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21/08/2006 | SUISSE | N°U.349/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 août 2006, U.349/05


Cause {T 7}U 349/05 Arrêt du 21 août 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Lustenberger et Seiler. Greffière : Mme vonZwehl J.________, recourant, représenté par Me Jacques Emery, avocat, boulevardHelvétique 19, 1207 Genève, contre Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,6004 Lucerne, intimée Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 3 mars 2005) Faits: A.J. ________, travaillait comme peintre en bâtiment pour le compte de lasociété K.________ SA. A ce titre, il était assuré contre les accidentsprofessionnels e

t non professionnels auprès de la Caisse nationale suisse enc...

Cause {T 7}U 349/05 Arrêt du 21 août 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Lustenberger et Seiler. Greffière : Mme vonZwehl J.________, recourant, représenté par Me Jacques Emery, avocat, boulevardHelvétique 19, 1207 Genève, contre Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,6004 Lucerne, intimée Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 3 mars 2005) Faits: A.J. ________, travaillait comme peintre en bâtiment pour le compte de lasociété K.________ SA. A ce titre, il était assuré contre les accidentsprofessionnels et non professionnels auprès de la Caisse nationale suisse encas d'accidents (CNA). Le 13 juillet 2000, l'employeur a communiqué à la CNA une déclarationd'accident, indiquant que le 16 juin précédent, J.________ était tombé enarrière d'un pont roulant, sur son côté gauche. Consulté trois jours aprèsl'accident pour des douleurs au coude gauche, le docteur R.________ a faitfaire une IRM, qui n'a révélé aucun signe de lésion traumatique osseuse oupériarticulaire; ce médecin a attesté une incapacité de travail de 100% dèsle jour de la consultation (rapport du 17 juillet 2000). Devant le docteurO.________, médecin d'arrondissement de la CNA, l'assuré a précisé qu'ils'était réceptionné sur les coudes et qu'il avait ensuite reçu le pontroulant sur lui; il ressentait des douleurs dans la région du coude et del'épaule gauches, ainsi que dans la cheville droite (rapport du 15 août2000). Aussi, le docteur O.________ l'a-t-il adressé à la Clinique deréadaptation X.________ où il a séjourné du 23 octobre au 21 novembre 2000.Au terme de ce séjour, J.________ a signalé la disparition de ses douleurs àl'avant-brasmais la persistance de celles à son épaule gauche; une capacitédetravail de 40% a été retenue à partir du 27 novembre 2000 (rapportdu 5janvier 2001). Un deuxième séjour à la Clinique de réadaptationdu 22 mars au8 avril 2001 a temporairement amélioré la symptomatologie douloureuse auniveau de l'épaule; l'assuré n'a toutefois pas pu augmenter de manièresignificative sa capacité de travail. En janvier 2002, une IRM a mis enévidence une inflammation de l'articulation acromio-claviculaire nonspécifique ainsi qu'une tendinopathie du supra-épineux avec signes indirectsd'une minime déchirure. A l'issue d'un examen final, le docteur C.________,médecin d'arrondissement de la CNA, a estimé que les plaintes subjectivesn'étaient pas en proportion avec l'examen clinique objectif; aucun traitementmédical ou autre investigation n'était nécessaire et la capacité de travailde l'assuré était complète dès le 8 février 2002 (rapport du 7 février 2002). Par décision du 8 février 2002, la CNA a informé J.________ qu'au regard desa situation médicale satisfaisante, elle mettait immédiatement fin à sesprestations. Saisie d'une opposition, elle a confirmé sa prise de positioninitiale dans une nouvelle décision du 25 avril 2002. B.L'assuré a recouru contre cette dernière décision devant le Tribunal cantonaldes assurances du canton de Vaud, en produisant un rapport du docteurS.________ attestant d'une incapacité de travail complète. Dans sa réponse,la CNA s'est montrée ouverte à ce qu'une mission d'expertise soit confiée àce médecin. Le tribunal a nommé le docteur S.________ en qualité d'expert. Dans sonrapport d'expertise du 11 mai 2004, celui-ci a retenu le diagnostic deconflit sous-acromial sur tendinopathie du sus-épineux et arthropathieacromio-claviculaire modérée de l'épaule gauche, et admis l'existence d'unlien de causalité entre l'atteinte constatée et l'accident assuré. La CNA asoumis ce rapport au docteur I.________, de sa division médicale, qui a donnéun avis opposé à celui de l'expert (appréciation médicale du 23 juin 2004).Le docteur S.________ s'est déterminé dans un rapport complémentaire du 8septembre 2004, confirmant ses conclusions. Le docteur I.________ a égalementmaintenu les termes de son appréciation. Par jugement du 3 mars 2005, le tribunal a rejeté le recours. C.J.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dontil requiert l'annulation. Sous suite de dépens, il conclut au renvoi dudossier à la CNA afin que celle-ci lui verse une indemnité journalière fondéesur une incapacité de travail de 50% du 1er février 2002 au 11 mai 2004, unerente d'invalidité de 25% à partir du 12 mai 2004, ainsi qu'une indemnitépour atteinte à l'intégrité de 7%.Il sollicite en outre le bénéfice del'assistance judiciaire. La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santépublique a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur le point de savoir si l'intimée était fondée à mettre finà ses prestations dès le 8 février 2002. Dans la mesure où le coude gauche etla cheville droite ne font plus l'objet de plaintes de la part du recourantet peuvent être considérés comme guéris, il s'agit plus particulièrementd'examiner si l'atteinte à la santé que celui-ci présente à son épaule gauche(conflit sous-acromial sur tendinopathie du sus-épineux et arthropathieacromio-claviculaire) se trouve en rapport de causalité avec l'accidentassuré, étant précisé que cette atteinte ne constitue pas une lésionassimilée à un accident au sens de l'art. 9 al.2 let. f OLAA. 2.Les premiers juges ont correctement rappelé les règles jurisprudentiellesapplicables en matière de causalité naturelle et adéquate, de sorte qu'ilpeut être renvoyé au jugement entrepris (consid. 3c). 3.3.1Pour le docteur S.________, le status actuel de l'assuré se trouve, audegré de la vraisemblance prépondérante, en lien de causalité avec l'accidentdu 16 juin 2000. Bien que les plaintes concernant l'épaule gauche soientapparues tardivement, l'expert judiciaire était d'avis queles importantesdouleurs au coude avaient pu masquer la pathologie propre à l'articulation del'épaule, rappelant dans ce contexte que le premier rapport du docteurR.________ faisait déjà mention de douleurs irradiant en direction del'épaule. Par ailleurs, l'épaule gauche n'avait jamais posé de problèmeparticulier à J.________ malgré une activité professionnelle relativementlourde (le dossier radiologique montrait en particulier que l'espaceacromio-claviculaire et sous-acromial était «bien respecté des deux côtés»).Enfin, la lésion constatée par IRM était «parfaitement compatible avec unmouvement de piston qui se produit habituellement lors d'une contusion ducoude [...]». S'agissant de la capacité de travail de l'assuré au 1er février2002, le docteur S.________ pouvait l'estimer à 50% au moins, voire à 75%,l'examen clinique et la description des plaintes au moment de son expertiseétant similaires à ceux documentés à l'époque. Actuellement, J.________présentait une incapacité de travail de 25% comme peintre, les effortsprolongés au-dessus de laligne de l'épaule n'étant plus exigibles; dans uneactivité moins contraignante, sa capacité de travail était complète. Comptetenu desdouleurs résiduelles et du manque de résistance, l'atteinte encauseétait assimilable à une péri-arthrite scapulo-humérale légère àmoyenne; selon la table 1.2 d'indemnisation des atteintes à l'intégritéétablies par la CNA, le taux d'atteinte à l'intégrité de l'assuré pouvaitêtre fixé à 7%. 3.2 Le docteur I.________ partage l'avis de son confrère en ce qui concernele diagnostic posé, mais pas en ce qui concerne son étiologie. Il relève toutd'abord qu'il est peu plausible que les douleurs du coude, restéesinexpliquées, aient pu «masquer» celles de l'épaule. De l'anamnèse, on nepouvait retenir une continuité des plaintes à l'épaule gauche, mais bienplutôt une «certaine anarchie dans leur évocation». Se référant à lalittérature médicale sur la pathophysiologie des affections de la coiffe desrotateurs, le docteur I.________ déclare ensuite que l'apparition spontanéede douleurs à l'épaule est un phénomène courant et que le nombre de sujetssymptomatiques s'accroît avec l'âge. L'apparition de douleurs au décours d'unaccident ne permettait donc pas de conclure à son probable caractèreaccidentel. Finalement, il était impossible, quatre ans après la chute, desavoir si le mécanisme décrit par le docteur S.________, en tant que facteurpotentiel de rupture traumatique, s'était véritablement produit chezl'assuré. Pour toutes ces raisons, il était plus vraisemblable que latendinopathie mise en évidence par IRM s'inscrivait dans un contextedégénératif. 3.3 Invité à s'exprimer sur ces objections, l'expert judiciaire a répondu quela littérature médicale citée par le docteur I.________, qu'il connaissait etqu'il avait également consultée, ne changeait rien à ses conclusions. Ilavait admis l'existence du lien de causalité sur la base de critèrescaractérisant une lésion accidentelle, tels que l'absence d'anamnèsetraumatique antérieure, un événement clairement défini, une corrélationtemporelle, des manifestations cliniques adéquates, ainsi que l'absence àl'imagerie de lésions dégénératives manifestes. Surtout, l'épaule gauchen'avait pas été asymptomatique consécutivement à l'accident comme l'avaitretenu le médecin de la division médicale de la CNA en dépit des piècesfigurant au dossier. 4.Le juge des assurances sociales apprécie librement les preuves (art.95 al. 2OJ, en relation avec les art. 113 et 132 OJ). Mais si les rapports médicauxsont contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans indiquer les raisonspour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur uneautre. A cet égard, l'élément déterminant n'est ni l'origine, ni ladésignation du moyen de preuve comme rapportou expertise, mais son contenu.Il importe que les points litigieuximportants aient fait l'objet d'une étudefouillée, que le rapportsefonde sur des examens complets, qu'il prenneégalement enconsidération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi enpleineconnaissance du dossier (anamnèse), que la description desinterférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expertsoient bien motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a).Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation despreuves, lajurisprudence a posé quelques principes relatifs à lamanière d'appréciercertains types d'expertises ou de rapports médicaux (cf. ATF 125 V 352 ssconsid. 3b). Ainsi, le juge ne s'écartera pas sans motifs impératifs desconclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étantprécisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de lajustice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné.Peut constituer une raison de s'écarter de l'expertise judiciaire le fait quecelle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par letribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre,lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettresérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peutexclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de cedernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous laforme d'une nouvelle expertise médicale. 5.En bref, la juridiction cantonale a jugé que les conclusions del'expertjudiciaire n'étaient pas convaincantes et relevaient de simpleshypothèses. Même s'il fallait reconnaître l'éventualité que les douleurs aucoude avaient prédominé le tableau clinique initial, cela ne signifiait pasencore que l'affection en cause était imputable à l'accident assuré. Le faitque l'épaule gauche n'avait présenté aucun problème avant l'événementaccidentel n'était ni pertinent, ni déterminant s'agissant de la question dela causalité. Quant à l'assertion du docteur S.________ selon laquelle ledéroulement de la chute était de nature à provoquer la lésion du tendon, elleétait pure supposition. 6.En considérant isolément chacun des critères pris en compte par l'expertjudiciaire pour se prononcer sur le caractère accidentel ou non de latendinopathie dont souffre l'assuré, les premiers juges n'ont pas procédé àune appréciation correcte du rapport d'expertise. C'est en effet la présencede plusieurs critères médicaux pris dans leur ensemble qui ont amené ledocteur S.________ à admettre l'existence d'un rapport de causalité, critèresdont le docteur I.________ n'a pas, au demeurant, contesté la pertinence. Onne voit pas non plus que l'opinion de l'expert judiciaire reposerait sur desimples hypothèses. Ainsi les plaintes de l'assuré concernant son épaulegauche sont explicitement documentées (cf. les rapports des docteursR.________ et O.________ qui, à l'issue de son premier examen, a fait mentiond'une épaule gauche douloureuse). Du reste, les investigations effectuées parla suite ont eu pour principal objectif de diminuer les douleurs à ceniveau-là (cf. le rapport du 5 janvier 2001 de la Clinique romande deréadaptation). A cela s'ajoute que la chute a surtout été amortie par le côtégauche du corps de l'assuré et que deux mois après l'incident, le docteurO.________ observait encore une légère tuméfaction de l'avant-bras gauche;même si finalement les examens pratiqués dans un premier temps n'ont pumettre en évidence autre chose qu'une contusion du coude, il apparaît aucontraire vraisemblable que les douleurs localisées dans cette région aientpu momentanément l'emporter sur les troubles de l'épaule. D'autre part, si leprincipe «post hoc ergo propter hoc» ne suffit pas en soi à établir unrapport de causalité entre une atteinte à lasanté et un accident (ATF 119 V341 sv.), on ne saurait pas davantage lui dénier toute valeur lorsqu'il estmis, comme par le docteur S.________, en relation avec d'autres critèresmédicalement déterminants. Finalement, si l'expert judiciaire est d'avis qued'après la description que l'assuré lui a faite de l'accident, celui-ci estde nature à causer le traumatisme constaté, un juge ne peut pas, sans motifpertinent, purement et simplement substituer sa propre appréciation à cellede l'expert. Sur ces différents points, les critiques adressées par lespremiers juges ne sont pas justifiées. Les considérations du docteur I.________, bien que non dénuées d'intérêt, nesont pas de nature à jeter un doute sérieux sur l'expertise judiciaire. Onpeut relever en particulier que J.________ est peintre et droitier, et qu'àsuivre le raisonnement du médecin précité, il est pour le moins étonnant quel'épaule droite présente un status sans particularité par rapport à l'épaulegauche qui, elle, a été impliquée dans l'accident du 16 juin 2000. Que l'étatgénéral des épaules du prénommé se trouve être similaire des deux côtés parledonc plutôt en faveur d'une origine accidentelle de la tendinopathie.Contrairement à ce qu'a retenu la juridiction cantonale, il convient parconséquent d'attribuer une pleine valeur probante aux conclusions du docteurS.________ dont le rapport, qui a valeur d'expertise judiciaire avec leseffets que lui attachent la jurisprudence (voir consid. 3 supra), est motivéet convaincant. L'existence d'une relation de causalité entre la tendinopathie et l'accidentassuré devant être admise, la
responsabilité de la CNA demeure engagéeau-delà du 8 février 2002. Le dossier lui sera doncrenvoyé afin qu'ellestatue sur les prestations de l'assurance-accidentssusceptibles d'entrer enligne de compte dans le cas concret(traitement médical, indemnitésjournalières, rente d'invalidité et indemnité pour atteinte à l'intégrité).Le recours est bien fondé. 7.Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). En outre lerecourant, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens à la charge de laCNA (art. 159 al. 1 OJ). Partant, sa requête d'assistance judiciaire est sansobjet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances ducanton de Vaud du 3 mars 2005 et la décision sur opposition du 25 avril 2002de la CNA sont annulés, la cause étant renvoyée à l'assureur-accidents afinqu'il procède conformément aux considérants. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.La CNA versera au recourant une indemnité de dépens (y compris la taxe à lavaleur ajoutée) de 2'500 fr. pour l'instance fédérale. 4.Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour laprocédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernièreinstance. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique. Lucerne, le 21 août 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.349/05
Date de la décision : 21/08/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-21;u.349.05 ?
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