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23/08/2006 | SUISSE | N°I.444/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 août 2006, I.444/05


Cause {T 7}I 444/05 Arrêt du 23 août 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Piguet Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203Genève, recourant, contre S.________, intimée Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 6 mai 2005) Faits: A.Alléguant souffrir de dépression grave, S.________, née en 1952, a déposé le16 octobre 1998 une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendantà l'octroi d'une rente auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invaliditédu canton de Genève (ci-après: l'office A

I).Interpellé par ledit office, le docteur N.________, spécialiste...

Cause {T 7}I 444/05 Arrêt du 23 août 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Piguet Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203Genève, recourant, contre S.________, intimée Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 6 mai 2005) Faits: A.Alléguant souffrir de dépression grave, S.________, née en 1952, a déposé le16 octobre 1998 une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendantà l'octroi d'une rente auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invaliditédu canton de Genève (ci-après: l'office AI).Interpellé par ledit office, le docteur N.________, spécialiste enpsychiatrie et psychothérapie, et médecin traitant de la prénommée, aconfirmé dans un rapport du 28 décembre 1998 l'existence depuis le début del'année 1996 d'un épisode dépressif majeur sans caractéristique psychotique,ayant entraîné une incapacité totale de travail depuis le 14 juin 1996. Unesérie d'événements graves était à l'origine de l'état psychique de l'assurée(chômage, hémiplégie de son compagnon, décès accidentel de son fils uniquesuivi d'une procédure de recherche en paternité à l'encontre de celui-ciintentée par une femme inconnue).Dans un rapport complémentaire daté du 25 février 2000, le docteur N.________a indiqué qu'il n'avait pas revu sa patiente depuis le 15janvier 1999, dateà laquelle elle était apparue très améliorée. Cela étant, l'incapacité detravail était demeurée à son avis totale jusqu'au 15 septembre 1999, dans lamesure où les causes de l'affection avaient persisté. Le rapport signalaitégalement que l'assurée était atteinte d'une borréliose de Lyme. En fait, S.________ a été hospitalisée du 27 janvier au 19 février 1999 dansle service de dermatologie de l'Hôpital X.________ où elle a été traitée parRocéphine pour une maladie de Lyme avec atteinte cutanée atypique. Consultéle 31 août suivant par l'assurée, le docteur A._________, spécialiste decette maladie, a constaté que celle-ci était encore active et a prescrit unenouvelle cure de Rocéphine (rapport du 30 septembre 1999). Dans un rapportultérieur du 15novembre 2000, celui-ci a posé le diagnostic de status aprèsmaladie de Lyme de stade II avec fibromyalgie et troubles du système nerveuxcentral. Des douleurs diffuses au niveau musculaire, tendineux etpériarticulaire, associées à une asthénie et des troubles de la concentrationl'empêchaient de reprendre une activité lucrative. L'office AI a alors confié au Centre d'observation médical del'assurance-invalidité (COMAI) la réalisation d'une expertisepluridisciplinaire. D'après le rapport établi le 26 juin 2002, S.________souffrait principalement d'un syndrome douloureux somatoforme persistant detype fibromyalgie, d'un trouble dépressif récurrent, actuellement enrémission, et d'un trouble de la personnalité à traits masochiques. Lacapacité résiduelle de travail de l'assurée ne dépassait pas 30% dans uneactivité légère n'impliquant pas de charges physiques importantes.Après avoir soumis le dossier médical à son médecin-conseil, le docteurL._________, l'office AI a, par décision du 25 mars 2003, confirmée suropposition le 15 septembre suivant, rejeté la demande de prestations, motifpris que le trouble somatoforme douloureux présenté par l'assurée ne revêtaitpas un degré de gravité suffisant pour lui reconnaître un caractèreinvalidant au sens de la jurisprudence. B.Par jugement du 6 mai 2005, le Tribunal cantonal des assurances sociales ducanton de Genève a admis le recours formé par l'assurée contre la décisionsur opposition et octroyé à compter du mois de juin 1997 une rente entièred'invalidité fondée sur un degré d'invalidité de 82 %, renvoyant la causepour le surplus à l'office AI pour qu'il calcule le montant de la rente. C.L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement,dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à la confirmation desa décision du 15 septembre 2003 et subsidiairement à l'octroi d'une rented'invalidité pour une période limitée du 1eroctobre 1997 au 31 décembre1999. S. ________ n'a pas répondu au recours, après y avoir été été invitéevainement par voie postale, puis par voie de publication. L'Office fédéraldes assurances sociales a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur le droit de l'assurée à une rente del'assurance-invalidité, singulièrement le taux d'invalidité à la base decette prestation. 2.Le jugement entrepris porte sur des prestations de l'assurance-invalidité.Selon l'art. 132 al.1OJ dans sa version selon le ch. III de la loi fédéraledu 16 décembre 2005 portant modification de la LAI (en vigueur depuis le 1erjuillet 2006), dans une procédure concernant l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances peut aussiexaminer l'inopportunité de la décision attaquée et n'est pas lié par laconstatation de l'état de fait de l'autorité cantonale de recours. En vertude l'art. 132 al. 2 OJ, ces dérogations ne sont cependant pas applicableslorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne les prestations del'assurance-invalidité. Selon le ch. II let. c de la loi fédérale du 16décembre 2005, l'ancien droit s'applique aux recours pendants devant leTribunal fédéral des assurances au moment de l'entrée en vigueur de lamodification. Dès lors que le recours qui est soumis au Tribunal fédéral desassurances était pendant devant lui au 1er juillet 2006, son pouvoir d'examenrésulte de l'ancien art. 132 OJ, dont la teneur correspond à celle du nouvelal. 1. 3.3.1Le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment oùles faits juridiquement déterminants se sont produits, étant précisé que lejuge n'a pas à prendre en considération les modifications de droit ou del'état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse(ATF 129 V 4 consid. 1.2). Par conséquent, le droit éventuel à une rente del'assurance-invalidité, laquelle prendrait naissance au plus tôt le 1eroctobre 1997 (art. 29 al.1 let. b et 48 al. 2 1ère phrase LAI), doit êtreexaminé au regard de l'ancien droit pour la période jusqu'au 31 décembre 2002et, après le 1er janvier 2003, en fonction des nouvelles normes de la LPGA(ATF 130 V 455 et les références; voir également ATF 130 V 329). 3.2 Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légalesrelatives à la notion d'invalidité (art. 8 al. 1 LPGA et 4 LAI), à sonévaluation chez les assurés actifs (art. 16 LPGA et 28 al. 2 LAI), àl'échelonnement des rentes selon le taux d'invalidité (art. 28 al. 1 LAI),ainsi que la jurisprudence relative en matière de troubles somatoformesdouloureux, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.On ajoutera encore que dans un arrêt récent ayant trait à la fibromyalgie, leTribunal fédéral des assurances est parvenu à la conclusion qu'il existaitdes caractéristiques communes entre cette atteinte à la santé et le troublesomatoforme douloureux. Celles-ci justifiaient, lorsqu'il s'agissaitd'apprécier le caractère invalidant d'une fibromyalgie, d'appliquer paranalogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troublessomatoformes douloureux (ATF 132 V 70 consid. 4.1). 4.4.1Il ressort du dossier que S.________ souffre principalement d'une asthénieet de douleurs diffuses touchant tous les groupes musculaires et articulairesdes membres supérieurs et inférieurs. Les plaintes sont apparues vers 1995,d'abord épisodiquement, puis de manière chronique et stationnaire. A la suitedu décès de son fils, le 15 février 1996, elle a développé un état dépressif,avec tristesse, pleurs fréquents, perte du goût à la vie et insomnie. Afin desurmonter le deuil consécutif à la perte de son fils et d'accepter sesdouleurs diffuses qui, entre temps, étaient devenues permanentes, elle aentrepris un suivi spécialisé auprès du docteur N.________, spécialiste enpsychiatrie et psychothérapie. Vers mars 1998 sont apparues des céphalées etune lésion érythémateuse de plusieurs centimètres de diamètre localisée auniveau de l'avant-bras droit. Une maladie de Lyme a alors été suspectée et untraitement de Rocéphine a été administré, dans un premiers temps aux HôpitalX._________, puis sous la surveillance du docteur A._________. 4.24.2.1Les examens neurologique et ostéo-articulaire réalisés le 18 juin 2002dans le cadre de l'expertise du COMAI n'ont pas mis en évidence de déficitsparticuliers. En revanche, il existait une positivité de tous les points defibromyalgie et une négativité des points de contrôle. L'assurée présentaitégalement une positivité du score de Beighton (5 items sur 9) témoignantd'une hyperlaxité ligamentaire qui pouvait jouer un rôle favorisant dans lesdouleurs articulaires et musculaires qu'elle présentait. il n'y avait enoutre aucun argument clinique ou biologique pour évoquer une récidive de lamaladie de Lyme. En conclusion, l'assurée présentait d'un point de vuerhumatologique pur une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptéequi ne requérait pas le port de charges, les positions statiques prolongéesou les mouvements répétitifs des membres supérieurs. Après un réentraînementet une période d'adaptation, la capacité de travail pourrait être augmentée à70 %.Sur le plan psychiatrique, les plaintes diffuses touchant tous les groupesmusculaires et articulaires des membres supérieurs et inférieurs, lesquellesne pouvaient être expliquées entièrement par une origine organique, parlaienten faveur d'un syndrome douloureux somatoforme persistant. Une accumulationd'un vécu victimaire (agressions durant l'enfance, violences conjugales,décès de son fils, maladie de Lyme) mettait en évidence des traitsmasochiques de la personnalité. Elle présentait également un troubledépressif récurrent (notamment durant les mois d'hiver), en rémission au vude l'absence actuelle d'une symptomatologie dépressive franche. L'ensemble deces affections entraînaient une incapacité de travail d'environ 80 %(consultation de psychiatrie du 9 juillet 2002 réalisée par la doctoresseM._________). 4.2.2 Procédant à l'appréciation consensuelle du cas, les experts du COMAIont expliqué que: «Globalement, en tenant compte des évaluationsrhumatologique et psychiatrique, nous estimons que la capacité de travail deS._________ est fortement diminuée, évaluée actuellement à 30%, dans uneactivité légère, n'impliquant pas de charges physiques importantes. C'est enpartie le vécu douloureux, dont nous sommes convaincus de l'authenticité, quiest responsable de cet effondrement de la capacité de travail mais aussi letrouble dépressif récurrent et le trouble de la personnalité. En effet,S._________ n'est maintenant plus du tout en mesure d'affronter et de gérerle moindre stress, tel que l'on est susceptible de rencontrer presquequotidiennement dans n'importe quelle activité professionnelle.Cette diminution sévère de la capacité de travail nous semble durable, au vude la fixation de la situation depuis plusieurs années, de l'importance de lasymptomatologie douloureuse et du trouble de la personnalité associé.» 5.Au vu de ce qui précède, il apparaît que l'assuré souffre principalementdepuis 1995 d'une symptomatologie douloureuse diffuse et chronique sansétiologie certaine - qualifiée de fibromyalgie par le docteur A._________ etde syndrome douloureux somatoforme persistant de type fibromyalgie par lesexperts du COMAI - et d'un état dépressif dont l'intensité a varié au fil dutemps. 5.1 Au regard des observations médicales rapportées par le docteurN.________, l'assurée a souffert d'un épisode dépressif majeur qui l'aempêchée d'exercer une activité lucrative du 14 juin 1996 au 15septembre1999 (rapport du 25 février 2000). Parallèlement à la symptomatologiedouloureuse qui l'affectait, l'assurée a ainsi indéniablement présenté unecomorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importantes, quirendait provisoirement non exigible l'exercice d'une activité lucrative. Acela, il convient d'ajouter que depuis le mois de mars 1998, l'assurée étaitatteinte d'une maladie de Lyme dont le traitement s'est achevé à la fin dumois de septembre 1999.Au vu de ce qui précède, l'assurée pouvait prétendre une rente entièred'invalidité pour la période courant du 1er octobre 1997 (cf.consid.3.1) au31 décembre 1999 (compte tenu du délai de trois mois prévu à l'art. 88a RAI). 5.2 Pour la période postérieure au 31 décembre 1999, il convient d'examinerla question de l'exigibilité de la reprise d'une activité lucrative au regardde l'expertise réalisée par le COMAI.En l'occurrence, ce document ne satisfait pas totalement aux exigences poséespar la jurisprudence pour qu'on lui reconnaisse une pleine valeur probante(voir ATF 125 V 352 consid. 3a et la référence). On ne saurait en effetconsidérer que les conclusions auxquelles sont parvenues les experts reposentsur une discussion détaillée et approfondie de toutes les circonstances ducas d'espèce. Si les experts ont indiqué que les plaintes de l'assurée ne lesavaient pas laissés insensibles, leurs explications - rapportéesintégralement ci-dessus (consid. 4.2.2) - ne laissent pas transparaître demanière claire et convaincante les raisons pour lesquelles la symptomatologiedouloureuse entraînerait une incapacité de travail de l'ordre de celle qui aété retenue. Les experts n'ont par ailleurs pas intégré à leur réflexion uncritère d'importance qu'est celui de la perte d'intégration sociale, alorsmême qu'il ressort de l'anamnèse que l'assurée évolue dans un contextepsycho-social plutôt préservé.Plus particulièrement, il apparaît que les experts se sont principalementappuyés sur le consilium psychiatrique de la doctoresse M._________ pourrendre leurs conclusions. Or, l'appréciation de ce médecin est peu concluanteen l'espèce. En premier lieu, elle n'explique nullement, à l'image d'ailleursdes experts du COMAI, le lien de cause à effet entre les troubles qu'elle adiagnostiqués et l'incapacité de travail de 80 % qu'elle a en définitiveretenue. Le diagnostic de trouble de la personnalité à traits masochiquesdemeure ensuite peu compréhensible au regard des maigres explicationsfournies. Elles ne permettent à tout le moins pas de saisir en quoi le passédifficile de l'assurée serait l'expression d'un trouble de la personnalité etdu comportement, et influencerait la capacité de travail de l'assurée dansl'ensemble des activités qui s'offrent à elle sur un marché du travailéquilibré. Enfin, il est difficile de comprendre, sans plus derenseignements, l'influence exercée par le trouble dépressif récurrent,actuellement en rémission, sur la capacité résiduelle de travail del'assurée, alors que la doctoresse M._________ n'a pas relevé desymptomatologie dépressive franche et que l'assurée n'est pas suivie sur leplan thérapeutique pour une pareille affection. 6.Cela étant, afin de pouvoir se déterminer de manière décisive sur la capacitérésiduelle de travail de l'assurée à compter du 1er janvier 2000, il convientde mettre en oeuvre une nouvelle expertise pluridisciplinaire. Compte tenudes diagnostics posés, il appartiendra aux
experts qui seront désignés defournir tous les éléments permettant à l'administration de déterminer avecprécision l'incidence de la symptomatologie douloureuse sur la capacité detravail de l'assuré, eu égard aux critères dégagés par la jurisprudence pouradmettre à titre exceptionnel le caractère non exigible d'un effort devolonté en vue de surmonter la douleur et de la réintégration dans unprocessus de travail (voir ATF 132 V 65 et 131 V 49, ainsi que lesréférences). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal cantonal desassurances sociales du 6 mai 2005 est modifié en ce sens que l'assurée adroit à une rente entière d'invalidité du 1er octobre 1997 au 31 décembre1999. 2.La cause est renvoyée pour le surplus à l'office recourant pour instructioncomplémentaire au sens des considérants et nouvelle décision. 3.Il n'est pas perçu de frais de justice. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 23 août 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.444/05
Date de la décision : 23/08/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-23;i.444.05 ?
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