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16/08/2006 | SUISSE | N°U.153/06

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 août 2006, U.153/06


Cause {T 7}U 153/06 Arrêt du 16 août 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Kernen et Geiser, suppléant.Greffière : Mme von Zwehl W.________, recourant, représenté par Me Ralph Schlosser, avocat, avenue dela Gare 5, 1001 Lausanne, contre Helsana Assurances SA, Droit des sinistres Suisse Romande/Tessin, chemin dela Colline 12, 1000Lausanne, intimée, représentée par Me Jean-Michel Duc,avocat, avenue de la Gare 1, 1003Lausanne Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 8 décembre 2005) Faits: A.W. ________, né en 1967, a été danseur profess

ionnel auprès de X.________. Ace titre, il était assuré contr...

Cause {T 7}U 153/06 Arrêt du 16 août 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Kernen et Geiser, suppléant.Greffière : Mme von Zwehl W.________, recourant, représenté par Me Ralph Schlosser, avocat, avenue dela Gare 5, 1001 Lausanne, contre Helsana Assurances SA, Droit des sinistres Suisse Romande/Tessin, chemin dela Colline 12, 1000Lausanne, intimée, représentée par Me Jean-Michel Duc,avocat, avenue de la Gare 1, 1003Lausanne Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 8 décembre 2005) Faits: A.W. ________, né en 1967, a été danseur professionnel auprès de X.________. Ace titre, il était assuré contre le risque d'accidents professionnels et nonprofessionnels auprès de La Suisse Assurances (ci-après: La Suisse). Le 7 mai 1999, l'employeur a adressé à l'assureur-accidents une déclarationd'accident indiquant que la veille, W.________ «en faisant un porté accroupis'est fait mal aux genoux en tournant». Dans un rapport non daté, le docteurM.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a posé le diagnosticde tendinopathie d'insertion au pôle inférieur de la rotule et demicro-déchirures surajoutées à droite probables, et décrit l'incident de lamanière suivante : «lors de son activité professionnelle, alors qu'il setrouvait en flexion profonde des deux genoux et en mouvement (il devait enmême temps faire un porter d'une partenaire c'est-à-dire remettre ses genouxen extension), [W.________] a ressenti une brusque douleur dans la régionantérieure du genou droit». Dans un certificat médical du 26 mai 1999 établià l'intention de La Suisse, ce médecin a annoncé une déchirure partielle dutendon rotulien droit. Le diagnostic de rupture partielle du tendonpatellaire a été confirmé, mais pour les deux genoux, par le docteurB.________, orthopédiste et neurochirurgien, qui a traité l'assuré à partirdu 24 août 1999 (rapport du 27 avril 2001). Une opération du genou droit aété réalisée à New York le 24 avril 2001. Le docteur J.________, médecin dusport, a attesté qu'il avait soigné W.________ pour diverses affections desmembres inférieurs en 1997 et au début de l'année 1998 sans avoir toutefoisconstaté de lésion aux tendons de la rotule (attestation médicale du 11 août2003). Mandaté en qualité d'expert par La Suisse, le docteur C.________,spécialiste FMH en orthopédie et chirurgie, a conclu que les «lésionsobservées chez l'assuré suite à l'événement du 6 mai 1999 constituent unedéchirure partielle des tendons rotuliens sur un état dégénératif» et que «ladéchirure de ces tendons est essentiellement due à l'état dégénératifantérieur» (rapport d'expertise du 13septembre 2003). Par décision du 10 octobre 2003, La Suisse a refusé d'allouer desprestations, au motif que la lésion ne résultait ni d'un accident, ni d'unévénement assimilé à un accident faute d'un facteur soudain et extérieur.Saisie d'une opposition, elle a confirmé sa prise de position dans unenouvelle décision du 24 février 2004. B.Par jugement du 8 décembre 2005, le Tribunal des assurances du canton de Vauda rejeté le recours formé contre la décision sur opposition par l'assuré. Enbref, les juges cantonaux ont retenu que la condition du facteur extérieurn'était pas remplie. C.W.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dontil requiert l'annulation. Sous suite de dépens, il conclut à l'octroi desprestations légales pour les suites de l'événement du 6mai 1999. Helsana Assurances SA (qui a succédé à La Suisse; ci-après : la Helsana)conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publiquea renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Est litigieux le point de savoir si la déchirure partielle des tendonsrotuliens constatée chez W.________ constitue une lésion corporelle assimiléeà un accident. 2.La juridiction cantonale a exposé correctement les dispositions légales etréglementaires - dans leur teneur, déterminante en l'occurrence (cf. ATF 127V 467 consid. 1), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 -, ainsi que lajurisprudence applicables au présent litige, de sorte qu'il suffit d'yrenvoyer. 3.3.1Le recourant fait valoir que dans son cas, le facteur extérieur résultedes mouvements imposés par la figure chorégraphique qu'il a dû réaliser.L'exercice comprenait en effet un potentiel de dangerosité accru dans lamesure où ses genoux étaient sollicités d'une manière supérieure à la normale(il portait à bout de bras une danseuse alors qu'il se déplaçait sur sesgenoux). Ces circonstances se distinguaient donc nettement de celles où ilmanquait un événement susceptible de s'analyser comme facteur déclencheur del'apparition des douleurs (par exemple de la ménagère qui ressent une douleurau coude alors qu'elle soulève une casserole contenant trois litres deliquide). 3.2 L'intimée, pour sa part, estime que les examens mis en oeuvre nepermettent pas d'établir que les déchirures partielles des tendons rotuliensdes deux genoux sont à mettre sur le compte de l'événement du 6 mai 1999,mais montrent que la pathologie s'inscrit manifeste-ment dans le cadre dephénomènes dégénératifs. 4.En l'espèce, et contrairement à ce que soutient l'assureur-accidents, il y alieu de considérer que le lien de cause à conséquence entre l'événement du 6mai 1999 et la rupture partielle des tendons rotuliens du recourant estétabli au degré de vraisemblance suffisant. Si le docteur C.________ a certesmentionné, dans son rapport d'expertise du 13 septembre 2003, que ladégénérescence constatée sur les radiographies au niveau des tendonsrotuliens était avec la plus haute vraisemblance présente avant l'événementdu 6 mai 1999 et avait fragilisé ces deux tendons rotuliens, il n'en a pasmoins également indiqué que l'exercice pratiqué avait entraîné unedécompensation de cette fragilité et la rupture partielle de la facepostérieure de chacun des tendons rotuliens. Or, pour admettre l'existenced'un lien de causalité naturelle, il suffit que l'événement accidentel soiten partie à l'origine de l'atteinte à la santé. Un état dégénératif oumorbide antérieur n'exclut pas l'existence d'une lésion corporelle assimiléeà un accident, lorsque celle-ci est causée ou aggravée par un événementaccidentel. II faut cependant qu'une cause extérieure ait, au moins,déclenché les symptômes dont souffre l'assuré (voir ATF 123 V 44 sv. consid.2b; 116 V 147 sv. consid. 6c, 114 V 301 consid. 3c; RAMA 2001 n° U 435 p.332, 1988 n° U 57 p. 373 consid. 4b; Bühler, Die unfallähnlicheKörperschädigung, in : SZS 1996 p. 87). 5.5.1Au sujet de la preuve de l'existence d'une cause extérieure prétendument àl'origine de l'atteinte à la santé, on rappellera que les explications d'unassuré sur le déroulement d'un fait allégué sont au bénéfice d'uneprésomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarationssuccessives de l'intéressé soient contradictoires entre elles. En pareillescirconstances, selon la juris-prudence, il convient de retenir la premièreaffirmation, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alorsqu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elleaurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, leproduit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a et les références;RAMA 2004 n° U 515 p. 420 consid. 1.2; VSI 2000 p. 201 consid. 2d; à cesujet, voir également le commentaire de Pantli/Kieser/Pribnow, paru in PJA2000 p.1195; Frésard, L'assurance-accident obligatoire, in : SchweizerischesBundesverwaltungsrecht [SBVR], ch. 195). 5.25.2.1En l'occurrence, l'événement en cause n'a pas été décrit de façondétaillée dans la déclaration d'accident du 7 mai 1999, mais par deuxmédecins qui ont examiné le recourant, les docteurs M.________ et C.________.Alors que le premier nommé a évoqué des douleurs ap-parues après uneextension des genoux, le second a relaté les propos de l'assuré comme suit :«W.________ m'a donc déclaré qu'il était en position par terre sur ses deuxgenoux. Le tronc vertical, portant à bout de bras, au-dessus de sa tête, unefille; dans cette position, il marchait à genoux en tournant. Il a perdul'équilibre, ses fesses sont parties en avant de même que le tronc, il s'estaffaissé en avant et la fille a sauté par terre. Le patient marchait donc surses genoux. Il portait sa partenaire et ne s'est pas relevé avec elle aumoment où il s'est mis debout, comme cela est décrit dans l'un des documentsque j'ai résumés. Il paraît qu'il s'agit d'un exercice qui n'est pas trèscou-rant, mais qui se fait de temps en temps et que le patient devait fairepour son spectacle». Devant les juges cantonaux, le recourant a fait, le 23septembre et le 8 décembre 2005, des dépositions identiques à cette dernièredescription. 5.2.2 Les pièces du dossier rapportent donc deux versions de l'inci-dentpartiellement divergentes, en ce sens que la description donnée par ledocteur M.________ fait état d'une posture du corps (extension des genoux)que ne contient pas l'autre version. Ce point n'est toutefois pasdéterminant. En effet, il y a de toute façon lieu de retenir que W.________ aressenti une douleur alors qu'il portait une danseuse au-dessus de sa tête.Que la douleur soit apparue au moment où le danseur se redressait ou tandisqu'il avait perdu l'équilibre n'a pas à être éclairci plus avant puisque,dans l'une et l'autre hypothèses, il était en mouvement alors qu'il étaitlourdement chargé, ce qui génère un risque de lésion accru. Au regard desprincipes jurisprudentiels concernant les lésions assimilées à un accident(voir le consid. 3c du jugement entrepris), l'existence d'un événementdommageable extérieur doit par conséquent être admise. Le fait qu'il estfréquent, pour un danseur professionnel, de porter une partenaire, n'y changerien. 5.3 Il s'ensuit que la responsabilité de l'assurance-accidents est engagéepour les suites des lésions que le recourant a subies à ses deux genoux tantque le status quo sine/ante n'est pas atteint. Le recours est bien fondé. 6.La procédure est gratuite dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le refus deprestations d'assurance (art. 134 OJ). Par ailleurs, le recourant, qui estreprésenté par un avocat et qui obtient gain de cause, a droit à uneindemnité de dépens à charge de l'assureur-accidents (art. 159 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal des assurances ducanton de Vaud du 8 décembre 2005, ainsi que les décisions de La SuisseAssurances des 10 octobre 2003 et 24 février 2004 sont annulés, la causeétant renvoyée à l'intimée afin qu'elle détermine les prestations dues aurecourant pour les suites de l'événement du 6 mai 1999. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Helsana Assurances SA versera au recourant une indemnité de dépens de 1'500frs (y compris la taxe à la valeur ajoutée) pour la procédure fédérale. 4.Le Tribunal cantonal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépenspour la procédure de première instance au regard de l'issue du procès dedernière instance. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique. Lucerne, le 16 août 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.153/06
Date de la décision : 16/08/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-16;u.153.06 ?
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