques dont elle souffre, ne sont pas convaincantes. Toutd'abord, elles se concilient mal avec les observations de son auteur. Dans lecadre d'un examen systématique des affections, le docteur B.________ s'estemployé à expliquer en quoi les diagnostics retenus devaient être minimiséset a exposé qu'aucun d'entre eux n'était réellement invalidant, tout enconcluant que la pathologie psychique justifiait une incapacité de travailactuelle de 50%. Les explications données sur ce point dans le complémentd'expertise, apparaissent certes différenciées, mais sont peucompréhensibles. L'expert ne semble lui-même pas très convaincu de sonestimation puisqu'il utilise la formule «il me paraît raisonnable d'estimerla capacité de travail actuelle à 50 %». Il n'a d'ailleurs pas caché ladifficulté à évaluer l'état de santé de l'assurée et sa répercussion sur lacapacité de travail. Il a énuméré les différents problèmes auxquels il avaitété confronté: obstacle linguistique et intellectuel, importance des facteursextra-médicaux, en particulier socio-culturels, contradictions décelablesdans la masse d'informations disponibles, complexité de la pathologie,notamment dépressive, écart entre les plaintes subjectives et lesconstatations objectives. Au vu des nombreux facteurs étrangers àl'invalidité, il eût incombé à l'expert de se prononcer sur leur incidencedans le cadre de son évaluation globale. Cette omission est d'autant plussujette à caution que le docteur B.________ a évoqué une personnalité quisavait utiliser au mieux les problèmes psychiques auxquels elle pouvait êtreconfrontée: «On peut dire que l'expertisée a été et est encore victime d'uncontexte défavorable et maltraitant: négligence de sa maladie thyroïdienne,probable maltraitance familiale physique et peut-être sexuelle, migration etchoc culturel; aujourd'hui difficulté de devoir assumer les exigences dustatut traditionnel d'une femme musulmane et en même temps celles d'une femmeoccidentale autonome. Si elle est donc certainement victime, elle est unevictime agissante dans la mesure où, depuis des années, elle est activementpassive et réussit, sous peine de crises, à déléguer à son entouragel'essentiel de ses tâches ménagères, et faire pression sur ses médecins pourobtenir des certificats médicaux.». Cette description rejoint celle qu'en afaite la doctoresse G.________, spécialiste traitante en endocrinologie, audocteur U.________ au cours d'un entretien du 26 février 2002. Selon cettepraticienne, elle s'est organisée avec sa maladie, en joue et veut en tirerpartie; ainsi dès le début, en mai 1996, la patiente l'a informée qu'elle«ne pourrait pas travailler»; lors des consultations, elle donnaitl'impression de venir essentiellement pour les arrêts de travail. On ajouteraque l'expert judiciaire n'a pas tenu compte non plus de l'écart entre lesplaintes subjectives et les constatations objectives ni d'ailleurs du désirde l'assurée de se voir octroyer une rente, quand bien même ces pointsétaient évoqués au dossier et constituaient un des principaux griefs del'office recourant sur lesquels les premiers juges l'avaient invité à sedéterminer. En sus d'être peu convaincante, l'expertise apparaît dès lorslacunaire. En outre, le docteur B.________ n'a rien déduit du refussystématique de l'assurée de s'investir dans un traitement susceptibled'augmenter sa capacité de travail à 100 %. On peut aussi s'interroger sur lebien-fondé du diagnostic de retard mental léger, dans la mesure où l'expertlui-même a déclaré que le raisonnement de l'assurée lui semblait nuancé etqu'il n'avait pas perçu dans le contact la naïveté puérile qu'on pouvaitrencontrer dans cette pathologie. L'ensemble de ces éléments conduit à mettresérieusement en doute la pertinence des conclusions de l'expert judiciaire. Au vu de ces éléments, c'est à juste titre que l'OCAI conteste que larecourante présente une incapacité de travail de 50 % en raison de sasymptomatologie ou qu'elle ait subi une aggravation de ses troubles ayant uneincidence sur sa capacité de travail depuis l'expertiseU.________/V.________. Il s'ensuit que la décision sur opposition du 7 juin 2004 est conforme audroit fédéral. Le recours de l'OCAI s'avère dès lors bien fondé. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du 18 juillet 2005 du Tribunal cantonaldes assurances sociales de Genève est annulé. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 25 août 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.628/05
Date de la décision : 25/08/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-25;i.628.05 ?
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