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18/08/2006 | SUISSE | N°6P.112/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 août 2006, 6P.112/2006


{T 0/2}6P.112/20066S.231/2006 /rod Arrêt du 18 août 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourant, représenté par Me Nicolas Charrière, avocat, contre Ministère public de l'État de Fribourg, rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, case postale56, 1702 Fribourg. 6P.112/2006Procédure pénale; arbitraire (art. 9 Cst.), droit d'être entendu (art. 29 al.2 Cst.), principe de célérité(art. 29 al.1 Cst.) 6S.231/2006Escroquerie par métier (art. 146 al.

2 CP), faux dans les titres commis dansl'exercice de fonctions p...

{T 0/2}6P.112/20066S.231/2006 /rod Arrêt du 18 août 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourant, représenté par Me Nicolas Charrière, avocat, contre Ministère public de l'État de Fribourg, rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, case postale56, 1702 Fribourg. 6P.112/2006Procédure pénale; arbitraire (art. 9 Cst.), droit d'être entendu (art. 29 al.2 Cst.), principe de célérité(art. 29 al.1 Cst.) 6S.231/2006Escroquerie par métier (art. 146 al. 2 CP), faux dans les titres commis dansl'exercice de fonctions publiques(art. 317 ch. 1 CP), recours de droit public (6P.112/2006) et pourvoi en nullité (6S.231/2006)contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État deFribourg du21 mars 2006. Faits: A.Entre 1989 et 2001, X.________, chef du Service cantonal fribourgeois del'enseignement primaire de langue française, a déterminé trente-sept foisl'administration cantonale fribourgeoise à verser sur le compte bancaire BCF"xxx" (ci-après le compte BCF), qu'il avait ouvert au nom d'un groupementintercantonal d'inspecteurs des écoles et pour lequel il disposait de lasignature individuelle, des subventions dont il a mensongèrement déclaréqu'elles serviraient à financer la formation continue des enseignants dudegré primaire, mais qu'il a utilisées à des fins personnelles. La somme desfonds publics qu'il s'est ainsi fait remettre s'élève à 1'050'750 francs. Dans trente-cinq cas (cas 1 à 35), son mode opératoire a été le suivant:X.________ établissait, sur papier à en-tête de la Direction de l'instructionpublique, une pièce comptable intitulée "facture", qu'il signait en saqualité de chef de service et qui portait sur une avance à verser àl'Association fribourgeoise des inspecteurs des écoles, pour une prestationque cette association allait prétendument fournir prochainement en matière deformation continue des enseignants du degré primaire (organisation d'un coursou d'un séminaire). L'adresse de paiement indiquée était le compte BCFprécité. Jusqu'en 1998, ces "factures" comportaient presque toutesl'indication que les montants en cause seraient "intégrés" dans les comptesde la Société fribourgeoise de perfectionnement pédagogique, dont X.________était le président. À partir de 2000, elles indiquaient que ces montantsseraient intégrés dans les comptes de la Commission cantonale de formationcontinue des enseignants, dont X.________ était également le président. Lescours ou séminaires mentionnés sur ces "factures" avaient ensuiteeffectivement lieu, mais ils étaient organisés et financés par la Sociétéfribourgeoise de perfectionnement pédagogique puis, dès 1998, par laCommission cantonale de formation continue des enseignants, sur leur budgetpropre. Par ailleurs, en plus de la "facture", X.________ établissait etsignait un ordre de paiement à l'intention de la Trésorerie de l'État. Alorsque, selon la réglementation cantonale relative à l'engagement des dépensespubliques, il aurait pu se contenter de faire contresigner cet ordre parl'adjoint administratif de son service, X.________ le faisait presquetoujours contresigner par le conseiller d'État dont il dépendait, sachantbien que celui-ci n'avait pas le temps de procéder à la vérificationsystématique de chaque document qui lui était soumis et qu'il se reposeraitsur le rapport de confiance qui existait entre eux. L'ordre de paiement, munide la double signature exigée par la législation cantonale, était ensuiteadressé à la Trésorerie de l'État, avec la "facture". X.________ savait bienque les personnes hiérarchiquement inférieures ne poseraient pas de questionset exécuteraient ses ordres. Il savait aussi que les vérifications comptablesse faisaient à la source. Il a toujours pris garde de rester dans les limitesdu budget pour ne pas provoquer les contrôles qu'entraîne tout dépassement decelui-ci. Dans les deux cas restants, X.________ a opéré différemment: Par lettre du 20décembre 1999, confirmant un appel téléphonique pressant du même jour, il ademandé au caissier de la Commission cantonale de formation continue desenseignants de transférer sur le compte BCF le "solde des subventions verséesen trop", soit 50'000fr., afin, prétendait-il, de payer la participationcantonale aux frais d'introduction d'un nouveau cours de mathématiques communaux cantons de Berne, du Jura, de Neuchâtel et de Fribourg (cas 36). Parlettre du 11 septembre 2001, il a demandé à l'administrateur de l'Officecantonal du matériel scolaire de verser de toute urgence un montant de 50'000fr. sur le compte BCF, pour, affirmait-il, financer un programme de formationcontinue. Il précisait que ce montant serait intégré dans les comptes de laCommission cantonale de formation continue des enseignants et que l'Officepourrait le récupérer plus tard. X.________ a ensuite établi une "facture" etfait contresigner un ordre de paiement par le conseiller d'État (cas 37). Au début de l'année 2002, une nouvelle conseillère d'État a repris laDirection de l'instruction publique. Alertée par un comptable qui avaitconstaté que des avances devant financer des programmes de formation continuecontinuaient d'être versées à une association qui n'en était plus chargée,elle a demandé à X.________ de lui présenter un décompte précis del'affectation des 140'000 fr. versés apparemment à l'Associationfribourgeoise des inspecteurs des écoles - en réalité sur le compte BCF -durant l'année 2001. Pour répondre à cette demande, X.________ a établi, le13février 2002, une comptabilité fictive de l'Association fribourgeoise desinspecteurs des écoles. Il a été suspendu de ses fonctions le 4mars 2002. B.Par jugement du 21 juin 2004, le Tribunal pénal de l'arrondissement de laSarine a condamné X.________, pour escroquerie par métier (art. 146 al. 2 CP)et faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques (art.317 ch. 1 CP), à trois ans et demi de réclusion ainsi qu'au paiement desfrais de justice, révoqué le sursis dont était assortie une peine de trentejours d'emprisonnement prononcée contre X.________ le 30 janvier 2001, prisacte du passé-expédient de celui-ci sur les conclusions civiles de l'État deFribourg et maintenu les séquestres ordonnés en cours d'instruction. Sousréserve des cas 1 à 6, pour lesquels il a retenu que l'action pénale étaitprescrite, le tribunal a notamment considéré que les "factures" queX.________ avait établies dans les cas 7, 11 à 16, 18 à 28, 30 à 35 et 37constituaient des titres, au sens des art.110 ch. 5 et 317 CP, et que lesprocédés qu'il avait utilisés pour circonvenir le conseiller d'État quicontresignait les ordres de paiement et les agents de la Trésorerie quiexécutaient le paiement, dans les cas 8 à 35, le caissier de la Commissioncantonale de formation continue des enseignants, dans le cas 36, etl'administrateur de l'Office cantonal du matériel scolaire, dans le cas 37,comportaient une astuce au sens de l'art. 146 CP. Par arrêt du 21 mars 2006, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal del'État de Fribourg a rejeté le recours du condamné mais réformé d'office lejugement de première instance pour le mettre en conformité avec l'art. 68 ch.2 CP, en ce sens que X.________ était condamné à trois ans et cinq mois deréclusion, peine complémentaire à celle de trente jours d'emprisonnement pourlaquelle le sursis était révoqué. C.Contre cet arrêt, dont il demande l'annulation, X.________ interjettesimultanément un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunalfédéral. Il assortit chacun de ses recours d'une requête d'effet suspensif et d'unedemande d'assistance judiciaire. Par réponses du 6 juin 2006, sur lesquelles le recourant a déposé desobservations le 25 juillet 2006, le Ministère public de l'État de Fribourg aconclu au rejet des deux recours. D.Par ordonnance du 9 juin 2006, le président de la cour de céans a attribuél'effet suspensif aux recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Conformément à l'art. 275 al. 5 PPF, lorsqu'une décision fait à la foisl'objet d'un recours de droit public et d'un pourvoi en nullité, il y a lieu,en principe, d'examiner d'abord le recours de droit public. Dans le casprésent, il apparaît que le bien-fondé de certains moyens soulevés à l'appuidu recours de droit public dépend en partie du mérite de ceux que lerecourant a développés à l'appui de son pourvoi. Il convient dès lors destatuer en premier lieu sur le pourvoi en nullité. I. Pourvoi en nullité 2.Exercé en temps utile contre un arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunalcantonal de l'État de Fribourg, le pourvoi est recevable au regard des art.268 ch. 1, 270 let. c et 272 al. 1 PPF. Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application dudroit fédéral (art. 269 al. 1 PPF) sur la base exclusive de l'état de faitdéfinitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1let. b PPF). Il n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent (art.277bis al. 2 PPF). Mais il ne peut aller au-delà des conclusions (art. 277bisal. 1 PPF), lesquelles doivent être interprétées à la lumière de leurmotivation. Celle-ci circonscrit dès lors les points que la cour de céanspeut examiner (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts cités). 3.Le recourant admet s'être rendu coupable de faux dans les titres commis dansl'exercice de fonctions publiques en créant une fausse comptabilité del'Association fribourgeoise des inspecteurs des écoles en février 2002. Enrevanche, il conteste s'être rendu coupable de faux intellectuel dans lestitres commis dans l'exercice de fonctions publiques en établissant les"factures" qu'il a jointes aux ordres de paiement dans les cas 7, 11 à 16, 18à 28, 30 à 35 et 37 - au motif que ces "factures" ne constitueraient pas destitres au sens des art.110 ch. 5 et 317 CP. 3.1 Aux termes de l'art. 317 CP, qui incrimine ces faits sous laqualification de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctionspubliques, les fonctionnaires et les officiers publics qui aurontintentionnellement créé un titre faux, falsifié un titre ou abusé de lasignature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titresupposé (ch. 1 al. 1), les fonctionnaires et les officiers publics qui aurontintentionnellement constaté faussement dans un titre un fait ayant une portéejuridique, notamment en certifiant faussement l'authenticité d'une signatureou d'une marque à la main ou l'exactitude d'une copie (ch. 1 al. 2), serontpunis de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement (ch. 1).La peine sera l'amende si le délinquant a agi par négligence (ch. 2). Les actes visés par le premier alinéa du ch. 1 de l'art. 317 CP correspondentaux quatre premiers visés par l'art. 251 ch. 1 al. 2 CP, tandis que les actesvisés par l'al. 2 du ch. 1 de l'art. 317 CP correspondent au cinquième visépar l'art. 251 ch. 1 al. 2 CP. Les règles que la jurisprudence a dégagées enmatière de faux dans les titres, au sens de l'art. 251 CP, sont dès lorségalement applicables au faux dans les titres commis dans l'exercice defonctions publiques, au sens de l'art. 317 CP (cf. ATF 131 IV 125 consid. 4.1p. 127 et l'arrêt cité). 3.2 L'incrimination des divers types de faux dans les titres prévus dans lapartie spéciale du code pénal protège notamment la confiance qui, dans lesrelations juridiques, est placée dans un titre comme moyen de preuve. C'estpourquoi on ne trouve parmi les écrits constitutifs de titres que ceux quisont destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique (art.110 ch. 5 al. 1 CP). Le caractère de titre d'un écrit est relatif. Un mêmedocument peut revêtir la qualité de titre à l'égard de certains des faitsqu'il évoque et ne pas revêtir cette qualité à l'égard d'autres. Selon lajurisprudence, la destination d'un écrit à prouver un fait peut se déduiredirectement de la loi ou, à défaut, du sens et de la nature de l'écrit enquestion. Savoir si un écrit est propre à prouver un fait se détermine envertu de la loi ou, à défaut, des usages commerciaux (ATF 126 IV 65 consid.2a p.67; 125 IV 17 consid. 2a/aa p. 22, 273 consid. 3a/aa). Peu importe, àcet égard, l'usage particulier que l'auteur, avant de l'émettre, prévoyait defaire du titre (cf. ATF 120 IV 122 consid. 4 d/bb p. 129). Les art. 251 et 317 CP visent non seulement la création d'un titre faux ou lafalsification d'un titre (faux matériel), mais aussi l'établissement d'untitre mensonger (faux intellectuel). Il y a création d'un titre fauxlorsqu'une personne fabrique un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avecl'auteur apparent, alors que le faux intellectuel consiste à établir un titrequi émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans la mesure oùson contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 126 IV 65 consid. 2a p. 67 etles arrêts cités). Il est toutefois généralement admis qu'un simple mensonge écrit ne constituepas un faux intellectuel. La confiance que l'on peut avoir à ne pas êtretrompé sur la personne de l'auteur est plus grande que celle que l'on peutavoir à ce que l'auteur ne mente pas par écrit; aussi la jurisprudenceexige-t-elle, dans le cas du faux intellectuel, que le document ait unecrédibilité accrue et que son destinataire puisse s'y fier raisonnablement.Une simple allégation, par nature sujette à vérification ou à discussion, nesuffit pas; il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que ledocument est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par ledestinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (ATF 126 IV 65consid. 2a p.67 et les arrêts cités). Tel est le cas lorsque certainesassurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration;il peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe àl'auteur du document ou encore de l'existence de dispositions légales commeles art. 958 ss CO relatifs au bilan, qui définissent le contenu du documenten question. En revanche, le simple fait que l'expérience montre que certainsécrits jouissent d'une crédibilité particulière ne suffit pas, même si dansla pratique des affaires il est admis que l'on se fie à de tels documents. Ilfaut noter, enfin, que la limite entre le mensonge écrit et le fauxintellectuel dans les titres doit être fixée de cas en cas en fonction descirconstances concrètes de l'espèce (ATF 126 IV 65 consid. 2a p. 67 s. et lesarrêts cités). 3.3 Selon une jurisprudence constante, la comptabilité commerciale et seséléments (pièces justificatives, livres, extraits de compte, bilans oucomptes de résultat) sont des titres au sens des art. 110 ch. 5, 251 et 317CP, dès lors qu'il sont, en tout cas en vertu de l'art. 957 CO, destinés etpropres à prouver des faits ayant une portée juridique (ATF 79 IV 162 consid.3 p. 163 s.; récemment confirmé par les ATF 129 IV 130 consid. 2.2 p. 135;125 IV 17 consid. 2a/aa p. 23 et par les arrêts cités). Une comptabilitéfacultative constitue également un titre, bien que son auteur ne soit passoumis
à l'obligation légale de régularité découlant de l'art. 957 CO, sielle est tenue dans le même but que celui en vue duquel l'art. 957 CO obligeles personnes assujetties à l'inscription au registre du commerce à tenir deslivres (ATF 91 IV 188, précisé par l'ATF 125 IV 17 consid. 2b/aa p. 26 s.).Le critère est fonctionnel: si, quoique n'émanant pas d'une personneastreinte à tenir des livres, elle comprend des justificatifs et des livresprétendant à l'exhaustivité et donne une image qui se veut complète de lasituation financière de l'entreprise, de l'état des dettes et des créances serattachant à l'exploitation ainsi que du résultat des exercices annuels, lacomptabilité vaut titre (ATF 125 IV 17 consid.2b/aa p. 26 s. et lesréférences). Les tiers qui voudraient connaître la situation financière del'entreprise doivent pouvoir s'y fier (ATF 125 IV 17 consid. 2b/dd p.29). Ces principes, dégagés pour les particuliers tenant une comptabilité dans ledomaine des affaires, s'appliquent à plus forte raison aux comptes descollectivités publiques. Les livres tenus par un canton remplissent la mêmemission que celle que l'art. 957 CO assigne à la comptabilité commerciale.Aussi les livres comptables d'une collectivité publique doivent-ils êtrevéridiques de par leur nature et leur destination mêmes (cf. ATF 91 IV 188consid. 4 p. 190). La comptabilité d'un canton, formée notamment des livreset des pièces justificatives, constitue dès lors un titre, sans qu'il soitnécessaire de vérifier si le droit cantonal impose un devoir de véracité auxfonctionnaires qui la tiennent ou contribuent à la tenir. Il en va notammentainsi de la comptabilité de l'État de Fribourg. 3.4 En dépit de leur intitulé, les pièces comptables établies par lerecourant n'étaient pas des factures, ni des demandes de subvention, dès lorsqu'elles étaient signées non pas par un tiers réclamant un paiement à l'État,mais par un chef de service déclarant en cette qualité que l'État devaitpayer une certaine somme d'argent à un tiers. Ces "factures" ne constituaientpas, non plus, de simples ordres de paiement, doublons de ceux contresignéspar le conseiller d'État. Jointes à ces derniers, elles étaient au contrairedestinées, de manière parfaitement reconnaissable pour les tiers, à servir depièces justificatives. Quiconque lisait une de ces "factures" en parallèleavec l'ordre de paiement auquel elle était annexée ne pouvait la comprendreque comme l'attestation que le signataire avait pris, en sa qualité de chefde service, la décision d'octroyer au destinataire désigné, une avance dumontant indiqué, pour la cause future mentionnée - soit comme l'attestationde l'existence et de la teneur de la décision administrative en exécution delaquelle, prétendument, le paiement était ordonné. 3.4.1 Le recourant conteste la qualité de titre de ces "factures" au motifqu'elles n'auraient pas dû être acceptées comme pièces justificatives par leconseiller d'État qui a contresigné les ordres de paiement, par les agents dela Trésorerie qui les ont exécutés et par les comptables qui ont ensuiteenregistré les paiements. En effet, le recourant se réfère à une lettre quele Trésorier de l'État de Fribourg a adressée le 4 juin 1996 à toutes lesdirections et à tous les services de l'administration fribourgeoise, pourleur préciser notamment que les factures à produire en vue de lacomptabilisation et de l'exécution d'un paiement par la Trésorerie de l'Étatdevaient avoir été établies au nom et sur le papier à en-tête du demandeur oudu bénéficiaire du paiement. Le recourant conclut de cette lettre que seuleune demande de subvention émanant de l'Association fribourgeoise desinspecteurs des écoles aurait été admissible pour servir de piècejustificative aux ordres de paiement contresignés par le conseiller d'État, àl'exclusion d'une attestation provenant du chef du service payeur. D'aprèslui, les "factures" qu'il avait établies n'auraient ainsi pas été propres àprouver le destinataire et la cause des paiements ordonnés et ne pourraientdès lors pas être qualifiées de titres. Ce raisonnement ne saurait être suivi. Quand bien même les "factures"établies par le recourant n'auraient pas répondu aux exigences découlant desprincipes comptables applicables au sein de l'administration fribourgeoise,il n'en resterait pas moins que, comme le recourant l'a lui-même voulu, lespaiements ordonnés sur la base de ces "factures" ont été exécutés puisenregistrés dans les livres comptables de l'État avec l'indication dudestinataire et de la cause mentionnés sur les "factures", et que celles-ciont dès lors été conservées comme pièces justificatives. Du moment qu'ilsavait que l'État utiliserait ces "factures" pour établir sa situationfinancière et disposer, à cet égard, d'un moyen de preuve, le recourantdevait, de par la nature et la destination mêmes de ces pièces, les établirde façon véridique (cf., mutatis mutandis, ATF 91 IV 188 consid. 4 p.190).Élément de la comptabilité de l'État de Fribourg, en la véracité de laquelleles tiers doivent pouvoir légitimement se fier, chacune des "factures" durecourant constitue dès lors un titre au sens des art.110 ch. 5 et 317 CP. 3.4.2 Les "factures" établies par le recourant étaient mensongères, puisqueleur auteur n'avait, contrairement à ce qu'il attestait, jamais pris dedécision octroyant une aide financière à l'Association fribourgeoise desinspecteurs des écoles pour l'organisation des cours ou séminaires deformation continue mentionnés dans ces documents. En émettant ces "factures",dont il savait qu'elles seraient versées parmi les pièces justificatives descomptes de l'État de Fribourg, le recourant s'est donc bien rendu coupable defaux intellectuel dans les titres commis dans l'exercice de fonctionspubliques (art. 317 ch. 1 al.2 CP). Le moyen qu'il prend d'une violation desart. 110 ch. 5 et 317 CP se révèle ainsi mal fondé. 4.Le recourant conteste avoir usé d'astuce dans les cas 7 à 28, 30 à 35 et 37,pour lesquels il a été reconnu coupable d'escroquerie par métier (art. 146ch. 2 CP). Il fait valoir qu'en se laissant tromper sur le destinataire et lacause des paiements par des "factures" qu'ils n'auraient pas dû acceptercomme pièces justificatives, le conseiller d'État et l'adjoint administratifde celui-ci qui ont contresigné les ordres de paiement, les agents de laTrésorerie qui les ont exécutés et les comptables qui ont ensuite enregistréles opérations, auraient fait preuve de légèreté, ce qui exclurait lecaractère astucieux de la tromperie dont ils ont été victimes. 4.1 Il y a astuce, au sens de la jurisprudence, lorsque l'auteur recourt àdes manoeuvres frauduleuses, à une mise en scène comportant des documents oudes actes ou à un échafaudage de mensonges qui se recoupent de façon siraffinée que même une victime critique se laisserait tromper (ATF 122 IV 197consid. 3d p. 205). Il y a ainsi manoeuvre frauduleuse, par exemple, sil'auteur emploie un document faux ou fait intervenir, à l'appui de satromperie, un tiers participant ou manipulé (Bernard Corboz, Les infractionsen droit suisse, vol. I, Berne 2002, n. 18 ad art. 146 CP p. 305). L'astucesera également retenue si, en fonction des circonstances, une vérification nepouvait pas être exigée de la dupe (ATF 126 IV 165 consid. 2a p. 171). Cettehypothèse vise en particulier les opérations courantes, de faible valeur,pour lesquelles une vérification entraînerait des frais ou une perte de tempsdisproportionnée ou ne peut être exigée pour des raisons commerciales(Corboz, op. cit., n. 20 ad art. 146 CP p. 305). L'astuce peut aussiconsister à dissuader la dupe de procéder à des vérifications (Corboz, op.cit., ibid.). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec unminimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'onpouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y aitescroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence etqu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La questionn'est pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'êtretrompée, mais si elle aurait pu éviter de l'être en faisant preuve du minimumd'attention, notamment en procédant aux vérifications élémentaires que l'onpouvait attendre d'elle (ATF 128 IV 18 consid. 3a p. 20 et les arrêts cités).Pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce et si la dupe a omis de prendre desmesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment unepersonne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie. Il fautprendre en considération la situation particulière de la dupe, telle quel'auteur la connaissait et l'a exploitée (ATF 128 IV 18 consid.3a p.21; 120IV 186 consid. 1a p. 188). L'astuce ne peut donc être niée que si latromperie pouvait être empêchée par des précautions qui peuvent êtrequalifiées d'élémentaires dans la situation de la dupe. 4.2 La cour cantonale a retenu qu'il régnait entre le conseiller d'État etses chefs de service le climat de confiance nécessaire à la bonne marche detoute administration. Sur le plan de l'intégrité personnelle, le conseillerd'État faisait même une confiance toute particulière au recourant, en raisonde ses fonctions pédagogiques de haut niveau. Dans ce contexte, le recouranta demandé au conseiller d'État de contresigner des ordres de paiement portantsur de petits montants, en comparaison des compétences d'un chef dedirection, en précisant que les fonds débloqués devaient servir à financerdes prestations futures, pour lesquelles il ne pouvait dès lors pas encore yavoir de factures au sens propre du terme. Le recourant n'ignorait pas que,compte tenu de son emploi du temps chargé, de la faible importance du montantdemandé par rapport à ses attributions et des rapports de confianceparticuliers qui existaient entre eux, le conseiller d'État ne procéderaitpas à une vérification systématique et qu'il partirait de l'idée que toutétait en ordre. Au demeurant, comme les cours et séminaires mentionnés surles "factures" avaient effectivement lieu, il était facile au recourant, sides questions lui étaient posées à ce sujet, de donner des explicationsvraisemblables sur la prétendue affectation de l'argent débloqué. Dans cesconditions, la seule vérification par laquelle le conseiller d'État aurait pudécouvrir le stratagème du recourant aurait consisté à exiger qu'une demandede subvention émanant de l'Association fribourgeoise des inspecteurs desécoles soit jointe à l'ordre de paiement. Mais, qu'il fût ou non tenud'exiger une telle pièce en vertu des instructions du Trésorier de l'État du4 juin 1996, on ne saurait le taxer de légèreté pour s'être abstenu del'exiger d'un collaborateur en qui il avait toute confiance, qui avait jointune attestation relative au destinataire et à la cause du paiement et quiavait déjà procédé plusieurs fois de cette manière sans réaction des servicescomptables. Aussi, en tirant parti de l'emploi du temps chargé du conseillerd'État, de la faible importance des montants en jeu par rapport auxcompétences de celui-ci et en exploitant le rapport de confiance qui existaitentre eux, le recourant s'est assuré que le conseiller d'État ne vérifieraitpas l'exactitude de l'attestation qu'il joignait à l'ordre de paiement. Untel procédé est astucieux et, contrairement à ce que soutient le recourant,on ne fait pas fi des principes fondamentaux de la gestion comptable en leretenant, car il y a une marge importante entre la rigueur formelle élevéedont il faut faire preuve pour respecter ces principes comptables et lesvérifications qui peuvent être dites élémentaires dans la situation d'unconseiller d'État surchargé, qu'un collaborateur de confiance invite àcontresigner un ordre de paiement. Manquer aux exigences de forme quidécoulent de ces principes comptables n'équivaut pas encore à faire preuve delégèreté. Les mêmes considérations valent pour les trois cas où le recourant a faitcontresigner l'ordre de paiement par l'adjoint administratif de la Directionde l'instruction publique. Pour le surplus, le recourant a dissuadé ses dupes de vérifier l'exactitudede ses dires ou de ses "factures" en abusant de sa position hiérarchique. Ilsavait que les personnes hiérarchiquement inférieures hésiteraient beaucoup àremettre en cause les pièces justificatives jointes à un ordre de paiementco-signé par un conseiller d'État ou par l'adjoint d'un conseiller d'État.Quant au caissier de la Commission cantonale de formation continue desenseignants et à l'administrateur de l'Office cantonal du matériel scolaire,le recourant les a dissuadés de faire la moindre vérification en exigeantd'eux, en sa qualité de supérieur hiérarchique et sur un ton qui ne souffraitaucune discussion, qu'ils procèdent à un paiement dans un délai très bref quine leur laissait pas le temps de mener à bien d'éventuelles vérifications.Une telle exploitation de sa position hiérarchique constitue également uneastuce au sens de l'art. 146 CP. Le second moyen que le recourant développe àl'appui de son pourvoi se révèle donc également mal fondé. Partant, le pourvoi doit être rejeté. II. Recours de droit public 5.5.1 Les décisions pénales de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ)peuvent faire l'objet d'un recours de droit public au Tribunal fédéral pourviolation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ),dès lors qu'un tel motif ne peut être soulevé à l'appui d'un pourvoi ennullité (cf. art. 84 al. 2 OJ et 269 al. 2 PPF). Interjeté en temps utile, pour violation des art. 9 Cst., 29 al. 2 Cst. etart. 6 CEDH contre un arrêt final rendu par le Tribunal cantonal de l'État deFribourg, le présent recours est recevable au regard des art.84 al. 1 et 2,86 al. 1, 87, 88 et 89 al.1 OJ. 5.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, sous peined'irrecevabilité (ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558 et les arrêts cités),contenir un exposé succinct des droits constitutionnels prétendument violéset préciser en quoi consiste la violation alléguée. Il en résulte que,lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéraln'applique pas le droit d'office. Il n'a pas à vérifier si la décisionattaquée est en tous points conforme à l'ordre juridique. Il n'examine queles griefs de nature constitutionnelle soulevés et suffisamment motivés dansl'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vaguesgriefs (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p.31; 129 I 113 consid.2.1 p. 120 et lesarrêts cités). 6.Devant la cour cantonale, le recourant avait fait valoir qu'il résultait desart. 7 et 46 du règlement du 12 mars 1996 d'exécution de la loi sur lesfinances de l'État (RS/FR 610.11; ci-après RFE) et 28 al.1 let. b de la loidu 17 novembre 1999 sur les subventions (RS/FR 616.1; ci-après LSub) que lespièces justificatives de tout paiement doivent obligatoirement être émisespar le bénéficiaire et non par le service de l'État qui paie et que cetteexigence s'applique aussi bien pour le règlement de factures que pour leversement de subventions.
Le recourant en avait conclu que les "factures"qu'il avait établies ne pouvaient être qualifiées titres, faute de forceprobante accrue, et que la tromperie qu'il avait commise n'était pasastucieuse. La cour cantonale a rejeté son argumentation aux motifs que laréglementation qu'il invoquait n'était pas en vigueur au moment où il acommis la majeure partie des faits qui lui sont reprochés, qu'elle nes'appliquait qu'aux paiement en faveur de fournisseurs externes de l'État etque, même si elle avait été applicable aux "factures" établies par lerecourant, elle ne les aurait pas empêché de valoir titres. À l'appui de sonrecours de droit public, le recourant soutient que ces motifs sontarbitraires (art. 9 Cst.). Selon la jurisprudence, l'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne résulte pasdu seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou mêmequ'elle serait préférable. Le Tribunal fédéral n'annulera la décisionattaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle setrouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle violegravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elleheurte de manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Lorsque lapartie recourante se plaint d'application arbitraire d'une norme juridique,elle doit démontrer que la décision attaquée est manifestement insoutenable,qu'elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair etincontesté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et del'équité (ATF 126 III 438 consid. 3 p. 440). En outre, pour qu'une décision soit arbitraire, il ne suffit pas qu'elle soitinsoutenable dans sa motivation; il faut encore qu'elle se révèleinsoutenable dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêtscités). Dans le cas présent, même s'il apparaissait que les règles légalesinvoquées par le recourant s'appliquaient à ses "factures", celles-ciconstitueraient néanmoins des titres, puisqu'elles étaient destinées à êtreintégrées dans la comptabilité de l'État de Fribourg, laquelle a déjà uneforce probante accrue de par sa nature et sa destination, sans qu'il soitnécessaire qu'elle satisfasse en tous points aux exigences particulières dela législation cantonale sur la comptabilité publique (cf. supra consid.3.3). Même si la cour cantonale avait mal interprété le droit cantonal - cequi ne semble du reste pas être le cas - l'arrêt attaqué n'aboutirait dèslors de toute façon pas à un résultat insoutenable. Le moyen pris d'uneviolation de l'interdiction de l'arbitraire doit dès lors être rejeté. 7.Le recourant reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir violé son droit àl'administration de preuves, composante du droit d'être entendu garanti àl'art. 29 al. 2 Cst., en refusant d'ordonner une expertise et d'entendre destémoins pour déterminer le champ d'application, le contenu et la portée desrègles légales cantonales sur la gestion financière. Dans la mesure où il se rapporte aux preuves, le droit d'être entendu garantipar l'art. 29 al. 2 Cst. donne exclusivement le droit de faire administrerdes preuves tendant à établir des faits de nature à influer sur la décision àrendre (ATF 129 I 85 consid. 4.1 p. 88 s.; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504 s.).Il ne donne pas le droit de mettre en oeuvre des experts ou de faire entendredes témoins sur des questions juridiques - comme le champ d'application, lecontenu et la portée des règles légales cantonales sur la gestion financière- à plus forte raison si, comme en l'espèce (cf. supra consid. 3.4.1 et 4.2),ces questions juridiques sont en outre sans incidence sur le sort de l'actionpénale. Le moyen est donc mal fondé. 8.Le recourant se plaint encore d'appréciation arbitraire des preuvesadministrées pour établir sa faculté d'apprécier le caractère illicite de sesactes, et de se déterminer en fonction de cette appréciation, lorsqu'il aétabli, le 13 février 2002, une fausse comptabilité de l'Associationfribourgeoise des inspecteurs des écoles (cas 38). Plus précisément, ilsoutient que la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en retenant que leséléments du dossier ne révélaient aucune circonstance nouvelle (par rapportaux cas 7 à 37) susceptible d'éveiller un doute sérieux quant à son étatmental au moment où il a fabriqué la fausse comptabilité de l'associationprécitée. Cependant, il n'indique pas dans son mémoire de recours - du moinspas de manière conforme aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. bOJ - quels éléments du dossier éveilleraient un doute sérieux sur sa pleineresponsabilité pénale le 13 février 2002 ni en quoi, par conséquent,l'appréciation anticipée des preuves sur la base de laquelle la courcantonale a refusé d'ordonner un complément d'expertise serait entachéed'arbitraire. Et il ne peut compléter la motivation de ses moyens aprèsl'échéance du délai de recours. Aussi, faute d'avoir été suffisamment motivéen temps utile, le moyen est-il irrecevable. 9.Enfin, le recourant se plaint d'une violation du principe de la célérité(art. 29 al. 1 Cst., 6 par. 1 CEDH et 14 par 3 al. c Pacte ONU II). 9.1 Le principe de la célérité, consacré par l'art. 29 al. 1 Cst. et l'art. 6par. 1 CEDH, impose aux autorités de mener la procédure pénale sansdésemparer, dès le moment où l'accusé est informé des soupçons qui pèsent surlui, afin de ne pas le maintenir inutilement dans les angoisses qu'ellesuscite. Il s'agit d'une exigence à l'égard des autorités pénales, qui sedistingue de la circonstance atténuante du temps relativement long (art. 64avant-dernier alinéa CP), laquelle est liée à l'approche de la prescriptionet suppose que l'accusé se soit bien comporté dans l'intervalle. Comme lesretards dans la procédure pénale ne peuvent être guéris, le Tribunal fédérala fait découler de la violation du principe de la célérité des conséquencessur le plan de la peine. Le plus souvent, la violation de ce principeconduira ainsi à une réduction de la peine, parfois même à la renonciation àtoute peine ou encore, en tant qu'ultima ratio dans des cas extrêmes, à uneordonnance de non-lieu (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.1 p. 54 s. et lesréférences citées). Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant lescirconstances de la cause, lesquelles commandent généralement de procéder àune évaluation globale, en tenant notamment compte de la complexité del'affaire, du comportement de l'accusé et de celui des autorités compétentes.Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constammentd'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comportequelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraimentchoquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Des périodesd'activité intense peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissémomentanément de côté en raison d'autres affaires. Selon la jurisprudenceeuropéenne, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité detreize ou quatorze mois au stade de l'instruction, un délai de quatre anspour qu'il soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation ou encore undélai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité derecours. Le principe de la célérité peut être violé, même si les autoritéspénales n'ont commis aucune faute. Celles-ci ne sauraient donc exciper desinsuffisances de l'organisation judiciaire (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 p. 56s. et les arrêts cités). 9.2 Le recourant se plaint exclusivement du temps écoulé entre l'ordonnancede renvoi et l'audience de jugement (dix mois), entre le prononcé du jugementde première instance en audience publique et la notification des considérantsaux parties (six mois et demi) et entre la clôture de l'échange d'écrituresen seconde instance cantonale et l'ouverture des débats devant la courd'appel (douze mois). Il considère que ces délais sont déraisonnables. Le recourant perd toutefois de vue qu'au regard de la règle conventionnellequ'il invoque, la période à prendre en considération pour l'appréciation ducaractère raisonnable du délai de la procédurepart de la mise en cause del'accusé (lors de l'instruction déjà) et s'achève à la clôture définitive dela procédure devant les autorités nationales (cf. Jacques Velu/Rusen Ergec,La Convention européennedes droits de l'homme, Extrait du Répertoirepratique dudroit belge, Complément t.VII, n. 516-517 p. 439 ss etlesréférences). Il ne peut choisir de se plaindre d'une partiedelaprocédure seulement. Pour ce motif déjà, son moyen est mal fondé. Au demeurant, entre le renvoi du recourant en jugement et son procès enpremière instance, sa cause n'est pas demeurée en l'état, puisque le juged'instruction, le Tribunal cantonal fribourgeois, puis le Tribunal fédéral(celui-ci en date du 10 octobre 2003) ont été appelés à statuer sur leséquestre pénal provisoire de la pension mensuelle d'invalidité del'intéressé. Quant au délai de six mois et demi pour la rédaction du jugementde première instance, il échappe à toute critique, vu la complexité del'affaire. Pendant les douze mois écoulés entre la clôture de l'échange desécritures de seconde instance et l'ouverture des débats devant la courd'appel, la cause n'est pas, non plus, demeurée en l'état. Le dossier a étérestitué au tribunal de première instance afin qu'il statue à nouveau sur lesséquestres ensuite des arrêts du Tribunal fédéral et du Tribunal cantonalfribourgeois. Cette partie de la procédure n'a donc de toute façon pas connude temps mort critiquable et sa durée n'a pas dépassé les limites dutolérable. Partant, le recours de droit public doit être rejeté dans la mesure où il estrecevable. III. Assistance judiciaire, frais et indemnité 10.Dès lors que le Ministère public a été invité à se déterminer et que lerecourant se trouve dans le besoin, il convient d'admettre la requêted'assistance judiciaire, de renoncer à percevoir des frais judiciaires et deverser une indemnité au défenseur d'office du recourant (art. 152 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le pourvoi en nullité est rejeté. 2.Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 3.La demande d'assistance judiciaire du recourant est admise et MeNicolasCharrière, avocat, lui est désigné comme défenseur d'office. 4.Il n'est pas perçu de frais de justice. 5.Une indemnité de 3'000 francs est allouée à Me Nicolas Charrière à titred'honoraires. 6.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auMinistère public et à la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État deFribourg. Lausanne, le 18 août 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.112/2006
Date de la décision : 18/08/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-18;6p.112.2006 ?
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