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24/08/2006 | SUISSE | N°5C.49/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 août 2006, 5C.49/2006


5C.49/2006 /frs{T 0/2} Arrêt du 24 août 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl.Greffière: Mme Mairot. X. ________, (époux),demandeur et recourant, représenté par Me Vincent Solari, avocat, contre dame X.________, (épouse),défenderesse et intimée, représentée par Me Pierre Siegrist, avocat, divorce, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 16 décembre 2005. Faits: A.A.a X.________, né le 23 octobre 1949, et dame X.________, née le 15 janvier1956, se sont mariés le 17 février 1979 à

Genève, en adoptant le régime de laséparation de biens. Trois enfan...

5C.49/2006 /frs{T 0/2} Arrêt du 24 août 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl.Greffière: Mme Mairot. X. ________, (époux),demandeur et recourant, représenté par Me Vincent Solari, avocat, contre dame X.________, (épouse),défenderesse et intimée, représentée par Me Pierre Siegrist, avocat, divorce, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 16 décembre 2005. Faits: A.A.a X.________, né le 23 octobre 1949, et dame X.________, née le 15 janvier1956, se sont mariés le 17 février 1979 à Genève, en adoptant le régime de laséparation de biens. Trois enfants sont issus de leur union: A.________, néle 14 mars 1983, B.________, né le 4 mai 1985, et C.________, née le 17 juin1989. Les parties vivent séparées depuis mars 1998. En décembre 1998, l'épouse a formé une demande en divorce, qui a été rejetéepar un jugement du 30 mars 2000 confirmé par la Cour de justice du canton deGenève le 8 décembre 2000, le mari s'opposant au divorce et la condition dudélai de quatre ans de séparation alors prévue par la loi n'étant pasréalisée. Dans cette procédure, le Tribunal de première instance du canton de Genève,statuant sur mesures provisoires le 21 mai 1999, avait attribué la garde destrois enfants à l'épouse, réservé un droit de visite usuel au mari etcondamné celui-ci à verser, pour l'entretien de sa famille, la somme de10'000 fr. par mois. Vu l'échec de la procédure en divorce, l'épouse a sollicité le prononcé demesures protectrices de l'union conjugale. Par jugement du 30 novembre 2001,le Tribunal de première instance lui a attribué la jouissance du domicileconjugal ainsi que la garde de B.________ et de C.________; il a en outreréservé le droit de visite du père et condamné celui-ci à versermensuellement en faveur de chacun de ses enfants encore mineurs unecontribution d'entretien d'un montant de 2'000 fr. A.b Par actes du 7 juillet 2004, respectivement du 15 juillet suivant, lemari et l'épouse ont demandé le divorce séparément. Les deux causes ont étéjointes par jugement du 21 septembre 2004. Statuant le 19 mai 2005, le Tribunal de première instance a prononcé ledivorce, attribué à l'épouse l'autorité parentale et le droit de garde surl'enfant C.________, réservé au mari un droit de visite usuel et condamnécelui-ci à verser pour l'entretien de sa fille une contribution d'un montantde 2'800 fr. par mois jusqu'à sa majorité, voire au-delà en cas de formationou d'études sérieuses et suivies, dit qu'il n'y avait pas lieu de procéder aupartage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par le mari durantle mariage, compensé les dépens et débouté les parties de toutes autresconclusions. B.Par arrêt du 16 décembre 2005, la Cour de justice a augmenté le montant de lacontribution d'entretien en faveur de l'enfant à 3'500 fr. par mois, ordonnéle partage par moitié des avoirs LPP accumulés par le mari durant le mariageet transmis le dossier au Tribunal cantonal des assurances sociales pourqu'il fixe le montant des prestations de sortie de l'intéressé et procède aupartage. Les dépens d'appel ont en outre été compensés et les partiesdéboutées de toutes autres conclusions. C.Le mari exerce un recours en réforme contre cet arrêt. Il conclut à ce que lemontant de la contribution à l'entretien de sa fille soit limité à 2'800 fr.par mois et à ce qu'il soit dit que les avoirs de prévoyance professionnellequ'il a accumulés pendant le mariage ne seront pas partagés. Une réponse n'a pas été requise. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60 et les arrêts cités). 1.1 Déposé en temps utile - compte tenu de la suspension des délais prévuepar l'art. 34 al. 1 let. c OJ - contre une décision finale prise en dernièreinstance cantonale par le tribunal suprême du canton, le recours est ouvertau regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. La valeur litigieuse estatteinte, en sorte qu'il est aussi recevable de ce chef (art.46 OJ). 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt surles faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, àmoins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient étéviolées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede fait pertinents en violation de la maxime inquisitoire (art. 64 OJ; ATF130 III 102 consid. 2.2 p.106). Hormis ces exceptions, il ne peut êtreprésenté de griefs contre les constatations de fait - ou l'appréciation despreuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 130 III 136 consid.1.4 p.140; 129 III 320 consid. 6.3 p. 327) - ni de faits ou de moyens depreuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dans la mesure où le recourant s'écarte des faits constatés par l'arrêtentrepris, les complète ou les modifie, son recours est par conséquentirrecevable. Tel est notamment le cas lorsqu'il affirme que la fortune del'intimée serait de l'ordre de 15'000'000 fr. 2.Le recourant soutient que le montant de la contribution d'entretien qu'ildoit verser en faveur de sa fille ne saurait excéder 2'800 fr. par mois, aulieu des 3'500 fr. fixés par la Cour de justice. Il se plaint à cet égardd'une violation des art. 277 al. 2 et 285 al. 1 CC. La somme mise à sa chargeporterait en outre atteinte au principe de l'égalité de traitement entre sestrois enfants. 2.1 Selon l'art. 285 al. 1 CC - auquel renvoie l'art. 133 al. 1 CC -, lacontribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'àla situation et aux ressources des père et mère, compte tenu de la fortune etdes revenus de l'enfant, de même que de la participation de celui des parentsqui n'a pas la garde de l'enfant à la prise en charge de ce dernier. Ces différents critères doivent être pris en considération; ils exercent uneinfluence réciproque les uns sur les autres. Ainsi, les besoins de l'enfantdoivent être examinés en relation avec les trois autres éléments évoqués etla contribution d'entretien doit toujours être dans un rapport raisonnableavec le niveau de vie et la capacité contributive du débirentier (ATF 116 II110 consid. 3a p. 112). Lorsque les parents s'accordent un train de vieparticulièrement élevé, les besoins de l'enfant seront en principe estimés demanière plus généreuse (ATF 120 II 285 consid. 3b/bb p. 291; 116 II 110consid. 3b p. 113/114). Celui des parents dont la capacité financière estsupérieure est par ailleurs tenu, suivant les circonstances, de subvenir àl'entier du besoin en argent si l'autre remplit son obligation à l'égard del'enfant essentiellement en nature (ATF 120 II 285 consid. 3a/cc p. 289/290).Lorsque plusieurs enfants ont droit à une contribution d'entretien, leprincipe de l'égalité de traitement entre eux doit en outre être respecté(ATF 127 III 68 consid. 2c p. 70; 126 III 353 consid. 2b p. 357 et les arrêtscités). Le montant de la contribution d'entretien est laissé, pour une partimportante, à l'appréciation du juge du fait (art. 4 CC). Le Tribunal fédéralfait montre de réserve en cette matière: il n'intervient que si le jugecantonal a pris en considération des éléments qui ne jouent pas de rôle ausens de la loi ou a omis de tenir compte de facteurs essentiels, ou bienencore si, d'après l'expérience de la vie, le montant arrêté apparaîtmanifestement inéquitable au regard des circonstances (ATF 116 II 103 consid.2f/cc p. 110; 107 II 406 consid. 2c p. 410). 2.2 L'arrêt déféré retient que le recourant réalise, en tant qu'analystefinancier, un revenu annuel net de plus de 400'000 fr., bonus et couverturede primes d'assurance maladie compris, auquel il convient d'ajouter 50'860fr. d'indemnité de frais de représentation, ce qui représente au total plusde 450'000 fr. par an. La situation financière particulièrement aisée dudébirentier lui permet donc d'assumer la contribution de 3'500 fr. par moisréclamée pour l'entretien de sa fille. Ce montant, qui représente moins de10% de son salaire mensuel, se situe en deçà des normes jurisprudentielles -de surcroît applicables pour un revenu moyen, de l'ordre de 4'500 fr. à 6'500fr. en 1999 (cf. Micheli et al., Le nouveau droit du divorce, 1999, p. 80 n.26) - qui prévoient que la contribution d'entretien en faveur d'un seulenfant correspond ordinairement à 15% du revenu net du débirentier. Quant auxtabelles zurichoises évaluant, dès le 1er janvier 2005, les besoins d'unenfant à 2'020 fr. par mois de l'âge de 13 ans à la majorité, elles sefondent sur un revenu moyen de 7'000 fr. à 7500 fr. L'autorité cantonale aconsidéré à bon droit que, vu le milieu très aisé dans lequel évoluaientC.________ et ses parents, et compte tenu du fait que la jeune fille avait denombreuses activités en dehors du cadre scolaire, il convenait de retenir,dans le cas particulier, un montant supérieur à celui préconisé par cesméthodes; le père estimait du reste lui-même le coût d'entretien de sa filleà 3'000 fr. par mois. 2.3 Dès lors que les juges cantonaux se sont expressément référés aux barèmesappliqués par les tribunaux pour estimer les besoins de l'enfant, lerecourant objecte en vain qu'ils se seraient uniquement basés sur ses revenuspour déterminer la pension. De même, il ne saurait être suivi lorsqu'ilreproche à la Cour de justice de ne pas s'être fondée sur un budget pourtenir compte des besoins réels de sa fille, lesquels n'ont pu selon luiaugmenter de 75% (soit de 2'000 fr. à 3'500 fr.). En effet, dans la procédurede divorce, le juge doit fixer le montant de la contribution d'entretien pourl'avenir et n'est donc pas lié par la décision sur mesures protectrices del'union conjugale. Pour déterminer les besoins réels de l'enfantbénéficiaire, il n'est pas obligé de se référer à un budget concret, maispeut procéder (comme exposé ci-dessus) schématiquement, selon des tabelles oudes pourcentages, et augmenter les besoins moyens en fonction de la situationfinancière très favorable des parents. De plus, contrairement à ce qu'estimele recourant, la contribution ne doit pas seulement couvrir les frais denourriture, d'assurances, d'habillement et de loisirs, mais aussi delogement, même si la jeune fille habite chez sa mère. Compte tenu de lasituation financière des parents et de leurs ressources respectives, dont lejuge doit également tenir compte, il est en l'occurrence conforme au droitfédéral de mettre l'entier de l'entretien à la charge du père. Quant à l'augmentation du montant de la contribution par rapport à celui fixéen mesures protectrices, il convient de relever que C.________ était àl'époque âgée de 12 ans alors qu'elle a désormais 17 ans. En outre, selon lesconstatations de l'autorité cantonale, le père lui-même estime le coût de sonentretien à 3'000 fr. par mois, la mère considérant que les besoins de safille ont été sous-évalués. Vu les circonstances de l'espèce, il y a lieud'admettre que le montant de 2'000 fr. par mois fixé en mesures protectricesne permettait pas de couvrir les besoins réels auxquels la jeune fille peutprétendre compte tenu de la situation financière de ses parents et qu'elle adû soit se restreindre, soit obtenir de sa mère ou de tiers qu'ils complètentson entretien. Il résulte certes des déclarations du recourant qu'il continue de verser àchacun de ses fils, âgés de 21 et 23 ans, une somme de 2'000 fr. par moispour leur entretien. Rien n'empêcherait toutefois l'intéressé d'augmenter lesmontants qu'il prétend leur verser afin qu'ils ne soient pas lésés parrapport à leur soeur. Autant que la question continue de se poser, les filsdu recourant étant désormais majeurs, le principe de l'égalité de traitemententre enfants d'un même débiteur n'apparaît donc pas violé. De surcroît,l'entretien d'un enfant mineur et celui d'un enfant majeur ne sont pascomparables. Enfin, la Cour de justice a considéré à juste titre qu'ilappartiendrait le cas échéant aux deux fils d'intenter action si l'entretienqu'ils reçoivent ne suffisait pas à couvrir leurs frais. Au demeurant,l'arrêt entrepris retient qu'en plus des montants précités, le recourantassure le gîte et le couvert à l'aîné, son second fils venant pour sa partrégulièrement chez lui; pour l'autorité cantonale, il n'apparaît pas exclu,selon le cours ordinaire des choses, qu'il participe en outre à certainsfrais des deux jeunes étudiants (tels que le loyer, l'assurance-maladie, letransport, etc.), dont le budget est vraisemblablement plus élevé que les2'000 fr. allégués. Le recourant ne conteste pas le versement de prestationsen nature; il se contente de les qualifier de limitées et d'affirmer, sansautre précision, qu'en raison de leur âge, ses fils ont des besoins accruspar rapport à leur soeur, ce qui n'apparaît guère convaincant.Le recourant reproche aussi à l'autorité cantonale de lui faire supporterindûment l'intégralité de la charge d'entretien de sa fille au motif qu'ellene le voit quasiment plus, de sorte que sa mère s'en occuperait seule et àplein temps. Cette appréciation méconnaîtrait la capacité financière del'intimée, son absence totale de contribution à l'entretien de ses fils ainsique l'âge de sa fille, laquelle ne requerrait pas de soins particuliers. Selon les constatations de l'arrêt entrepris, l'intimée est propriétaire deplusieurs immeubles, dont l'appartement conjugal de 9,5 pièces; elle disposeen outre d'une fortune mobilière qui a généré, entre 1989 et 1999, un revenumoyen de l'ordre de 135'000 fr. par an. De son côté, le recourant possédait,à fin 2003, des comptes personnels pour 51'534 fr. et des valeurs mobilièresd'un montant de 81'168 fr.; il a par ailleurs acquis deux appartements -certes hypothéqués - et retire de son activité professionnelle un revenuannuel net de plus de 450'000fr. Si la situation financière de l'intiméeparaît pour le moins aisée, les revenus du recourant sont toutefois nettementsupérieurs aux siens. Elle doit en outre contribuer seule à son propreentretien. Même si sa fille ne requiert plus, vu son âge, une éducation etdes soins aussi étendus qu'auparavant, il n'en demeure pas moins que la priseen charge d'une jeune fille de 17 ans exige une attention et unedisponibilité importantes. Il est de plus établi que la mère s'en occupeseule et à plein temps, l'adolescente ne voyant quasiment plus son père. Endéfinitive, la cour cantonale est restée dans les limites du pouvoird'appréciation que lui confère l'art. 285 al. 1 CC. 3.Dans un autre grief, le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoirrefusé d'appliquer l'art. 123 al. 2 CC, malgré la disproportion entre lessituations patrimoniales respectives des parties. Il affirme que l'intiméen'a jamais eu l'intention de travailler vu la fortune considérable dont ellea hérité, de l'ordre de 15'000'000 fr., alors qu'il ne disposerait que d'unefortune nette inférieure à 500'000 fr. Il expose en outre qu'étant désormaisen
fin de carrière, il ne pourra pas reconstituer le montant de sa prévoyanceprofessionnelle, ce d'autant qu'il continuera de consacrer, durant plusieursannées encore, une part importante de ses revenus à l'entretien de sesenfants. La Cour de justice aurait par ailleurs dû prendre en compte lapossibilité pour l'intimée de louer l'appartement de 9,5 pièces qu'elleoccupe, lorsque sa fille aura quitté le foyer maternel, ou l'une ou l'autrede ses résidences secondaires, ainsi que les confortables plus-valuesgénérées par son portefeuille immobilier. Pour sa part, il ne pourraitbénéficier de tels revenus, car il doit financer ses emprunts hypothécaireset n'a pratiquement pas de patrimoine immobilier. Enfin, ses rachats deprévoyance devraient être exclus de tout partage, dès lors que les épouxétaient mariés sous le régime de la séparation de biens. 3.1 Les prestations de sortie de la prévoyance professionnelle des épouxdoivent en principe être partagées entre eux par moitié (art. 122 CC).Exceptionnellement, le juge peut refuser le partage, en tout ou en partie,lorsque celui-ci s'avère manifestement inéquitable pour des motifs tenant àla liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des épouxaprès le divorce (art. 123 al. 2 CC). Selon l'intention du législateur, la prévoyance professionnelle constituéependant la durée du mariage doit profiter aux deux conjoints de manièreégale. Ainsi, lorsque l'un des deux se consacre au ménage et à l'éducationdes enfants et renonce, totalement ou partiellement, à exercer une activitélucrative, il a droit, en cas de divorce, à une partie de la prévoyance queson conjoint s'est constituée durant le mariage. Le partage des prestationsde sortie a pour but de compenser sa perte de prévoyance et doit luipermettre d'effectuer un rachat auprès de sa propre institution deprévoyance. Il tend également à promouvoir son indépendance économique aprèsle divorce. Il s'ensuit que chaque époux a normalement un droitinconditionnel à la moitié des expectatives de prévoyance constituées pendantle mariage. Seules des circonstances économiques postérieures au divorcepeuvent justifier le refus du partage, circonstances que le juge doitapprécier en appliquant les règles du droit et de l'équité (ATF 129 III 577consid. 4.2.1 et 4.2.2 p. 578 avec les références). L'art. 123 al. 2 CC doit être appliqué de manière restrictive, afin d'éviterque le principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance ne soit vidéde son contenu (Baumann/Lauterburg, FamKomm Scheidung, Berne 2005, n. 59 adart. 123 CC). Le refus du partage est par exemple justifié lorsque l'épouseexerçant une activité lucrative a financé les études du mari, lui donnantainsi la possibilité de se constituer à l'avenir une meilleure prévoyance quela sienne (FF 1996 I 101 ss, spéc. 107). La fortune de l'époux créancier neconstitue pas un motif d'exclusion du partage par moitié; celui-ci n'estinéquitable, au sens de l'art. 123 al. 2 CC, que s'il apparaît manifestementchoquant, absolument inique ou encore, complètement insoutenable (Baumann/Lauterburg, op. cit., loc. cit.).3.2 Il résulte des constatations de l'arrêt entrepris que pendant la durée dumariage (à savoir vingt-six ans, dont dix-neuf ans de vie commune), l'épouses'est consacrée au ménage et à l'éducation des enfants. Compte tenu de sonâge (50 ans), du fait qu'elle n'a jamais exercé d'activité lucrative et ducaractère désormais obsolète de sa formation de mathématicienne, sesperspectives professionnelles et ses espérances salariales sontparticulièrement limitées. Elle dispose cependant d'une fortune, héritée desa tante en 1972, qui se compose principalement de titres, de l'appartementconjugal de 9,5 pièces et d'un studio situés à Genève, d'un appartement àCannes (France) ainsi que d'un chalet à Villars (VD), acquis en 1995. Letableau établi par sa fiduciaire indique que sa fortune mobilière, quis'élevait à 3'829'358 fr. en 1989, a régulièrement augmenté pour atteindre5'901'603 fr. en 1997. Selon ses déclarations fiscales, elle a ensuite évoluéde 5'580'155 fr. en 1998 à 6'936'722 fr. en 1999. L'épouse affirmequ'actuellement, elle ne serait plus que de 4'500'000 fr., sans toutefoisproduire de pièces à l'appui de ses dires. De 1989 à 1999, cette fortunemobilière a généré un revenu annuel moyen de l'ordre de 135'000 fr.,oscillant entre 95'000 fr. et 159'000 fr. suivant les années. Le mari, économiste de formation, est arrivé en Suisse en 1979, sans parlerle français. Son titre universitaire polonais n'étant en outre pas reconnu,il s'est inscrit à l'Université de Genève, où il a obtenu une licence èssciences économiques avant d'occuper un poste d'assistant en 1983-1984.Depuis 1985, il travaille comme analyste financier auprès de la même sociétéet réalise actuellement un revenu annuel net de plus de 450'000 fr. Dès 1996,il a déclaré une fortune mobilière qui est passée de 440'701 fr. en 1996 à575'725 fr. en 1997. Selon un récapitulatif bancaire, il possédait à fin 2003des comptes personnels d'un montant total de 51'534 fr. et des valeursmobilières s'élevant à 81'168 fr. Fin 1997, il a acquis un appartement de 5,5pièces dans le même immeuble que celui où est situé le logement conjugal,pour le prix de 475'000 fr. Ce bien est grevé d'une hypothèque à concurrencede 505'000 fr. Il a en outre acheté, en septembre 2004, l'appartement, sis àS.________, où il vit actuellement, pour la somme de 965'000fr., acquisitionfinancée à hauteur de 188'000 fr. par des fonds propres et par laconstitution d'une cédule hypothécaire de 777'000 fr. Dans son activitéprofessionnelle, il a accumulé, du mariage jusqu'au 31 décembre 2003, desprestations de sortie de 215'480 fr. auprès de la fondation LPP-Winterthur etde 1'483'679 fr., respectivement 31'329fr., auprès de la fondation deprévoyance et de la caisse de prévoyance complémentaire en faveur dupersonnel de la société qui l'emploie, soit au total 1'730'488 fr.; dans cesmontants sont compris des rachats effectués entre décembre 1998 et décembre2003 d'une valeur de 270'875 fr. Il ressort en outre des éléments versés audossier (attestations fiscales) qu'il possède un 3e pilier A et, apparemment,une assurance sur la vie, mais il ne fournit aucun renseignement précis à cepropos. 3.3 Sur le vu de ces éléments, la cour cantonale n'a pas abusé de son pouvoird'appréciation dans l'application du droit fédéral en considérant qu'il ne sejustifiait pas de déroger à la règle du partage par moitié, nonobstant lafortune importante dont bénéficie l'intimée. En effet, la possibilité defaire exceptionnellement abstraction du partage ne change rien au fait que lacompensation des lacunes de prévoyance est une institution juridiqueindépendante qui confère un droit et qui ne peut pas être transformée, aumoyen de l'exclusion, en une prestation de besoin. Dès lors, il ne suffit pasque l'avenir de l'époux créancier soit économiquement assuré. Le caractèremanifestement inéquitable du partage ne résulte pas non plus d'un simpledéséquilibre entre les capacités financières des parties (Baumann/Lauterburg,op. cit., n. 58 ad art. 123 CC). En l'occurrence, la fortune mobilière de l'intimée apparaît certesconséquente puisque l'arrêt entrepris retient qu'entre 1989 et 1999, elle agénéré des revenus de 135'000 fr. par an en moyenne (soit le 3% de sa valeuractuelle, d'un montant de 4'500'000 fr. aux dires de l'épouse), revenus quisont toutefois très fluctuants (entre 95'000 fr. et 159'000 fr. de 1989 à1999); la valeur vénale de ses immeubles et le montant des chargeséventuelles qui les grèvent ne font en revanche l'objet d'aucuneconstatation. Le recourant soutient que la fortune de l'intimée est beaucoupplus élevée, à savoir de 7'000'000 fr. s'agissant des valeurs mobilières -mais sans chercher à contester la somme de 4'500'000 fr. alléguée parl'épouse - et de 15'000'000 fr. en tenant compte des immeubles: comme il neprétend même pas avoir offert de preuves à cet égard, il y a cependant lieude s'en tenir aux constatations effectuées par la Cour de justice. Lerecourant dispose quant à lui de revenus élevés et sa capacité de travail,qui est entière, durera en principe encore une dizaine d'années, au coursdesquelles il se verra vraisemblablement allouer au minimum la mêmerémunération qu'actuellement; du moins ne le conteste-t-il pas. S'il est vraiqu'il ne pourra probablement pas se reconstituer un avoir équivalent à celuidont il bénéficierait sans le partage, il n'a pas fourni d'éléments completspermettant de déduire que sa prévoyance globale ne lui assurerait plus unrevenu suffisant et, en tout cas, qu'il serait disproportionné par rapport àcelui que touchera l'intimée. De toute façon, une telle disproportionserait-elle réalisée qu'elle ne serait pas à elle seule déterminante pourjuger du caractère manifestement inéquitable du partage, les situationsrespectives des parties étant en fin de compte décisives. A cet égard, ilconvient de relever que le recourant dispose également d'une fortuneimportante et, semble-t-il, d'un 3e pilier, sur lequel il ne s'est pasexprimé. Il ne prétend pas non plus qu'à la suite du partage de sa prévoyanceprofessionnelle, son train de vie subirait un jour une atteinte quelconque.Dans ces conditions, il n'apparaît pas absolument insoutenable que la moitiéde ses avoirs de prévoyance acquis durant le mariage soit transférée enfaveur de l'épouse qui, en finançant ses études et en s'occupant de la tenuedu ménage ainsi que de l'éducation des enfants, lui a permis d'obtenir lasituation professionnelle très lucrative qui est la sienne aujourd'hui. 3.4 Le recourant demande par ailleurs - mais sans prendre formellement deconclusions à ce sujet - l'annulation de l'arrêt entrepris au motif que sesrachats de prévoyance doivent être exclus du partage, dès lors qu'ilsauraient été effectués au moyen de ses biens propres. Il est exact que sil'assuré finance lui-même le rachat de prévoyance au moyen d'avoirs de cettenature, la proportion correspondante de la prestation de sortie doit êtreexclue du partage, de même que les intérêts qu'elle a produits jusqu'aumoment du divorce. Cette réglementation s'applique à tous les conjoints, sanségard à leur régime matrimonial. La référence à l'art. 198 CC, qui figure àl'art. 22 al. 3 LFLP, n'est destinée qu'à définir les valeurs patrimonialesconcernées (Th. Geiser, Le nouveau droit du divorce et les droits en matièrede prévoyance professionnelle, in De l'ancien au nouveau droit du divorce,Berne 1999, p. 53 ss, p. 71; H. Walser, in Commentaire bâlois, 2e éd., n. 15ad art. 122 CC). En l'espèce, les parties étant en litige quant au partage dela prévoyance professionnelle, il appartiendra toutefois au juge desassurances compétent en vertu de l'art. 25a LFLP (art. 142 al. 2 CC) dedéterminer le montant exact des avoirs à partager, le juge du divorce devantuniquement fixer les proportions dans lesquelles les prestations de sortiedoivent être réparties (Geiser, op. cit., p. 53 ss, p.83; Schneider/Bruchez,op. cit., p. 195 ss, n. 4.6.3.1 p. 251; Sutter/ Freiburghaus, Kommentar zumneuen Scheidungsrecht, n. 72 ad art.122/141-142 CC). 4.En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit par conséquent êtrerejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant supportera dès lorsles frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieud'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 24 août 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.49/2006
Date de la décision : 24/08/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-24;5c.49.2006 ?
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