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14/08/2006 | SUISSE | N°I.319/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 août 2006, I.319/05


Cause {T 7}I 319/05 Arrêt du 14 août 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Beauverd Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350Saignelégier, recourant, contre B.________, intimé, représenté par Me Michel Voirol, avocat, rue des Moulins9, 2800 Delémont Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,Porrentruy (Jugement du 21 avril 2005) Faits: A.Le 31 janvier 2002, B.________, ressortissant turc, né en 1956, a présentéune demande de prestations de l'assurance-invalidité. Après avoir requis des

renseignements d'ordre médical, l'Office del'assurance-invalidi...

Cause {T 7}I 319/05 Arrêt du 14 août 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Beauverd Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350Saignelégier, recourant, contre B.________, intimé, représenté par Me Michel Voirol, avocat, rue des Moulins9, 2800 Delémont Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,Porrentruy (Jugement du 21 avril 2005) Faits: A.Le 31 janvier 2002, B.________, ressortissant turc, né en 1956, a présentéune demande de prestations de l'assurance-invalidité. Après avoir requis des renseignements d'ordre médical, l'Office del'assurance-invalidité du canton du Jura a rendu une décision, le 10novembre2003, par laquelle il a accordé à l'assuré une orientation professionnelle etun soutien dans ses recherches d'emploi. L'intéressé ayant indiqué parcourrier du 25 novembre suivant que son état de santé s'était péjoré au pointd'empêcher tout placement, l'office AI a fixé la perte de gain. Par décisiondu 13 août 2004, il a alloué à l'assuré, à partir du 1er février 2002, unedemi-rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gain de 57%. Par ministère de Me Voirol, avocat à Delémont, B.________ a fait opposition àcette décision, en concluant à l'octroi d'une rente d'un taux plus élevé. Parun courrier ultérieur, il a sollicité le bénéfice de l'assistance juridiquedans la procédure d'opposition et la désignation de son mandataire en qualitéd'avocat d'office. Statuant en la voie incidente le 13 janvier 2005, l'office AI a rejeté lademande d'assistance gratuite d'un conseil juridique, motif pris que lacomplexité du cas n'était pas telle que l'assistance d'un avocat apparûtnécessaire, d'autres personnes (assistants sociaux, spécialistes oeuvrant ausein d'institutions sociales) pouvant assister utilement l'intéressé. B.Saisie d'un recours contre cette décision, la Chambre des assurances duTribunal cantonal de la République et canton du Jura l'a annulée. Il aoctroyé à l'intéressé l'assistance juridique pour la procédure d'oppositionet désigné Me Voirol en qualité d'avocat d'office, en renvoyant le dossier àl'office AI pour qu'il statue sur l'indemnité à accorder de ce chef (jugementdu 21 avril 2005). C.L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement,dont il requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décisiondu 13 janvier 2005. B. ________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours et sollicitele bénéfice de l'assistance judiciaire en instance fédérale. De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) proposel'admission du recours. Considérant en droit: 1.La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner àexaminer si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris parl'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faitspertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ouincomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles deprocédure (art.132 en corrélation avec les art.104 let.aetbet105al.2OJ). 2.Les décisions qui accordent ou refusent l'assistance gratuite d'un conseiljuridique (art.37 al.4 LPGA) sont des décisions d'ordonnancement de laprocédure au sens de l'art. 52 al. 1 LPGA (ATF 131 V 155 consid.1; UeliKieser, ATSG-Kommentar: Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teildes Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, Zurich 2003, n. 18 ad art.52), de sorte qu'elles sont directement attaquables par la voie du recoursdevant les tribunaux des assurances institués par les cantons (art. 56 al. 1et 57 LPGA). 3.3.1Dans la procédure administrative en matière d'assurances sociales,l'assistance gratuite d'un conseil juridique est accordée au demandeurlorsque les circonstances l'exigent (art. 37 al. 4 LPGA). La LPGA a ainsiintroduit une réglementation légale de l'assistance juridique dans laprocédure administrative (ATF 131 V 155 consid. 3.1; Kieser, op. cit., n. 22ad art. 37). 3.2 Les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite sont enprincipe remplies si les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec, sile requérant est dans le besoin et si l'assistance d'un avocat est nécessaireou du moins indiquée (ATF125V202 consid.4a, 372consid.5b et lesréférences).La jurisprudence considère que les conclusions paraissent vouées à l'écheclorsqu'une partie, disposant des moyens nécessaires, ne prendrait pas lerisque, après mûre réflexion, d'engager un procès ou de le continuer(ATF129I135 consid.2.3.1, 128I236 consid.2.5.3 et la référence).Le point de savoir si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moinsindiquée doit être tranché d'après les circonstances concrètes objectives etsubjectives. Pratiquement, il faut se demander pour chaque cas particuliersi, dans des circonstances semblables et dans l'hypothèse où le requérant neserait pas dans le besoin, l'assistance d'un avocat serait judicieuse, comptetenu du fait que l'intéressé n'a pas lui-même des connaissances juridiquessuffisantes et que l'intérêt au prononcé d'un jugement justifierait la chargedes frais qui en découle (ATF103V47, 98V118; cf.aussi ATF130I182consid. 2.2, 128I232 consid.2.5.2 et les références). 3.3 Ces conditions d'octroi de l'assistance judiciaire, posées par lajurisprudence sous l'empire de l'art. 4 aCst., sont applicables à l'octroi del'assistance gratuite d'un conseil juridique dans la procédure d'opposition(arrêt M. du 29novembre 2004, I 557/04, consid. 2.1, publié à la Revue del'avocat 2005 n. 3 p. 123). Toutefois, le point de savoir si elles sontréalisées doit être examiné à l'aune de critères plus sévères dans laprocédure administrative (Kieser, op. cit., n. 20 ad art. 37). A cet égard, il y a lieu de tenir compte des circonstances du cas d'espèce,de la particularité des règles de procédure applicables, ainsi que desspécificités de la procédure administrative en cours. En particulier, il fautmentionner, en plus de la complexité des questions de droit et de l'état defait, les circonstances qui tiennent à la personne concernée, comme sacapacité de s'orienter dans une procédure. Dès lors, le fait que l'intéressépuisse bénéficier de l'assistance de représentants d'associations,d'assistants sociaux ou encore de spécialistes ou de personnes de confianceoeuvrant au sein d'institutions sociales permet d'inférer que l'assistanced'un avocat n'est ni nécessaire ni indiquée (arrêt M. du 29 novembre 2004,I557/04, déjà cité, consid.2.2). En règle générale, l'assistance gratuiteest nécessaire lorsque la procédure est susceptible d'affecter d'une manièreparticulièrement grave la situation juridique de l'intéressé. Sinon, unetelle nécessité n'existe que lorsque à la relative difficulté du cas s'ajoutela complexité de l'état de fait ou des questions de droit, à laquelle lerequérant n'est pas apte à faire face seul (ATF 130 I 182 consid. 2.2 et lesréférences). 4.En l'espèce, il n'est pas contesté que les conclusions de l'opposition neparaissent pas vouées à l'échec et que l'intéressé est dans le besoin. Ilconvient donc d'examiner si l'assistance d'un avocat dans la procédured'opposition est nécessaire. 4.1 Par sa décision incidente du 13 janvier 2005, l'office recourant a niéla nécessité d'une assistance gratuite d'un avocat dans la procédured'opposition, au motif que la complexité du cas n'était pas telle qued'autres personnes, comme un assistant social ou un spécialiste oeuvrant ausein d'une institution sociale, n'auraient pas pu être valablement consultésen l'occurrence. La juridiction cantonale a réfuté ce point de vue. Elle a considéré quel'assuré souffre notamment d'un trouble somatoforme douloureux dont lecaractère invalidant n'est reconnu qu'à certaines conditions par lajurisprudence. Or, celle-ci pose des critères délicats qu'une personnen'ayant pas de connaissances juridiques a de la peine à saisir. Enl'occurrence, cette difficulté est d'autant plus grande que l'intéressé neparle que très mal le français et qu'il n'a suivi une formation scolaire quedurant quatre ans en Turquie. L'assistance d'un avocat apparaît ainsinécessaire, d'autant qu'il n'est pas établi que l'assuré aurait renoncé àbénéficier de l'aide gratuite d'une association de défense des invalides. Dans son recours de droit administratif, l'office AI fait valoir que l'intiméétait assisté par le service social et qu'il pouvait demander à l'assistantsocial ou à une autre personne de confiance désignée par une institution del'aider dans ses démarches en matière d'assurance-invalidité, car la causen'était pas suffisamment complexe, sur les plans des faits et du droit, pourréclamer l'intervention d'un avocat. De son côté, l'intimé fait valoir que l'impossibilité pour lui d'agir seuldans la procédure d'opposition n'est pas contestée en l'occurrence, le litigeportant uniquement sur le choix de la personne du mandataire. Selonl'intéressé, l'assistance d'un avocat est nécessaire pour ce motif déjà queles conditions formelles de l'opposition (art. 10 OPGA) sont comparables àcelles de la procédure de recours devant les juridictions cantonales, valableavant l'entrée en vigueur de la LPGA, et pour laquelle l'assistance gratuited'un avocat était généralement accordée sans difficulté particulière. Enoutre, l'art. 37 LPGA permet à l'assuré de procéder par le mandataire de sonchoix, ce qui représente une brèche dans le monopole des avocats. Aussi bien,l'intimé allègue qu'à suivre le point de vue du recourant, on instaurerait desurcroît une obligation, pour les assurés indigents, de renoncer aux servicesdes avocats dans des affaires ne présentant pas une complexité particulière,où, partant, ils n'obtiendraient pas l'assistance judiciaire gratuite. Enfin, l'OFAS est d'avis que les problèmes soulevés dans la procédured'opposition ne présentent pas des difficultés justifiant l'intervention d'unavocat et que l'intéressé pouvait s'adresser aux institutions publiques aptesà lui donner les conseils nécessaires. 4.24.2.1 Selon la jurisprudence, un litige sur le droit éventuel à une rented'invalidité n'est pas susceptible d'affecter d'une manière particulièrementgrave la situation juridique de l'intéressé; en revanche, il a une portéconsidérable pour l'assuré (arrêts M. du 19 avril 2005, I 83/05, consid.3.2.2; W. du 12 octobre 2004, I386/04, consid. 4.2; H. du 7septembre 2004,I 75/04 [résumé in: REAS 2004 p. 317], consid.3.3). Si, en l'espèce, il est incontestable - et incontesté - que l'intéressé n'estpas en mesure d'agir seul dans la procédure d'opposition, il faut néanmoinsexaminer si l'assistance d'un avocat était nécessaire, compte tenu despossibilités éventuelles de l'intéressé de bénéficier de l'assistance depersonnes de confiance ou de spécialistes oeuvrant au sein d'institutionssociales. Ce point doit être tranché au regard de la difficulté du cas. 4.2.2 Dans le cas particulier, l'assuré a été soumis à une expertisepluridisciplinaire confiée au docteur M.________, médecin-chef à l'HôpitalX.________, (rapport du 18 septembre 2003). Dans le cadre de cette expertise,une évaluation psychiatrique a été effectuée par le docteur A.________,médecin-chef au Centre Médico-psychologique Y.________ (rapport du 6 janvier2003). Ces investigations ont révélé l'existence d'un syndrome douloureuxchronique panrachidien sous la forme d'un trouble somatoforme persistant avecprésence de signes d'inorganicité, ainsi que d'une discopathie dégénérativeC5-C6 et de troubles de la statique rachidienne (hyperlordose lombaire etattitude scoliotique lombaire gauche, inégalité de longueur des membresinférieurs sur séquelles d'une fracture de la jambe gauche compliquéed'infection dans l'enfance). Selon les experts, ces troubles empêchentl'intéressé d'exercer des travaux lourds tels ceux qu'il effectuait dans sonancienne profession. Seul un travail léger sans port de charges lourdes nimouvements répétitifs de torsion et/ou de rotation du tronc, ou enporte-à-faux était possible, et encore avec une capacité de 70% seulement.Sur cette base, l'office AI a accordé à l'assuré, dans un premier temps, uneorientation professionnelle et un soutien dans ses recherches d'emploi(décision du 10 novembre 2003). Ensuite, sur une simple information del'intéressé qui alléguait une aggravation de l'atteinte à la santé, l'officeAI lui a alloué une demi-rente fondée sur une incapacité de gain de 57%(décision du 13 août 2004), sans même instruire le point de savoir quellesétaient les incidences de cette aggravation sur la capacité de travail. Il apparaît ainsi que l'état de fait et les questions de droit relativesnotamment au caractère invalidant du trouble somatoforme douloureux rendaientla cause particulièrement complexe. Par ailleurs, il est indéniable quel'issue de la procédure engagée a une portée considérable pour l'intéressé.Dans ces conditions, la Cour de céans ne saurait se rallier au point de vuede l'office recourant selon lequel l'intervention d'un avocat dans laprocédure d'opposition n'était pas nécessaire. Le jugement entrepris n'estdès lors pas critiquable et le recours se révèle mal fondé. 5.L'intimé demande à bénéficier de l'assistance judiciaire en instancefédérale. Dans la mesure où elle vise aussi la dispense de payer des frais deprocédure, cette requête est sans objet. En effet, la procédure concernantl'octroi ou le refus de l'assistance judiciaire est en principe gratuite (SVR2002 ALV no 3 p. 7 [C 130/99] consid. 5). La requête d'assistance judiciaire est également sans objet en tant qu'ellevise la prise en charge des honoraires de l'intimé, du moment que celui-ciobtient gain de cause et qu'il a droit, partant, à une indemnité de dépens(art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.L'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura versera à B.________ uneindemnité de 1500fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre dedépens pour la procédure fédérale. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de laRépublique et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéraldes assurances sociales. Lucerne, le 14 août 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.319/05
Date de la décision : 14/08/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-14;i.319.05 ?
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