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04/08/2006 | SUISSE | N°1P.283/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 août 2006, 1P.283/2006


1P.283/2006 /fzc{T 0/2} Arrêt du 4 août 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Aeschlimann, Juge présidant,Fonjallaz et Eusebio.Greffière: Mme Truttmann. X. ________,recourant, représenté par Me Pascal Pétroz, avocat, contre Procureur général de la République et canton de Genève, case postale 3565,1211 Genève 3,Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale, casepostale 3108,1211 Genève 3. procédure pénale, appréciation des preuves, recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale de la Cour dejustice de la République et canton de GenÃ

¨ve du 27 mars 2006. Faits: A.Par jugement du 25 octobre 2005, le Trib...

1P.283/2006 /fzc{T 0/2} Arrêt du 4 août 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Aeschlimann, Juge présidant,Fonjallaz et Eusebio.Greffière: Mme Truttmann. X. ________,recourant, représenté par Me Pascal Pétroz, avocat, contre Procureur général de la République et canton de Genève, case postale 3565,1211 Genève 3,Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale, casepostale 3108,1211 Genève 3. procédure pénale, appréciation des preuves, recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale de la Cour dejustice de la République et canton de Genève du 27 mars 2006. Faits: A.Par jugement du 25 octobre 2005, le Tribunal de police de la République etcanton de Genève, statuant sur une opposition à une ordonnance decondamnation rendue par le Ministère public, a condamné X.________ à uneamende de 700 fr. pour infraction aux articles 90 ch.1 et 91 al. 1 LCR. Il est reproché à X.________ d'avoir à Genève, le 8 août 2004, conduit unvéhicule en état d'ébriété (0.85 ?, le taux maximum admis par la loi étant de0.8 ? à l'époque des faits) et percuté une voiture qui s'était arrêtée,entraînant une collision en chaîne avec deux autres véhicules. Selon le rapport d'accident, la collision s'est produite à 4h10. X.________,ainsi que le conducteur d'un autre véhicule impliqué, présentaient des signesd'ébriété. Ils ont été conduits dans les locaux de la brigade de la sécuritéroutière. Un test au moyen d'un éthylomètre s'étant révélé positif, une prisede sang a été ordonnée. L'ordre de prélèvement et d'analyse concernantX.________ indique 4h30 comme heure de l'accident. Il mentionne également"sent l'alcool, yeux injectés, titube, incohérent" comme symptômesd'alcoolémie constatés. L'ordre de prélèvement concernant l'autre conducteursignale quant à lui 4h25 comme heure de l'accident. La prise de sang a révélé une alcoolémie de "0,78 g par kg de sang, plus oumoins 0.05 g par kg de sang". Une expertise a alors été sollicitée auprès del'Institut Universitaire de Médecine Légale (ci-après: l'Institut) pourdéterminer l'alcoolémie au moment de l'accident. Les renseignements suivantsont été communiqués à l'Institut: 3h30 (moment de la fin de l'ingestion deboissons alcoolisées); 4h10 (moment de l'événement incriminé); 6h40 (momentde la prise de sang). Les mêmes informations ont été transmises s'agissant del'autre conducteur, à l'exception de l'heure de la prise de sang (6h50).Selon le rapport de l'Institut du 30 septembre 2004, le calcul à rebours apermis de fixer, au moment de l'événement, la quantité d'alcool dans le corpsde X.________ entre 0.85 ? au minimum et 1.53 ? au maximum. B.Par arrêt du 27 mars 2006, la Chambre pénale a rejeté le recours interjetépar X.________ et a confirmé le jugement du Tribunal de police. Elle a estiméque l'heure de l'accident résultant du rapport de police pouvait valablementêtre retenue malgré l'existence d'une contradiction avec l'heure figurant surl'ordre de prélèvement et d'analyse. C.Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande auTribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre pénale et de lui renvoyer lacause pour nouvelle décision. Subsidiairement, il demande au Tribunal fédérald'annuler l'arrêt de la Chambre pénale et de le libérer des fins de lapoursuite pénale en ce qui concerne l'infraction à l'art. 91 ch. 1 LCR. Il seplaint d'une appréciation arbitraire des preuves et d'une violation duprincipe de la présomption d'innocence. La Chambre pénale se réfère aux considérants de son arrêt. Se rapportant àl'appréciation du Tribunal fédéral quant à la recevabilité du recours, leProcureur général a conclu au rejet de ce dernier. Par ordonnance du 23 mai 2006, le Président de la Ire Cour de droit public aadmis la requête d'effet suspensif présentée par X.________. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instancecantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de droitpublic en raison des griefs invoqués et qui touche le recourant dans sesintérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard des art.84 ss OJ. Aucune des exceptions à la nature cassatoire du recours de droitpublic n'étant réunie, les conclusions qui vont au-delà de la simpleannulation de l'arrêt attaqué sont en revanche inadmissibles (ATF 132 III 291consid. 1.5; 131 I 291 consid. 1.4; 131 III 334 consid. 6 p. 343). 2.Le recourant se plaint de ce que les autorités cantonales auraientarbitrairement fixé les heures déterminantes pour le calcul de son alcoolémieau moment de l'accident. Il se plaint également d'une violation du principein dubio pro reo à cet égard. Il fait en particulier valoir que l'heure del'accident mentionnée sur le rapport de police n'est pas correcte et qu'ilaurait fallu retenir celle indiquée sur l'ordre de prélèvement et d'analyse,laquelle est plus en adéquation avec les déclarations des témoins. Lescalculs opérés par l'Institut seraient donc erronés. 2.1 L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le jugen'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ousi, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductionsinsoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). Il ne suffit pas qu'uneinterprétation différente des preuves et des faits qui en découlent paraisseégalement concevable, sans quoi le principe de la libre appréciation despreuves par le juge du fond serait violé (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.).Par ailleurs, il faut que la décision attaquée soit insoutenable nonseulement dans ses motifs, mais également dans son résultat (ATF 131 I 57consid. 2 p. 61 et la jurisprudence citée), ce qu'il appartient au recourantde démontrer en vertu de l'art.90 al. 1 let. b OJ (ATF 131 I 217 consid. 2.1p. 219 et la jurisprudence citée). 2.2 La présomption d'innocence est garantie par les art. 6 par. 2 CEDH et 32al. 1 Cst., qui ont la même portée. Elle a pour corollaire le principe indubio pro reo, qui concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciationdes preuves. En tant que règle de l'appréciation des preuves, ce principesignifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de faitdéfavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble deséléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant àl'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral ne revoitles constatations de fait et l'appréciation des preuves que sous l'anglerestreint de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38). Il examine en revanche librement laquestion de savoir si, sur la base du résultat d'une appréciation nonarbitraire des preuves, le juge aurait dû éprouver un doute sérieux etinsurmontable quant à la culpabilité de l'accusé; dans cet examen, ils'impose toutefois une certaine retenue, le juge du fait, en vertu duprincipe de l'immédiateté, étant mieux à même de résoudre la question (cf.arrêts non publiés 1P.454/2005 du 9 novembre 2005, consid. 2.1, 1P.428/2003du 8 avril 2004, consid. 4.2, et 1P.587/2003 du 29 janvier 2004, consid.7.2).En l'espèce, bien qu'aussi alléguée, une violation du principe de laprésomption d'innocence invoqué comme règle sur le fardeau de la preuve n'estpas établie par le recourant, qui ne démontre pas qu'il aurait été condamnépour ne pas avoir apporté la preuve de son innocence. Son argumentation tenden réalité exclusivement à faire admettre une appréciation arbitraire despreuves par les juges cantonaux, qui les aurait conduits à dénier l'existencede doutes sérieux quant à sa culpabilité. La violation du principe invoqué nepeut donc être examinée que sous ce dernier angle. 2.3 Selon le rapport de police, l'accident s'est produit à 4h10. Le principede l'appréciation libre des preuves interdit d'attribuer d'entrée de causeune force probante accrue à certains moyens de preuve, comme par exemple desrapports de police. Cela ne signifie pas pour autant, en application de lamaxime in dubio pro reo, qu'en présence de moyens de preuve contradictoires,le Tribunal doive automatiquement privilégier les plus favorables pour leprévenu (Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, Zurich 2004, n° 290 et 296, p. 97et 100). En l'espèce, l'ordre de prélèvement et d'analyse mentionne certes quel'accident s'est produit à 4h30. Or ce document a été établi par un policierqui n'était pas présent sur les lieux, contrairement aux auteurs du rapportde police. Qui plus est, l'ordre de prélèvement relatif à l'autre conducteurmentionne quant à lui comme heure de l'événement 4h25. Comme l'a relevé àjuste titre le recourant, l'argumentation de la Cour de Justice selonlaquelle ces heures correspondraient aux moments auxquels les tests ont étéeffectués, ne résiste pas à l'examen, puisqu'il est établi que le test aumoyen de l'éthylomètre et la prise de sang ont été respectivement effectués à5h17 et à 6h40 s'agissant du recourant et à 5h30 et 6h50 s'agissant del'autre conducteur. Il n'en demeure pas moins que la fiabilité de cesdocuments est largement sujette à caution. Il n'est en effet pas concevableque les heures mentionnées puissent correspondre à l'heure de l'événement,car elles auraient, dans cette hypothèse, nécessairement été identiques pourles deux conducteurs. Il faut également relever que les heures déterminantes ont été transmises àl'Institut par l'officier de police en service qui a ordonné la prise de sanget dont le nom figure sur l'ordre de prélèvement et d'analyse. Or il aindiqué 4h10 comme heure de l'accident et non 4h30. L'heure de l'accidentcommuniquée à l'Institut concernant l'autre conducteur est au surpluségalement 4h10. Les déclarations des deux témoins ne sont pas davantage de nature à fairenaître des doutes sur l'heure indiquée dans le rapport de police. En effet,le témoin entendu par le Tribunal de police a déclaré avoir quittél'établissement environ vingt minutes avant la fermeture. Cette dernièreintervenant à 5h00, il aurait donc quitté la boîte de nuit à 4h40, suivi depeu par le recourant. A suivre cette déclaration, on ne voit pas commentl'accident aurait pu se produire entre 4h25 et 4h30, si le recourant avaitquitté l'établissement peu après 4h40, étant précisé qu'il devait encorerécupérer sa voiture à la place des Eaux-Vives. Quant au second témoin, entendu par la Chambre pénale, il a déclaré très biense souvenir avoir quitté l'établissement à 4h30 avec le recourant. Cettedéclaration doit être appréciée avec précaution, car elle intervient prèsd'une année et demie après les faits et émane d'un ami du recourant. Malgrécela, même si on devait lui donner du crédit, il n'est pas davantageconcevable que l'accident se soit produit à 4h25-4h30, si le recourant aquitté l'établissement à 4h30, étant précisé comme précédemment qu'il devaitencore aller récupérer sa voiture à la place des Eaux-Vives. Mais surtout, le recourant a lui-même déclaré à l'audience du Tribunal depolice avoir quitté l'établissement aux alentours de 4h00. Il résulte de ce qui précède que les différentes contradictions mises enévidence ne sont pas de nature à faire naître des doutes quant à la fiabilitédu rapport de police. Les griefs tirés d'une appréciation arbitraire despreuves et d'une violation du principe in dubio pro reo doivent dès lors êtrerejetés. 3.Le recourant conteste également l'heure retenue pour le moment de la fin del'ingestion de boissons alcoolisées. Ce grief n'a cependant pas été traitépar la Cour de Justice et le recourant ne lui en fait pas le reproche. Adéfaut d'épuisement des instances cantonales sur ce point (art. 86 OJ), legrief est irrecevable. Pour le surplus, le recourant ne conteste pas les conclusions de l'expertisecompte tenu des paramètres qui ont été pris en considération. 4.Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté dans la mesure oùil est recevable. Le recourant, qui succombe, doit supporter l'émolumentjudiciaire (art. 153, 153a et 156 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auProcureur général et à la Chambre pénale de la Cour de Justice de laRépublique et canton de Genève. Lausanne, le 4 août 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le juge présidant: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.283/2006
Date de la décision : 04/08/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-04;1p.283.2006 ?
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