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04/08/2006 | SUISSE | N°4C.112/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 août 2006, 4C.112/2006


{T 0/2}4C.112/2006 /viz Arrêt du 4 août 2006Ire Cour civile M. et Mmes les Juges Corboz, Président,Klett et Rottenberg Liatowitsch.Greffier: M. Ramelet. A. ________,demandeur et recourant,représenté par Me Michel A. Halpérin, avocat, contre banque X.________,défenderesse et intimée,représentée par Me Benoît Chappuis, avocat. contrat de travail, bonus annuel, recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel dela juridiction des prud'hommes du canton de Genèvedu 27 février 2006. Faits: A.A.a La société anonyme banque X.________, (ci-après: X.________ ou labanque), qui a sin

gulièrement pour but l'exploitation d'une banque, estdétenue à 10...

{T 0/2}4C.112/2006 /viz Arrêt du 4 août 2006Ire Cour civile M. et Mmes les Juges Corboz, Président,Klett et Rottenberg Liatowitsch.Greffier: M. Ramelet. A. ________,demandeur et recourant,représenté par Me Michel A. Halpérin, avocat, contre banque X.________,défenderesse et intimée,représentée par Me Benoît Chappuis, avocat. contrat de travail, bonus annuel, recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel dela juridiction des prud'hommes du canton de Genèvedu 27 février 2006. Faits: A.A.a La société anonyme banque X.________, (ci-après: X.________ ou labanque), qui a singulièrement pour but l'exploitation d'une banque, estdétenue à 100% par la société Y.________ SA, contrôlée elle-même parB.B.________, président du conseil d'administration de X.________.Par contrat de travail du 19 mars 1998, subdivisé en dix points, la banque aengagé A.________. Les chiffres 1 et 2 de l'accord fixaient respectivement ladate d'entrée en fonction, soit le 1er mai 1998, l'"Echelon" et la fonction àremplir, à savoir membre de la direction générale avec la responsabilité dusecteur "Risk Management and Administration"; sous le libellé "3 Traitement"de ce contrat, il était stipulé que le salaire de base annuel brut dudirecteur se monterait à 363'400 fr., plus une indemnité pour frais dereprésentation, par 36'600 fr.; sous la rubrique "4 Bonus", il était prévu laparticipation du directeur au plan de bonus de X.________, le calcul decelui-ci se faisant à partir d'un "bonus-cible" de 150'000 fr., ledit montantde 150'000 fr. lui étant toutefois garanti pour la première année; sousl'intitulé "5 Délai de résiliation", il était instauré pour chacune desparties un délai de congé de six mois pour la fin d'un mois; s'agissant despoints 6, 7 et 8, ils traitaient respectivement de l'"Horaire de travail",des "Vacances" et de la "Fondation de prévoyance"; le chiffre 9 rappelait lecontenu de diverses obligations légales auxquelles était soumis le directeuret le chiffre 10 dressait la liste des documents remis à ce dernier faisantpartie intégrante de son contrat de travail (art. 64 al. 2 OJ).Nommé au début 2001 membre du comité de direction générale de la banque,A.________, par un avenant du 22 janvier 2001, a vu sa rémunérationatteindre, à partir du 1er janvier 2001, le montant annuel brut de 550'000fr., indemnité de frais de représentation incluse. Ledit avenant précisait,juste au-dessous du total de la rémunération mis en évidence en caractèresgras, que le "bonus-cible" était fixé pour l'année 2001 à 300'000 fr. Ilétait pour finir spécifié que "toutes les autres conditions mentionnées dans(le) contrat de travail du 19 mars 1998 demeur(aient) inchangées" (art. 64al. 2 OJ). A.b Dans une note d'information du 8 mars 2001, signée par B.B.________ ainsique par C.B.________, président du directoire de la banque, celle-ci aannoncé sa décision d'ouvrir son capital à certains cadres supérieurs afin deleur offrir un véritable partenariat, notamment en transformant le directoireen un nouvel organe de direction, le comité exécutif; ce dernier devait ainsicomprendre trois membres dela famille B.________, ainsi que trois membresn'appartenant pas à cette famille, à savoir A.________, D.________ etE.________. Le comité exécutif s'est réuni régulièrement dès le 27 mars 2001, notammentafin de déterminer ses fonctions et de créer un plan d'intéressement lié àY.________ SA. Ce plan était destiné à certains employés privilégiés (TopOfficers) qui pouvaient consacrer leur bonus annuel à l'achat d'actions deY.________ SA, une durée de blocage de trois ans étant prévue. Le 4 mai 2001, A.________, D.________ et E.________ ont adressé àB.B.________ une proposition écrite de mise en place du plan d'intéressement.A teneur de ce document, un délai de blocage de six ans était prévu, au termeduquel le partenaire avait la possibilité de vendre un quart des actions,cela pour des considérations fiscales. Le 13 septembre 2001, A.________ a rédigé un document intitulé "Suggestionspour l'évaluation de la banque (mécanisme pour les cadres supérieurs)",lequel comportait une obligation de conservation des titres d'une durée dequatre ans. Lors d'une séance du 14 novembre 2001, le conseil d'administration a indiquéque le plan d'intéressement, alors à l'étude, devait avoir lescaractéristiques suivantes: investissement d'un pourcentage du bonus;réduction de 25% sur les titres bloqués pour cinq ans; sortie à la valeur derachat durant les trois premières années; droit au dividende. Le 20 novembresuivant, le projet a été approuvé par le comité exécutif. Le 10 décembre 2001, la banque a fait un point de la situation concernant leplan d'intéressement. Il en est résulté que deux plans d'intéressementdistincts étaient prévus, soit le "partnership" pour les membres du comitéexécutif extérieurs à la famille B.________ et le "plan de participation"pour les membres de la direction générale et les membres de la direction, aunombre d'environ cinquante. Le 17 décembre 2001, le personnel a reçu une circulaire, dans laquelle lesmembres du comité exécutif étaient qualifiés d'associés aux responsabilitésétendues et importantes, respectivement de "véritables partenaires". A.c Par lettre du 18 décembre 2001 signée par B.B.________ et C.B.________,la banque a confirmé à A.________, sous l'intitulé "1 Responsabilités", sanomination depuis le 1er juin 2001 au poste de responsable de la division"Private Banking" et des centres "offshores" du groupe X.________; selon larubrique "2 Rémunération", le document mentionnait que le salaire annuel debase de l'intéressé était porté à 1'323'900 fr., auquel s'ajoutait uneindemnité pour frais de représentation de 176'100 fr., étant précisé queladite augmentation de salaire serait valable rétroactivement dès le 1er mai2001 et que le contrat de partenariat promis serait signé avec effetrétroactif à la même date; d'après le libellé "3 Délai de résiliation", ledélai de congé du contrat de travail était porté, avec effet immédiat, à 12mois; une dernière clause désignée "4 Prévoyance professionnelle" mentionnaitle salaire assuré (art. 64 al. 2 OJ). La lettre du 18 décembre 2001spécifiait encore in fine que "les autres clauses (du) contrat du 19 mars1998 demeur(aient) inchangées" (art. 64 al. 2 OJ). Il a été retenu qu'un mémorandum interne de la banque, daté du 29 novembre2001, spécifiait que l'augmentation de la rémunération de certains cadres à1'500'000 fr., avec effet rétroactif au 1er mai 2001, entraînait lasuppression de tout bonus. A.d Dans le contexte de l'année 2001, laquelle s'est révélée difficile pourla banque, les prestations de A.________ ont été jugées trèsprofessionnelles. La situation économique a poursuivi sa dégradation en 2002, notamment dans ladivision du "Private Banking". Les deux plans d'intéressement en coursd'élaboration ont alors été modifiés afin d'être établis non plus sur lavaleur boursière des titres de la banque, mais sur la valeur comptable del'entreprise. En juin 2002, le secteur "Private Banking" a été scindé en deux divisions,soit le "Private Banking I", qui recouvrait le secteur correspondant d'unétablissement nouvellement acquis par X.________, et le "Private Banking II"conduit par A.________. A.e Le 10 mars 2003, un projet du plan d'intéressement destiné aux membres ducomité exécutif a été transmis à A.________ par B.B.________ en tant que"concrétisation de l'engagement pris le 31mai 2001", afin que le premierpuisse formuler ses observations. A.________ a fait part singulièrement deson mécontentement au sujet des dividendes - qui, selon lui, devaient êtreacquis indépendamment de la durée du contrat de travail -, ce qui a suscitél'incompréhension de B.B.________. Ce dernier a précisé à A.________, parlettre du 19 juin 2003, que les dividendes en question ne seraient acquisdans leur totalité qu'à la condition que leur bénéficiaire restât au servicede la banque pendant six ans à compter du mois de juin 2003, et que lesdividendes déjà versés depuis 2001 sur ces titres se retrouvaient dans leprix d'acquisition des actions, lequel avait été diminué à due concurrence;ainsi, leur acquéreur profitait économiquement du montant des dividendes enpayant moins pour l'achat des titres. Le 30 juin 2003, un plan définitif de partenariat, préparé par la banque, aété adressé à A.________, ainsi qu'à D.________ et E.________. X.________indiquait au premier nommé que ce plan lui permettait d'acquérir 0,5% ducapital-actions de Y.________ SA. Le plan devait arriver à maturité le 1erjuillet 2009. En cas d'acceptation, A.________ était prié de signer ledocument et de le retourner à X.________. Afin de permettre le financement dudit plan, X.________ proposait audirecteur un contrat de prêt portant sur 5'864'269 fr.85. Dans un courrier du même jour, la banque a en outre fait savoir à A.________que les deux tiers de sa rémunération annuelle brute, soit 1'000'000 fr., luirestaient acquis et qu'il s'y ajouterait un bonus maximal de 500'000 fr.versé en fonction de l'atteinte des objectifs fixés par la banque (art. 64al. 2 OJ). Le 20 août 2003, les deux autres membres du comité exécutif concernés par leplan de partenariat, à savoir D.________ et E.________, ont signé le plan quileur avait été proposé. Par courrier du 30 septembre 2003, A.________ s'est refusé à signer le planproposé, au motif qu'il ne reflétait pas l'accord original du mois de mai2001, lequel devait permettre une acquisition pleine et entière des actions,"sans période de titularisation". B.B.________, prenant acte du refus del'intéressé, a écrit à ce dernier le 14 octobre 2003 qu'en présentant le planen cause, il considérait avoir honoré sa promesse du mois de mai 2001d'ouvrir le capital-actions de la banque. X.________ a répondu pour sa part àA.________ le 21 octobre 2003 qu'un accord originel, tel que ce dernierl'avait évoqué, n'avait jamais existé. A.f Pour l'année 2003, X.________ avait estimé insatisfaisants les résultatsdu secteur "Private Banking". Au début 2004, au vu de l'aggravation des tensions avec A.________, laquellefaisait apparaître que les rapports de travail ne pourraient plus êtremaintenus, la banque a relancé F.________, qu'elle avait rencontré enseptembre 2003 pour un poste de "Head of Asset Manager", en lui proposantcette fois de reprendre la direction du "Private Ban- king II". A. ________, qui avait jugé prudent de laisser passer un peu de temps aprèsavoir reçu le pli de B.B.________ d'octobre 2003, lui a répondu par lettre du28 avril 2004. Soulignant les divergences d'opinion existant au sujet du plande partenariat, le directeur a proposé de signer un contrat de duréedéterminée avec X.________, correspondant au terme de la période de"titularisation", cela afin de garantir sa présence au sein de la banquejusqu'en 2006. Se référant à un entretien du même jour, la banque, par pli du 18 mai 2004, arésilié le contrat de travail de A.________, avec effet au 31 mai 2005. Ellel'a libéré de son obligation de travailler à compter du 21 mai 2004, lesvacances devant être prises durant le délai de congé.Invitée à donner les motifs du congé, X.________ a indiqué que la positionparticulièrement élevée qu'occupait A.________ nécessitait un lien deconfiance particulièrement fort, lequel avait été irrémédiablement rompu.Elle a déclaré que l'intéressé n'avait pas atteint les objectifsprofessionnels qui lui avaient été fixés au cours des deux dernières annéeset que ses rapports avec les autres membres du comité exécutif s'étaientdétériorés. La banque a réfuté tout lien entre le refus de A.________ designer le plan de partenariat et le congé qui lui a été signifié huit moisplus tard. Le 1er juillet 2004, X.________ a engagé F.________ en tant que successeur deA.________. Ce dernier, par pli du 21 septembre 2004, a déclaré résilier lecontrat de travail avec effet immédiat, notamment au motif que la longueinactivité à laquelle il était contraint par sa libération du devoir detravailler était de nature à lui causer un préjudice difficilement réparable.Ce congé a été accepté par la banque le 29 septembre 2004. B.B.aPar demande du 29 juillet 2004, A.________ a actionné la banque devant lajuridiction des prud'hommes genevoise. Dans ses dernières conclusions, ledemandeur a requis que la défenderesse soit condamnée à lui payer lesmontants suivants:- 750'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 28 mai 2004, à titred'indemnité pour licenciement abusif correspondant à six mois de salaire; - 4'128'125 fr., avec divers intérêts, à titre d'indemnités pour la violationpar la banque de son obligation de verser les dividendes dus en vertu ducontrat de partenariat; - 900'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 26 août 2004 au titre de bonus pourles années 2001 à 2003. Le demandeur a fait valoir qu'il avait conclu avec la banque un accordportant sur la participation à un plan d'intéressement afférent aucapital-actions de Y.________ SA et que la défenderesse, en lui proposant parla suite un contrat de partenariat qui ne correspondait pas à cet accord,avait imparfaitement exécuté ladite convention. Il en a déduit qu'il avaitdroit à l'intérêt positif au contrat jusqu'au 31 mai 2005. A.________ aqualifié son licenciement de doublement abusif; d'une part, il était laconséquence de son refus d'accepter une modification défavorable de sesconditions de travail devant entrer en vigueur avant l'écoulement du délai decongé (congé-modification); d'autre part, le congé avait immédiatement suivisa réclamation tendant à l'exécution d'une obligation résultant de soncontrat de travail. La défenderesse a conclu, quant au fond, au déboutement du demandeur. Labanque a exposé qu'aucun accord oral n'avait été conclu en 2001 entre lesparties et que le plan de partenariat concrétisant la promesse deB.B.________ n'avait jamais été accepté par le demandeur. Elle a en outreindiqué que le licenciement intervenu ne pouvait être qualifié d'abusif, dèsl'instant où il était dû à la dégradation tant des rapports de travail que dela qualité des prestations de A.________. En cours d'instruction, la défenderesse a produit une lettre de Y.________SA, indiquant qu'une participation de 0,5% à son capital aurait donné droitaux dividendes suivants: - 1'102'500 fr. pour l'année 2001;- 330'750 fr. pour l'année 2002;- 826'875 fr. pour l'année 2003;- 1'868'000 fr. pour l'année 2004. B.b Par jugement du 11 août 2005, le Tribunal des prud'hommes de Genève,après rectification d'une erreur de calcul au sens de l'art. 160 de la loi deprocédure applicable, a condamné la défenderesse à verser au demandeur lemontant brut de 100'000 fr. Cette autorité a considéré que le congé donné audemandeur ne pouvait être qualifié d'abusif, faute de connexité étroite entrele licenciement et le moment où ce cadre avait fait valoir ses prétentions;du reste, les motifs de congé allégués par X.________ paraissaient bienréels. La juridiction prud'homale a nié qu'un plan d'intéressement ait étéconclu entre les parties en 2001, de sorte que le défendeur n'était pas fondéà réclamer des dividendes à
la banque sur cette base. Elle a admis que larémunération du demandeur, telle qu'elle avait été augmentée le 18 décembre2001, avec effet rétroactif au 1er mai 2001, incluait le bonus. Toutefois,s'agissant de la période du 1er janvier au 30 avril 2001, un bonus devaitêtre attribué à A.________, par 100'000 fr. B.c A.________ a appelé de ce jugement. Statuant par arrêt du 27 février2006, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève aentièrement confirmé le jugement entrepris. En substance, l'autorité cantonale a relevé que la promesse faite parB.B.________ au printemps 2001 à propos de l'établissement d'un plan departenariat futur ne constituait qu'une déclaration d'intention, dénuée deportée juridique. Examinant encore la question sous l'angle de laresponsabilité fondée sur la confiance, elle a exposé que rien ne démontraitque la banque, par son comportement, aurait suscité chez le demandeur unespoir légitime, qu'elle aurait pu anéantir par la suite au mépris de labonne foi. Puis, la Cour d'appel a interprété à la lumière de la théorie dela confiance l'avenant du 18 décembre 2001. Elle a déduit de l'interprétationobjective de cet acte que le nouveau salaire global du demandeur, augmenté demanière très importante, ne permettait pas à A.________ d'admettre qu'ilavait en plus droit à un bonus. Enfin, la cour cantonale a expliqué que lavraisemblance des motifs de licenciement allégués par le demandeur n'avaitpas été démontrée, qu'en revanche l'incompatibilité d'humeur entreC.B.________ et A.________, devenue grave au fil du temps, avait été établie,ce qui signifiait que le congé délivré le 18 mai 2004 à ce dernier étaitparfaitement licite. B.dParallèlement à un recours de droit public, qui a été rejeté dans la mesurede sa recevabilité par arrêt de ce jour, A.________ exerce un recours enréforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Ilconclut à ce que ladéfenderesse soit condamnée à lui payer la somme de 900'000 fr. plus intérêtsà 5 % dès le 26 août 2004. L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt déféré. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Interjeté par la partie qui a très largement succombé dans ses conclusions enpaiement et dirigé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonalepar un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dontla valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recoursen réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile(art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ). Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al.1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'undroit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation dudroit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où unepartie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dansla décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une desexceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenircompte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut êtreprésenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyensde preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvertpour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de faitqui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129III 618 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, quine peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'estpas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni parl'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine). 2.Il résulte des conclusions que le recourant a prises dans la présenteinstance qu'il ne remet plus en cause l'arrêt déféré en tant qu'il a rejeté,d'une part, les prétentions qu'il déduisait de la conclusion en mai 2001 d'uncontrat de partenariat et, d'autre part, ses conclusions en paiement d'uneindemnité pour congé abusif. Ces points sont désormais acquis au débat (art.55 al. 1 let. b et c OJ). 3.A lire avec attention le mémoire de recours, il apparaît que le demandeurreproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 8 CC faute d'avoirretranscrit avec exactitude dans son arrêt la déposition de E.________. 3.1 Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf. ATF 125III 78 consid. 3b), l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III219 consid. 3c) - en l'absence de disposition spéciale contraire- etdétermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquencesde l'échec de la preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p.323; 129 III 18consid. 2.6; 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependantpas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (ATF 127III 519 consid. 2a), pas plus qu'elle ne dicte au juge comment forger saconviction (ATF 128 III 22 consid. 2d p. .25; 127 III 248 consid. 3a, 519consid. 2a). 3.2 La Cour d'appel a soigneusement résumé dans la partie "De la procédure"de sa décision, au considérant FF, la déposition de E.________. Sous lecouvert de l'art. 8 CC, le recourant tente en réalité de faire corrigerl'appréciation des preuves telle qu'elle a été opérée par les juges genevois.A considérer les précédents susrappelés, il y est irrecevable. 4.4.1Le recourant prétend que l'autorité cantonale a écarté les règlesd'interprétation littérale ou téléologique et violé le principe de laconfiance en admettant qu'il n'avait pas droit aux bonus que la défenderessea accordés à certains cadres pour les années 2001, 2002 et 2003. D'après lui,le texte clair de l'avenant du 18 décembre 2001 démontre sans conteste qu'ildevait toucher les gratifications en cause. Ilappuie sa démonstration sur lefait que l'avenant précité stipule que les "autres clauses" de son contrat du19 mars 1998 demeuraient "inchangées", alors que, précisément, ledit contratcontenait une clause prévoyant un "bonus-cible". Le recourant expose quel'intention des parties à l'avenant du 18 décembre 2001 était de le rendre àmême de participer aux résultats de la banque, ce que l'augmentation desalaire convenue, quoique importante, ne lui permettait pas. En effet, à l'encroire, cette hausse de salaire n'était que la concrétisation de son statutde partenaire voulu par l'intimée. 4.2 Lorsqu'il est amené à qualifier ou interpréter un contrat, le juge doittout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention desparties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont ellesont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable dela convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606consid. 4.1). La recherche de la volonté réelle des parties est qualifiéed'interprétation subjective (ATF 131 III 606 consid. 4.1; 125 III 305 consid.2b p. 308). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si leursvolontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations et lescomportements selon la théorie de la confiance. Il doit donc recherchercomment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi enfonction de l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective; ATF132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1;). Il doit être rappeléque le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sensobjectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci necorrespond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2 et les références doctrinales).L'application du principe de la confiance est une question de droit que leTribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1; 130 III 417 consid. 3.2).Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur lecontenu de la manifestation de volonté et sur lescirconstances, lesquellesrelèvent en revanche du fait (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 586consid. 4.2.3.1; 130 III 417 consid. 3.2). Les circonstances déterminantessont celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté (ATF131 III 377 consid. 4.2 p.382 et l'arrêt cité), à l'exclusion des événementspostérieurs (ATF 118 II 365 consid. 1 p. 366; 112 II 337 consid. 4a).Le sens d'un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, desorte que l'interprétation purement littérale est prohibée. Même si la teneurd'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulterd'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autrescirconstances que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement lesens de l'accord conclu (ATF 131 III 606 consid.4.2; 130 III 417 consid.3.2). Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texteadopté par les intéressés lorsqu'il n'existe aucune raison sérieuse de penserqu'il ne correspond pas à leur volonté (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III118 consid. 2.5; 128 III 265 consid. 3a). Une interprétation stricte selon lalettre s'impose également lorsque les parties sont expérimentées en affaireset familières des termes techniques utilisés (ATF 131 III 606 consid. 4.2;129 III 702 consid. 2.4.1 p. 708). 4.3 La cour cantonale n'a pas pu déterminer la volonté réelle et commune desparties qui ont conclu l'avenant du 18 décembre 2001. C'est donc leur volontéprésumée qu'il sied de rechercher à la lumière de la théorie de la confiance. Selon les constatations définitives de l'arrêt attaqué (art. 63 al. 2 OJ), lecontrat de travail du 19 mars 1998, par lequel la défenderesse a engagé ledemandeur à son service en tant que membre de la direction générale, étaitsubdivisé en dix points. Cet accord, après avoir arrêté la date d'entrée en fonction du recourant (ch.1) et le niveau de responsabilité qu'il devrait assumer (ch. 2), traitait desa rémunération sous ses clauses 3 et 4. Le chiffre 3 de ce contrat, sous lelibellé "traitement", fixait un salaire de base annuel brut, par 363'400 fr.,et une indemnité pour frais de représentation, par 36'600 fr.; pour sa part,le chiffre 4 autorisait le recourant à participer au plan de bonus del'intimée et arrêtait un "bonus-cible" de 150'000 fr., garanti la premièreannée, à partir duquel la gratification serait calculée. Suivaient un articleafférent au délai de résiliation (ch. 5) et deux clauses se rapportant àl'horaire de travail (ch. 6) et aux vacances (ch. 7). Le chiffre 8 concernaitla "Fondation de prévoyance", le chiffre 9 mentionnait quelques obligationslégales du directeur, alors que le chiffre 10 énumérait les documents remisau demandeur, faisant partie intégrante de son contrat de travail. Par la suite, le recourant a été promu à deux reprises par la défenderesse,ce qui a entraîné des modifications à la hausse de sa rétribution.Ainsi, désigné membre du comité de direction générale au début 2001, larémunération annuelle brute du demandeur a été augmentée, par un avenant àson contrat de travail daté du 22 janvier 2001, à 550'000 fr. dès le 1erjanvier 2001, y compris l'indemnité pour frais de représentation. Le documentmentionnait, juste en dessous de ce total, que le "bonus-cible" pour l'année2001 était relevé à 300'000 fr. L'avenant précisait in fine que toutes lesautres conditions du contrat de travail susmentionné demeuraient inchangées. Puis, par lettre du 18 décembre 2001, l'intimée a confirmé la nomination durecourant, depuis le 1er juin 2001, au poste de responsable de la division"Private Banking" et des centres "offshores" de l'établissement bancaire; cesnouvelles responsabilités faisaient l'objet du chiffre 1 de ladite écriture.Sous le chiffre 2, au regard du libellé "Rémunération", il était indiqué quele salaire annuel de base de l'intéressé était porté, avec effet rétroactifau 1er mai 2001, à 1'323'900 fr. brut, plus une indemnité pour frais dereprésentation de 176'100 fr., ce qui représentait donc un total de 1'500'000fr. par an. Par le chiffre 3 du même courrier, intitulé "Délai derésiliation", le délai de congé du contrat était porté, avec effet immédiat,à 12 mois. Le chiffre 4, sous le titre "Prévoyance professionnelle", arrêtaitle salaire assuré du demandeur. A la fin du pli en question, il étaitspécifié, comme dans l'avenant du 22 janvier 2001, que "les autres clauses(du) contrat du 19 mars 1998 demeur(aient) inchangées". Ces données factuelles révèlent que la possibilité pour le demandeurd'obtenir un "bonus-cible" d'une quotité prédéterminée était clairementréglée, tant dans le contrat de travail du 19 mars 1998 que dans l'avenant du22 janvier 2001, par une clause spéciale ou une phrase, situées immédiatementen dessous de l'indication du salaire convenu. Le contrat du 19 mars 1998montre que les questions relatives au délai de résiliation et à la prévoyanceprofessionnelle - qui n'ont pas été modifiées dans l'avenant du 22 janvier2001 - étaient en revanche abordées plus loin dans le texte. Or la lettre du 18 décembre 2001, après avoir fixé la nouvelle rémunérationdu recourant à son chiffre 2, ne fait aucune allusion à un quelconque"bonus-cible" en-dessous de cet article. L'écriture en cause se borne, dansla suite de son texte, à traiter du délai de congé et du salaire assuré dudemandeur dans le cadre du deuxième pilier, avant de mentionner que lesautres clauses du contrat du 19 mars 1998 précité restaient inchangées.Certes, cette formulation se trouvait également à la fin de l'avenant du 22janvier 2001, mais ce dernier acte avait auparavant arrêté explicitement le"bonus-cible" en valeur pour l'année considérée.Partant, il résulte déjà de la manière précise et ramassée par laquelle lesrétributions de différente nature du recourant avaient été fixéesprécédemment qu'il ne pouvait admettre de bonne foi que le simple renvoi auxautres clauses de son contrat du 19 mars 1998, inséré au terme de l'écrituredu 18 décembre 2001, signifiait qu'un droit à un bonus subsistait à compterdu 1er mai 2001. Il convient aussi de tenir compte, en accord avec la Cour d'appel, de lahausse de salaire qui a été convenue dès le 1er mai 2001 et du niveau quecette rétribution a atteint. Entre janvier et mai 2001, la rémunération durecourant a passé d'un montant maximum envisageable de
850'000 fr. à unmontant certain de 1'500'000 fr. Devant une telle augmentation salariale, quidoit sans conteste être qualifiée d'extraordinaire du moment qu'elledépassait les 75 %, le demandeur ne pouvait raisonnablement penser que sondroit au bonus persistait. Deplus, il y a lieu de retenir que le montant dunouveau salaire du directeur était extrêmement élevé. Le demandeur, àconsidérer les circonstances peu banales de l'espèce, qui l'ont vu parvenir àce niveau de rémunération - lequel est près de trois fois supérieur à sonsalaire de départ - seulement trois ans après son entrée en fonction, nepouvait objectivement s'attendre à toucher en plus un bonus. A cela s'ajoute que les fonctions du recourant au sein de la banque se sonttransformées entre 1998 et 2001. S'il a commencé par prendre en charge lesecteur "Risk Management and Administration" de la défenderesse dès le 1ermai 1998, celle-ci lui a confié en juin 2001 la direction de la division"Private Banking", autrement dit de celle afférente à la gestion de fortune.Ces responsabilités totalement différentes justifiaient également un autremode de rémunération, où le droit au bonus était désormais absent, maislargement compensé par l'augmentation plus que substantielle du salaire debase. Comme le principe de la confiance a permis de dégager le sens de l'avenantconclu par les plaideurs le 18 décembre 2001, il n'y a plus place pourl'application d'une règle d'interprétation (ATF 122 III 118 consid. 2d). Le moyen est sans fondement. 5.En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.Les frais de la procédure seront mis à la charge du recourant qui succombe.Celui-ci devra en outre verser à l'intimée une indemnité pour ses dépens(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 9'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 10'000 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Lausanne, le 4 août 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.112/2006
Date de la décision : 04/08/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-04;4c.112.2006 ?
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