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03/08/2006 | SUISSE | N°4P.292/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 août 2006, 4P.292/2005


{T 0/2}4P.292/2005 /ech Arrêt du 3 août 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.Greffière: Mme Godat Zimmermann. SI A.________ SA,recourante, représentée par Me Alain Schweingruber, contre Institution B.________ SA,intimée, représentée par Me Olivier Steiner,Cour suprême du canton de Berne, Cour d'appel, 2ème Chambre civile, casepostale 7475, 3001 Berne. double motivation; art. 9 Cst. (appréciation arbitraire des dépenscantonaux), recours de droit public contre le jugement de la 2ème Chambre civile de laCour d'appel du canton de

Bernedu 7 septembre 2005. Faits: A.En 1984, la Fondation C._...

{T 0/2}4P.292/2005 /ech Arrêt du 3 août 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.Greffière: Mme Godat Zimmermann. SI A.________ SA,recourante, représentée par Me Alain Schweingruber, contre Institution B.________ SA,intimée, représentée par Me Olivier Steiner,Cour suprême du canton de Berne, Cour d'appel, 2ème Chambre civile, casepostale 7475, 3001 Berne. double motivation; art. 9 Cst. (appréciation arbitraire des dépenscantonaux), recours de droit public contre le jugement de la 2ème Chambre civile de laCour d'appel du canton de Bernedu 7 septembre 2005. Faits: A.En 1984, la Fondation C.________ SA (ci-après: la fondation) a vendu à la SIA.________ SA (ci-après: la SI) un immeuble, à X.________. Par acte notariédu 7 septembre 1984, la fondation a concédé gratuitement à la SI un droit depréemption pour trente ans sur les immeubles n°s 1 et 2 du ban de X.________,contigus à la parcelle vendue. Selon contrat du 14 janvier 2000 intitulé «Vente immobilière», la fondation,devenue entre-temps Institution B.________ SA, a transféré à la sociétécoopérative D.________ (ci-après: la coopérative) la propriété des immeublesn°s 1 et 2 pour les montants de 2'000'000 fr., respectivement 750'000 fr. Cesprix sont nettement inférieurs à la valeur vénale des immeubles en cause. Lestransferts ont été inscrits au registre foncier le jour même de la conclusiondu contrat. Dans un courrier du 18 janvier 2000, la fondation expliquait à la SI que sonorgane de contrôle l'avait contrainte à rationaliser son patrimoineimmobilier, en particulier celui nécessitant d'importants travaux derénovation; dans ce but et afin de préserver les intérêts des locataires,elle avait décidé notamment de transférer les immeubles susmentionnés à unesociété coopérative d'habitation d'utilité publique, dont le capital étaitentièrement souscrit par elle. Par lettre du 28 janvier 2000, le notaire de la SI a informé la fondation quesa cliente entendait exercer son droit de préemption sur les immeublesvendus. La fondation a refusé d'entrer en matière, mais a indiqué qu'elleétait disposée à ce que la coopérative consente à octroyer un droit depréemption en faveur de la SI pour une durée de quinze ans. B.Par mémoire de demande du 12 juillet 2001, la SI a introduit contre lafondation une action en paiement de la somme de 3'000'000 fr. ou de tel autremontant à dire de justice, avec intérêts à 5% dès le 14 janvier 2000. En dernier lieu, la fondation a conclu au rejet de la demande.Par jugement du 10 janvier 2005, le Président 2 de l'arrondissementjudiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville a débouté la SI de toutes sesconclusions. Statuant le 7 septembre 2005 sur appel de la SI, la 2ème Chambre civile de laCour d'appel du canton de Berne a également rejeté la demande. C.La SI forme un recours de droit public. Elle conclut à l'annulation,respectivement la cassation, éventuellement la réforme du jugement cantonal. La fondation propose, principalement, de déclarer le recours irrecevable et,subsidiairement, de le rejeter dans la mesure de sa recevabilité. Pour sa part, la Cour d'appel a pris position sur l'article 8 du mémoire derecours concernant le montant des dépens alloués à l'intimée en instancecantonale. Pour le surplus, elle se réfère aux considérants de sa décision. Parallèlement, la SI a déposé un recours en réforme au Tribunal fédéral,ainsi qu'un pourvoi en nullité cantonal contre le jugement du 7septembre2005. Par ordonnance du 11 novembre 2005, le Président de la Ire Cour civile duTribunal fédéral a, d'une part, suspendu la procédure relative au recours dedroit public jusqu'à droit connu sur le moyen extraordinaire de droitcantonal et, d'autre part, constaté que la procédure relative au recours enréforme était suspendue de plein droit pour la même durée. Par jugement du 8 mars 2006, le Plenum de la Section civile de la Coursuprême du canton de Berne a rejeté le pourvoi en nullité. Par arrêt de ce jour rendu dans la cause connexe 4P.108/2006, le Tribunalfédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours de droitpublic que la SI a déposé contre le jugement du 8mars 2006. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient detraiter le recours de droit public avant le recours en réforme. 2.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59, 153 consid.1 p. 156; 131III 667 consid. 1 p. 668). 2.1 Le recours a été déposé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans laforme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ); il a été formé pour violation dedroits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ) contre unedécision finale prise en dernière instance cantonale (art. 86 al.1OJ), entout cas s'agissant du grief fondé sur l'art. 9 Cst. (arbitraire). La recourante est personnellement touchée par le jugement attaqué, qui ladéboute de ses conclusions en paiement et la condamne à verser à l'intimée unmontant de 96'290 fr.70 pour les dépens de première instance et un montant de32'344 fr. pour les dépens de seconde instance; la qualité pour recourir doitainsi lui être reconnue (art. 88 OJ). 2.2 Vu la nature cassatoire du recours de droit public, il n'y a pas lieud'entrer en matière sur les conclusions qui vont au-delà de l'annulation dela décision attaquée (ATF 131 I 291 consid. 1.4; 129 I 173 consid. 1.5 p.176), sauf exceptions non réalisées en l'espèce (ATF 131 III 334 consid. 6 p.343; 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132). Par conséquent, la conclusionsubsidiaire de la recourante tendant à la réforme du jugement cantonal estirrecevable. 2.3 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que lesgriefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'actede recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258consid. 1.3 p. 261/262). Le recourant ne peut se contenter de critiquer ladécision attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autoritéde recours peut revoir librement l'application du droit (ATF 128 I 295consid. 7a). L'art. 90 al. 1 let.bOJ n'autorise pas l'auteur d'un recoursde droit public à présenter sa propre version des événements (ATF 129 III 727consid.5.2.2). En l'espèce, dans la mesure où il porte sur le fond de l'affaire et non surle montant des dépens alloués à l'intimée, le recours consisteessentiellement en une présentation, de nature largement appellatoire, desarguments à la base de la demande. La question de savoir si cette partie durecours doit déjà être déclarée irrecevable pour ce motif-là peut resterindécise. En effet, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur les articles 1à 7 du recours pour une autre raison. 2.4 La Cour d'appel a rejeté l'action en paiement de la recourante pour deuxmotifs. Tout d'abord, elle a jugé que l'acte du 14 janvier 2000 neconstituait pas un cas de préemption au sens de l'art. 216c al.1 CO et queson exécution ne pouvait ainsi engager la responsabilité contractuelle del'intimée envers la recourante. A titre subsidiaire, elle a ajouté que lademande devait, de toute manière, être rejetée, la recourante n'ayant pasapporté la preuve qu'elle avait subi un dommage. Lorsque la décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations, alternativesou subsidiaires, toutes suffisantes, chacune doit, sous peined'irrecevabilité, être attaquée avec le moyen ou le motif de recoursapproprié (ATF 131 III 595 consid. 2.2 p. 598, 129 I 185 consid. 1.6 p. 189et l'arrêt cité; 121 IV 94 consid. 1 p. 95). En l'espèce, la recourante ne dit mot de la question du dommage dans sonmémoire. Elle ne s'en prend d'aucune manière à l'appréciation des preuves quia conduit la cour cantonale à nier l'existence d'un préjudice. Or, dire s'ily a eu ou non un dommage est une question de fait qui doit être soumise auTribunal fédéral par un recours de droit public (ATF 130 III 145 consid. 6.2p. 167 et les arrêts cités). Faute d'avoir attaqué la motivation subsidiairedu jugement attaqué dans son recours de droit public, la recourante a déposéun acte irrecevable, sauf sur la question de la quotité des dépens alloués àl'intimée. 3.A l'article 8 de son mémoire, la recourante se plaint du caractère choquantet, partant, arbitraire des montants alloués par la Cour d'appel à l'intiméepour ses dépens en première et en deuxième instance, soit, respectivement,96'290 fr.70 et 32'344 fr. Elle reproche également à l'autorité cantonale dene pas avoir motivé sa décision sur ce point, en violation du droit d'êtreentendu. Selon la recourante, les honoraires alloués représenteraient, pourla première instance, 43jours ouvrables de travail et, pour la secondeinstance, 14 jours ouvrables, si l'on se fonde sur un tarif horaire de 260fr. Une telle somme de travail serait largement excessive. Au surplus, laCour d'appel ne pouvait, selon la recourante, se fonder sur le décret sur leshonoraires des avocats du 6 novembre 1973 (ci-après: le décret), car cet actecantonal contreviendrait notamment à la loi fédérale sur les cartels. 3.1 Selon la jurisprudence, la décision fixant le montant des dépens allouésà une partie obtenant totalement ou partiellement gain de cause n'a enprincipe pas besoin d'être motivée (ATF 111 Ia 1 consid.2a; plus récemment,arrêt U 85/2004 du 14 mars 2005, consid. 3.2; consid. 6.2 non publié de l'ATF129 III 675). Lorsqu'il existe un tarif fixant des minima et des maxima, lejuge ne motivera sa décision que s'il sort de ces limites ou si des élémentsextraordinaires sont invoqués par la partie (ATF 111 Ia 1 consid. 2a; arrêtprécité du 14mars 2005, consid. 3.2). Aucune de ces hypothèses n'étant réalisée en l'espèce, le moyen tiré d'uneviolation de l'obligation de motiver tombe à faux. 3.2 Lorsqu'elle prétend que le décret est contraire au droit fédéral,singulièrement à la loi sur les cartels, la recourante formule un griefirrecevable. D'une part, elle ne motive pas son point de vue, contrairementaux exigences posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ. D'autre part, elle necite pas le principe de la primauté du droit fédéral, consacré à l'art. 49al. 1 Cst., et ne se prévaut ainsi pas de la violation d'une normeconstitutionnelle (cf. art. 84 al. 1 let. a OJ). 3.3 Il reste à examiner si la fixation des dépens aux montants susmentionnésrésiste au grief d'arbitraire. 3.3.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle estmanifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principejuridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante lesentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivationsoit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dansson résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solutionretenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifesteavec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'undroit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solutionparaît également concevable, voire même préférable (ATF 132 III 209 consid.2.1 p. 211; 131 I 57 consid. 2, 217 consid. 2.1; 129 I 8 consid. 2.1). L'interdiction de l'arbitraire implique que la rémunération de l'avocatdemeure dans un rapport raisonnable avec la prestation fournie et necontredise pas d'une manière grossière le sentiment de la justice (ATF 93 I116 consid. 5; arrêt 4P.140/2002 du 17 septembre 2002, consid. 2.2). Le jugedispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation; il doit tenir comptede l'importance et de la complexité de la cause, de l'ampleur du travailfourni et du temps que l'avocat y a consacré (ATF 114 V 83 consid. 4b p. 87).L'importance de la cause est fonction essentiellement de la valeurlitigieuse, qui accroît la responsabilité assumée par l'avocat (arrêt précitédu 17 septembre 2002, consid. 2.2). Ces éléments sont également pris encompte en droit bernois. Selon l'art. 66 CPC/BE, le juge fixera lesindemnités de partie et les honoraires d'avocat dans les limites du tarif enappréciant librement les pertes de temps, la nature du travail fourni et lavaleur ou l'importance du litige. L'art. 4 al. 1 du décret précise que leshonoraires normaux, hors débours (art. 6 al. 1 du décret), sont fixés dansles limites du tarif selon la responsabilité que l'avocat assume, le tempsconsacré par l'avocat à l'affaire suivant les circonstances, l'importance quel'affaire revêt pour le mandant et les conditions pécuniaires des parties. En définitive, l'application correcte d'un tarif d'honoraires exclut toutschématisme. Elle suppose que l'autorité compétente prenne en considérationl'ensemble des circonstances du cas particulier et qu'elle les examine auregard des critères susmentionnés, à savoir les intérêts en jeu, l'importancede l'affaire, la responsabilité encourue par l'avocat et le temps nécessaireà l'exécution du mandat. C'est avant tout à l'autorité cantonale qu'ilappartient de déterminer le poids respectif de ces divers facteurs. Le jugeconstitutionnel ne doit intervenir que si cette autorité adopte une solutionqui implique l'existence d'une disproportion évidente, dans un sens ou dansl'autre, entre les services rendus et les honoraires de l'avocat, au pointd'apparaître inconciliable avec les règles du droit et de l'équité (arrêt4P.225/1999 du 9 février 2000, consid. 3a in fine). 3.3.2 Conformément à l'art. 65 CPC/BE, les deux mandataires successifs del'intimée ont produit leurs notes de frais pour taxation. Selon la noteproduite en première instance, les honoraires de l'avocat s'élèvent à 89'000fr., le montant total des dépens avec débours et TVA étant de 96'290 fr.70.D'après le mémoire d'honoraires et de débours déposé en deuxième instance,les honoraires se montent à 30'000 fr., la somme globale des dépens étant de32'344 fr. La Cour d'appel a alloué à l'intimée les dépens tels que calculéspar les mandataires de la partie. Pour une valeur litigieuse de 3'000'000 fr., comme en l'espèce, l'art. 10let. a du décret prévoit des honoraires pouvant atteindre 3,8% de laditevaleur, soit 114'000 fr. Le montant de 89'000 fr. alloué à titre d'honorairesse situe largement en deçà de ce maximum. Pour une procédure de recours menéepar le même avocat, les honoraires représentent 30 à 50% des honorairesnormaux (art. 10 let. d du décret), soit, en l'occurrence, un maximum de57'000 fr. Là encore, les honoraires taxés à 30'000 fr. sont largementinférieurs, alors même que la partie était représentée par un autre avocat enappel. A titre de comparaison, on observera que le propre mandataire de larecourante a chiffré ses honoraires à 100'000 fr. en première instance et à25'000fr. en deuxième instance (notes d'honoraires du 4 novembre 2004 et du7 septembre 2005). Pour le surplus, il est à relever que l'affaire présentaitune certaine complexité, notamment au niveau de l'établissement des faits,qu'elle a donné lieu à un dossier volumineux et à plusieurs audiences, laprocédure ayant duré près de trois ans et demi en première instance.
Aucunindice ne révèle dès lors une disproportion évidente et inéquitable entre letravail fourni par les deux avocats successifs de l'intimée et les dépensalloués à cette dernière. Il s'ensuit que la taxation opérée par la Cour d'appel ne procède pas d'uneappréciation arbitraire de la situation. En tant qu'il s'en prend à laquotité des dépens, le recours ne peut être que rejeté. 4.Vu le sort réservé au recours, il se justifie de mettre les frais judiciairesà la charge de la recourante (art. 156 al. 1 OJ), qui versera en outre àl'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 17'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimée une indemnité de 19'000 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la2ème Chambre civile de la Cour d'appel du canton de Berne. Lausanne, le 3 août 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.292/2005
Date de la décision : 03/08/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-03;4p.292.2005 ?
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