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09/08/2006 | SUISSE | N°2A.701/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 août 2006, 2A.701/2005


2A.701/2005 /fzc{T 0/2} Arrêt du 9 août 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Hungerbühler et Müller.Greffier: M. Addy. A. X.________,E.X.________,tous les 2 représentés par Me Bernard Lachenal, avocat, contre Commission fédérale des banques,Schwanengasse 12, Case postale, 3001 Berne. entraide administrative internationale demandée par la Comision Nacional delMercado de Valores (CNMV), recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédéraledes banques du 27 octobre 2005. Faits: A.La société A.________ (ci-après également citée: la So

ciété) est une sociétébritannique cotée à la bourse de Madrid, ac...

2A.701/2005 /fzc{T 0/2} Arrêt du 9 août 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Hungerbühler et Müller.Greffier: M. Addy. A. X.________,E.X.________,tous les 2 représentés par Me Bernard Lachenal, avocat, contre Commission fédérale des banques,Schwanengasse 12, Case postale, 3001 Berne. entraide administrative internationale demandée par la Comision Nacional delMercado de Valores (CNMV), recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédéraledes banques du 27 octobre 2005. Faits: A.La société A.________ (ci-après également citée: la Société) est une sociétébritannique cotée à la bourse de Madrid, active notamment dans le domaine destélécommunications. Le 21 septembre 2004, le volume d'échange de ses actionsest passé, en quelques heures, de 1,1 à 24,7 millions de titres. Dans le mêmetemps, le cours de l'action a gagné 12%, pour s'établir à 0,28 ?. L'autoritéespagnole de surveillance des bourses, la Comisión Nacional del Mercado deValores (CNMV), a immédiatement réagi et a suspendu la cotation du titre à lami-journée. Deux jours plus tard, le 23 septembre 2004, la Société a rendu publique laconclusion d'un important accord d'investissement avec B.________, un hommed'affaires connu en Espagne. Selon cet accord, le prénommé s'engageait àinvestir un montant de 61,8 millions d'euros dans la Société, sous la formed'une augmentation de capital et d'une émission d'obligations convertibles;il devait également, toujours d'après cet accord, prendre la tête du Conseild'administration et nommer à ses côtés trois nouveaux membres. Lesnégociations ayant abouti à l'accord avaient été entamées le 9 août 2004 ets'étaient intensifiées dans le courant du mois suivant. A la reprise de la cotation, le 24 septembre 2004, le cours de l'actionA.________ a augmenté de 36 %, à 0,36 ?? B.La CNMV a décidé d'ouvrir une enquête en vue d'examiner la régularité destransactions réalisées sur le titre A.________ durant la période ayantprécédé l'annonce, le 23 septembre 2004, de l'accord passé entre la Sociétéet B.________. Dans ce cadre, elle a requis, le 28 décembre 2004, l'entraideadministrative de la Commission fédérale des banques (ci-après: la Commissionfédérale ou CFB), afin d'obtenir certaines informations, notamment surl'identité de la ou des personnes ayant procédé à l'acquisition, le 21septembre 2004, de deux paquets d'actions respectivement d'un million etquatre millions de titres, ainsi qu'à la vente, le 27 septembre suivant, de130'000 titres. Ces transactions ont été réalisées par la banque C.________, à Genève(ci-après: la Banque). A la demande de la Commission fédérale, celle-ci anotamment indiqué que l'achat d'un million de titres avait été effectué pourle compte des époux A.X.________ et E.X.________, domiciliés à proximité deMadrid, co-titulaires et ayants droit économiques de deux comptes auprès deson établissement. La Banque a également fait savoir que les quatre millionsde titres achetés le même jour avaient été acquis pour le compte et surinstruction d'un autre client, qui était un proche voisin des épouxX.________. Dans une détermination du 14 mars 2005, les époux X.________ se sont opposésà la demande d'entraide, au motif que celle-ci ne répondait pas auxconditions de l'art. 38 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur les bourses etle commerce des valeurs mobilières (Loi sur les bourses, LBVM; RS 954.1). Enparticulier, ils faisaient valoir que l'autorité espagnole de surveillancedes bourses n'était pas en mesure de garantir le respect des principes ditsde spécialité, de confidentialité et du "long bras" prévus dans ladisposition précitée, car les engagements de "best efforts" pris par lePrésident de la CNMV dans une lettre du 5 septembre 1997 avaient été vidés deleur substance par certaines modifications législatives survenues depuis lorsen Espagne. Ils soutenaient également qu'ils avaient l'un et l'autre laqualité de tiers non-impliqués, l'épouse parce qu'elle n'avait pas donnéd'ordre en relation avec les opérations litigieuses, l'époux parce qu'ilavait décidé celles-ci en raison de son intérêt pour les nouvellestechnologies, sur la base d'informations accessibles au public. L'épouxajoutait que sa décision d'acquérir les titres A.________ était antérieure audébut des pourparlers entre la Société et B.________, comme l'attestait unordre d'achat téléphonique du 21 juin 2004 consigné dans une note manuscritede la Banque. Enfin, les époux X.________ estimaient que la transmission desinformations demandées aux autorités espagnoles était une mesure contraire auprincipe de la proportionnalité. Par décision du 27 octobre 2005, la CFB a rejeté les arguments des épouxX.________ et décidé d'accorder l'entraide administrative internationale à laCNMV et de lui transmettre les informations reçues de la Banque, en rappelantexpressément que celles-ci devaient être utilisées seulement à des fins desurveillance directe des bourses et du commerce des valeurs mobilières (ch. 2du dispositif) et que leur retransmission à des autorités tierces, y comprispénales, ne pouvait se faire qu'avec son assentiment préalable en vertu del'art. 38 al. 2 lettrec LBVM (ch. 3 du dispositif). C.Les époux X.________ forment un recours de droit administratif contre ladécision d'entraide précitée, dont ils requièrent l'annulation, sous suite defrais et dépens. Ils reprennent, pour l'essentiel, les arguments invoquésdevant l'instance précédente, en ajoutant que la procédure prévue par ledroit espagnol en matière de répression des délits boursiers n'offre pas desgaranties suffisantes au regard de l'art. 6 par. 1 CEDH. La CFB a conclu au rejet du recours sous suite de frais, en relevant que,depuis une récente modification du droit suisse, le principe dit du "longbras" ne trouve plus à s'appliquer. Le tribunal a organisé un second échange d'écritures au terme duquel lesparties ont confirmé leurs conclusions respectives. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Ayant valeur de décision au sens des art. 97 al.1 OJ et 5 PA, l'acte attaquépeut faire l'objet d'un recours de droit administratif en vertu de l'art. 98lettre f OJ en relation avec la règle spéciale de l'art. 39 LBVM. Par ailleurs, en leur qualité de clients de la banque requise et detitulaires des comptes concernés par la demande d'entraide administrativelitigieuse, les époux X.________ ont qualité pour recourir au sens de l'art.103 lettre a OJ (cf. ATF 125 II 65 consid. 1 p. 69). Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par laloi, le recours est recevable. 2.Une novelle du 7 octobre 2005 (RO 2006 197) a partiellement modifié l'art. 38LBVM, avec effet au 1er février 2006, en vue, principalement, d'assouplircertaines règles, notamment les exigences en matière de confidentialité, etde faciliter l'assistance administrative (cf. Message du 10 novembre 2004concernant la modification de la disposition sur l'assistance administrativeinternationale de la loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeursmobilières, in: FF 2004 6341, p.6348 ss). En raison de sa natureprocédurale, cette nouvelle disposition s'applique dès son entrée en vigueur,sans égard au moment où les faits concernant la demande d'entraide se sontproduits (cf. arrêt du 29 octobre 1998, 2A.213/1998, consid. 5b, publié in:Bulletin CFB, 37/1999, p. 21 ss). Toutefois, les règles applicables au momentde l'octroi de l'entraide demeurent seules déterminantes pour la suite de laprocédure, notamment en cas de recours (cf. arrêt 2A.345/1998 consid. 3a,publié in: Bulletin CFB, 38/1999, p. 30 ss). Rendue le 27 octobre 2005, soitavant l'entrée en vigueur de la novelle précitée du 7octobre 2005, ladécision attaquée doit, par conséquent, être examinée à la lumière del'ancienne version de la disposition en cause (art. 38 aLBVM; RO 1997 68),qui seule détermine l'objet de la contestation susceptible d'être portédevant le Tribunal fédéral (cf. ATF 117 Ib 114 consid. 5b p. 118; arrêt du 25avril 2006, 2A.749/2005, destiné à la publication, consid. 1.2.3 et lesréférences citées). 3.3.1En vertu de l'art. 38 al. 2 aLBVM, la Commission fédérale peut, dans lecadre de l'entraide administrative, transmettre aux autorités étrangères desurveillance des bourses et du commerce des valeurs mobilières desinformations et des documents liés à l'affaire, non accessibles au public, àcondition que ces autorités utilisent les informations transmisesexclusivement à des fins de surveillance directe des bourses et du commercedes valeurs mobilières (lettre a; principe de la spécialité), qu'elles soientliées par le secret de fonction ou le secret professionnel (lettre b;exigence de la confidentialité) et qu'elles ne retransmettent cesinformations à des autorités compétentes et à des organismes ayant desfonctions de surveillance dictées par l'intérêt public qu'avec l'assentimentpréalable de l'autorité de surveillance suisse ou en vertu d'une autorisationgénérale contenue dans un traité international (lettre c 1ère phrase;principe dit du "long bras", qui oblige concrètement la Commission fédérale àne pas perdre le contrôle de l'utilisation des informations après leurtransmission à l'autorité étrangère de surveillance). Lorsque l'entraidejudiciaire en matière pénale est exclue, aucune information ne peut êtretransmise à des autorités pénales; l'autorité de surveillance décide enaccord avec l'Office fédéral de la justice (lettre c, 2e et 3e phrases) (ATF129 II 484 consid. 2.1 p. 487). 3.2 Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion à de nombreuses reprises deconstater que la CNMV était l'autorité de surveillance espagnole des marchésfinanciers à laquelle l'assistance administrative pouvait être accordée envertu de l'art. 38 al. 2 aLBVM (cf. arrêt 2A.213/1998 du 29 octobre 1998,consid. 6 et 7, publié in: Bulletin CFB 37/1999 p.21 ss; arrêt 2A.231/1999du 26 novembre 1999, consid. 3; arrêt 2A.538/2001 du 14 décembre 2001). Dansune récente affaire (arrêt du 19 janvier 2005, cas joints 2A.484/2004 et2A.619/2004), il a rappelé une nouvelle fois que, contrairement à ce quesoutiennent les recourants, les déclarations de "best efforts" faites par lePrésident de la CNMV le 5 septembre 1997 constituent toujours des garantiessuffisantes et effectives pour assurer le respect des principes despécialité, de confidentialité et du "long bras": nonobstant lesmodifications législatives intervenues depuis lors en Espagne, il n'existe eneffet aucun indice concret et sérieux laissant supposer que l'autorité desurveillance espagnole ne puisse plus garantir ses engagements (arrêtprécité, consid. 1.3 et les références citées). 3.3 Les recourants objectent toutefois que, dans sa requête d'entraide du 28décembre 2004, la CNMV a précisé qu'elle utiliserait toutes les informationstransmises "conformément à l'usage admissible, tel que prévu dans le MMOU",abréviation qui désigne le "Multilateral memorandum of understanding on theexchange of information and surveillance of securities activities", un accordde coopération signé à Paris le 26 janvier 1999 entre les Etats membres duComité européen des régulateurs de marchés de valeurs mobilières. Or, fontvaloir les recourants, cette référence vise l'art. 6 ch. 2 lettre b MMOU quiprévoit que les autorités d'un Etat membre peuvent utiliser les informationstransmises par les autorités d'un autre Etat membre notamment pour initier ousoutenir des procédures pénale, administrative, civile ou disciplinaire enrapport avec les faits mentionnés dans la demande. En réponse à une lettre du1er juin 2005 de la Commission fédérale, la CNMV a toutefois expressémentprécisé, le 7 juillet suivant, que sa requête s'inscrivait bien dans le cadrede l'art. 38 aLBVM et des déclarations de "best efforts" faites en septembre1997 et, en particulier, que les informations transmises seraient utiliséesuniquement à des fins de surveillance directe des marchés et du commerce desvaleurs mobilières et seraient traitées de manière confidentielle,conformément à "l'article 90 of Law 24/88 of July 28th, the Securities MarketAct (SMA), as amended". Selon les recourants, depuis une modification du 16 novembre 1998, ladisposition précitée du droit espagnol (art. 90 SMA) prévoit certainesexceptions au principe de confidentialité, notamment lorsque les informationsobtenues dans le cadre de l'entraide sont requises par une autoritéjudiciaire pour les besoins d'une procédure pénale ou civile (art. 90 par. 6lettre c SMA) ou par les autorités de lutte contre le blanchiment d'argent oules autorités fiscales (art. 90 par. 6 lettre g SMA). Le problème soulevé estcependant antérieur à la modification légale invoquée, comme en témoignentles déclarations de "best efforts" de septembre 1997, par lesquelles la CNMVs'est précisément engagée, outre à respecter les principes de spécialité etde confidentialité (ch. 1 et 2 desdites déclarations), à faire tout sonpossible pour que, malgré le prescrit de l'ancien art. 90 SMA, lesinformations communiquées par la Commission fédérale ne soient pasretransmises à des autorités pénales, ou de lutte contre le blanchimentd'argent ou fiscales, à moins que l'autorité suisse requise ne donnepréalablement son consentement (loc. cit., ch. 3). Or, en se référant sansrestriction aux déclarations précitées de "best efforts" dans le cadre de laprésente procédure, la CNMV a non seulement renouvelé de manière claire etdénuée d'ambiguïté sa volonté de respecter ses engagements, mais a également,autant que de besoin, étendu la portée de ceux-ci aux modifications légalesintervenues dans l'intervalle. Jusqu'à preuve du contraire, il faut en effetpartir de l'idée que l'autorité de surveillance espagnole, dont la bonne foiest présumée, respectera ses déclarations de "best efforts" (cf. ATF 128 II407 consid. 3.2, 4.3.1 et 4.3.3 p. 411 ss). On le peut d'autant plusfacilement ici que, dans une affaire postérieure aux modifications légalesévoquées par les recourants, la CNMV a demandé à la Commission fédéralel'autorisation de retransmettre à une autorité pénale étrangère desinformations obtenues dans le cadre de l'entraide (cf. arrêt 2A.538/2001 du14 décembre 2001). Au demeurant, les autorités judiciaires espagnoles sont légalement tenues, envertu de l'art. 90 ch. 7 SMA, de garantir la confidentialité des informationstransmises pendant la durée de la procédure d'entraide ("Legal authoritieswhich receive inside information from the National Securities MarketCommission are obliged to adopt adequate measures to ensure that theinformation remains confidential for the duration of the relevantproceedings."), tandis que la retransmission de ces informations auxautorités de lutte contre le blanchiment ou aux autorités fiscales ne peut sefaire qu'avec le consentement préalable du Ministère de l'économie et desfinances, lequel doit, au surplus, depuis la modification de l'art. 90 ch. 6lettre g SMA, tenir compte des engagements de "best efforts" pris par la CNMVà l'égard d'autres pays ("For these purposes, the memoranda of understandingsigned between the National Securities
Market Commission and the supervisoryauthorities of other countries must be taken in account"; sur la situationantérieure, cf. déclarations précitées de "best efforts" de septembre 1997,ch. 3 in fine). Aujourd'hui comme hier, la législation espagnole confère doncà la CNMV une marge de manoeuvre suffisante pour se conformer aux principesde confidentialité et du "long bras" prévus par la réglementation suisse.Le risque que la CNMV ne retransmette à d'autres autorités les informationsobtenues au titre de l'entraide sans le consentement préalable de la CFB estd'autant plus mince que le droit communautaire prévoit justement la nécessitéd'un tel consentement (cf. art. 16 par. 2 al. 5 de la directive 2003/6/CE duParlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérationsd'initiés et les manipulations de marché, entrée en vigueur le 12 avril 2003;cf. arrêt du 18 février 2003, 2A.425/2002, consid. 2.2.2 et les référencescitées, notamment à l'art. 10 de l'ancienne directive 89/592/CEE du Conseildu 13 novembre 1989 concernant la coordination des réglementations relativesaux opérations d'initiés). Certes, ce régime de consentement préalable vaut"sans préjudice des obligations incombant (aux autorités compétentes) dans lecadre de procédures judiciaires à caractère pénal" (art. 16 par. 2 al. 5 dela directive 2003/6/CE précitée). Comme on l'a vu, toutefois, dans leslimites autorisées par sa législation, la CNMV a expressément donné à laCommission fédérale son assurance que, même en vue d'une utilisation pénaledes informations transmises, elle requerrait son consentement préalable avanttoute retransmission de celles-ci à une autre autorité. Enfin, si la publicité de l'enquête administrative est effectivement, commel'allèguent les recourants, incompatible avec le principe de laconfidentialité et du principe dit du "long bras" consacrés par l'art. 38LBVM (sous réserve du cas prévu aux ATF 128 II 407 ss), la publicité de lasanction pécuniaire prise à l'issue d'une procédure administrativecontradictoire est, en revanche, normalement admissible, conformément auxexigences posées par le droit communautaire (cf. ATF 129 II 484 consid. 3.2et 3.4 p. 491 ss; arrêt précité du 19 janvier 2005, consid. 1.2).3.4 En conséquence, les principes de spécialité, de confidentialité et du"long bras" prévus à l'art. 38 al. 2 aLBVM ne font pas obstacle à la demanded'entraide présentée par la CNMV. 4.Les recourants se plaignent également de la violation du principe de laproportionnalité, en raison, notamment, de leur prétendue qualité de tiersnon-impliqués. 4.1 Dans le domaine de l'entraide administrative internationale, le principede la proportionnalité découle notamment de l'art. 38 al. 2 aLBVM, quiprévoit que la Commission fédérale ne peut transmettre aux autoritésétrangères de surveillance des bourses que "des informations et des documentsliés à l'affaire" (l'art. 38 al. 2 LBVM est sur ce point resté inchangé). Onpeut également voir une concrétisation de ce principe à l'art. 38 al. 3aLBVM, aux termes duquel "la transmission d'informations sur des personnesqui, de manière évidente, ne sont pas impliquées dans une affaire nécessitantl'ouverture d'une enquête, est interdite" (cf. art. 38 al. 4 LBVM). Selon la jurisprudence, l'entraide administrative ne peut être accordée quedans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par l'Etatrequérant. La question de savoir si les renseignements demandés sontnécessaires ou simplement utiles à la procédure étrangère est en principelaissée à l'appréciation de ce dernier. L'Etat requis ne dispose généralementpas des moyens lui permettant de se prononcer sur l'opportunité del'administration de preuves déterminées au cours de la procédure menée àl'étranger, de sorte que, sur ce point, il ne saurait substituer sa propreappréciation à celle de l'autorité étrangère chargée de l'enquête. Ildoituniquement examiner s'il existe suffisamment d'indices de nature à fonder unsoupçon initial de possibles distorsions du marché justifiant la demanded'entraide. La coopération internationale ne peut être refusée que si lesactes requis sont sans rapport avec d'éventuels dérèglements du marché etmanifestement impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que laditedemande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens depreuve ("fishing expedition"»; cf. ATF 128 II 407 consid.5.2.1 p. 417; 127II 142 consid. 5; 126 II 409 consid. 5 p. 413 ss, 86 consid. 5a p. 90 s.; 125II 65 consid. 6 et les références citées). 4.2 En l'espèce, le jour où les transactions litigieuses ont été passées,soit le 21 septembre 2004, la cotation du titre A.________ a dû êtreinterrompue à la mi-journée par la CNMV, en raison d'une brusque et trèsimportante hausse du volume des actions échangées (dans un rapport de un àvingt) et d'une sensible augmentation de leur cours (plus 12 %). Deux joursaprès cette interruption, la Société a dévoilé la conclusion d'un importantaccord d'investissement avec un homme d'affaires connu en Espagne. A lareprise de la cotation, le 24 septembre suivant, le cours de l'action s'estapprécié de 36 %. Ces circonstances sont à elles seules suffisantes, selon lajurisprudence, pour fonder l'existence d'un soupçon initial concretjustifiant de donner suite à la demande d'entraide litigieuse (cf. ATF 129 II484 consid. 4.2 p. 495; 126 II 409 consid. 5b/aa p. 414, 126 consid. 6a/bbp.137). Par ailleurs, du moment qu'il sont co-titulaires des comptes bancaires surlesquels ont transité les opérations suspectes, les recourants ne sauraientêtre considérés comme ayant qualité de tiers non impliqués au sens de l'art.38 al. 3 aLBVM. En effet, la simple éventualité que leurs comptes pourraientavoir servi, même à leur insu, à commettre une infraction, suffit, enprincipe, à exclure cette qualité (cf. ATF 126 II 126 consid. 6a/bb p. 137 etles références citées; voir aussi arrêt 2A.51/1999 du 24novembre 1999,consid. 5c, publié in: Bulletin CFB 40 2000 116). C'est seulement s'ilpouvait être établi de manière claire et sans équivoque possible qu'ils n'ontpris aucune part active dans les transactions litigieuses - par exemple parcequ'ils auraient confié à un tiers un mandat discrétionnaire de gestion defortune - que l'octroi de l'entraide pourrait s'avérer une mesuredisproportionnée à leur égard (cf. ATF 127 II 323 consid. 6b/aa p. 332 ss;arrêt du 5 décembre 2003, 2A.519/2003, consid. 21 publié in: Bulletin CFB,46/2004, p. 147 ss). Mais tel n'est justement pas le cas en l'occurrence. Au contraire, comme la Commission fédérale l'a constaté (décision attaquée,ch. 1.2 du dispositif), c'est bien A.X.________ qui a pris l'initiatived'acquérir un million d'actions A.________ le 21 septembre 2004. Il ressorten effet des pièces au dossier que toutes les opérations sur titres ont étépassées par la Banque sur ordre de ses clients. Par ailleurs, la Banque aprécisé, par l'entremise du gestionnaire des comptes des recourants, que"l'intégralité des transactions initiées sur ces comptes depuis leurouverture, y compris celles portant sur les titres A.________, ont étéinitiées exclusivement par le mari" (mémo du 4 mars 2005). Ce dernier acertes allégué qu'il avait donné l'ordre d'achat litigieux du 21 septembre2004 avant la période sensible, sans toutefois avoir été en mesure d'établirce fait. A cet égard, les ordres d'achats du mois de juin 2004 qu'il a versésen cause ne lui sont d'aucun secours, car ils sont tous limités dans letemps, au plus tard au 28 de ce même mois (cf. ordre d'achat du 21 juin2004). D'ailleurs, la Banque a indiqué que, lors d'entretiens téléphoniquesdébut juillet 2004 avec son gestionnaire, l'intéressé avait manifesté "sonintention de compléter son investissement dans la société A.________,signalant qu'il le ferait après l'été, période où la Bourse espagnole esttraditionnellement peu active" (mémo de la Banque précité). Son implicationdans les opérations concernées par la demande d'entraide ne prête dès lorspas à discussion. Quant à E.X.________, même s'il est établi qu'elle n'a,formellement, pas initié les opérations litigieuses, en particulier l'ordred'achat du 21 septembre 2004, sa situation n'est pour autant pas comparable àcelle d'un client qui aurait confié un mandat discrétionnaire de gestion defortune à un tiers, vu sa qualité d'épouse du donneur d'ordre et deco-titulaire des comptes litigieux.Peu importe, à ce stade de la procédure, que A.X.________ ait acquis àplusieurs reprises des actions A.________ avant l'été 2004 ou qu'il aitmanifesté, en juin 2004, son intention de prendre une "position plusimportante jusqu'à un max. d'1 mio ?" dans cette société (cf. note de songestionnaire figurant au bas de l'ordre d'achat précité du 21juin 2004), ouencore qu'il ait, comme il le soutient, fondé sa décision d'achat, enseptembre 2004, sur des faits largement accessibles au public. Cescirconstances peuvent certes être utiles pour apprécier si une infractionpeut véritablement lui être reprochée. Il n'appartient toutefois pas à laCommission fédérale de porter une telle appréciation qui est du seul ressortde l'autorité de surveillance espagnole (cf. supra consid. 4.1), l'objet dela présente contestation se limitant - en l'absence de demande d'entraidejudiciaire pénale - à vérifier l'existence d'un simple soupçon initialconcret (cf. ATF 128 II 407 consid.5.2.3; 127 II 323 consid. 7b, 126 II 126consid. 6a et les arrêts cités). Or, comme on l'a vu (supra consid. 4.2,premier paragraphe), les circonstances entourant les opérations litigieuses,soit la variation du cours des titres A.________ et l'augmentationinhabituelle de leur volume d'échange dans une période sensible, sont à cetégard suffisantes, d'autant que, dans le cas d'espèce, un tel soupçon estencore renforcé, comme l'a constaté la Commission fédérale, par le fait queles fonctions d'administrateur de deux sociétés actives dans le domaine destélécommunications avaient pu amener A.X.________ à entrer en contact avecdes personnes initiées et, d'autre part, qu'un des proches voisins del'intéressé avait acquis un paquet de quatre millions d'actions le même jourque lui. 4.3 Partant, l'octroi de la demande litigieuse ne porte pas atteinte auprincipe de la proportionnalité. 5.Enfin, contrairement à ce que soutiennent les recourants, l'entraideadministrative internationale ne saurait être refusée ici pour le simplemotif qu'à la différence de la Commission fédérale, l'autorité requérante ala compétence de prononcer elle-même des sanctions pécuniaires (mesuresadministratives), quand bien même celles-ci pourraient avoir un caractèrepénal au sens de l'art. 6 CEDH. Cette faculté ne remet en effet pas en causela nature de la CNMV, qui demeure dans la présente procédure l'autorité desurveillance des marchés financiers (cf. ATF 129 II 484 consid. 3.5 p. 493;arrêts 2A.484/2004 et 2A.619/2004, du 19 janvier 2005, consid. 1.2 et2A.24/2003, du 31 juillet 2003, consid. 3). Pour le surplus, il incombe àl'Etat requérant de faire en sorte que les garanties de procédure découlantde l'art. 6 CEDH soient respectées. Cette disposition conventionnelle n'estdu reste pas applicable à la procédure d'entraide administrative (cf. arrêtprécité du 19janvier 2005, consid. 1.2; arrêt 2A.234/2000 du 25 avril 2001,consid. 2b, publié in: Bulletin CFB 42/2002 p. 61 ss). 6.Au vu de ce qui précède, le présent recours doit être rejeté. Succombant, lesrecourants doivent supporter solidairement entre eux un émolument judiciaire(art. 156 al. 1 et 7 OJ) et n'ont pas droit à des dépens. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis à la charge des recourants,solidairement entre eux. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants et à laCommission fédérale des banques. Lausanne, le 9 août 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.701/2005
Date de la décision : 09/08/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-09;2a.701.2005 ?
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