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02/08/2006 | SUISSE | N°4C.161/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 août 2006, 4C.161/2006


{T 0/2}4C.161/2006 /ech Arrêt du 2 août 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.Greffière: Mme Godat Zimmermann. X. ________ SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Lucio Amoruso, contre A.________,demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Charles Sommer. enrichissement illégitime; répétition de l'indu; erreur, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 17 mars 2006. Faits: A.Entreprise établie à Genève, X.________ SA commercialise notamment desarticles de papeterie ainsi q

ue des fournitures et des meubles de bureau.Y.________ AG est une ...

{T 0/2}4C.161/2006 /ech Arrêt du 2 août 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.Greffière: Mme Godat Zimmermann. X. ________ SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Lucio Amoruso, contre A.________,demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Charles Sommer. enrichissement illégitime; répétition de l'indu; erreur, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 17 mars 2006. Faits: A.Entreprise établie à Genève, X.________ SA commercialise notamment desarticles de papeterie ainsi que des fournitures et des meubles de bureau.Y.________ AG est une entreprise alémanique qui fabrique des équipements debureau. Pendant plusieurs années, X.________ SA a commandé du mobilier debureau directement à Y.________ AG. Dès l'été 1999, celle-ci a toutefoisinformé la société genevoise que les commandes devraient désormais passer parun intermédiaire. X.________ SA a choisi alors de traiter avec A.________,notamment parce que ce dernier acceptait de lui accorder des remises sur lesfactures de 39% au lieu de 35%. Par lettre du 6 octobre 1999, A.________ aconfirmé à X.________ SA son «accord de collaboration» pour la vente demobilier de bureau Y.________. Le courrier était accompagné d'un document àl'en-tête de A.________, qui comportait les passages suivants: «Conditions générales de facturation comme prévu selon entretienRabais 39% + TVA, pour de gros contrats, se consulter pour rabaissupplémentaires.[...]Divers[...]Un contrat pourra être établi entre A.________ et la SA X.________ avecprécision des dates ou des modifications à discuter.» Du 13 juillet au 10 octobre 2000, A.________ a adressé à X.________ SA douzefactures avec des rabais allant de 0% à 30%, puis, du 10 octobre au 7novembre 2000, quarante-huit factures assorties d'un rabais de 39%. Par la suite, la majorité des cent quatre-vingt-neuf factures établiesjusqu'en février 2003 mentionnaient expressément un rabais de 37%. Toutes lesfactures ont été acquittées. Le 14 février 2003, A.________ a adressé à X.________ SA une facture de111'422 fr.45, après déduction d'un rabais de 37% et prise en compte de laTVA. Sans contester le montant précité, X.________ SA a remis à A.________,par courrier du 13mars 2003, un tableau récapitulatif des factures établiesentre le 10novembre 2000 et le 14 février 2003 «sur lesquelles le rabais de39%, convenu selon les conditions générales du 6 octobre 1999 (...),n'a[vait] pas été appliqué»; en conséquence, elle réclamait une note decrédit de 38'477 fr.35, à réception de laquelle le solde de 72'845fr.10 dela facture du 14 février 2003 serait réglé. Le 21 mars 2003, A.________ aenvoyé à X.________ SA une note de crédit de 8'065 fr.75, correspondant à desrabais respectifs de 37% sur deux factures et 7,6% sur une troisième; cesfactures ne comportaient à l'origine aucun rabais. Les parties se sontrencontrées peu après. A cette occasion, A.________ a expliqué que lamodification du taux de remise se justifiait par l'augmentation du travailinduite par la réception du matériel dans ses locaux, imposée par Y.________AG. Le 14 avril 2003, X.________ SA a versé 60'000fr. à A.________. Après une mise en demeure restée sans suite, A.________ a fait notifier àX.________ SA, le 7 juillet 2003, un commandement de payer le montant de111'422 fr.45 sous déduction de 60'000 fr. La poursuivie a formé opposition. B.Le 2 octobre 2003, A.________ a introduit action contre X.________ SA enpaiement de 111'422 fr.45 plus intérêts à 5% dès le 25 février 2003, sousimputation de 8'065 fr.75, 60'000 fr. et 16'888fr.45. La défenderesse s'estopposée à la demande, en relevant qu'elle n'avait jamais accepté la réductiondu taux de rabais de 39à 37%. Par jugement du 19 mai 2005, le Tribunal de première instance du canton deGenève a débouté A.________ de toutes ses conclusions. Statuant le 17 mars 2006 sur appel du demandeur, la Chambre civile de la Courde justice a entièrement admis la demande et condamné X.________ SA à payer àA.________ la somme de 43'356 fr.70 plus intérêts à 5% dès le 10 juin 2003,sous imputation de 16'888 fr.45 versés le 31 juillet 2003. C.X.________ SA interjette un recours en réforme. Elle conclut à l'annulationde l'arrêt attaqué et au rejet de la demande en paiement de A.________.Le demandeur propose le rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires,et dirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonalepar un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dontla valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recoursest en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al.1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'undroit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), ni la violationdu droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnementjuridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moinsque des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertancemanifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autoritécantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents,régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2, p. 106, 136 consid. 1.4, p. 140; 127 III 248 consid. 2c). Dans la mesure où le recourant présente un état de fait qui s'écarte de celuicontenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'unedes exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'entenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefscontre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux(art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pourremettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait quien découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4, p. 140; 128 III 271 consid. 2b/aa,p. 277; 127 III 247 consid. 2c, p. 252). 1.3 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà desconclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifsdéveloppés dans les écritures (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid.3.2.2, p. 415), ni par l'argumentation juridique suivie par la cour cantonale(art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4, p. 140; 128 III 22 consid.2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). 2.La défenderesse a invoqué la compensation. Par ce moyen, elle entend obtenirla restitution des montants qu'elle estime avoir payés en trop; ceux-cicorrespondent à la différence entre le taux de rabais de 37% appliqué par ledemandeur à un nombre important de factures et la remise de 39% convenue dansles conditions générales du 6 octobre 1999. Le point litigieux porte donc surl'existence de la créance que la défenderesse oppose en compensation à laprétention du demandeur. 2.1 Selon l'arrêt attaqué, la défenderesse ne disposait pas d'une tellecréance. Les juges genevois ont considéré tout d'abord que la défenderesseexerçait une prétention fondée sur les règles de l'enrichissement illégitime,plus précisément sur l'art. 63 al. 1 CO (répétition de l'indu). Conformémentà cette disposition, il appartenait à la défenderesse de prouver qu'elleavait payé par erreur. La preuve en question n'ayant pas été rapportée, lacour cantonale a écarté la créance compensatoire déjà pour ce motif. Dans unemotivation supplémentaire, la Chambre civile a jugé qu'en attendant deux anset quatre mois avant de contester le taux de rabais appliqué, la défenderessen'était plus fondée à réclamer de bonne foi la restitution du montantprétendument versé en trop. Appliquant le principe de la confiance, elle aégalement estimé que la défenderesse avait accepté la modification del'accord d'octobre 1999 par actes concluants. 2.2 Dans son recours, la défenderesse commence par s'en prendre à laqualification de l'accord du 6 octobre 1999 donnée par la cour cantonale. Ilne s'agirait pas d'un contrat innommé de livraison, mais d'une vente. De sadémonstration, la défenderesse ne tire toutefois aucune conclusion juridiqueen rapport avec la question litigieuse, de sorte que l'argument tombe à faux.Pour le surplus, la défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir méconnules art. 8 CC, 6 CO et 18 CO, en appliquant en l'espèce la «clausula rebussic stantibus» et en admettant la modification tacite de l'accord du 6octobre 1999. En outre, les juges genevois auraient violé l'art. 63 al. 1 CO.En effet, la créance compensatoire ne serait pas fondée sur les règles del'enrichissement illégitime, mais résulterait de la responsabilitécontractuelle du demandeur (art. 97 ss CO). Au demeurant, la Chambre civilese serait montrée trop sévère dans l'examen de la preuve de l'erreur au sensde l'art. 63 al. 1 CO. Ce faisant, la défenderesse s'en prend aux deux motivations de l'arrêtattaqué. Elle se conforme ainsi à la jurisprudence en la matière. En effet,lorsque la décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations, alternativesou subsidiaires, toutes suffisantes, chacune doit, sous peined'irrecevabilité, être attaquée avec le moyen ou le motif de recoursapproprié (ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189 et l'arrêt cité; 121IV 94consid. 1 p. 95). 3.Il convient à présent d'examiner la première motivation ayant conduit la courcantonale à écarter la créance compensatoire. 3.1 Contrairement à ce que la défenderesse soutient, la prétention enrestitution qu'elle fait valoir est bien une créance pour enrichissementillégitime. En effet, celui qui a effectué une prestation supérieure à cequ'il devait sur la base de ses engagements contractuels ne peut réclamer ladifférence qu'en vertu du droit de l'enrichissement illégitime (ATF 130 III504 consid. 6.2 p. 510; 127 III 421 consid. 3c/bb p. 426). Le moyen tiré dela violation des art. 63 al. 1 et 97 CO est mal fondé. 3.2 L'art. 63 al. 1 CO régit la répétition de l'indu. Selon cettedisposition, celui qui a payé volontairement ce qu'il ne devait pas ne peutle répéter s'il ne prouve qu'il a payé en croyant, par erreur, qu'il devaitce qu'il a payé. Conformément au texte même de la loi, il appartient àl'appauvri de prouver qu'il s'est exécuté par erreur, c'est-à-dire qu'ilcroyait à tort devoir payer ce qu'il a payé indûment (Engel, Traité desobligations en droit suisse, p. 591). Savoir si et dans quelle mesure unepartie se trouvait dans l'erreur est une question de fait à trancher parl'autorité cantonale (cf. ATF 118 II 58 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités;arrêt 4C.227/2003 du 9 décembre 2004, consid. 5.4). En l'espèce, c'est à bon droit que la Cour de justice a mis la preuve del'erreur à la charge de la défenderesse. Selon les constatations souverainesdes juges cantonaux, B.________, collaboratrice de la défenderesse, étaitresponsable du contrôle des factures; il lui incombait de vérifier que leprix unitaire correspondait à la commande et que les pourcentages étaientconformes aux rabais accordés. La Chambre civile relève que la défenderessen'a pas fait citer son employée lors des enquêtes et, par conséquent, que lesraisons pour lesquelles la collaboratrice a avalisé le paiement de facturesavec un rabais de 37% demeurent inconnues. Elle en déduit que la défenderessen'a pas prouvé avoir payé les factures litigieuses par erreur. Il s'agit làd'une question d'appréciation des preuves que le Tribunal fédéral, saisi d'unrecours en réforme, ne peut revoir (cf. consid. 1.2 ci-dessus). Lorsqu'ellereproche à la cour cantonale une trop grande sévérité dans l'examen de lapreuve de l'erreur, la défenderesse formule dès lors un grief irrecevable. Ausurplus, comme l'erreur est l'une des conditions de la répétition de l'indu,la Chambre civile n'a pas violé le droit fédéral en rejetant la créancecompensatoire invoquée par la défenderesse au motif que l'erreur n'a pas étéprouvée. 3.3 Cette motivation, qui n'est pas contraire au droit fédéral, suffit àconfirmer l'arrêt attaqué. Dans ces conditions, il ne se justifie pasd'examiner les griefs dirigés contre la motivation supplémentaire développéepar la cour cantonale. En conclusion, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable. 4.Vu le sort réservé au recours, la défenderesse prendra à sa charge les fraisjudiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera des dépens au demandeur (art. 159al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse. 3.La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 2'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 2 août 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.161/2006
Date de la décision : 02/08/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-02;4c.161.2006 ?
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