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07/08/2006 | SUISSE | N°K.147/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 août 2006, K.147/05


Cause {T 7}K 147/05 Arrêt du 7 août 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler. Greffier : M. Piguet D.________, recourante, représentée par Me Gaëtan Coutaz, avocat, place duMidi 27, 1950 Sion, contre Atupri Caisse-Maladie, Spitalgasse 2, 3001 Berne, intimée, représentée par MeAndrea Lanz Müller, avocate, Casinoplatz 8, 3011 Berne Tribunal cantonal des assurances, Sion (Jugement du 28 juillet 2005) Faits: A.D. ________, née en 1957, est assurée auprès d'Atupri Caisse-Maladie(ci-après: la caisse) pour l'assurance obligatoire des soins en cas demaladie.Le 2

5 août 2003, le docteur Z.________, spécialiste en chirurgie ...

Cause {T 7}K 147/05 Arrêt du 7 août 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler. Greffier : M. Piguet D.________, recourante, représentée par Me Gaëtan Coutaz, avocat, place duMidi 27, 1950 Sion, contre Atupri Caisse-Maladie, Spitalgasse 2, 3001 Berne, intimée, représentée par MeAndrea Lanz Müller, avocate, Casinoplatz 8, 3011 Berne Tribunal cantonal des assurances, Sion (Jugement du 28 juillet 2005) Faits: A.D. ________, née en 1957, est assurée auprès d'Atupri Caisse-Maladie(ci-après: la caisse) pour l'assurance obligatoire des soins en cas demaladie.Le 25 août 2003, le docteur Z.________, spécialiste en chirurgie plastique etreconstructive, s'est adressé à la caisse-maladie pour demander la prise encharge d'une mammoplastie de réduction qu'il entendait effectuer sur lapersonne de l'assurée. Malgré le préavis négatif du médecin-conseil de lacaisse, l'intervention s'est déroulée le 17novembre 2003. Le 23 janvier2004, l'assurée s'est adressée une nouvelle fois à sa caisse afin qu'elleréexamine la question de la prise en charge des frais de l'opération, qui semontaient à 8'900 fr.Par décision du 8 juillet 2004, confirmée sur opposition le 24 février 2005,Atupri a refusé de rembourser les frais de l'intervention, au motif que lamammoplastie de réduction ne constituait pas en l'espèce une prestationobligatoire au sens de la jurisprudence, puisque l'assurée présentait unexcès pondéral important au moment de la présentation de la demande de priseen charge et de l'intervention. B.Par jugement du 28 juillet 2005, le Tribunal cantonal des assurances ducanton du Valais a rejeté le recours formé par l'assurée contre la décisionsur opposition du 24 février 2005. C.D.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dontelle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut à laprise en charge intégrale par la caisse des frais de la mammoplastie deréduction.La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de lasanté publique a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur le droit de D.________ à la prise en charge des fraisrelatifs à la mammoplastie de réduction qu'elle a subie le 17novembre 2003. 2.2.1Conformément à l'art. 25 al. 1 LAMal, l'assurance obligatoire des soinsprend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou àtraiter une maladie et ses séquelles. Ces prestations doivent être efficaces,appropriées et économiques (art. 32 al. 1 LAMal).La question de la prise en charge par l'assurance-maladie obligatoire d'unecorrection chirurgicale sur les seins a donné lieu à une jurisprudenceabondante du Tribunal fédéral des assurances. Dans ce contexte, le tribunals'est surtout attaché à délimiter les cas qui relèvent de la chirurgieesthétique où le but principal de l'intervention est de rendre la poitrineplus belle ou plus conforme aux mensurations idéales, de ceux qui - bien quel'aspect esthétique n'en soit pas absent - doivent être considérés commeayant valeur de maladie d'après la loi et, par conséquent, être couverts parl'assurance-maladie. 2.2 La prise en charge par l'assurance obligatoire des soins d'une réductionmammaire dépend - en plus des critères de l'efficacité, du caractèreapproprié et de l'économicité - de conditions spécifiques dégagées par lajurisprudence. L'opération de réduction du sein constitue une prestation à lacharge des caisses-maladie si l'hypertrophie mammaire est à l'origine detroubles physiques ou psychiques ayant eux-mêmes valeur de maladie au sensjuridique et que le but de l'intervention est d'éliminer ces atteintessecondaires. La présence de troubles pathologiques n'est pas en soidéterminante, mais bien le point de savoir si les troubles sont importants etque d'autres raisons, en particulier d'ordre esthétique peuvent être écartées(ATF 121 V 213 consid. 4 et 5a; RAMA 1996 n° K 972 p. 3 consid. 4; arrêt L.du 29 janvier 2001, K 171/00). Une indication médicale à une intervention estadmise à partir du moment où une réduction de poids d'environ 500 grammes ouplus de chaque côté est envisagée ou exécutée et pour autant que l'assuréesouffre de douleurs dues à l'hypertrophie et ne présente pas d'adiposité, lecritère déterminant étant l'existence d'un lien de causalité entrel'hypertrophie et les troubles physiques ou psychiques. Une personne présenteune surcharge pondérale (adiposité) lorsque le Body Mass Index (BMI), soit lequotient du poids corporel (kg) et de la taille au carré (m2) est supérieur à25 (ATF 130 V 301 consid. 3 et la référence). 2.3 On ne saurait de manière générale déduire de la disparition des douleurspostérieurement à l'opération que celle-ci était appropriée. En effet, tantl'efficacité d'une prestation que son caractère adéquat en tant que critèresde la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins doivent êtreappréciés de manière pronostique (ATF 130 V 303 consid. 5.2 et la référence).A cet égard, une prestation est efficace au sens de l'art. 32 al. 1 LAMal,lorsqu'on peut objectivement en attendre le résultat thérapeutique visé parle traitement de la maladie, à savoir la suppression la plus complètepossible de l'atteinte à la santé somatique ou psychique (ATF 128 V 165consid. 5c/aa; RAMA 2000 n°KV 132 p. 281 consid. 2b). La question de soncaractère approprié s'apprécie en fonction du bénéfice diagnostique outhérapeutique de l'application dans le cas particulier, en tenant compte desrisques qui y sont liés au regard du but thérapeutique (ATF 127 V 146 consid.5). Le caractère approprié relève en principe de critères médicaux et seconfond avec la question de l'indication médicale: lorsque l'indicationmédicale est clairement établie, le caractère approprié de la prestationl'est également (ATF 125 V 99 consid. 4a; RAMA 2000 n° KV 132 p.282 consid.2c). Ces critères doivent également s'appliquer lorsqu'il s'agit dedéterminer sous l'angle de l'efficacité, laquelle de deux mesures médicalesentrant alternativement en ligne de compte, doit être choisie au regard de laprise en charge par l'assurance obligatoire des soins (ATF 130 V 304 consid.6.1).En ce qui concerne plus particulièrement le remboursement des frais d'unemammoplastie de réduction par l'assurance obligatoire des soins, la questionse pose de savoir si des mesures conservatrices, singulièrement unephysiothérapie en cas de douleurs au dos, constituent ou auraient puconstituer une possibilité de traitement alternatif et efficace. Si tel estle cas, il convient encore d'examiner laquelle des deux prestations est lamieux appropriée (ATF 130 V 304 consid. 6.1). 3.3.1En vertu de l'art. 27 al. 2 LPGA, chacun a le droit d'être conseillé, enprincipe gratuitement, sur ses droits et obligations (1ère phrase). Sontcompétents pour cela les assureurs à l'égard desquels les intéressés doiventfaire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (2ème phrase). De leurcôté, les assurés doivent collaborer gratuitement à l'exécution desdifférentes lois sur les assurances sociales (art. 28 al. 1 LPGA); enparticulier, celui qui fait valoir son droit à des prestations doit fournirgratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir ce droit etfixer les prestations dues. D'après l'art. 43 al. 1 LPGA, l'assureur examineles demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires etrecueille les renseignements dont il a besoin (principe inquisitoire; voirATF 125 V 195 consid. 2 et les références). Le principe de la bonne foiimpose cependant aux assureurs et aux assurés de se comporter les unsvis-à-vis des autres de manière loyale (ATF 108 V 88 consid. 3a et lesréférences). 3.2 Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité administrative ou lejuge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sontconvaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4eéd.,Berne 1984, p. 136; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2eéd., p. 278 ch.5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, saufdispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis demanière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est à-direqui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pasqu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible.Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, lecas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF126V360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III324 consid. 3.2 et 3.3). 4.4.1A l'appui de son préavis négatif, le docteur K.________, médecin-conseilde la caisse intimée, a simplement indiqué que l'obésité de l'assurée nepermettait pas, selon la jurisprudence de la Cour de céans, une prise encharge de l'intervention demandée. La caisse a repris ce point de vue dans sadécision du 8 juillet 2004 et sa décision sur opposition du 24 février 2005et ajouté qu'en raison de l'excédent de poids présenté par l'assurée, iln'était pas possible de répondre à la question de savoir si les douleursmentionnées dans les documents médicaux produits par l'assurée devaient, avecune vraisemblance «prédominante», être attribuées à l'hypertrophie mammaireou si elles étaient provoquées par l'excédent de poids. 4.2 Les premiers juges ont considéré que les conditions cumulatives de lajurisprudence constante du Tribunal fédéral des assurances mises pour laprise en charge d'une mammoplastie de réduction n'étaient pas respectées. Sila condition d'une ablation minimale de 500 grammes des deux côtés était enl'espèce largement remplie, D.________ souffrait en revanche d'obésité etn'avait nullement établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que sonhypertrophie mammaire générait des troubles ayant valeur de maladie que lamammoplastie aurait visé à supprimer. 5.5.1Au moment de la demande de prise en charge de la réduction mammaire, lepoids de l'assurée était de 95 kg pour une taille de 160cm (BMI de 37,1) etse situait encore à 83 kg le jour de l'intervention chirurgicale (BMI de32,4). D'après le protocole opératoire, 900 grammes de tissus mammaires ontété enlevés du sein droit et 975 grammes du sein gauche. 5.2 A l'appui de sa demande de prise en charge, le docteur Z.________ avaitexpliqué à la caisse que D.________ présentait une gêne fonctionnelle majeureliée à une gigantomastie (douleurs d'épaules, macération sous-mammaire,difficulté à trouver des soutiens-gorge, impossibilité de faire du sport,etc.). Il observait des seins très importants, ptosés, lourds quoiquesouples, avec une distance «fourchette sternale - aréole» de 40 cm.L'assurée présentait par ailleurs une asymétrie des épaules et une scoliosemodérée sinistro-convexe. A son avis, il y avait clairement indicationfonctionnelle à une réduction mammaire.Dans un rapport du 24 août 2004, postérieur à l'intervention chirurgicale, cemédecin a précisé les multiples symptômes présentés par l'assurée. Ils'agissait de dorsalgies, de douleurs et blessures des épaules dues à lapression extrême des bretelles de soutien-gorge, des douleurs mammaires etpectorales lors des mouvements les plus courants, d'une gêne extrême pouraller nager en raison de sa corpulence et de la taille de sa poitrine, d'unérythème à répétition et macération des sillons sous-mammaires malgré unehygiène rigoureuse lié notamment à la ptose et à l'hypertrophie mammaire,d'une sensation de «seins morts» au réveil liée à la traction sur les côtéslors du décubitus dorsal. D'après le docteur Z.________, ces symptômesn'étaient pas liés au surpoids, mais bien de façon prépondérante au volumeexceptionnel de la poitrine. Les douleurs ressenties par l'assurée étaientpar ailleurs considérables, puisqu'elle les ressentait lors des mouvementsles plus courants, comme la marche notamment (rapport du 29 mars 2005). 6.6.1S'il est vrai que plus le BMI d'une assurée est élevé, plus le lien decausalité entre les plaintes alléguées et l'hypertrophie mammaire apparaîtdouteux, cela ne signifie pas encore qu'il convient de refuser touteprestation aux assurées qui présenteraient une surcharge pondérale. Le BMI,tout comme la quantité de tissus mammaires retirée, n'ont, au sens de lajurisprudence, qu'une valeur indicative (ATF 121 V 215 consid. 6b; RAMA 1996n° K 972 p. 7 consid. 6b; voir également arrêts W. du 9 mai 2003, K 69/01,consid. 4.2.3 et L. du 29janvier 2001, K 171/00, consid. 4c). Seule endéfinitive une appréciation globale de l'ensemble des circonstances du casparticulier permet de déterminer si une assurée présente des troublespathologiques suffisamment importants pour justifier une prise en charged'une mammoplastie de réduction par l'assurance obligatoire des soins. 6.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante présentait unesurcharge pondérale au moment de l'intervention. Cela étant, le docteurZ.________ a répété à plusieurs reprises que l'hypertrophie mammaireengendrait des troubles physiques qui justifiaient, par leur intensité,l'intervention qu'il avait effectuée. Or, au vu de la quantité nonnégligeable de tissus mammaires retirés - près de 2 kg -, ce point de vueapparaît de prime abord défendable. Cela étant, le dossier, tel qu'il a étéinstruit par la caisse et la juridiction cantonale, qui n'ont recueilliaucune information complémentaire auprès des médecins traitants de l'assurée,ne permet pas d'établir, au degré de vraisemblance requis, si les conditionsposées à la prise en charge d'une mammoplastie de réduction par l'assuranceobligatoire des soins étaient réunies ou non. Sur la base des renseignementsmédicaux versés au dossier, on ne saurait en effet considérer, sans de plusamples informations, que les troubles décrits par le docteur Z.________n'avaient pas valeur de maladie au sens juridique, ainsi que l'ont pourtantretenu les premiers juges, ou qu'ils devaient être attribués de manièreprépondérante à la surcharge pondérale de la recourante, comme l'a suggéré lacaisse. En fait, en ne procédant en cours de procédure à aucune mesured'instruction, tout en reportant le fardeau de la preuve sur l'assurée, lacaisse, puis la juridiction cantonale, ont violé le principe inquisitoire quirégit la procédure dans le domaine des assurances sociales.Pour ces raisons, il convient de retourner le dossier à la caisse afinqu'elle complète son dossier au sens de ce qui précède. Le cas échéant, ilappartiendra à la caisse de se prononcer également sur le caractère appropriéde la mammoplastie de réduction au sens où l'entend la jurisprudence (consid.2.3). 7.S'agissant d'un litige qui porte sur l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). L'assurée, qui obtientgain de cause, a droit à une indemnité de dépens à charge de l'intimée (art.159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances ducanton du Valais du 28 juillet 2005 et la décision sur opposition d'AtupriCaisse-Maladie du 24 février 2005 sont annulés; la
cause est renvoyée à lacaisse pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelledécision. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.L'intimée versera à la recourante la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe àla valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale. 4.Le Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais statuera sur lesdépens pour la procédure de première instance, au regard de l'issue du procèsde dernière instance. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances et à l'Office fédéral de la santé publique. Lucerne, le 7 août 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.147/05
Date de la décision : 07/08/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-07;k.147.05 ?
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