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23/08/2006 | SUISSE | N°5A.12/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 août 2006, 5A.12/2006


5A.12/2006 /frs{T 0/2} Arrêt du 23 août 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Escher et Marazzi.Greffier: M. Braconi. X. ________,1203 Genève,recourant, représenté par Me Pierre Scherb, avocat, contre Département fédéral de justice et police,3003 Berne. annulation de la naturalisation facilitée, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 24 mars 2006. Faits: A.A.a Le 14 décembre 1990, X.________, d'origine afghane, est entré en Suissepour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée le 26 octobre 19

93 parl'office fédéral compétent. Le 15 juillet 1994, le prénommé ...

5A.12/2006 /frs{T 0/2} Arrêt du 23 août 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Escher et Marazzi.Greffier: M. Braconi. X. ________,1203 Genève,recourant, représenté par Me Pierre Scherb, avocat, contre Département fédéral de justice et police,3003 Berne. annulation de la naturalisation facilitée, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 24 mars 2006. Faits: A.A.a Le 14 décembre 1990, X.________, d'origine afghane, est entré en Suissepour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée le 26 octobre 1993 parl'office fédéral compétent. Le 15 juillet 1994, le prénommé s'est marié à Genève avec dame X.________,née le 22 avril 1961 en Thaïlande, divorcée et citoyenne de Thalwil (ZH). Ala suite de ce mariage et de l'obtention d'une autorisation de séjourannuelle dans le canton de Genève, il a retiré le recours formé auprès de laCommission suisse de recours en matière d'asile (CRA), lequel a été rayé durôle le 25 octobre suivant. A.b Le 23 février 1998, X.________ a déposé une demande de naturalisationfacilitée fondée sur son mariage. Le 5 octobre 2000, les époux X.________ ontsigné une déclaration écrite aux termes de laquelle ils confirmaient vivre encommunauté conjugale effective et stable, et résider à la même adresse; ilsont pris connaissance que la naturalisation facilitée ne pouvait pas êtreoctroyée lorsque, avant ou pendant la procédure de naturalisation, l'un desépoux demandait le divorce ou la séparation, ou que la communauté conjugaleeffective n'existait plus, et que si cet état de fait était dissimulé, lanaturalisation facilitée pouvait être annulée dans les cinq ans. A.c Par décision du 30 novembre 2000, l'Office fédéral des étrangers (OFE,actuellement l'Office fédéral des migrations [ODM]) a accordé à X.________ lanaturalisation facilitée en vertu de l'art. 27 de la loi fédérale, du 29septembre 1952, sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN). B.B.aLe 5 janvier 2001, l'épouse a quitté le domicile conjugal à Genève pour serendre chez sa soeur en Suisse alémanique, où elle s'est annoncée auprès del'autorité communale compétente. Le 7 mai 2001, les époux X.________ ontformé une requête commune en divorce, accompagnée d'une convention complètesur les effets accessoires passée le 20 mars 2001; ils ont exposé êtreparvenus à la conclusion que leur union était irrémédiablement rompue, vu lesdifficultés que le couple traversait "depuis quelque temps déjà". Parjugement du 23 août 2001, entré en force le 27 septembre 2001, le Tribunal depremière instance de Genève a prononcé le divorce.Le 12 octobre suivant, X.________ a épousé Y.________, citoyennepakistanaise, née le 12 décembre 1982. B.b Sur le vu de ces éléments, le Service de l'état civil du canton de Zuricha demandé à l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et del'émigration (IMES, devenu ensuite l'Office fédéral des migrations [ODM])d'examiner la possibilité d'annuler la naturalisation facilitée. Le 4 février 2003, l'Office fédéral a remis à X.________, par l'entremise deson conseil, une copie du procès-verbal de l'audition de son ex-femme (àlaquelle l'autorité compétente du canton de Soleure avait procédé le 23décembre 2002) et l'a avisé qu'il envisageait d'annuler la naturalisationfacilitée, dès lors que l'enchaînement rapide des événements laissaitapparaître des sérieux doutes quant à la stabilité de l'union conjugalependant la procédure de naturalisation. Le 17 juin 2003, le Service compétentdes naturalisations du canton de Zurich a donné son assentiment àl'annulation de la naturalisation facilitée. Par décision du 16 juillet 2003, l'Office fédéral a prononcé l'annulation dela naturalisation facilitée. Cette décision a été confirmée le 24 mars 2006par le Département fédéral de justice et police (DFJP). C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande auTribunal fédéral d'annuler la décision du DFJP en tant qu'elle annule sanaturalisation facilitée. Il sollicite le bénéfice de l'assistance judiciairepour la procédure fédérale. L'autorité intimée n'a pas été invitée à se déterminer. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursdont il est saisi (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292). 1.1 La décision attaquée peut faire l'objet d'un recours de droitadministratif en vertu des art. 51 LN, 97 et 98 let. b OJ; en effet, commeelle porte sur une naturalisation facilitée, et non pas une naturalisationordinaire, elle n'est pas visée par le motif d'exclusion de l'art. 100 al. 1let. c OJ (Grisel, Traité de droit administratif, vol. II, p. 989 let. c;arrêt 5A.18/2003 du 19 novembre 2003, consid. 1.1, in: REC 2004 p. 31). 1.2 Le recours de droit administratif est ouvert pour violation du droitfédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let.a OJ). Dans le cadre d'un tel recours, le Tribunal fédéral contrôle d'officel'application du droit fédéral, qui englobe notamment les droitsconstitutionnels et les garanties découlant de la CEDH (ATF 130 II 337consid. 1.3 p. 341); n'étant pas lié par les moyens qu'invoquent les parties(art. 114 al. 1 in fine OJ), il peut admettre le recours pour d'autres motifsque ceux dont se prévaut le recourant ou, à l'inverse, confirmer la décisionentreprise par substitution de motifs (ATF 132 II 257 consid. 2.5 p. 262).Lorsque - comme ici - la décision attaquée n'a pas été rendue par uneautorité judiciaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les constatationsde fait (art. 105 al. 2 OJ, a contrario; ATF 132 II 257 consid. 3.1 p. 262),qu'il revoit d'office (art. 105 al. 1 OJ). 1.3 Enfin, le présent recours a été déposé à temps, en sorte qu'il est aussirecevable de ce chef (art. 106 al. 1 OJ). 2.2.1En vertu de l'art. 27 al. 1 LN (RS 141.0), un étranger peut, ensuite deson mariage avec un ressortissant suisse, former une demande denaturalisation facilitée s'il a résidé en Suisse pendant cinq ans en tout(let. a) ou s'il y réside depuis une année (let. b) et vit depuis trois ansen communauté conjugale avec un ressortissant suisse (let. c). Lanaturalisation facilitée ne peut pas être accordée, en particulier, s'il n'ya pas de communauté conjugale au moment du dépôt de la requête ou à la datede la décision de naturalisation. D'après la jurisprudence, la notion decommunauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage,mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cass'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une unionconjugale stable; une demande en divorce déposée peu après l'obtention de lanaturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors del'octroi de la citoyenneté suisse (ATF 128 II 97 consid. 3a p. 98; 121 II 49consid. 2b p. 52). 2.2 Conformément aux art. 41 al. 1 LN et 14 al. 1 de l'ordonnance du 17novembre 1999 sur l'organisation du DFJP (RS 172.213.1), l'ODM peut, avecl'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler dans les cinq ansune naturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou parla dissimulation de faits essentiels. Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit pas qu'elleait été obtenue alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était pasremplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal ettrompeur. S'il n'est pas besoin que ce comportement soit constitutif d'uneescroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé aitdonné sciemment de fausses informations à l'autorité ou l'ait délibérémentlaissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 132 II 113consid. 3.1 p. 115 et les arrêts cités; arrêt 5A.36/2004 du 6 décembre 2004,consid. 1.2, in: REC 2005 p. 38). Tel est le cas, par exemple, si lerequérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint, alors qu'ilenvisage de divorcer une fois obtenue la naturalisation; peu importe que sonmariage se soit déroulé d'une manière harmonieuse jusque-là (arrêt 5A.11/2006du 27 juin 2006, consid. 2.2; arrêt 5A.18/2006 du 28 juin 2006, consid. 2.2et les citations). La nature potestative de l'art. 41 al. 1 LN confère une certaine latitude àl'autorité. Dans l'exercice de cette liberté, celle-ci doit s'abstenir detout abus; commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui sefonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstancespertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou auprincipe de la proportionnalité (cf. notamment: ATF 116 V 307 consid. 2 p.310 et la jurisprudence citée). 2.3 La procédure administrative fédérale est régie par le principe de lalibre appréciation des preuves (art. 40 PCF, applicable par renvoi de l'art.19 PA). L'appréciation des preuves est libre dans ce sens qu'elle n'obéit pasà des règles de preuve légales prescrivant à quelles conditions l'autoritédevrait admettre que la preuve a abouti et quelle valeur probante elledevrait reconnaître aux différents moyens de preuve les uns par rapport auxautres. Lorsque la décision intervient - comme en l'espèce - au détriment del'administré, l'administration supporte le fardeau de la preuve. Si elleenvisage d'annuler la naturalisation facilitée, elle doit rechercher si leconjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable avecson époux suisse; comme il s'agit là d'un fait psychique en relation avec desfaits relevant de la sphère intime, qui sont souvent inconnus del'administration et difficiles à prouver, il apparaît légitime que l'autorités'appuie sur une présomption. Partant, si l'enchaînement rapide desévénements fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenuefrauduleusement, il incombe alors à l'administré, en raison, non seulement deson devoir de collaborer à l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. aPA; cf. à ce sujet: ATF 132 II 113 consid. 3.2 p. 115/116), mais encore deson propre intérêt, de renverser cette présomption (ATF 130 II 482 consid.3.2 p. 485/486). S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation despreuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. ATF 130 II 482 consid.3.2 p. 486), l'administré n'a pas besoin, pour la renverser, de rapporter lapreuve contraire du fait présumé, à savoir faire acquérir à l'autorité lacertitude qu'il n'a pas menti; il suffit qu'il parvienne à faire admettrel'existence d'une possibilité raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarantformer une communauté stable avec son conjoint. Il peut le faire en rendantvraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire, susceptibled'expliquer une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence deconscience de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existenced'une véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjointlorsqu'il a signé la déclaration. 3.Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. En bref,il fait valoir que l'audition de son ex-épouse s'est déroulée en son absence,de sorte qu'il n'a pu lui poser aucune question. 3.1 Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont laviolation entraîne l'annulation de la décision attaquée sans égard auxchances de succès du recours sur le fond (ATF 122 II 464 consid. 4a p. 469 etles références). Il convient dès lors d'examiner ce moyen en premier (ATF 124V 389 consid. 1). 3.2 En principe, les interrogatoires des personnes appelées à fournir desrenseignements (cf. art. 12 let. c PA) doivent aussi être conduits enprésence des parties, lesquelles ont ainsi le droit d'assister à l'auditionet de poser des questions complémentaires (art. 18 al. 1 PA, par analogie;ATF 130 II 169 consid. 2.3.5 p. 174). Cependant, l'audition peut avoir lieuen leur absence s'il s'agit de sauvegarder d'importants intérêts publics ouprivés (art. 18 al. 2 PA, par analogie). Lorsqu'elle envisage d'annuler une naturalisation facilitée qui résulte d'unmariage dissous depuis lors, l'autorité administrative doit prendre toutesles précautions afin d'éviter que l'un des conjoints - en général l'ex-femme- ne soit mis en danger en raison de sa position de tiers appelé à fournirdes informations; au début de la procédure, elle peut donc légitimementchercher à vérifier l'absence d'un tel danger, même si aucun élément dudossier ne corrobore pareille hypothèse. Pour ce faire, il lui suffit decontacter l'ex-époux pour éclaircir ce point avant de procéder à sonaudition; si la crainte de menaces ou de violences est crédible, l'autoritépeut dresser procès-verbal de la déclaration et refuser l'audition enprésence de l'intéressé (ATF 130 II 169 consid. 2.3.5 p. 174/175). Or, dansle cas particulier, rien ne justifiait de frustrer le recourant de lapossibilité de participer à l'audition de son ex-femme, qui ne s'est jamaisplainte de violences, de menaces ou de pressions quelconques. 3.3 Le DFJP a estimé que le vice ne portait pas à conséquence, dès lors que,d'une part, l'office fédéral avait communiqué au recourant le rapportd'audition en lui accordant un "droit de réplique" et que, d'autre part, lesdéclarations de l'ex-épouse allaient dans le même sens que celles durecourant, une appréciation anticipée des preuves laissant d'ores et déjàapparaître comme superflue une nouvelle audition en sa présence. 3.3.1 La jurisprudence invoquée à l'appui de cette opinion n'a pas la portéeque lui prête l'autorité précédente. Dans l'arrêt publié aux ATF 130 II 169 ss, la cour de céans a jugé que lacommunication subséquente du procès-verbal était suffisante parce que lasauvegarde des intérêts privés prépondérants de l'ex-conjoint justifiait quel'audition se déroulât hors la présence de l'intéressé; dans ce cas, larégularité de la décision entreprise résultait de l'absence de violation dudroit d'être entendu, et non d'un effet réparateur attribué à lacommunication du procès-verbal (consid. 2.3.5 p. 174/175). Dans la cause5A.30/2004, la cour de céans a admis que la faculté d'ordonner des mesuresprobatoires complémentaires n'autorisait pas de priver le justiciable de sondroit de prendre part à l'audition; si le vice avait été couvert, c'estuniquement parce que l'intéressé n'avait pas requis une auditioncontradictoire devant l'office fédéral (consid. 2.2), ce qui n'est pas - del'aveu même du DFJP - le cas ici. En outre, le droit de participer à l'audition du tiers appelé à fournir desrenseignements vise à permettre à la partie, non seulement decontre-interroger le tiers sur des faits à propos desquels il aéventuellement donné de fausses indications, mais également de poser desquestions complémentaires (ATF 117 V 282 consid. 4c p. 285/286). Aussi, peuimporte que les déclarations du tiers aillent ou non dans le même sens quecelle de la partie concernée. 3.3.2 Par décision incidente du 26 août 2003, l'autorité d'instruction duDFJP a invité le recourant à produire jusqu'au 26 septembre 2003 unedéposition écrite de son ex-conjoint, en se réservant de revenir par
la suitesur sa requête tendant à l'audition de celle-ci. L'intéressé n'a pas réagidans le délai imparti.De cette manière, le recourant a été en mesure de verser au dossier tous lesrenseignements qu'il entendait faire fournir par son ex-femme, en sorte quece procédé lui aurait finalement permis d'obtenir le même résultat qu'uneaudition complémentaire contradictoire. Force est ainsi d'admettre que levice de procédure dont était affectée la décision de première instance a étécouvert par le département, dont la cognition n'était pas moindre que cellede l'office (cf. JAAC 68.122 consid. 4a; 67.101 consid. 2f). Il s'ensuit quele moyen tiré d'une violation du droit d'être entendu s'avère, en définitive,mal fondé. 3.3.3 Avec raison, le recourant n'affirme pas que le DFJP aurait violé sondroit d'être entendu en refusant l'audition de son ex-épouse dans laprocédure de recours administratif. En effet, ce refus repose sur uneappréciation anticipée des preuves, ce qui n'implique aucune violation dudroit d'être entendu (ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 429 et les arrêts cités).De plus, comme on l'a vu (cf. supra, consid. 3.3.2), le recourant n'a pasfait usage de la possibilité qui lui était offerte de produire unedéclaration de l'intéressée. 4.4.1En l'espèce, le DFJP a constaté que le recourant, alors qu'il était sousle coup d'une décision de refus de l'asile et de renvoi de Suisse prononcéele 26 octobre 1993, a épousé, le 15 juillet 1994, une femme de dix ans sonaînée, divorcée et mère d'un enfant né le 24 septembre 1993 d'un précédentmariage avec un citoyen thaïlandais, situation inhabituelle dans le milieusocioculturel de l'intéressé. Une fois obtenue l'autorisation de séjour liéeà son statut d'époux d'une ressortissante suisse, il a formé une demande denaturalisation facilitée le 23 février 1998. Le 5 octobre 2000, les époux ontsigné la déclaration relative à la stabilité de leur mariage. Le 30 novembre2000, le recourant s'est vu octroyer la naturalisation facilitée. En janvierou en février 2001, à savoir deux ou trois mois seulement après lanaturalisation, l'épouse a quitté le domicile conjugal genevois pour serendre en Suisse alémanique, où son enfant avait grandi et avait été élevépar sa soeur. Le 20 mars 2001, les époux ont signé une convention sur leseffets accessoires du divorce et, le 23 août suivant, le Tribunal de premièreinstance de Genève a dissous par le divorce l'union contractée le 15 juillet1994; ce jugement est entré en force le 27 septembre 2001. Deux semaines plustard, c'est-à-dire le 12 octobre 2001, le recourant s'est remarié au Pakistanavec une ressortissante de ce pays, qui était alors âgée de moins de 19 ans.Ces éléments et leur enchaînement chronologique particulièrement rapide sontde nature à fonder la présomption que, au moment de la signature de ladéclaration commune, il n'avait plus la volonté (si tant est qu'il l'aitjamais eue) de maintenir une communauté conjugale stable, mais que, par sonmariage, il cherchait avant tout à obtenir une autorisation de séjour enSuisse, ensuite la naturalisation facilitée. Cette conviction est renforcée par plusieurs autres éléments. Il ressort dela convention sur les effets accessoires du divorce que le couple traversaitdes difficultés depuis "quelque temps déjà", ce qui permet de doutersérieusement de l'affirmation du recourant d'après laquelle la communautéconjugale était effective et stable aussi bien lors du dépôt de la demande denaturalisation qu'au moment de la déclaration commune; la mise au point qu'ilapporte à ce sujet ("formule standard sans aucune portée réelle") n'apparaîtpas crédible et semble avoir été avancée pour les seuls besoins de la cause.Cette opinion se trouve corroborée par un autre élément. Le recourantsoutient que son ex-épouse s'est résolue à quitter le domicile conjugal àcause de la scolarisation de son fils en Suisse alémanique, difficulté dontelle n'avait pas conscience au moment de la naturalisation. Cette allégationn'est pas convaincante, dès lors que ce problème devait forcément se poseravant la naturalisation, l'enfant étant alors déjà âgé de 7 ans. On nesaurait donc parler d'un événement soudain susceptible d'expliquer la rupturesubite du lien conjugal. Lors de son audition, l'ex-épouse a en outre révélén'avoir jamais accompagné son mari au Pakistan, quand bien même il s'y étaitrendu à deux reprises; ce fait ne plaide pas en faveur de l'existence d'unecommunauté de vie étroite, mais démontre au contraire que la femme montraitpeu d'intérêt pour l'environnement socioculturel du mari et que ce derniern'estimait pas non plus utile de le lui faire partager. Enfin, le recourants'est remarié deux semaines à peine après l'entrée en force du jugement dedivorce, ce qui constitue un indice supplémentaire tendant à démontrer queles conjoints n'ont jamais envisagé leur union comme une véritable communautéde destins; pour des raisons qui leur sont propres, ils étaient apparemmentprêts à s'accommoder d'une situation matrimoniale qui ne correspond pas àl'institution que le législateur juge digne de protection. Il résulte de ces considérations que les difficultés conjugales étaientconnues du recourant et de son épouse au moment de la signature de ladéclaration commune; ils devaient savoir que ces éléments étaient essentiels,au sens de l'art. 41 LN, pour l'examen de la demande de naturalisationfacilitée, puisque la communauté conjugale stable et effective que lerecourant formait avec une citoyenne suisse constituait le motif de cetteprocédure. Partant, il faut constater que l'intéressé a obtenu lanationalité suisse en dissimulant des faits essentiels. Certes, il a produiten première instance des dépositions écrites de personnes attestant que lecouple était uni durant la procédure de naturalisation et que la séparationet le divorce étaient intervenus bien plus tard. Ces déclarations ne sonttoutefois pas de nature à ébranler la présomption que la communauté conjugalen'était déjà plus stable et effective lors de la signature de la déclarationcommune le 5 octobre 2000; en effet, tout porte à croire que ces pièces ontété produites pour les besoins de la cause, voire à l'instigation durecourant lui-même. 4.2 L'appréciation du DFJP ne prête pas le flanc à la critique. La séparation des conjoints et l'ouverture d'une action en divorce (parrequête commune) qui interviennent - comme en l'occurrence - peu de tempsaprès l'acquisition de la naturalisation facilitée constituent des indices denature à fonder la présomption d'une obtention frauduleuse de la nationalitésuisse (à titre d'exemples: arrêts 5A.18/2006, précité, consid. 3.2;5A.15/2006 du 15 juin 2006, consid. 4.3). Pour renverser cette présomption,le recourant explique à nouveau que la cause de la rupture du lien conjugalréside dans le problème de la scolarisation de l'enfant de son ex-épouse. Unetelle explication n'est pas crédible. En effet, il est inconcevable qu'uncouple uni et heureux - comme le décrit le recourant -, marié de surcroîtdepuis plus de six ans, se résigne à divorcer en raison du seul lieu descolarisation de l'enfant; on ne peut que s'étonner que le divorce se soitimposé d'emblée et si rapidement après l'octroi de la nationalité suissecomme l'unique solution entrant en ligne de compte. En outre, comme lesouligne à juste titre l'autorité précédente, il ne s'agit pas d'un événement"imprévu", car le problème de la scolarisation se posait nécessairement.Enfin, on ne voit pas ce qui empêchait le recourant de s'établir en Suissealémanique avec son épouse, dès lors qu'il n'avait plus d'emploi à Genève etne paraissait pas avoir d'autres attaches avec cette ville; les explicationsdonnées à ce propos dans l'acte de recours (p. 4 ch. 7) n'apparaissentnullement convaincantes. Le recourant fait grand cas de la date retenue par l'autorité précédente pourcalculer le temps qui s'est écoulé entre le divorce - précisément la date del'entrée en force du jugement (27 septembre 2001) - et son remariage (12octobre 2001). En admettant même que l'intéressé se soit senti "libéré de sonunion irrémédiablement compromise" à partir de l'ouverture d'action (7 mai2001), cela ne change rien au fait que la décision de divorcer remonte pourle moins à l'époque de la signature de la convention sur les effetsaccessoires (20 mars 2001), à savoir très peu de temps après lanaturalisation (30 novembre 2000). En tout état de cause, le nouveau mariagene pouvait être célébré que sur le vu d'un document mentionnant la "date dela dissolution" du précédent mariage (cf. art. 151 al. 1 ch. 2 OEC); sous cetangle, les remarques du département ne sont donc pas dénuées de pertinence. Lorsqu'il critique l'autorité précédente pour avoir souligné que son ex-femmene l'avait jamais accompagné au Pakistan, le recourant oublie qu'il nesoutient pas s'être rendu lui-même en Thaïlande, si bien que chaque épouxsemble effectivement avoir manifesté de l'indifférence à l'endroit du milieusocioculturel de son conjoint. Quoi qu'il en soit, les objections durecourant ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'une union conjugalestable et effective tant lors de la signature de la déclaration commune qu'àla date de l'octroi de la naturalisation. 5.Vu ce qui précède, le présent recours doit être rejeté. Les conclusions durecourant étant dénuées de toutes chances de succès, sa requête d'assistancejudiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée. 3.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et auDépartement fédéral de justice et police. Lausanne, le 23 août 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5A.12/2006
Date de la décision : 23/08/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-23;5a.12.2006 ?
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