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18/08/2006 | SUISSE | N°6P.130/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 août 2006, 6P.130/2006


{T 0/2}6P.130/20066S.287/2006/rod Arrêt du 18 août 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Vallat. A. X.________,recourante, représentée par Adv. Dr. Costantino Testa, Advokat, contre Y.________,intimée, représentée par Me Michel De Palma, avocat, 6S.287/2006diffamation (art. 173 CP) 6P.130/2006procédure pénale, arbitraire, "in dubio pro reo" pourvoi en nullité (6S.287/2006) et recours de droit public (6P.130/2006)contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale I,du 16 mai 2006. Faits: A.Y. ________, né

e en 1950 et titulaire d'une licence en philosophie, a suiviu...

{T 0/2}6P.130/20066S.287/2006/rod Arrêt du 18 août 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Vallat. A. X.________,recourante, représentée par Adv. Dr. Costantino Testa, Advokat, contre Y.________,intimée, représentée par Me Michel De Palma, avocat, 6S.287/2006diffamation (art. 173 CP) 6P.130/2006procédure pénale, arbitraire, "in dubio pro reo" pourvoi en nullité (6S.287/2006) et recours de droit public (6P.130/2006)contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale I,du 16 mai 2006. Faits: A.Y. ________, née en 1950 et titulaire d'une licence en philosophie, a suiviune formation complémentaire afin de pouvoir enseigner l'italien au niveausecondaire. Depuis 1966, elle donne des cours aux enfants des immigrésitaliens en Suisse romande, cours organisés par le Consulat général d'Italieà Lausanne. A la demande du consulat, elle a ouvert une classe à M.________en 1997. Le 15 novembre 2001, B.X.________, ressortissant italien alors âgé de douzeans, a commencé à suivre les cours dispensés par Y.________. Diversincidents, notamment en relation avec des problèmes de comportement del'élève et avec des notes, ont conduit à un conflit entre Y.________ etA.X.________, la mère de B.X.________. A. X.________ a envoyé le vendredi 21 juin 2002 un fax daté du 19 juin 2002au Consulat italien à Lausanne, à la Direction générale pour la promotion etla coopération culturelle du Ministère des affaires étrangères à Rome, ainsique pour information au supérieur hiérarchique de Y.________. Dans ce fax,elle se demandait comment il était possible que la charge d'enseignement dansune école italienne à l'étranger puisse être confiée à un individu ayantaussi peu de professionnalisme lequel, faisant de l'avarice comportementaleet morale un modèle de vie, nuisait aussi gravement à l'un de ses élèves dontl'unique faute était peut-être de lui être antipathique. Le père de B.X.________, en accord avec son épouse, est en outre intervenuauprès du Sénat italien, ce qui a amené un sénateur a déposer uneinterpellation. B.Le 25 septembre 2002, Y.________ a déposé plainte pénale contre A.X.________pour diffamation, voire calomnie, ensuite de l'envoi du fax du 19 juin 2002. Le 2 septembre 2004, le Juge II du district de S.________ a reconnuA.X.________ coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et l'a condamnée àune amende de 1000 francs ainsi qu'au paiement de 1000 francs à titre deréparation morale. Par arrêt du 16 mai 2006 rendu en langue française, la Cour pénale I duTribunal cantonal valaisan a rejeté l'appel interjeté par A.X.________ etconfirmé le jugement de première instance. C.A.X.________ a interjeté un recours de droit public et un pourvoi en nullitéauprès du Tribunal fédéral, rédigés comme son mémoire d'appel cantonal enlangue allemande. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et requiertl'effet suspensif. Le Tribunal fédéral considère en droit: I. Recours de droit public 1.La recourante invoque une violation de la garantie constitutionnelle d'êtretraitée sans arbitraire par les organes étatiques (art. 9 Cst.) en relationavec la constatation selon laquelle la plaignante a eu connaissance du faxincriminé le 26 juin 2002 seulement et donc que la plainte du 25 septembre2002 a été déposée dans les trois mois. 1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral pour violation des droitsconstitutionnels des citoyens est ouvert contre une décision cantonale dedernière instance (art. 84 al. 1 let. a et art. 86 al. 1 OJ). Cette exigencede l'épuisement des instances cantonales signifie que le recourant doit fairevaloir ses griefs devant la dernière instance cantonale et ne peut pas ensoulever de nouveaux dans le cadre du recours de droit public. Une exceptionest admise lorsque l'autorité cantonale disposait d'un pouvoir d'examen libreet devait appliquer le droit d'office, sauf lorsque le nouveau grief seconfond avec l'arbitraire ou lorsque le fait d'avoir tardé à présenter ungrief lié à la conduite de la procédure est contraire à la bonne foi (ATF 119Ia 88 c. 1a p. 90). L'arrêt attaqué constate qu'aux débats d'appel, la recourante a renoncé àinvoquer l'éventuelle tardiveté de la plainte et que la question de larecevabilité de celle-ci ne se posait donc pas (c. 1c/bb, p. 4). L'arrêtcantonal semble ainsi constater que la recourante n'a pas valablement soulevéde grief à ce sujet au plan cantonal, ce qui entraînerait l'irrecevabilité duprésent grief faute d'épuisement des voies de recours cantonales. La questionpeut rester indécise. 1.2Le justiciable qui exerce un recours de droit public pour violation de lagarantie constitutionnelle d'être traité sans arbitraire par les organes del'État (art. 9 Cst.) ne peut se borner à critiquer la décision attaquée commeil le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une librecognition. Il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer son opinion àcelle de l'autorité cantonale, mais il doit démontrer, par une argumentationprécise, que cette décision repose sur une appréciation des preuvesmanifestement insoutenable (ATF 129 I 113 c. 2.1 p. 120, 128 I 295 c. 7a p.312). L'autorité cantonale s'est fondée sur la déclaration de la plaignante selonlaquelle elle aurait reçu connaissance du fax le 26 juin 2002 par les soinsde son supérieur hiérarchique. La recourante estime qu'il existe de sérieuxdoutes à ce sujet et qu'il existe des indices pour retenir que la plaignantea pris connaissance du fax le 21 juin 2002 déjà, jour de l'envoi. A son avis,l'expérience de la vie indique que le supérieur de la plaignante l'a informéesans délai; mais il ne s'agit là que d'une hypothèse, sans plus. Larecourante relève en outre que la plaignante a mandaté son avocat le 26 juin2002 et qu'il faut retenir qu'en règle générale, plusieurs jours s'écoulententre la connaissance d'un acte attentatoire à l'honneur et la constitutiond'un défenseur; il s'agit là encore d'une simple hypothèse. La recourante nedémontre pas que la date retenue est insoutenable. Le grief d'arbitraire estdonc infondé. 2.La recourante se plaint d'une violation du principe in dubio pro reo enrelation avec la constatation que la plaignante a pris connaissance du fax le26 juin 2002. L'autorité cantonale a retenu cette date non au motif que la recouranten'aurait pas prouvé une date antérieure, mais parce qu'elle a prêté foi, demanière non arbitraire, à la déclaration de la plaignante. Le principeinvoqué n'a pas été violé, ni pour ce qui concerne le fardeau de la preuve nipour ce qui est de l'appréciation des preuves (cf. ATF 120 Ia 31). Le griefest infondé. 3.La recourante reproche à l'autorité cantonale de ne pas avoir administréd'office des preuves utiles pour déterminer la date à laquelle la plaignantea reçu connaissance du fax. Elle y voit une violation du droit à uneprocédure équitable garanti par l'art. 30 al. 1 Cst. (recte: art. 29 al. 1Cst.). La recourante n'a pas requis l'administration de ces preuves en instanced'appel alors qu'elle disait dans sa déclaration d'appel nourrir des doutesau sujet de la date retenue. Elle n'a pas évoqué la question de la tardivetéde la plainte lors des débats devant la Chambre pénale, et elle a conclu àl'acquittement, et non pas à un classement de la procédure, ce qui auraitpourtant été la conséquence du défaut d'une condition d'ouverture de l'actionpénale (cf. ATF 128 IV 81 c. 2a p. 83). Se plaindre dans ces circonstancesque l'autorité judiciaire cantonale d'appel n'a pas administré des moyens depreuves qu'on n'a soi-même, en connaissance de cause, pas requis, estcontraire au principe de la bonne foi et partant abusif (cf. ATF 121 I 30 c.5f p. 37; 111 Ia 161 c. 1a p. 162). Le grief est irrecevable. 4.La recourante reproche à l'autorité cantonale, qui lui a refusé d'apporter lapreuve de la vérité, d'être tombée dans l'arbitraire en ne retenant pasqu'elle avait agi de bonne foi dans l'intérêt de son fils. La motivation dugrief se limite à affirmer que ce fait apparaît quasiment notoire au vu dudossier; la recourante ne discute pas la motivation du juge de premièreinstance que l'autorité judiciaire d'appel a fait sienne. Le grief estirrecevable faute de motivation conforme aux exigences légales. 5.La recourante reproche enfin à l'autorité cantonale d'être tombée dansl'arbitraire en admettant le caractère attentatoire à l'honneur du fax, enlui refusant le droit d'apporter la preuve de la vérité et en la condamnant àpayer une indemnité pour tort moral. Ces griefs concernent le droit fédéral(art. 173 CP; art. 49 CO); ils sont irrecevables dans le cadre d'un recoursde droit public (art. 269 PPF; art. 84 al. 2 OJ). 6.Le recours est infondé dans la mesure où il est recevable. La recourantesupporte les frais de la procédure (art. 156 OJ). Il n'est pas allouéd'indemnité à la plaignante qui n'a pas été invitée à se déterminer. Larequête d'effet suspensif est sans objet.II. Pourvoi en nullité 7.Le pourvoi en nullité n'est recevable que pour violation du droit fédéral(art. 269 al. 1 PPF). Il ne peut pas être soulevé de grief pour violation dedroits constitutionnels ou du droit cantonal (art. 269 al. 2 et art. 273 al.1 let. b PPF). Saisi d'un pourvoi, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de faitde l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 phr. 2 PPF). Il n'examine doncl'application du droit fédéral que sur la base de l'état de fait retenu. Ilen découle que le recourant doit mener son raisonnement juridiqueexclusivement sur la base de l'état de fait ressortant de la décisionattaquée. Il ne peut ni exposer une version des faits divergente de celle del'autorité cantonale, ni apporter des éléments de fait supplémentaires nonconstatés dans la décision attaquée; il ne saurait en être tenu compte (ATF126 IV 65 c. 1 p. 66). 8.Dans ses deux premiers griefs, la recourante se plaint d'une violation de lamaxime d'office, de la présomption d'innocence, du principe de l'immédiatetéet d'arbitraire dans la constatation des faits; reprenant pour l'essentiel lelibellé de son recours de droit public, elle conteste la date retenue pour laprise de connaissance du fax par la plaignante. Ces griefs ne se rapportentpas au droit fédéral; ils sont irrecevables. 9.La recourante se plaint d'une violation de l'art. 29 CP relatif au délai deplainte, commise ensuite de l'établissement arbitraire des faits; car iln'existerait pas de doute sérieux sur le fait que le délai de trois mois n'aen réalité pas été respecté. Fondé sur un état de fait différent de celuiretenu par l'autorité cantonale, le grief est irrecevable. 10.La recourante se plaint d'une violation de l'art. 173 ch. 1 CP. Elle estimele contenu du fax non attentatoire à l'honneur. En premier lieu, la recourante soutient que seule la réputationprofessionnelle de la plaignante est mise en cause. Tel n'est toutefois pasle cas. Une simple lecture objective du texte montre qu'elle s'en prend aucaractère et aux qualités personnelles de la plaignante. Il peut être renvoyéaux attendus de l'autorité cantonale (arrêt attaqué c.4b p. 13 ss; jug. du 2septembre 2004, c. 4 p. 20 ss). La recourante invoque ensuite la jurisprudence rendue en matière de propostenus entre adversaires politiques en période d'élections ou de votations.Cette jurisprudence plus restrictive est fondée sur le fait que la démocratieimplique une grande liberté d'expression, que le public fait la part deschoses de ce qui se dit dans le combat politique et qu'un politicien doitavoir le cuir épais. On ne comprend pas pourquoi elle devrait trouverapplication aux propos tenus sur un enseignant par les parents d'un élève. La recourante objecte enfin que son seul but était de protéger l'intégritépsychique de son fils et de lui garantir un enseignement optimal. Ce faisant,elle s'écarte de l'état de fait retenu. L'autorité cantonale a retenu quel'argument de la protection de l'enfant tombait à faux dès lors que larecourante avait envoyé le fax en fin d'année scolaire, alors que laplaignante avait terminé sa période d'enseignement en Suisse, et que larecourante avait agi dans le but de dire du mal de la plaignante (arrêtattaqué c. 4b dernier alinéa, p.14; jug. du 2 septembre 2004 c. III/B.4 p.21). Le grief est infondé dans la mesure où il est recevable. 11.La recourante se plaint d'une violation de l'art. 173 ch. 2 CP, au motifqu'elle n'a pas été admise à apporter la preuve de la vérité. La motivationde son grief se limite toutefois à une critique de l'état de fait retenu etde l'application de principes de droit de procédure. Ce grief est partantirrecevable. 12.La recourante se plaint finalement d'une violation de l'art. 49 CO, au motifque faute d'une atteinte à l'honneur illicite et intentionnelle, elle nesaurait être astreinte à payer un montant en réparation du tort moral. Luiaussi fondé sur un état de fait différent de celui retenu dans l'arrêtattaqué, ce grief est irrecevable. 13.Le pourvoi est infondé dans la mesure où il est recevable. La recourantesupporte les frais de la procédure (art. 278 PPF). Il n'est pas allouéd'indemnité à la plaignante qui n'a pas été invitée à se déterminer. Larequête d'effet suspensif est sans objet. Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Le pourvoi en nullité est rejeté dans la mesure où il est recevable. 3.Un émolument judiciaire de 4000 francs est mis à la charge de la recourante. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale I. Lausanne, le 18 août 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.130/2006
Date de la décision : 18/08/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-18;6p.130.2006 ?
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