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09/08/2006 | SUISSE | N°2A.703/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 août 2006, 2A.703/2005


2A.703/2005 /fzc{T 0/2} Arrêt du 9 août 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Hungerbühler et Müller.Greffier: M. Addy. Le Trustee X.________,recourant, représenté par Mes Shelby du Pasquier et Daniel Tunik, avocats, contre Commission fédérale des banques,Schwanengasse 12, Case postale, 3001 Berne. entraide administrative internationale demandée par la Comision Nacional delMercado de Valores (CNMV), recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédéraledes banques du 27 octobre 2005. Faits: A.La société A.________ (ci-après également

citée: la Société) est une sociétébritannique cotée à la bourse...

2A.703/2005 /fzc{T 0/2} Arrêt du 9 août 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Hungerbühler et Müller.Greffier: M. Addy. Le Trustee X.________,recourant, représenté par Mes Shelby du Pasquier et Daniel Tunik, avocats, contre Commission fédérale des banques,Schwanengasse 12, Case postale, 3001 Berne. entraide administrative internationale demandée par la Comision Nacional delMercado de Valores (CNMV), recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédéraledes banques du 27 octobre 2005. Faits: A.La société A.________ (ci-après également citée: la Société) est une sociétébritannique cotée à la bourse de Madrid, active notamment dans le domaine destélécommunications. Le 21 septembre 2004, le volume d'échange de ses actionsest passé, en quelques heures, de 1,1 à 24,7 millions de titres. Dans le mêmetemps, le cours de l'action a gagné 12%, pour s'établir à 0,28 ?. L'autoritéespagnole de surveillance des bourses, la Comisión Nacional del Mercado deValores (CNMV), a immédiatement réagi et a suspendu la cotation du titre à lami-journée. Deux jours plus tard, le 23 septembre 2004, la Société a rendu publique laconclusion d'un important accord d'investissement avec B.________, un hommed'affaires connu en Espagne. Selon cet accord, le prénommé s'engageait àinvestir un montant de 61,8 millions d'euros dans la Société, sous la formed'une augmentation de capital et d'une émission d'obligations convertibles;il devait également, toujours d'après cet accord, prendre la tête du Conseild'administration et nommer à ses côtés trois nouveaux membres. Lesnégociations ayant abouti à l'accord avaient été entamées le 9 août 2004 ets'étaient intensifiées dans le courant du mois suivant. A la reprise de la cotation, le 24 septembre 2004, le cours de l'actionA.________ a augmenté de 36 %, à 0,36 ?. B.La CNMV a décidé d'ouvrir une enquête en vue d'examiner la régularité destransactions réalisées sur le titre A.________ durant la période ayantprécédé l'annonce, le 23 septembre 2004, de l'accord passé entre la Sociétéet B.________. Dans ce cadre, elle a requis, le 28 décembre 2004, l'entraideadministrative de la Commission fédérale des banques (ci-après: la Commissionfédérale ou CFB), afin d'obtenir certaines informations, notamment surl'identité de la ou des personnes ayant procédé à l'acquisition, le 21septembre 2004, de deux paquets d'actions respectivement d'un million etquatre millions de titres, ainsi qu'à la vente, le 27 septembre suivant, de130'000 titres. Ces transactions ont été réalisées par la banque C.________, à Genève(ci-après citée: la Banque). A la demande de la Commission fédérale, celle-cia notamment indiqué que l'achat de quatre millions de titres avait étéeffectué pour le compte du Trustee X.________, une société domiciliée dansles Iles Vierges chargée de gérer, en qualité d'administrateur (trustee), lepatrimoine de "Trust Y.________", un trust discrétionnaire et irrévocableayant pour constituant (settlor) et bénéficiaire unique D.________, l'ayantdroit économique du compte sur lequel avait été opérée la transactionlitigieuse. La Banque soulignait que l'intérêt de son client pour l'actionA.________ n'était pas récent, comme l'attestait une liste d'opérations surce titre antérieure à la date du 21 septembre 2004 qui, précisait-elle,avaient toutes été initiées sur ordre de D.________. Enfin, elle ajoutait quele paquet d'un million d'actions A.________ acheté le même jour avait étéacquis pour le compte et sur instruction d'un autre client, qui était unproche voisin du prénommé exerçant la fonction d'administrateur dans diversessociétés, dont deux étaient actives dans le domaine des télécommunications. Dans une détermination du 14 mars 2005, complétée les 29 juillet et 5aoûtsuivants, le Trustee X.________ s'est opposé à la demande d'entraide. Ilfaisait notamment valoir que, depuis les engagements de "best efforts" prispar le Président de la CNMV dans une lettre du 5 septembre 1997, certainesmodifications législatives intervenues en Espagne ne permettaient plus degarantir le respect des principes dits de spécialité, de confidentialité etdu "long bras" prévus à l'art. 38 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur lesbourses et le commerce des valeurs mobilières (Loi sur les bourses, LBVM; RS954.1). Il soutenait également que sa décision d'investir dans la sociétéA.________ s'inscrivait dans un plan à long terme décidé avant le début desnégociations entre cette société et B.________, en se référant à une note dela Banque du 23 juin 2004 ainsi qu'à un document du 11/24 mars 2004, intitulé"Specific investment instructions". Au vu des circonstances, il estimait quela transmission des informations demandées aux autorités espagnoles était unemesure contraire au principe de la proportionnalité. Par décision du 27 octobre 2005, la CFB a rejeté les arguments du TrusteeX.________ et décidé d'accorder l'entraide administrative internationale à laCNMV et de lui communiquer certaines informations reçues de la Banque,comprenant notamment le fait que D.________ avait pris l'initiatived'acquérir le paquet de quatre millions d'actions A.________ le 21 septembre2004 (ch. 1.3 du dispositif). En outre, la CFB rappelait expressément à laCNMV que les informations transmises devaient être utilisées seulement à desfins de surveillance directe des bourses et du commerce des valeursmobilières (ch. 2 du dispositif) et que leur retransmission à des autoritéstierces, y compris pénales, ne pouvait se faire qu'avec son assentimentpréalable en vertu de l'art. 38 al. 2 lettre c LBVM (ch. 3 du dispositif). C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, le Trustee X.________demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision d'entraide précitée ou,subsidiairement, de permettre à la CFB d'expliquer à la CNMV "de manièrecomplète, mais sur une base anonymisée, l'arrière-plan de la transaction du21 septembre 2004" ou, plus subsidiairement encore, d'annuler le chiffre 1.3du dispositif de la décision attaquée, le tout sous suite de frais et dépens.Il reprend, pour l'essentiel, les arguments invoqués devant l'instanceprécédente. La Commission fédérale conclut au rejet du recours sous suite de frais, enrelevant que, depuis une récente modification du droit suisse, le principedit du "long bras" ne trouve plus à s'appliquer. Le tribunal a organisé un second échange d'écritures au terme duquel lesparties ont confirmé leurs conclusions respectives. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Ayant valeur de décision au sens des art. 97 al.1 OJ et 5 PA, l'acte attaquépeut faire l'objet d'un recours de droit administratif en vertu de l'art. 98lettre f OJ en relation avec la règle spéciale de l'art. 39 LBVM. Par ailleurs, en sa qualité de titulaire du compte bancaire concerné par lademande d'entraide administrative litigieuse, le Trustee X.________ a qualitépour recourir au sens de l'art. 103 lettre a OJ, à l'exclusion de l'ayantdroit économique du compte en question (cf. ATF 127 II 323 consid. 3a/cc p.327 ss). Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par laloi, le recours est recevable. 2.Une novelle du 7 octobre 2005 (RO 2006 197) a partiellement modifié l'art. 38LBVM, avec effet au 1er février 2006, en vue, principalement, d'assouplircertaines règles, notamment les exigences en matière de confidentialité, etde faciliter l'assistance administrative (cf. Message du 10 novembre 2004concernant la modification de la disposition sur l'assistance administrativeinternationale de la loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeursmobilières, in: FF 2004 6341, p.6348 ss). En raison de sa natureprocédurale, cette nouvelle disposition s'applique dès son entrée en vigueur,sans égard au moment où les faits concernant la demande d'entraide se sontproduits (cf. arrêt du 29 octobre 1998, 2A.213/1998, consid. 5b, publié in:Bulletin CFB, 37/1999, p. 21 ss). Toutefois, les règles applicables au momentde l'octroi de l'entraide demeurent seules déterminantes pour la suite de laprocédure, notamment en cas de recours (cf. arrêt 2A.345/1998 consid. 3a,publié in: Bulletin CFB, 38/1999, p. 30 ss). Rendue le 27 octobre 2005, soitavant l'entrée en vigueur de la novelle précitée du 7octobre 2005, ladécision attaquée doit, par conséquent, être examinée à la lumière del'ancienne version de la disposition en cause (art. 38 aLBVM; RO 1997 68),qui seule détermine l'objet de la contestation susceptible d'être portédevant le Tribunal fédéral (cf. ATF 117 Ib 114 consid. 5b p. 118; arrêt du 25avril 2006, 2A.749/2005, destiné à la publication, consid. 1.2.3 et lesréférences citées). 3.3.1En vertu de l'art. 38 al. 2 aLBVM, la Commission fédérale peut, dans lecadre de l'entraide administrative, transmettre aux autorités étrangères desurveillance des bourses et du commerce des valeurs mobilières desinformations et des documents liés à l'affaire, non accessibles au public, àcondition que ces autorités utilisent les informations transmisesexclusivement à des fins de surveillance directe des bourses et du commercedes valeurs mobilières (lettre a; principe de la spécialité), qu'elles soientliées par le secret de fonction ou le secret professionnel (lettre b;exigence de la confidentialité) et qu'elles ne retransmettent cesinformations à des autorités compétentes et à des organismes ayant desfonctions de surveillance dictées par l'intérêt public qu'avec l'assentimentpréalable de l'autorité de surveillance suisse ou en vertu d'une autorisationgénérale contenue dans un traité international (lettre c, 1ère phrase;principe dit du "long bras", qui oblige concrètement la Commission fédérale àne pas perdre le contrôle de l'utilisation des informations après leurtransmission à l'autorité étrangère de surveillance). Lorsque l'entraidejudiciaire en matière pénale est exclue, aucune information ne peut êtretransmise à des autorités pénales; l'autorité de surveillance décide enaccord avec l'Office fédéral de la justice (lettre c, 2e et 3e phrases) (ATF129 II 484 consid. 2.1 p. 487). 3.2 Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion à de nombreuses reprises deconstater que la CNMV était l'autorité de surveillance espagnole des marchésfinanciers à laquelle l'assistance administrative pouvait être accordée envertu de l'art. 38 al. 2 aLBVM (cf. arrêt 2A.213/1998 du 29 octobre 1998,consid. 6 et 7, publié in: Bulletin CFB 37/1999 p.21 ss; arrêt 2A.231/1999du 26 novembre 1999, consid. 3; arrêt 2A.538/2001 du 14 décembre 2001). Dansune récente affaire (arrêt du 19 janvier 2005, cas joints 2A.484/2004 et2A.619/2004), il a rappelé une nouvelle fois que, contrairement à ce quesoutiennent les recourants, les déclarations de "best efforts" faites par lePrésident de la CNMV le 5 septembre 1997 constituent toujours des garantiessuffisantes et effectives pour assurer le respect des principes despécialité, de confidentialité et du "long bras": nonobstant lesmodifications législatives intervenues depuis lors en Espagne, il n'existe eneffet aucun indice concret et sérieux laissant supposer que l'autorité desurveillance espagnole ne puisse plus garantir ses engagements (arrêtprécité, consid. 1.3 et les références citées). 3.3 Selon le recourant, "les récentes modifications de la Ley 24/1998, deJulio, del Mercado de Valores" (ci-après citée: SMA, correspondant àl'abréviation de "Securities Market Act", soit la dénomination anglaiseutilisée pour désigner la loi) prévoient des exceptions incompatibles avecles principes de confidentialité et du "bras long" prévus à l'art. 38 al. 2aLBVM, notamment lorsque les informations obtenues dans le cadre del'entraide sont requises par une autorité judiciaire pour les besoins d'uneprocédure pénale ou civile (art. 90 par. 6 lettre c SMA) ou par les autoritésde lutte contre le blanchiment d'argent ou encore par les autorités fiscales(art. 90 par. 6 lettre g SMA). En réponse à une lettre du 1er juin 2005 de la CFB, la CNMV a toutefoisexpressément précisé, le 7 juillet suivant, que sa requête s'inscrivait biendans le cadre de l'art. 38 aLBVM et des déclarations de "best efforts" faitesen septembre 1997, par lesquelles elle s'était précisément engagée, outre àrespecter les principes de spécialité et de confidentialité (ch. 1 et 2desdites déclarations), à faire tout son possible pour que, malgré leprescrit de l'ancien art. 90 SMA, les informations communiquées par laCommission fédérale ne soient pas retransmises à des autorités pénales, ou delutte contre le blanchiment d'argent ou fiscales, à moins que l'autoritésuisse requise ne donne préalablement son consentement (loc. cit., ch. 3). Leproblème soulevé par le recourant est donc antérieur à la modification légaleinvoquée du droit espagnol. Cela étant, en se référant sans restriction auxdéclarations précitées de "best efforts" dans le cadre de la présenteprocédure, la CNMV a non seulement renouvelé de manière claire et dénuéed'ambiguïté sa volonté de respecter ses engagements, mais a également, autantque de besoin, étendu la portée de ceux-ci aux modifications légalesintervenues dans l'intervalle. Jusqu'à preuve du contraire, il faut en effetpartir de l'idée que l'autorité de surveillance espagnole, dont la bonne foiest présumée, respectera ses déclarations de "best efforts" (cf. ATF 128 II407 consid. 3.2, 4.3.1 et 4.3.3 p. 411 ss). On le peut d'autant plusfacilement ici que, dans une affaire postérieure aux modifications légalesévoquées par le recourant, la CNMV a demandé à la Commission fédéralel'autorisation de retransmettre à une autorité pénale étrangère desinformations obtenues dans le cadre de l'entraide (cf. arrêt 2A.538/2001 du14 décembre 2001). Au demeurant, les autorités judiciaires espagnoles sont légalement tenues, envertu de l'art. 90 ch. 7 SMA, de garantir la confidentialité des informationstransmises pendant la durée de la procédure d'entraide ("Legal authoritieswhich receive inside information from the National Securities MarketCommission are obliged to adopt adequate measures to ensure that theinformation remains confidential for the duration of the relevantproceedings."), tandis que la retransmission de ces informations auxautorités de lutte contre le blanchiment ou aux autorités fiscales ne peut sefaire qu'avec le consentement préalable du Ministère de l'économie et desfinances, lequel doit, au surplus, depuis la modification de l'art. 90 ch. 6lettre g SMA, tenir compte des engagements de "best efforts" pris par la CNMVà l'égard d'autres pays ("For these purposes, the memoranda of understandingsigned between the National Securities Market Commission and the supervisoryauthorities of other countries must be taken in account"; sur la situationantérieure, cf. déclarations précitées de "best efforts" de septembre 1997,ch. 3 in fine). Aujourd'hui comme hier, la législation espagnole confère doncà la CNMV une marge de manoeuvre suffisante pour se conformer aux principesde confidentialité et du "long bras" prévus par la réglementation suisse. Le risque que la CNMV ne retransmette à d'autres
autorités les informationsobtenues au titre de l'entraide sans le consentement préalable de laCommission fédérale est d'autant plus mince que le droit communautaireprévoit justement la nécessité d'un tel consentement (cf. art. 16 par. 2 al.5 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché, entrée envigueur le 12 avril 2003; cf. arrêt du 18 février 2003, 2A.425/2002, consid.2.2.2 et les références citées, notamment à l'art. 10 de l'ancienne directive89/592/CEE du Conseil du 13 novembre 1989 concernant la coordination desréglementations relatives aux opérations d'initiés). Certes, ce régime deconsentement préalable vaut "sans préjudice des obligations incombant (auxautorités compétentes) dans le cadre de procédures judiciaires à caractèrepénal" (art. 16 par. 2 al. 5 de la directive 2003/6/CE précitée). Comme onl'a vu, toutefois, dans les limites autorisées par sa législation, la CNMV aexpressément donné à la Commission fédérale son assurance que, même en vued'une utilisation pénale des informations transmises, elle requerrait sonconsentement préalable avant toute retransmission de celles-ci à une autreautorité. 3.4 En conséquence, les principes de spécialité, de confidentialité et du"long bras" prévus à l'art. 38 al. 2 aLBVM ne font pas obstacle à la demanded'entraide présentée par la CNMV. 4. Le recourant se plaint également de la violation du principe de laproportionnalité, faute, selon lui, de soupçon suffisant pesant à sonencontre. 4.1 Dans le domaine de l'entraide administrative internationale, le principede la proportionnalité découle notamment de l'art. 38 al. 2 aLBVM, quiprévoit que la Commission fédérale ne peut transmettre aux autoritésétrangères de surveillance des bourses que "des informations et des documentsliés à l'affaire" (l'art. 38 al. 2 LBVM est sur ce point resté inchangé). Onpeut également voir une concrétisation de ce principe à l'art. 38 al. 3aLBVM, aux termes duquel "la transmission d'informations sur des personnesqui, de manière évidente, ne sont pas impliquées dans une affaire nécessitantl'ouverture d'une enquête, est interdite" (cf. art. 38 al. 4 LBVM). Selon la jurisprudence, l'entraide administrative ne peut être accordée quedans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par l'Etatrequérant. La question de savoir si les renseignements demandés sontnécessaires ou simplement utiles à la procédure étrangère est en principelaissée à l'appréciation de ce dernier. L'Etat requis ne dispose généralementpas des moyens lui permettant de se prononcer sur l'opportunité del'administration de preuves déterminées au cours de la procédure menée àl'étranger, de sorte que, sur ce point, il ne saurait substituer sa propreappréciation à celle de l'autorité étrangère chargée de l'enquête. Ildoituniquement examiner s'il existe suffisamment d'indices de nature à fonder unsoupçon initial de possibles distorsions du marché justifiant la demanded'entraide. La coopération internationale ne peut être refusée que si lesactes requis sont sans rapport avec d'éventuels dérèglements du marché etmanifestement impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que laditedemande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens depreuve ("fishing expedition"; cf. ATF 128 II 407 consid.5.2.1 p. 417; 127 II142 consid. 5; 126 II 409 consid. 5 p.413 ss, 86 consid. 5a p. 90 s.; 125 II65 consid. 6 et les références citées). 4.2 En l'espèce, le jour où les transactions litigieuses ont été passées,soit le 21 septembre 2004, la cotation du titre A.________ a dû êtreinterrompue à la mi-journée par la CNMV, en raison d'une brusque et trèsimportante hausse du volume des actions échangées (dans un rapport de un àvingt) et d'une sensible augmentation de leur cours (plus 12 %). Deux joursaprès cette interruption, la Société a dévoilé la conclusion d'un importantaccord d'investissement avec un homme d'affaires connu en Espagne. A lareprise de la cotation, le 24 septembre suivant, le cours de l'action s'estapprécié de 36 %. Ces circonstances sont à elles seules suffisantes, selon lajurisprudence, pour fonder l'existence d'un soupçon initial concretjustifiant de donner suite à la demande d'entraide litigieuse (cf. ATF 129 II484 consid. 4.2 p. 495; 126 II 409 consid. 5b/aa p. 414, 126 consid. 6a/bbp.137). Par ailleurs, du moment qu'il est titulaire du compte bancaire sur lequel atransité l'achat de titres du 21 septembre 2004, intervenu dans la périodesensible, le recourant ne saurait être considéré comme ayant qualité d'untiers non impliqué au sens de l'art. 38 al. 3 aLBVM. En effet, la simpleéventualité que son compte pourrait avoir servi, même à son insu, à commettreune infraction, suffit, en principe, à exclure cette qualité (cf. ATF 126 II126 consid. 6a/bb p. 137 et les références citées; voir aussi arrêt2A.51/1999 du 24novembre 1999, consid. 5c, publié in: Bulletin CFB 40 2000116). C'est seulement s'il pouvait être établi de manière claire et sanséquivoque possible qu'il n'a pris aucune part active dans la transactionlitigieuse - par exemple parce qu'il aurait confié à un tiers un mandatdiscrétionnaire de gestion de fortune - que l'octroi de l'entraide pourraits'avérer une mesure disproportionnée à son égard (cf. ATF 127 II 323 consid.6b/aa p. 332 ss; arrêt du 5 décembre 2003, 2A.519/2003, consid. 21 publié in:Bulletin CFB, 46/2004, p. 147 ss). Mais tel n'est justement pas le cas enl'occurrence. Certes, le recourant fait valoir que, durant la période sous enquête, enparticulier lorsque l'acquisition suspecte de quatre millions d'actions a étéopérée sur son compte, la Banque bénéficiait d'un mandat de gestiondiscrétionnaire, de telle sorte qu'il n'aurait nullement participé à cetteopération. Il ressort cependant des déclarations de la Banque que, nonobstantle mandat de gestion en sa faveur, toutes les opérations sur le titreA.________, "y compris celle du 21 septembre 2004", ont, en fait, été"initiées" par D.________, ayant droit économique du compte litigieux en mêmetemps que settlor et bénéficiaire unique du trust administré par le recouranten qualité de trustee (lettre de la Banque à la Commission fédérale du 7février 2005). Que, formellement, ce dernier ne soit pas intervenu dans leprocessus d'acquisition litigieux ne saurait donc conduire à le qualifier detiers non impliqué, vu le rôle actif joué par l'ayant droit économique ducompte dans ce processus. C'est également en vain que le recourant tente de minimiser le rôle deD.________, en soutenant que, comme constituant et bénéficiaire du trust,celui-ci n'aurait détenu aucun pouvoir de disposition ou de décisionconcernant les avoirs sous gestion, son intervention s'étant limitée àémettre des "souhaits ou recommandations". Cet allégué est en effetclairement démenti par les déclarations ci-avant rappelées de la Banque, demême que par les pièces que cet établissement a versées au dossier. Ainsi,dans une note du gestionnaire du compte du 23 juin 2004 faisant suite à unevisite de D.________, on peut notamment lire le passage suivant, qui nelaisse pas de doute sur le rôle réel et effectif du prénommé dans la gestiondes avoirs du trust, au-delà et en dehors de toute considération formelle:"Nous proposons quelques idées pour augmenter la part actions mais le client,tout en en prenant acte, ne veut pas s'engager pour le moment: il pense queles bourses auront un mouvement latéral et préfère attendre la fin de l'étépour prendre position. Il relève qu'il a détenu dans le passé des actions etobl. conv. A.________ et prévoit éventuellement revenir sur le titre, lasociété étant en restructuration, mais pas avant la fin de l'été." Dans cetteperspective, le 11 mars 2004, le gestionnaire du compte et une personne muniede la signature avaient expressément demandé aux trustees, pour le compte etde la part du bénéficiaire du trust ("for and on behalf of the beneficiary ofTrust Y.________"), l'autorisation de procéder à de futurs investissementsdans la société A.________ que ledit bénéficiaire pourrait être amené à leursuggérer à l'avenir ("As similar operations may be suggested in the future bythe Beneficiary"); les trustees avaient donné leur approbation le 24 marssuivant (cf. document intitulé "Specific investment instructions"). Legestionnaire du compte a encore précisé que c'est parce que l'actionA.________ ne figurait pas dans la liste des valeurs recommandées par laBanque que le projet d'investir dans ce titre avait "été soumis formellementle 11 mars 2004 aux Trustees pour ratification" (mémo du 16 mars 2005). En conséquence, le principe de la proportionnalité ne s'oppose pas à ce qu'ilsoit donné suite à la demande d'entraide de la CNMV, vu l'implication avéréede D.________ dans l'opération litigieuse. Quoi qu'il prétende, le recourantn'a pas été en mesure d'établir que l'ordre d'achat du 21 septembre 2004aurait été passé avant la période sensible. A cet égard, il ne saurait tireravantage de l'entretien téléphonique du 17 mai 2004 que D.________ avait euavec le gestionnaire du compte: selon ce dernier (cf. une note manuscrite du17mai 2004 précisée par le mémo précité du 16 mars 2005), il ne s'estnullement agi d'un ordre d'achat, mais d'une simple "indication préalable"signifiant l'intérêt du client à investir dans le titre lorsque celui-ciaurait quelque peu baissé pour atteindre 0.25 - 0.26 ¿. Du reste, au momentde l'ordre d'achat litigieux du 21 septembre 2004, le titre cotait encore à0.27 ¿; la Banque ne pouvait donc, en toute hypothèse, pas se fonder surl'entretien téléphonique invoqué pour procéder à l'opération litigieuse. Peu importe, à ce stade de la procédure, que le recourant ait acquis àplusieurs reprises des actions A.________ avant l'été 2004 ou que D.________ait manifesté dès mars voire février 2004 son intention de "reconstituer uninvestissement dans (cette) société" (cf. mémo précité du gestionnaire du 16mars 2005), ou encore que la décision d'achat de septembre 2004 reposât surdes faits largement accessibles au public. Ces circonstances peuvent certesêtre utiles pour apprécier si une infraction peut véritablement êtrereprochée au prénommé ou à la société recourante. Il n'appartient toutefoispas à la Commission fédérale de porter une telle appréciation qui est du seulressort de l'autorité de surveillance espagnole (cf. supra consid. 4.1),l'objet de la présente contestation se limitant - en l'absence de demanded'entraide judiciaire pénale - à vérifier l'existence d'un simple soupçoninitial concret (cf. ATF 128 II 407 consid. 5.2.3; 127 II 323 consid. 7b, 126II 126 consid. 6a et les arrêts cités). Or, comme on l'a vu (supra consid.4.2, premier paragraphe), les circonstances entourant l'acquisitionlitigieuse, soit la variation du cours des titres A.________ etl'augmentation inhabituelle de leur volume d'échange dans une périodesensible, sont à cet égard suffisantes. D'autant que, dans le cas d'espèce,un tel soupçon est encore renforcé, comme l'a constaté la Commissionfédérale, par le fait que D.________ possède à Madrid une adresse dans leproche voisinage d'une personne ayant acquis le même jour que lui des actionsA.________; or, ce voisin exerçait des fonctions d'administrateur dans deuxsociétés actives dans le domaine des télécommunications ayant éventuellementpu l'amener à entrer en contact avec des personnes initiées. Bien que lerecourant se soit efforcé d'établir qu'il "ne résidait que très rarement danssa résidence madrilène" durant la période litigieuse, il ne conteste pasqu'il connaît parfaitement ce voisin, étant même en mesure de préciser quecelui-ci est également client de la Banque et profite des services du mêmegestionnaire que lui. Quoi qu'il en soit, cet élément n'est pas décisif pourfonder l'existence d'un soupçon initial de possibles distorsions du marché ausens de la jurisprudence. 4.3 Partant, l'octroi de la demande litigieuse ne porte pas atteinte auprincipe de la proportionnalité et il se justifie de confirmer la décisionattaquée, étant précisé que les conclusions subsidiaires du recourant ne sontpas fondées: en effet, la procédure d'entraide vise à permettre à l'autoritéétrangère requérante de vérifier de manière effective, si besoin au moyend'une enquête approfondie, la régularité des transactions boursières opéréessous son ministère et sa surveillance; dès lors, ce serait vider cetteprocédure de toute substance que de ne communiquer à la CNMV les informationsdemandées que sur une base anonymisée ou que de ne pas mentionner le fait queD.________ a initié l'opération du 21 septembre 2004. 5.Au vu de ce qui précède, le présent recours doit être rejeté. Succombant, lerecourant doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ) et n'apas droit à des dépens. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à laCommission fédérale des banques. Lausanne, le 9 août 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.703/2005
Date de la décision : 09/08/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-09;2a.703.2005 ?
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